23/02/2007
Libre, le communautarisme ?
Le principe féodal et le principe communautaire sont liés : même nature, mêmes effets. Dans un cas comme dans l'autre, celui qui n'avoue aucun lien est perdu pour ses contemporains, hors-ban, fors-ban, forban.
Le ban, c'est par dimension métaphorique l'ensemble des vassaux d'un seigneur.
La communauté est un ban de liges mutuels, c'est-à-dire un ensemble de personnes qui s'engagent à préférer toujours le même groupe au détriment du reste du monde. Ils sont plus ou moins égaux par principe, entre eux et entre eux seulement.
Si l'on veut, le judaïsme se définit par principe comme le culte d'un peuple communautaire et la révolution du christianisme est présentée comme le moment où l'on dit "dorénavant, le Dieu qui protège les juifs est là pour protéger tous les humains". En vérité, le prosélytisme juif, très actif à l'époque supposée du Christ, avait déjà fait voler en éclat les vieux principes que seuls la chute du temple de Salomon et l'exil en diaspora ont remis au goût du jour. La fatalité d'un judaïsme communautaire avait été contestée avec succès, mais l'histoire antique a balayé ce succès. Dans une certaine mesure, l'expansion précoce du christianisme s'est faite sur les ruines de ce prosélytisme devenu sans base idéologique.
Parmi les autres communautés de ligences mutuelles : les corporations d'Ancien Régime, les villes, et d'innombrables sortes de groupements humains liés par ce qu'on doit nommer un égoïsme collectif sans craindre de se laisser entraîner par la pente péjorative et morale du mot égoïsme.
Bien entendu, pour matérialiser la ligence de l'individu au groupe, ce dernier exige de lui un ensemble de signes et d'actes rituels très dirimants de l'ordinaire environnant. Il s'agit de se distinguer pour s'agglomérer.
Dans une société communautaire, les groupes négocient en place des individus et sont en conflit de principe les uns contre les autres. Chacun ne poursuit que ses propres intérêts sans envisager plus que nécessaire le bien commun. Et si la hiérarchie s'installe entre les communautés, le principe léonin aboutit à des dépouillements chroniques.
Si l'on s'extrait un moment de la notion communautaire elle-même pour la comprendre, on se tourne vers les administrations centrales de l'État à la fin de la IIIe république. Pour être précis, examinons le cas de deux administrations en principe connexes qui vont fonctionner chacune pour soi au lieu de marcher ensemble : il s'agit des Affaires Étrangères et de la Défense nationale (alors, le ministère de la Guerre).
Chacune des deux prépare la guerre, à tout hasard, dans un esprit de paix si l'on veut, ou par précaution, en tout cas sans intention belliqueuse.
Pour les Affaires Étrangères, la solution de paix européenne réside dans les principes d'Aristide Briand : un ensemble de traités de solidarités croisées avec des États européens, notamment à l'orient : Tchécoslovaquie, Pologne en particulier. Ces alliances défensives supposent qu'en cas d'agression de l'un de ces États par un tiers (Allemagne, URSS), la France soit capable de projeter des troupes rapidement au soutien de son allié. Donc mobilité de l'armée.
De son côté, l'Armée adopte une politique ... absolument incompatible avec la première : la ligne Maginot, qui suppose une armée qu'on ne projette nulle part. Entièrement statique, enfermée sous terre et derrière sa muraille de béton.
Voici donc le même pays qui mène en même temps deux politiques incompatibles l'une avec l'autre et pourtant indissolublement liées. De là, l'absurdité de la fin des années 1930, l'effondrement de la trop brillante stratégie de Briand devant les questions tchécoslovaque et autrichienne, qui a révélé les contradictions de la situation globale (si nous entrions en Allemagne pour sauver les Tchèques et les Autrichiens, la ligne Maginot perdait tout son sens, or l'armée s'était équipée de matériels logiquement liés à la ligne Maginot, si bien qu'il lui en manquait qui fussent capables de mouvement, nous n'étions pas aptes à tenir nos engagements sans mettre notre propre sécurité en péril), et finalement le choix de l'opinion publique pour la ligne Maginot (donc celui de l'Armée et des marchands de canons), choix matérialisé par les accords de Munich, la honte de l'avant-guerre.
On se souvient des mots de Churchill : "Ils avaient le choix entre le déshonneur et la guerre, ils ont choisi le déshonneur et ils auront la guerre".
Et cette guerre de 1940, que nous n'avons pas voulue et que nous avons tout fait pour subir, fut perdue par la France, sur le territoire métropolitain en tout cas. La cause ? La paralysie de l'État découpé en administrations centrales comme en autant de baronnies égoïstes et communautaires.
C'est cette même paralysie qu'ont voulu combattre les meneurs de la Révolution de 1789 à travers la féodalité et son succédané, les communautarismes.
L'abolition des privilèges n'est pas seulement celle des principes d'inégalité profitables à la noblesse, mais celle de toutes les lois privées qui prévalaient aux lois générales.
Désormais, tous les citoyens relèvent directement de la loi générale et commune.
Aux yeux des révolutionnaires de l'époque, c'est une condition de liberté et d'efficacité de la Société.
Ce principe fondateur résiste sans contestation durant tout le XIXe siècle. Le XXe siècle n'a cessé de le réexaminer, de le rogner : l'esprit corporatif, la tendance des réseaux à l'institutionnalisation, le pouvoir fascisant de Vichy, ont été autant d'occasions de réintroduire des ligences.
Aujourd'hui, la pression redouble. Le modèle nord-américain exerce une attraction sur toutes les sociétés occidentales. Il colporte sa violence onthologique, ses conflits permanents, ses barrières dressées entre les individus que tout devrait porter à s'entendre.
Il paraît pourtant efficace : l'Amérique triomphe. Mais est-ce grâce aux communautés ou malgré elles ?
La fin de la France d'Ancien Régime a révélé le vrai visage des communautés : l'immobilité. Seule la circulation libre est dynamique. Toute frontière est un frein.
Elle a aussi rappelé que le conflit entre les communautés était l'une des armes de manipulation les plus efficaces de ses instigateurs, en fonction du vieux principe "diviser pour régner".
C'est donc un double instrument d'aliénation de l'individu.
Sans hostilités aux États-Unis, mais par liberté critique, nous pouvons donc rejeter le communautarisme. Il serait une régression historique et nous devons progresser au contraire vers la liberté.
18:30 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : présidentielle | | del.icio.us | | Digg | Facebook
22/02/2007
Menaces sur Internet libre ?
Par deux articles, l'un sur le forum de discussion citoyenne AgoraVox (http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=19613), l'autre sur "le blog de la présidentielle" (http://2007.blog.20minutes.fr/), la belle et excellente (et pugnace) Quitterie Delmas, dont je signale le blog en lien dans ma colonne de droite, attire l'attention de tous les blogueurs et internautes sur les derniers projets qui donnent plus que des indices sur les intentions liberticides des amis de Sarko à l'encontre de notre toute fraîche et si délicieuse liberté d'expression électronique.
Je m'associe entièrement aux conclusions de Quitterie Delmas.
Ne laissons pas Sarko et les puissances réactionnaires et financières écraser Internet.
08:10 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : blog, présidentielle | | del.icio.us | | Digg | Facebook
17/02/2007
Pluralisme : les 500 signatures ?
J'ai placé hier dans la colonne de droite l'affiche et le lien de l'Appel démocratique. Il s'agit d'encourager les élus (maires et autres) à donner leur signature à l'un des candidats qui n'en ont pas encore assez.
On comprend bien qu'il ne s'agit pour moi d'appeler ni à voter pour José Bové, ni pour Corinne Lepage, mais simplement de déverrouiller le scrutin. Question de démocratie.
Le seuil des 500 signatures, instauré par Giscard, coïncide curieusement avec la charnière de la Ve république : 1981. Or il représente en fait un retour à l'esprit de 1958, celui de la constitution avant de Gaulle : alors, le président de la république était élu par un collège composé des assemblées parlementaires et d'un très grand nombre d'élus locaux, soit le même esprit que les 500 signatures. De Gaulle, en infraction d'ailleurs avec la constitution, a considéré que le président devait être responsable directement devant le peuple : d'où le référendum instaurant l'élection du président au suffrage universel direct. C'était démocratique, au fond, ça retrempait sa légitimité, mais ça rappelait de mauvais souvenirs (Napoléon III) : le régime dit "plébiscitaire". Car le plébiscite est toujours un signe de dictature : il autorise le chef de l'état à interpréter comme il veut le mandat en blanc que lui donne le peuple. Donc les 500 signatures sont un signe pour tempérer la nature plébiscitaire du régime, déjà amoindrie depuis que Giscard avait annoncé que s'il perdait les législatives de 1978, il ne démissionnerait pas.
C'est à mon avis en raison de ce malentendu désormais persistant, de ce quiproquo qui sape le contrat passé entre les élites politiques et le peuple, que la Ve république périclite et qu'il faut remettre les choses à plat en passant à la 6e pour clarifier tout ça et établir un nouveau contrat.
Sur la question même des signatures, la synthèse réside peut-être dans une combinaison de deux critères : 500 signatures d'élus "ou" 50000 ou 100000 de citoyens. À 100000, le seuil est à mon avis dissuasif pour les farfelus.
Le pluralisme est en tout cas l'un des signes de la vitalité de la liberté.
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