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05/03/2009

Le rapport Balladur applique le programme de Bayrou ... de 2002.

Le rapport Balladur est téléchargeable (merci Pornichet). Dans l'ensemble, il est bon.

Les choix institutionnels qu'il fait sont efficaces : élection des exécutifs intercommunaux au suffrage universel direct en même temps que les communes, élection conjointe des exécutifs départementaux et régionaux au scrutin universel de liste.

Sur le redécoupage des régions, trois semblent aller d'elles-mêmes : la Bretagne, d'abord, retrouve la Loire-Atlantique qui lui avait été confisquée par Pétain au profit d'une région Pays de Loire dont aucune logique historique ne pouvait justifier l'existence. C'est d'ailleurs la nouvelle et très vaste région "Val de Loire" qui est la plus naturelle : de la Sologne au Maine, on voit bien la ressemblance des caractéristiques locales. La troisième région logique, c'est la Normandie réunifiée.

Pour le reste, les modifications n'ont pas fini de faire couler de l'encre, ce qui est leur but accessoire : dresser les régions de gauche les unes contre les autres, de façon à ramasser les morceaux.

La disparition de la Picardie est logique sur le papier : le sud du département de l'Oise est en fait culturellement francilien, l'est de l'Aisne est la Champagne, et la Picardie proprement dite n'est pas étendue. Cela étant, comme le souligne le président de cette petite région, le français est issu du picard et il est dommage d'en précipiter l'oubli.

Le regroupement de l'Alsace (unie en un seul département) et de la Lorraine ne sera pas, à mon avis, accepté par les Alsaciens.

Le rapprochement du Limousin et de l'Auvergne paraît une bonne idée : ces deux régions ont des caractéristiques communes assez nombreuses.

Le rattachement de la Vendée au Poitou est une justice historique (la Vendée est historiquement le "Bas-Poitou"), mais évidemment, la fusion du Poitou-Charente (un bigup en passant à Ségolène) et de l'Aquitaine, qui créerait une sorte de "région Plantagenêt",  ferait grincer des dents, même si les Charentes sont très liées à Bordeaux.

Les dispositions financières et fiscales sont plus complexes, on voit que le rapport corrige les assertions du présicule en chiffrant à plus de 22 milliards d'Euros (soit 11 % de leur budget) la perte de financement pour les collectivités locales de la suppression de la taxe professionnelle.

Cet aspect fiscal et financier mérite d'être potassé.

Voilà qui va intéresser Quitterie.

04/03/2009

L'Europe, c'est la paix.

Il faut se souvenir. L'oubli n'est pas toujours fécond. Il faut se souvenir de François Mitterrand, vieux, malade, usé, mourant, venant prononcer pour l'Europe son dernier grand discours dont les mots résonnent encore, quinze ans plus tard : "l'Europe, c'est la paix".

Il y avait là le témoignage d'un homme né pendant la guerre de 14, prisonnier et évadé pendant celle de 40, le témoignage d'une génération pour laquelle tout n'a été que sacrifice stupide et barbarie, dès qu'il s'est agi de concert des nations européennes, avant 1950.

Pour ceux de cette génération dont l'enfance et la jeunesse n'ont été qu'un long deuil, l'Europe a été l'utopie réalisable, le rêve tangible, atteignable, la révolution ultime des nations meurtries du vieux continent ensanglanté et mutilé. Le moyen, enfin, de faire taire les canons pour toujours et de faire travailler ensemble des peuples qui depuis des décennies s'opposaient, se battaient, se blessaient, se haïssaient.

Oui, la prodigieuse révolution historique qu'a été et que reste la construction europénne, c'est cela : transformer des ennemis en associés, en amis. Non pas amnésiques, ni angéliques, mais guéris : l'Europe, c'est la paix des braves.

Et dès lors, ce n'est pas un hasard si le dernier texte de ce très grand Européen qu'a été Daniel Riot, sur son blog, mêle le plus à vif des conflits qui se déroulent près de chez nous (le conflit entre Israël et le Hamas, les opérations à Gaza), l'idée du "vivre ensemble" et le nom de Strasbourg. C'est bien que l'Europe est cette même idée que ceux qui se croient inexpiables adversaires sont en réalité faits pour vivre ensemble, qu'ils le comprennent ou non, qu'ils l'admettent ou non. Et la construction européenne est la preuve tangible, la preuve par l'exemple, que de simples mécanismes politiques et institutionnels suffisent à créer la paix là où il n'y avait auparavant que la dévastation et le meurtre.

Nous avons le devoir d'entendre le testament des morts, de ceux qui ont subi la guerre dans leur chair, comme Mitterrand (ou tant d'autres, j'en ai connu, vous en avez connu, et on pourrait citer feu Geremek), ou de ceux qui, prenant le relais des premiers, ont consacré toutes leurs forces pendant des décennies à prolonger leur message, à le traduire, à le moderniser, à l'apprivoiser pour les peuples sans cesse amnésiques et les médias sans cesse aveuglés.

Je suis heureux que le beau texte de Quitterie sur Daniel Riot ait été repris par AgoraVox et par Betapolitique. Souvenons-nous aussi de ce que Riot a écrit, des dernières lignes de son blog, pour ne pas oublier que si nous faisons l'Europe, ce n'est pas seulement pour nous, Européens, mais aussi pour témoigner devant tous ceux qui souffrent de conflits dont ils sont les otages qu'aucune guerre n'est inéluctable, qu'il existe la paix et la concorde, que c'est possible, qu'il existe l'Europe, et que l'Europe, c'est l'espoir, un modèle, l'espoir pour tous.

17/02/2009

La Ve république, c'est fini.

La Ve république est née en 1958, treize ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale et un peu moins de vingt ans après l'effondrement de 1940. Elle est née sur un double fondement : d'une part, le discours de Bayeux où, en 1946, le général de Gaulle avait exposé sa conception de l'organisation d'une France que l'on voulait régénérer ; d'autre part, la réflexion conduite par de nombreux acteurs politiques et administratifs sur les causes de l'effondrement spectaculaire (et tragique) de 1940.

De Gaulle voulait un patron pour fixer le cap. Les analystes jugeaient que la défaite de 1940 était due en partie aux baronnies administratives et à l'abaissement du politique face à ces entités qui ont la permanence pour elles : les ministres passent, les département ministériels demeurent. Et sous la IIIe république, comme sous la IVe, les ministres passaient drôlement vite. Il fallait donc de la stabilité.

Le régime qui sortit de cette marmite était hybride : un président au-dessus de la mêlée, disposant de pouvoirs personnels consistants, et un gouvernement capable d'imposer ses vues au parlement. La bataille des nouveaux pouvoirs fut rondement menée : en 1962 le parlement se rebella contre l'exécutif, fut dissous, et l'exécutif obtint sa majorité fixe. Depuis ce temps, une seule question a hanté la pratique institutionnelle française : celle de la "dyarchie" exécutive, c'est-à-dire celle de l'exécutif bicéphale, autrement dit la rivalité plus ou moins latente entre le président de la république et son premier ministre.

Car il n'existe qu'un contrepouvoir à l'autorité présidentielle : le premier ministre. En 1968, de Gaulle limoge Pompidou qui commence à lui faire de l'ombre, quelques mois plus tard dans la campagne référendaire, Pompidou se venge et annonce que si le référendum est négatif, il est prêt, lui Pompidou, à assumer ses responsabilités. C'est la mort de de Gaulle en direct et le scénario se poursuit par la victoire feutrée de l'ex-premier ministre sur son président.

Sans entrer dans les détails, disons que la querelle dyarchique ne va cesser d'enfler : en 1978, Giscard annonce qu'en cas de victoire de la gauche aux législatives, il ne se retirera pas, et qu'il ne pourra empêcher la gauche de gouverner à sa guise. C'est une nouvelle étape qui va se cristalliser par trois cohabitations, en 1986-88 et 1993-95, et surtout 1997-2002. Sur les seize dernières années, neuf auront été alors passées en cohabitation, la majorité.

La dernière cohabitation avait produit des effets très regrettables en politique extérieure, notamment le traité de Nice, où la négociation française avait été déplorable.

Mais surtout, le long rang des candidats à la présidentielle ne pouvait accepter que le pouvoir guigné par tous fût amoindri par l'ombre parlementaire du premier ministre. Contre mon avis que je lui avais donné, Bayrou accepta l'inversion du calendrier, l'élection de l'Assemblée Nationale après celle du président, qui subordonnait celle-là à celui-ci. Exit le dernier contrepouvoir, enterré le premier ministre, il ne restait plus rien pour entraver la marche impérieuse de la volonté présidentielle.

Exit aussi l'utilité des partis politiques : les législatives n'étant plus que l'émanation de la présidentielle, il n'est plus nécessaire de les préparer par un travail de profondeur.

Finalement, il ne reste plus qu'une élection, plus qu'un pouvoir dans la république : celui du président.

Et c'est là qu'arrive Sarkozy et qu'apparaît toute l'absurdité de ce processus de cinquante ans qui a conduit à ce que l'élection la plus importante produise l'élu le plus nul.

Jamais personne n'a eu autant de pouvoirs de toutes natures en France depuis plus de cent quarante ans. Et jamais la France n'a été aussi mal gouvernée, politique étrangère floue et servile, politique économique onéreuse et improductive, politique sociale injuste et régressive, politique de justice et de police liberticide et brouillonne.

Tout ça pour ça ?

Faut-il donc continuer, par notre activité politique, à cautionner un processus qui ne peut aboutir qu'à de tels désastres ?

Certainement pas, et c'est pourquoi je suis impatient et confiant dans une initiative dont le contour n'est pas encore connu, mais qui donnera d'autres buts à notre soif d'engagement pour l'intérêt général : l'initiative de Quitterie.

10/02/2009

La révolution est-elle possible ?

Dans un beau texte dont Quitterie se fait aujourd'hui l'écho, Fred Vargas analyse la situation de l'espèce humaine sous l'angle historique de la longue traîne : il y a eu la révolution néolithique (voici environ 8000 ans), il y a eu la révolution industrielle (au XIXe siècle), nous vivrions la troisième révolution, celle d'une économie plus naturelle, plus recyclante, un retour à l'humain et à l'organique.

Fred Vargas donne là le meilleur d'elle-même. L'entrée dans l'ère post-industrielle est en effet une révolution très profonde. Personnellement, j'aurais placé une révolution de plus, parce qu'elle a coïncidé avec l'invention de la charrue et une modification radicale des rapports de production, mais peu importe, l'essentiel est que la rupture d'époque que nous constatons est infiniment plus intense que celles que nous avons vécues dans les dernières décennies. C'est un fait.

Et ce sont les entrailles du peuple qui gargouillent.

C'est de là que monte le grincement annonciateur de l'entrée dans cette révolution.

Premier signe : la résistance du marché aux aspirations de la population. Les gens veulent consommer sain et propre, et sans carbone, mais les puissances du carbone ont tellement verrouillé le marché que celui-ci ne peut pas aller vers les goûts des consommateurs. À n'en pas douter, la profondeur de la crise actuelle vient de là, de cette incapacité du marché à agir selon les lois organiques du marché. Et si le verrou demeure, comme un couvercle sur une marmite, eh bien, tôt ou tard, ça pète. C'est ce qui arrive.

Deuxième signe : l'atmosphère électrique dans laquelle le moindre événement produit des éclairs. En France, depuis déjà assez longtemps, il n'y a plus de contrepouvoirs, Montesquieu gît dans une mare de sang. Le seul contrepouvoir, c'est la rue. On l'a vu en 1984 dans la résistance de l'école privée, en 1993 contre la loi Falloux, en 2006 contre le CPE : c'est la rue qui peut bloquer les décisions des politiques lorsqu'elles paraissent injustes, disproportionnées, mal fagotées, voire liberticides.

Au moment de la dernière élection présidentielle, on nous expliquait très perspicacement que les gens étaient si abattus qu'ils en avaient perdu l'espoir d'être écoutés. Et c'est au milieu de cet abattement profond qu'est apparue la plus extraordinaire mobilisation pour une élection présidentielle que l'on ait vue depuis des décennies, les passions s'étant enflammées pour savoir lequel des candidats serait le mieux à même de déverrouiller la société française.

Il faut le dire, dans ce contexte, François Bayrou a incarné l'espoir d'une mobilisation citoyenne capable de s'élever à chaque occasion utile contre les projets les plus effrayants du pouvoir. Hélas, ce magistère moral, ce recours à l'opinion publique et à la rue, qui lui aurait été naturellement reconnu, n'a finalement pas correspondu à l'esprit tacticien de Bayrou, et le malentendu s'est dissipé, laissant le peuple grosjean comme devant, face à des politiciens obsédés par leur carrière et leur destin, et à des problèmes qui demeuraient pendants, sans cesse aggravés, notamment le réchauffement climatique, qui est la menace la plus épouvantable que connaisse l'espèce humaine aujourd'hui.

Privés de chef, les gens se sont d'abord retrouvés dans un abattement plus profond encore qu'auparavant, que nourrissait le très vif dégoût que leur inspirait l'infecte cour monarchique organisée autour de l'Élysée.

Aujourd'hui, il n'y a plus de chef, mais peu à peu, l'idée fait son chemin que les chefs ne sont pas nécessaires et que la révolte est plus forte si elle se fait pour elle-même, sans calcul, sans autre moteur que l'indignation et la colère.

Oui, en 2009, étant donné l'incapacité de notre organisation politique, en France comme dans beaucoup d'autres pays, à faire face aux enjeux les plus cruciaux de notre époque et aux mutations historiques inéluctables, la révolution est possible, la vague de révolte monte.

En France, les révolutions se font au printemps ou en été, le temps que la sève monte. C'est donc une affaire à suivre, qui peut aller très loin.

Or il faut le comprendre, cette révolution aura pour effet l'abolition de la Ve république et la fin de l'asservissement de toutes les forces politiques à l'obsession présidentielle des candidats. Que ceux qui jugent aujourd'hui le méditent.

Bretagne : vers la réunification ?

Très intéressant article à lire ici sur le remodelage des régions de l'ouest : la Loire-Atlantique réintégrerait la Bretagne dont elle a été séparée par un décret scélérat du régime de Vichy en 1941, la Vendée (qui est historiquement le Bas-Poitou) rejoindrait Poitou-Charente, et la région Centre, augmentée de trois départements du Maine et de l'Anjou, deviendrait le Val de Loire. Tout cela comporte évidemment un volet tactique pour le pouvoir, mais la Bretagne ne pourrait être que satisfaite d'une justice qui aurait bien pu lui être rendue plus tôt.

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06/01/2009

Amendements : à quand un vrai travail parlementaire ?

La droite est très mal placée pour dénoncer l'obstruction parlementaire pratiquée par la gauche. Pourquoi ? pour deux raisons. La première, c'est qu'en 1981, 1982, 1983, lors des grandes réformes de la gauche arrivée au pouvoir en 1981, la droite l'a fait, les milliers d'amendements ont été soutenus, à l'époque, dans des séances de nuit homérique, par les Madelin, Longuet et consorts. Et s'ils l'ont fait, à l'époque, c'est pour la deuxième raison qui fait que la droite est mal placée : c'est parce que c'est la seule liberté laissée au parlement. Etant donné qu'une vraie licence laissée à la conscience personnelle des députés s'oppose au principe majoritaire, il ne reste que des logiques de bloc et, donc, pour celui qui a perdu d'avance (selon l'expression d'un PS en 1981 "vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires), la seule victoire est de gagner des secondes, des minutes, parfois des jours, pour retarder un texte, sur le fond duquel elle n'a aucune prise, quelles que soient les belles paroles sur le partage du fardeau législatif proférées par Sarkozy peu après son élection. Tout cela était un évident mensonge, car c'est la moëlle épinière des institutions qu'il faudrait changer au lieu des présidences de commissions et des débauchages ministériel.

Et cette moëlle épinière, nécessaire à l'invention d'un vrai travail législatif, les deux composantes en ont été discernées, l'une, la proportionnelle, par Bayrou, l'autre, le cumul des mandats, par Quitterie Delmas.

28/11/2008

Complexité et imbrication politico-administratives : l'exemple de Clermont-Ferrand.

Le Syndicat Mixte des Transports en Commun Clermontois (SMTC) est secoué à la fois par des difficultés financières et par la complexité de sa gestion dans laquelle se mêlent des maires de diverses étiquettes politiques et le département, de même couleur que Clermont même, mais d'ambitions différentes. Autrement dit, la structure intercommunale vient en concurrence, par son ampleur et son impact, avec le projet du département, et, comme elle traverse une phase budgétaire délicate, où l'aide départementale lui est nécessaire, le syndicat tangue. On devine que, au passage, certains programmes vont prendre du retard. La suite des explications . Comme c'est compliqué, la politique !

22/11/2008

De la nature du pouvoir présidentiel.

Il faut relire la phrase de Victor Hugo que j'ai inscrite dans ma colonne de gauche : "Là où la connaissance n’est que chez un homme, la monarchie s’impose. Là où elle est dans un groupe d’hommes, elle doit faire place à l’aristocratie. Et quand tous ont accès aux lumières du savoir, alors le temps est venu de la démocratie".

Monarchie, aristocratie, démocratie, ou, si l'on veut, monarchie, oligarchie, démocratie.

On distingue dans cette phrase trois acteurs : le chef de l'État, les oligarques (càd le parlement, les grands corps de l'État, les 200 familles chères à Herriot, les grands groupes industriels, ceux qui détiennent le pouvoir dans les différentes sphères élevées de la société, la Cour en d'autres temps...), le peuple.

La IIIe et la IVe républiques, par certains côtés, étaient des oligarchies : le peuple votait pour ses représentants et avait peu son mot à dire sur le contenu des décisions politiques, que les représentants avaient tendance à confisquer. Les milieux d'affaires et les milieux parlementaires dirigeaient tout sans qu'on y pût réellement distinguer un ascendant, sauf dans des circonstances exceptionnelles ; la guerre de 14-18 "couronna" Clémenceau, mais la domination de celui-ci déplut et il ne put jamais, ensuite, parvenir à se faire désigner président de la république par ses pairs, qui lui préférèrent Deschanel puis, après que ce dernier fut reconnu fou, Millerand.

L'oligarchie a beaucoup d'inconvénients, notamment celui de tenir le peuple à l'écart des décisions jugées trop complexes pour lui. Elle trouve  commode de laisser le peuple dans l'ignorance au lieu de tenter de l'élever vers la connaissance de la réalité des décisions politiques. Les "amis du Cac 40" de Sarkozy incarnent parfaitement ce travers oligarchique.

Le peuple a fini par se lasser d'être écarté des décisions politiques. Et c'est là qu'est réapparu un artifice issu du XIXe siècle : le régime plébiscitaire. La logique est simple : puisque les oligarques sont à la fois les hiérarques des systèmes claniques locaux et ceux des entités économiques qui ont tendance à pressurer les gens au travail, il faut que quelqu'un se charge de mater ces hobereaux et, miracle, le sauveur qui peut le faire, c'est le président de la république, qui va rendre le vrai pouvoir au peuple en l'asseyant sur des consultations populaires fréquentes, des plébiscites, par lesquels le peuple pourra dire périodiquement s'il approuve la conduite du chef de l'État. Main dans la main, le "monarque" républicain, César en quelque sorte, et le peuple pourront tenir la dragée haute aux petits marquis du système.

Il se trouve que ce scénario était déjà une fiction à l'époque où le plébiscite était pratiqué (sous de Gaulle, un référendum par an sauf les années d'élections générales), mais la fonction plébiscitaire des référendums elle-même a disparu le jour où de Gaulle, renvoyé par un plébiscite, a pris sa retraite, en 1969. Dès lors, il ne reste du dispositif que le monarque républicain, de plus en plus monarque et de moins en moins républicain, puisqu'il ne cherche plus guère la voix du peuple.

Alors, évidemment, pour relancer l'esprit républicain, il est tentant de réclamer purement et simplement le retour au régime d'assemblée. Hélas, celui-ci a révélé sa nature oligarchique. Il faut donc inventer autre chose, où certes le président soit moins omnipotent, mais où les parlementaires soient plus ancrés que jadis dans le peuple.

C'est, je crois, à cette quadrature du cercle qu'il faut s'attaquer en adoptant l'idée d'un nouveau travail vers la VIe république avec Quitterie Delmas.

17/11/2008

Vers une VIe république ?

Dans sa note (excellente) de ce soir, Quitterie Delmas s'appuie sur le drame du Dr Demange, député UMP de Moselle, qui vient de tuer sa maîtresse puis de se suicider, après avoir perdu en mars dernier la mairie de Thionville, qu'il dirigeait depuis 1995. Elle évoque la pression psychologique considérable que subissent les élus, et avant eux les candidats, et avant eux les militants, pour tracer un chemin, percer, exitser, puis durer. Et elle appelle à une réforme institutionnelle profonde qui améliorerait l'engagement politique et qui, ainsi, deviendrait une pierre blanche sur le chemin de la VIe république.

Je voudrais très modestement apporter mon témoignage sur l'état d'esprit scandaleux qui règne dans la politique française.

Après quatorze ans de militantisme intense, après avoir occupé toutes sortes de postes et assumé toutes sortes de fonctions, j'ai été élu en 1995 dans mon arrondissement de Paris (le XVIe), grâce non pas à la qualité de mon engagement, mais grâce d'une part à un renvoi d'ascenseur de Jean-Luc Moudenc (devenu ex-maire de Toulouse entre-temps) en 1994, et surtout grâce au choix de soutenir Chirac plutôt que Balladur lors de la présidentielle, en 1995 également.

Comme mon deal avec Goasguen le prévoyait, je suis devenu adjoint au maire du XVIe, Pierre-Christian Taittinger. On ne m'avait aucunement préparé, ça va de soi, à la gestion municipale, et comme j'étais à la fois le plus jeune et le moins sportif, on m'a nommé à la Jeunesse et aux Sports. J'ai eu beau faire observer que mes compétences et mes penchants... ceci... celà... rien n'y a fait : la délégation Jeunesse et Sports était UDF, celles que je souhaitais étaient RPR. Bienvenue au royaume d'Ubu.

Très inexpérimenté, j'ai travaillé double. Il faut le dire, c'est une fonction à temps plein : le XVIe compte plus de 150 000 habitants et, pour mon domaine d'action, Roland Garros, le Parc des Princes, Jean Bouin (pour les amateurs de rugby), Coubertin (pour ceux de judo et d'escrime), le siège national du Stade Français, d'importantes installations dans le Bois de Boulogne, et des dizaines de milliers d'adhérents dans les clubs de quartier qui vont de la pêche à la mouche jusqu'au football. J'ai épluché les dossiers, compris (je crois) les enjeux, consacré des temps infinis à négocier des budgets, bref, fait ce qui m'apparaissait juste mais que ne font pas en général les adjoints qui préfèrent toucher leur indeminté à la fin du mois et laisser la machine politico-administrative travailler à leur place.

Au bout d'un peu plus de cinq ans de ce régime (mal payé, à peu près le SMIC, ce qui explique que les élus soient tentés de...), mon maire m'a invité ainsi que certains élus à un déjeuner un peu spécial à l'issue de la visite qu'il rendait chaque année avec nous à la paroisse Sainte-Jeanne de Chantal, près de Boulogne-Billancourt.

Il nous offrit non pas un bol de ciguë, mais quelques bouteilles tirées de sa cave, un château Cheval Blanc 1955 (un très grand vin d'une très grande année). Et tous ceux qui se trouvaient à ce déjeuner avec lui étaient aussi ceux qui ne figureraient pas sur sa liste la fois suivante, selon la négociation qu'il avait faite avec les partis politiques en présence.

Mais il ne nous l'avait pas dit. Et jamais l'UDF d'alors ne me le dit non plus : ils avaient eu besoin de ma place pour quelqu'un d'autre.

Et pendant des semaines, je continuai à faire tout ce que je croyais possible, honnête et juste pour ne pas subir l'injustice dont j'ignorais le décret inexorable. Mais finalement, je ne fus pas sur cette liste (ni sur une autre). Et pas une fois, on ne prit un téléphone pour m'en parler, des gens que je connaissais pourtant depuis longtemps, preque des amis. Pas une fois avant, pas une fois après. Rien.

Quand je vécus le désert, le vide, qui succédait à six ans de "Monsieur le Maire" et d'écharpe tricolore, à six ans de bagarres pour des budgets et contre des pratiques léonines, quand je fus la tête dans le cul, il n'y en eut pas un pour me tendre la main, parce que c'est un métier de minables.

Un métier qui ne devrait pas en être un, d'ailleurs.

Et quand, à son tour, notre chère Quitterie Delmas subit la plus affreuse des injustices en n'étant pas investie pour les législatives du printemps 2007, j'avoue que j'ai été heureux, profondément heureux, que nous soyons si nombreux à lui témoigner notre affection et notre soutien, lors des tout premiers cafés démocrates.

Aujourd'hui, il n'est pas question qu'une telle injustice la frappe de nouveau.

J'irai au café citoyen organisé par Aujourd'hui Autrement, mercredi soir, et je soutiendrai son appel pour une réforme de la fonction d'élu et, plus largement, pour l'instauration d'une VIe république.

12/11/2008

La discrimination positive est le contraire de l'égalité.

Le principe d'égalité est inscrit au fronton de nos monuments. C'est l'un des trois piliers de la république. Mais de même qu'au temps où les penseurs communistes réfléchissaient à la distinction entre "égalité formelle" et "égalité réelle", on entend aujourd'hui, ces jours-ci en particulier avec l'élection d'un non-blanc à la présidence des États-Unis, des inventaires des inégalités réelles auxquelles aboutirait le principe d'égalité formelle, et que seule la discrimination positive pourrait corriger.

Ce qui est assez drôle, c'est que ce sont les mêmes qui disent avoir admiré feu le président américain Reagan et qui defendent aujourd'hui la notion soviétique d'égalité réelle...

Ce qui est moins drôle est que ce sont aussi les mêmes dont le projet (récemment désavoué aux États-Unis) rejoint le principe d'inégalité croissante qui est en train de plonger le monde dans une crise inédite après avoir dominé les esprits pendant trente ans.

Les faits sont connus, Quitterie Delmas est la première à els dénoncer : nos instances politiques ne sont pas représentatives. Elles reflètent un quasi-monopole des hommes blancs de plus de cinquante ans (parlement) ou d'une manière générale une grave sous-représentation des Français d'origine étrangère ou ultramarine. Ces faits sont indiscutables et qu'on le veuille ou non, ils traduisent un échec de l'égalité, une résistance aux impératifs de l'égalité.

D'où vient cette résistance ? C'est là qu'il faut réfléchir.

La discrimination positive dit "peu importe la cause, agissons sur l'effet". Et prend pour exemple les lois sur la parité. Le seul hic, c'est que la parité, qui est devenue réelle dans les scrutins de listes, n'a pas (ou si peu) fait progresser le rôle des femmes en politique. La preuve : en cas de scrutin uninominal, et même dans certains scrutins de courtes listes (sénatoriales), le nombre de femmes élues progresse très peu. Pour quelle raison ? Mais parce que les femmes élues aux scrutins ne le sont pas par principe en vertu de leurs qualités, mais seulement de leur sexe.

L'élection même de Barack Obama à la présidence des États-Unis est une gifle à l'idée de discrimination positive, car sa désignation aux primaires, puis son élection, ne doivent rien qu'à son talent et ont été faites sur le principe d'égalité.

Il n'existe donc aucune raison de recourir au principe dangereux de discrimination positive.

Nous devons en revanche, comme responsables politiques, faire une sorte d'examen de conscience pour savoir pourquoi nos structures restent si inégalitaires, même au MoDem qui pourtant fait de grands efforts (mais comment sont nos présidents des MoDem départementaux métropolitains ?), et ne jamais manquer d'encourager tous nos concitoyens, quelle que soit leur origine, à partir en conquête.

Rappelons-nous que nous avons eu, en France, deux petits-fils d'esclaves qui ont eu des rôles de premier plan : Félix Éboué, l'homme de l'Afrique résistante, et Gaston Monnerville, qui fut pendant dix ans président du Sénat, deuxième dans l'ordre protocolaire de la République. juste après le président. Tout cela semble très éloigné de la réalité d'aujourd'hui.

Agissons pour l'égalité.

21/09/2008

Pour le pluralisme au Sénat.

Le mode d'élection des sénateurs, chacun le sait, brille par son archaïsme. La logique de l'existence de cette assemblée est certes forte : dans un pays, la France, où le pouvoir central est très puissant, il faut une institution qui porte la voix des pouvoirs locaux. Cette fonction de résistance a longtemps fonctionné sans heurt. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.

Tout d'abord, l'État se retire des territoires (sans doute pour préparer une évolution vers un fédéralisme régional) et le Sénat n'y peut rien ; qui pis est : il ne fait rien de notable pour s'y opposer, dominé qu'il est par la logique majoritaire. Un Sénat aux ordres du pouvoir central, c'est le monde à l'envers.

Ensuite, les sénateurs n'ont pas le monopole de la représentation locale, ils la disputent aux députés et aux grands élus locaux que sont les présidents de départements et de régions et les maires des grandes villes et présidents de grandes agglomérations.

Enfin, la résistance des pouvoirs locaux est désormais incarnée par la gauche, qui a repris la fonction longtemps assumée par l'UDF. Aujourd'hui, le parti des territoires, avec ses qualités et ses défauts, c'est le Parti Socialiste. Or le Sénat n'a pas de majorité dominée par le PS.

Celui-ci crie au scandale, avec d'ailleurs des raisons, car les petites communes n'ont pas besoin d'une assemblée parlementaire rien que pour elles. L'équilibre entre les différents type de collectivités locales est mauvais, chacun le sent bien. Cependant, étant donné la façon dont les groupes politiques fonctionnent en France, ce dont le Sénat a besoin, c'est surtout d'une majorité flottante, d'un pluralisme réel. Ainsi les langues seraient-elles libres et les votes en conscience.

Il n'est pas normal qu'un tiers seulement des sénateurs soit élu à la proportionnelle et qu'ils le soient dans le cadre départemental : une proportionnelle sur quatre sénateurs garantit en fait le pouvoir des grands partis et n'offre rien aux petits. Dans un cadre régional, sur quinze ou vingt sénateurs, la proportionnelle jouerait réellement.

Souhaitons en tout cas que le scrutin d'aujourd'hui renforce les petits groupes et crée de l'instabilité et de la pluralité au Sénat.

Comme je l'ai déjà dit, je ne serais pas malheureux que se crée un groupe démocrate.

19/09/2008

Toujours pas de proportionnelle...

Lors de la révision constitutionnelle, la majorité disait à François Bayrou : "La proportionnelle, ça ne relève pas de la constitution, mais de la loi organique, vous verrez". Or voici que François Fillon vient de présenter au conseil des ministres le prochain projet de loi organique pour l'élection des députés et ... pas de proportionnelle. Vous êtes surpris ?

21/07/2008

Représentativité, diversité, proportionnelle, mandat unique : après Versailles les vrais combats de l'avenir.

La France a l'habitude des demi-mesures. La constitution de la Ve république, dès l'origine, sacrifia à cette manie en ménageant la chèvre présidentielle et le chou parlementaire.

Cependant, il y avait une logique en 1958 : le président, face à un parlement effervescent, parfaitement ingouvernable, incarnait la permanence de l'État et arbitrait entre les factions.

Cette logique a disparu assez vite, remplacée par une logique caporaliste. Et le quinquennat a parachevé l'effacement du parlement.

C'est donc officiellement pour rééquilibrer les pouvoirs et rendre du poids au parlement que la réforme des institutions a été faite.

Autant dire tout de suite que certains instruments parlementaires ont été introduits dans le nouveau texte, qui pourraient faire croire que des efforts réels ont été faits, mais ce n'est pas le cas : donner la maîtrise de l'ordre du jour à une assemblée qui est de la même couleur politique que le président revient à donner la maîtrise à la majorité, dont on sait qu'elle est constamment sous pression du président. C'est donc illusoire. C'est à peine une demi-mesure.

Je l'ai dit et je le répète : le quinquennat impose la séparation stricte des pouvoirs et l'élection de l'Assemblée Nationale à la proportionnelle intégrale. Tout autre système ne peut aboutir qu'à concentrer de plus en plus les pouvoirs entre les mains du président de la république, avec tous les inconvénients que chacun constate.

Sur le chemin de l'aboutissement que j'ai mentionné, le minimum serait d'améliorer la représentativité du parlement, et François Bayrou a eu grandement raison de réclamer la proportionnelle, il a eu grandement raison de refuser le texte tel qu'il était proposé. Et Quitterie Delmas trouve là un premier enracinement à son combat pour le mandat unique.

Oui, une fois de plus, avec elle, il faut regretter très fort que l'on n'ait pas pris l'occasion de cette réforme pour interdire le cumul des mandats.

C'est le sens très puissant de sa belle note d'aujourd'hui sur l'avenir.

16/07/2008

Opération modernisation = non-cumul des mandats : dernière ligne droite avant le congrès.

Dans quelques jours, les parlmentaires se réuniront en congrès au château de Versailles pour voter sur le projet dit de réforme des institutions. Il n'est plus guère temps de commenter ce texte que le sénat doit encore étudier une fois. On sait ses imperfections, les raideurs du pouvoir sur certains aspects décisifs, et surtout, son terrible silence sur la principale réforme qui aurait pu permettre d'accélérer le renouvellement des pratiques et des acteurs politiques : la prohibition du cumul des mandats.
 
Plus que jamais, je suis solidaire des initiatives prises par Quitterie Delmas.

09/07/2008

Modernisation = non cumul des mandats : l'obsédant silence des parlementaires.

En décidant de refuser de voter la réforme des institutions avant même la seconde lecture du texte par les deux assemblées, le Parti Socialiste a rejeté tout moyen d'agir sur le contenu de la réforme, il a baissé les bras. Il est vrai qu'en première lecture, la majorité ne l'a guère écouté et encore moins entendu. Cependant, cette abdication est regrettable : elle ôte leur dernier espoir à ceux qui ont souhaité que la réforme des institutions soit l'occasion d'améliorer notre république.
 
Il ne reste donc que les citoyens, vous et moi, et quelques figures montantes de la politique, en particulier notre excellente Quitterie Delmas, pour oser s'élever contre la véritable omerta qui est en train d'ensevelir la lutte contre le cumul des mandats dans une tombe de silence.
 
Le chantage scandaleux fait par les sénateurs de la majorité pour consentir à voter le projet auquel le président de la république tient par dessus tout (son discours institutionnel devant le congrès) a finalement eu raison de toute velléité de mettre fin à la gangrène du cumul. Les sénateurs, conseillers généraux, rois des comices agricoles et des arrangements entre amis, empereurs des concentrations de pouvoirs aux mains de systèmes immobiles de notables locaux, ne pouvaient tolérer que soit remis en cause ne fût-ce qu'à la marge un système qui les fait vivre et dont ils sont la clef de voûte.
 
À n'en pas douter, ils ont eu tort : en se raidissant, ils préparent leur chute future, en bloc. La nouvelle France, celle de la nouvelle génération qu'incarne si bien Quitterie, ne s'encombrera pas longtemps de vestiges en plomb d'une France sclérotique. On n'arrête pas la mer avec les doigts.

27/06/2008

Opération modernisation = non-cumul : "le localisme, une exception française", France Forum.

Notre ami Werner Büchner signalait ce matin un article de la revue France Forum (qui partage les locaux de la rue de l'Université avec le MoDem), qu'il n'avait pas et qu'on lui avait antérieurement signalé.
 
Il se trouve que je suis abonné à France Forum et que j'ai reçu, ce matin même, le nouveau numéro de cette revue de réflexion de grande qualité. Outre un intéressant article de Jean-Marie Daillet sur l'Amérique et la laïcité, on y trouve en effet une étude très juste de Jean-Pierre Prévost sur le fonctionnement de la démocratie française, sur l'enjeu local comme aboutissement réel des efforts des élus nationaux, par un pur et simple mécanisme qu'il décrit avec efficacité.
 
Il conclut en focalisant (à juste titre) ses critiques sur le mode d'élection du Sénat, qui crée un véritable "suffrage censitaire". On voit d'ailleurs que c'est sur ce point unique que le Sénat concentre son barguignage avec l'Élysée : constitutionnaliser le mode d'élection des sénateurs, pérenniser à tout jamais le scandaleux déni de démocratie que constitue leur scrutin électif.
 
En s'attaquant au cumul des mandats, c'est donc bien à la racine du mal français le plus aigu, que nous nous en prenons, pourrais-je ajouter. C'est véritable oeuvre au nerf même de la démocratie.
 
Hélas, il se montre bien pessimiste : "Mais qui osera proposer l'élection au suffrage universel (direct) des membres de la seconde assemblée dans le cadre régional en même temps qu'un renforcement de ses pouvoirs ?
 
"Cela supposerait bein entendu d'autres réformes à commencer par l'interdiction absolue du cumul des mandats qui favorise la confiscation des pouvoirs par un petit nombre d'élus, l'apparition d'une nouvelle génération d'élus locaux, administrateurs plus que politiciens, et la disparition des assemblées départementales sous leur forme actuelle. Autant rêver, n'est-ce pas !"
 
En tout cas, si l'on constitutionnalise le mode d'élection des sénateurs, on saura définitivement qu'on ne peut plus améliorer les institutions françaises sans changer de république : il faudra glisser à la VIe république. Plus encore : il deviendra difficile de le faire sans passer par ce terrible moment, porteur de tant de dangers et d'incertitudes : une révolution.

23/06/2008

Opération modernisation = non-cumul : débat effarant au Sénat.

Il était question vendredi du cumul des fonctions de ministre et d'élu local. Des amendements proposaient d'étendre aux ministres les incompatibilités édictées pour les parlementaires. Je ne résiste pas à l'effarement de retranscrire la totalité de ce débat, dont le niveau (hors les interventions de Badinter) a été d'un niveau scandaleux de médiocrité. Le voici :
 
"M. le président. - Amendement n°179, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, le mot : « parlementaire » est remplacé par le mot : « électif ».

Mme Éliane Assassi.  - En étendant le régime d'incompatibilité gouvernementale à certaines fonctions exécutives locales, le gouvernement Jospin, en 1997, a réalisé un progrès que les gouvernements de droite n'ont pas remis en cause. Nous proposons d'écrire la règle dans la Constitution même. La commission Balladur a recommandé qu'un membre du gouvernement n'exerce pas de mandat local. Madame le Garde des sceaux, vous êtes bien placée pour savoir que les fonctions ministérielles demandent qu'on s'y consacre à plein temps !

M. le président.  - Amendement n°364, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les fonctions de membre de Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, la présidence d'un exécutif ou d'une assemblée d'une des collectivités territoriales mentionnées à l'article 72, les fonctions de maire, toute fonction de représentation professionnelle à caractère national, tout emploi public et toute activité professionnelle.

« Un membre du Gouvernement ne peut exercer qu'un seul mandat électif au sein d'une assemblée territoriale. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous allons dans le même sens. Le Président de la République lui-même, dans la lettre de mission au Premier ministre, s'est prononcé pour la limitation des cumuls, la commission Balladur l'a dit aussi, pourquoi le consensus a-t-il disparu ? Les fonctions de ministre demandent trop de temps pour être compatibles avec la gestion d'une collectivité, en particulier d'une commune de plus de 20 000 habitants. Les membres du gouvernement obtiennent un parachute avec cette réforme, ils seront assurés de retrouver leurs mandats s'ils quittent le gouvernement : c'est une garantie suffisante.

M. Alain Gournac.  - Et Mme Voynet ?

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Elle est cosignataire, donc décidée à cette règle !

M. le président.  - Amendement n°429, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, le mot : « parlementaire » est remplacé par le mot : « électif ».

M. Bernard Frimat.  - Les fonctions ministérielles demandent qu'on s'y consacre à temps plein, même en cette période où le travail précaire et le mi-temps se développent. L'opinion publique comprend très bien qu'on ne peut plus être ministre trois jours par semaine et maire d'une grande ville les autres jours. Le Président de la République et la commission Balladur se sont prononcés dans ce sens, pourquoi y renoncer ?

Monsieur Karoutchi, nous ne sommes pas fermés à la discussion, comme vous le prétendez. Nous avons dit, depuis le début, que nous écouterions le Gouvernement et ce que nous entendons, c'est qu'il ne change rien de ses positions ! Le fait que les ministres se consacrent pleinement à leurs fonctions, cela va pourtant dans le sens de la modernisation ! La décentralisation a considérablement accru les missions, les responsabilités des exécutifs locaux, nous le savons tous. Alors, limitons davantage les cumuls sans, de grâce, s'accuser de tel ou tel cas personnel ! Et la limitation du cumul, à notre avis, doit s'appliquer aussi aux parlementaires. C'est peut-être un déchirement pour certains, nous devrons peut-être consentir des délais, mais il faudra bien y venir, l'opinion le demande !

M. le président.  - Amendement n°430, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, après les mots : « mandat parlementaire, », sont insérés les mots : « de tout mandat de maire dans une commune de plus de 3 500 habitants, de toute fonction de président de conseil général ou de conseil régional, de toute fonction exécutive au sein d'un établissement public de coopération intercommunale, ».

M. Bernard Frimat.  - Repli.

M. le président.  - Amendement n°431, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Les incompatibilités applicables aux membres du Parlement le sont également aux membres du Gouvernement. »

M. Bernard Frimat.  - Repli.

M. Christian Cointat, au nom de la commission.  - Ces amendements limitent le cumul des fonctions ministérielles, voire parlementaires, avec l'exercice de responsabilités locales. La révision constitutionnelle n'aborde pas le sujet, puisqu'elle ne modifie pas l'article 23 de la Constitution. Chacun convient, bien sûr, que les ministres doivent disposer du temps nécessaire à l'exercice de leurs responsabilités gouvernementales. L'expérience montre qu'ils y parviennent très bien en conservant leurs responsabilités locales, et qu'ils en tirent même grand avantage : leur ancrage au terrain est essentiel, c'est l'exercice du mandat local qui les fait coller à la réalité. Quant à l'extension de ces incompatibilités au mandat parlementaire, l'amendement n°431 exigerait qu'on toilette d'abord plusieurs textes qui renvoient à des fonctions obsolètes. Avis défavorable aux amendements n°s179, 364, 429, 430 et 431.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Les Français reprochent à leurs gouvernants d'être éloignés de leurs préoccupations, l'exercice d'un mandat local va dans le sens du rapprochement.

Le Gouvernement n'est pas favorable à l'interdiction pure et simple. Distinguer selon la taille des communes ne lui paraît pas plus pertinent. Les maires des petites communes sont très sollicités : ils ne peuvent s'appuyer, comme les maires des grandes villes, sur une administration.

Dans beaucoup de démocraties, un parlementaire qui devient ministre le demeure. Notre Constitution, pour des raisons qui tiennent à l'histoire, interdit formellement le cumul de ces deux fonctions. Pour le reste, laissons aux électeurs le soin de trancher : quand on n'est pas capable d'exercer à la fois un mandat national et un mandat local, ils le font savoir !

M. Robert Badinter.  - Quand on est ministre de la République, ce qui est un grand honneur, les citoyens considèrent avec raison que l'on doit tout son temps au Gouvernement de la France et que l'on ne peut pas se consacrer, en même temps, à une fraction du territoire national.

M. Josselin de Rohan.  - Et Defferre ?

M. Robert Badinter.  - Le cumul est un mal français. Admettre qu'un ministre en exercice, qui devrait s'employer sans discontinuer, surtout en un temps où l'Europe se construit, à remplir ses fonctions, consacre une partie de son temps à gérer une collectivité locale, c'est leur jeter le gant à la face.

Voulez-vous que je vous dise ce qu'ils pensent ? Que la seule chose qui intéresse ceux qui occupent des responsabilités nationales, c'est leur carrière, qui se joue sur le terrain ! Ce n'est pas sans raison que tous les comités ont préconisé l'interdiction. Je le répète, c'est un défi que vous lancez aux citoyens !

M. Alain Gournac.  - N'exagérons pas !

M. Josselin de Rohan.  - Et Mauroy ?

M. Robert Badinter.  - Ils considèrent qu'un ministre doit s'atteler à sa tâche matin, midi et soir ! Ils ne croient pas au surhomme !

M. Alain Gournac.  - Calmez-vous !

M. Josselin de Rohan.  - La gauche a-t-elle des leçons à donner en cette matière ?

M. Robert Badinter.  - Jamais, monsieur de Rohan, je n'ai cumulé les fonctions !

M. Alain Gournac.  - Peut-être n'étiez-vous pas assez proche du peuple...

M. Robert Badinter.  - Écoutez bien le nom que donnent les Français à ceux qui se livrent à cette double activité : des cumulards ! Je vous les laisse !

M. Josselin de Rohan.  - Comme Mme Voynet ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Efforçons-nous de garder la mesure ! J'ai toujours pensé qu'il ne fallait pas cumuler des fonctions que l'on ne peut pas assumer. (M. Michel Charasse approuve)

Quand on exerce des mandats locaux, on renonce à autre chose. Je respecte d'autant plus votre position, monsieur Badinter, que vous vous l'appliquez à vous-même.

M. Josselin de Rohan.  - Toute la gauche n'est pas comme lui...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ne me dites pas que des ministres, voire des Premiers ministres, n'ont pas pleinement assumé des mandats locaux d'importance. Je connais certain maire de Lille, qui siège aujourd'hui parmi nous et pour lequel j'ai beaucoup de respect, dont on ne peut pas dire qu'il ait occupé ses fonctions de Premier ministre à mi-temps.

M. Josselin de Rohan.  - Et Gaston ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Et Gaston Defferre, en effet ? Et Laurent Fabius ? (« Très bien ! » à droite)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Gardons-nous donc des choix radicaux.

M. Alain Gournac.  - Et Voynet ?

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Elle n'est pas ministre !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Lorsque le non cumul a été imposé aux ministres, que n'a-t-on pas vu ! Ils n'étaient plus maires, mais ils restaient premier adjoint et continuaient d'occuper leur bureau !

Il n'est pas bon d'interférer sur ces questions : à chacun de se déterminer en conscience, et aux citoyens de juger si un ministre s'occupe bien de leur ville ou de leur département. Et la même chose vaut pour les parlementaires : l'aggravation de la charge de travail liée à la décentralisation devrait inciter certains à ne pas occuper certaines fonctions.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Écoutez nos compatriotes. Ils n'ont plus que le mot cumulard à la bouche.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Faux !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Ils ne croient pas au surhomme ! Qu'avons-nous constaté durant la campagne municipale ? Un grand vide dans les ministères. Vouliez-vous, comme parlementaire, obtenir une réponse à un courrier ou à une question écrite ? Néant ! Hors même ces circonstances exceptionnelles, l'absence d'un ministre plusieurs jours par semaine laisse ses responsabilités aux mains de ses collaborateurs, qui, quelles que soient leurs qualités, ne sont pas habilités à prendre des décisions qui engagent la responsabilité de l'État.

Un ministre ne tient à garder son mandat que pour assurer son avenir politique, quand l'intermède ministériel sera achevé. Sans compter qu'il existe un conflit d'intérêt entre mandat national et mandat local : que d'implantations n'a-t-on pas vues dans certaines villes, au seul motif que le ministre en exercice a confondu l'intérêt de l'État et celui de sa ville ! (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche)

M. David Assouline.  - Nous débattons d'un sujet qui, dans le débat public, depuis quelques années, est devenu de plus en plus consensuel. Après Lionel Jospin, qui en a le premier imposé la pratique, l'actuel Président de la République lui-même a déclaré qu'il le souhaitait (Mme la Garde des sceaux le conteste)

Pourquoi cet énervement ? Précisément, je crois, parce que l'on touche à une réforme consensuelle, en faveur de laquelle le comité Balladur s'est prononcé à l'unanimité. Dépassant les clivages politiques, elle est placée sous les feux de la rampe. Son adoption signerait une vraie modernisation de la Constitution. Le cumul des mandats est une survivance archaïque : il fait de nous une exception en Europe.

Sur ce sujet très concret, vous auriez pu faire un pas vers nous. Mais une fois de plus, vous ne le faites pas ! Où est votre volonté de modernisation de notre démocratie ? A mesure que vous claquez les portes, vos véritables intentions s'éclairent.

Mme Nathalie Goulet.  - Il faudra bien un jour en venir aussi à la question de la présidence des exécutifs des EPCI.

Il est bon que le Parlement ait le courage de se saisir de la question du cumul. Cela dit, aux dernières élections régionales, on a vu des présidents de région devoir céder la place... Sans doute est-ce là le signe que l'on peut faire confiance aux électeurs.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cet échange d'invectives entre ceux qui ont eu souventes fois le pouvoir ne me semble pas à la hauteur. Car des cumulards, on peut en trouver dans chaque famille politique.

Le comité Balladur s'est saisi du problème, répondant en cela à l'ordre de mission du Président de la République. Ne le suivrez-vous donc pas cette fois-ci ? C'est regrettable, pour une fois, car vous vous privez là d'un moyen de renouvellement et d'élargissement du personnel politique salutaire.

La classe politique qui se perpétue de père en fils, ça commence à lasser les citoyens.

M. Dominique Braye.  - Ils sont élus.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le cumul d'un portefeuille ministériel et d'un mandat exécutif provoque des conflits d'intérêts. Édicter une règle absolue dissuaderait ceux qui ne sont pas sages.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je rappelle que nous parlons du cumul des fonctions de ministre et d'élu et, je regrette, monsieur Gournac, Mme Voynet ne cumulait pas quand elle était ministre.

M. le président.  - Evitons les interpellations entre collègues !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - J'ai moi-même été interpellée, je ne fais que répondre ! S'il y a des cumuls, c'est qu'ils ne sont pas illégaux : cela n'existerait pas s'il y avait une loi. Vous êtes plusieurs à cumuler...

M. Dominique Braye.  - Mme Voynet n'a pas respecté ses engagements, c'est pire !

M. le président.  - Laissez parler l'oratrice !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Pour ma part, je n'ai jamais cumulé.

M. Christian Cambon.  - Vous ne pouvez peut-être pas vous faire élire au scrutin uninominal...

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il est dommage que certains cumulent, et parfois depuis trente ou quarante ans : il y a aussi un cumul dans le temps. (Vives interruptions à droite)

M. Dominique Braye.  - Vous parlez aussi pour plusieurs de vos collègues !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il doit quand même être possible de s'exprimer ici !

M. le président.  - Poursuivons le débat !

M. Michel Charasse.  - Le sujet du cumul passionne, on le voit, mais il peut facilement conduire à une certaine démagogie. Même si je ne suis pas d'accord avec lui sur ce point, ce qui est rare, je respecte le président Badinter car il fait ce qu'il dit et dit ce qu'il fait. En revanche, je trouve insupportable les donneurs de leçons qui ameutent l'opinion contre le cumul mais se jettent sur tout ce qui passe. (Marques d'approbation à droite)

A la demande du groupe UMP, les amendements n°s179 et 429 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 126
Contre 202

Les amendements n°s179 et 429 ne sont pas adoptés."

 

21/06/2008

Opération modernisation = non-cumul : j'ai signé la pétition.

Vous avez certainement déjà signé la pétition dont Werner Büchner assume la charge, comme Quitterie Delmas l'a suggéré aujourd'hui, mais si ce n'est pas encore fait, vous pouvez courir Signer ici ! 
 
Les explications sont sur le blog de Quitterie et celui de Werner, il fait bien trop chaud pour que je me fende d'une longue dissertation. C'est l'heure du farniente devant un bon film. Vous me conseillez quoi ? 

Opération modernisation = non-cumul : qui est allé au colloque ?

Il y avait, la semaine dernière un très intéressant colloque sur le cumul des mandats, organisé par Sciences Po Bordeaux. Il ne s'agit pas d'une opération politique, évidemment, mais il serait diablement utile de se procurer un compt-rendu de cette session dont je vous livre le texte de présentation :
 
Le cumul des mandats : anciennes pratiques, nouveaux enjeux

Journée d’études organisée par l’Ecole Doctorale de Science Politique de Bordeaux en partenariat avec l’Association Française de Science Politique (GRPP et ArP)

Comité d’organisation : Ségolène Dauga, Julien Dewoghélaëre et Julien Navarro
Comité scientifique : Martial Foucault, Abel François, Eric Kerrouche, Raul Magni Berton, Julien Navarro et Pierre Sadran
Date : 17 juin 2008
Lieu : Institut d’Etudes Politiques de Bordeaux
Contact : cumuldesmandats@yahoo.fr

Les récentes élections municipales montrent que la question du cumul des mandats garde toute son actualité. Malgré les lois adoptées en 2001 et 2002 pour en encadrer la pratique, le cumul n’a pas connu de reflux significatif. La figure du député-maire et celle du sénateur-maire continuent de dominer la vie politique française et, avec la multiplication des strates de gouvernement, il faut en outre désormais compter avec le cumul de fonctions intercommunales, départementales et européennes et, de manière moins visible, avecl’exercice de fonctions non électives.

Si le cumul des mandats fait partie des « serpents de mer » de la vie politique française, son étude par la science politique reste très lacunaire. Au-delà des commentaires plus ou moins intéressés sur l’opportunité de cette pratique et sur les moyens de la limiter, force est de constater la persistance d’un véritable déficit d’analyses informées et systématiques sur le sujet. Afin de combler cette lacune, il convient d’explorer le phénomène du cumul des mandats dans ses multiples dimensions.

Il faut en premier lieu circonscrire le problème. Qu’est-ce que le cumul des mandats ? Pour répondre à cette question, il faut tout autant explorer la voie socio-historique (comment le cumul des mandats s’est-il constitué en phénomène sociopolitique dans le temps ?) que comparative (s’agit-il d’un phénomène strictement hexagonal ? quelles formes emprunte-t-il ailleurs ?). Définir le cumul des mandats c’est aussi s’interroger sur la multitude de ses formes : cumul en grappe, cumul des fonctions électives et non-électives,cumul vertical, cumul horizontal, cumul dans le temps, etc.

Un deuxième enjeu spécifique pour la science politique consiste à s’interroger sur les effets du cumul des mandats et, de manière connexe, à sa reproduction. Le cumul des mandats est-il un atout dans la compétition politique ? Fait-il obstacle à l’émergence d’une concurrence crédible ? Quelles ressources, y compris financières, procure-t-il ? Quelles sont les stratégies déployées par les acteurs pour se constituer un « portefeuille de mandats » ? Quelles sont les conséquences du cumul des mandats pour l’exercice du métier politique ? Les cumulants sont-ils moins efficaces compte tenu du manque de temps et de la dispersion des moyens ou parviennent-ils au contraire à réaliser des économies d’échelle et à maximiser les bénéfices de chaque niveau institutionnel ?

A travers la thématique du cumul des mandats, c’est aussi la sociologie du personnel politique que l’on peut interroger. A première vue, le cumul traduit une accumulation des positions de pouvoir par un nombre limité de personnes. Quels sont les acteurs politiques qui parviennent ainsi à cumuler un grand nombre de mandats ? Le cumul résulte-t-il d’un lent processus d’accumulation ou est-il constitué dès le début d’une carrière politique ? La féminisation – très relative – du personnel politique modifie-t-elle la pratique du cumul des mandats ? Quels sont les effets du cumul pour les équilibres inter-institutionnels et, en particulier, pour le rôle de parlementaire ?

Ce sont quelques unes des questions que l’on se propose d’explorer lors d’une journée d’études organisée par l’Ecole Doctorale de Science Politique de Bordeaux en partenariat avec le Groupe Argent et Politique et le Groupe de Recherche sur les Parlements et les Parlementaires (AFSP). Trois axes de réflexion sont privilégiés : les acteurs et les territoires du cumul, sa dimension financière et son articulation à lagouvernance multi-niveaux.


Programme

9h00 Accueil des participants
Allocution de Pierre Sadran (Sciences Po Bordeaux)
9h30 Le cumul des mandats : acteurs et territoires sous la présidence de Jacques Palard (SPIRIT, CNRS)
Guillaume Marrel (Université d’Avignon) : Le cumul des mandats électifs sous la Quatrième République

Ségolène Dauga (SPIRIT, Sciences Po Bordeaux) : Le cumul des mandats au prisme du genre : le cas des nouvelles entrantes en politique professionnelle
Sébastien Vignon (CURRAP, Université d’Amiens) : Le cumul des mandats chez les élus ruraux : entre gratification et gestion des tensions

Discutant : Raul Magni Berton (Sciences Po Bordeaux)
12h30 Pause déjeuner
14h00 Cumul des mandats et compétition électorale

sous la présidence de Claude Sorbets (SPIRIT, CNRS)
Martial Foucault (Université de Montréal et EUI) et Abel François (LaRGE, Université Robert Schuman) : Que vaut un mandat ? Le cumul des mandats dans les relations financières entre candidats et partis politiques
Eric Phélippeau (GAP, Université Paris Nanterre) et Pascal Ragouet (Université Bordeaux II) : Cumul de mandats, accumulation de capital économique et performance électorale
Discutant : Pierre Lefébure (Sciences Po Bordeaux)


16h00
Le cumul dans la gouvernance multi-niveaux sous la présidence de Pierre Sadran (Sciences Po Bordeaux)
Jean-Benoit Pilet (Centre d’étude de la vie politique, Université Libre de Bruxelles) : Le cumul des mandats dans un pays aux niveaux de pouvoir multiples. Le cas de la Belgique


Julien Navarro (SPIRIT, Sciences Po Bordeaux) : Le cumul des mandats au Parlement européen : causes nationales, conséquences européennes
Discutant : Eric Kerrouche (SPIRIT, CNRS)


17h45
Fin des travaux
 
Par ailleurs, je vous reommande tout particulièrement la note de Quitterie Delmas d'aujourd'hui, plus que prometteuse. 

15/06/2008

Quitterie Delmas dans le "Nouvel Obs", appelle à une "nuit du 4 août" contre le cumul des mandats.

Deux raisons d'acheter le "Nouvel Obs", cette semaine : un DVD de "The Hours", le film sur Virginia Woolf avec Nicole Kidman, et surtout, page 40, une tribune cosignée par notre Quitterie Delmas et Julien Bayou, une responsable politique et un citoyen : "Pas de modernisation sans cumul des mandats".
 
J'emprunte la transcription ici et on la trouve :
 

"Il y avait des raisons d'y croire. 2007-2008 : les programmes présidentiels, la commission Balladur, tous étaient d'accord, la modernisation de nos institutions impliquait le non-cumul des mandats. Un levier pour guérir notre démocratie malade et renouveler le personnel politique.

Juin 2008, en pleine loi de «modernisation», c'est l'omerta. «La France condamnée à l'immobilisme par ses corporatismes ?», entend-on... Le pire de ces corporatismes serait-il celui de la classe politique, incapable de se réformer elle-même ? Un par un, les chantres du non-cumul des mandats sont tombés, «oui, le système m'a vaincu», a avoué l'un des plus célèbres ex-défenseurs de la cause. Les professionnels de la politique ont confisqué le débat, trahissant leur parole donnée et stigmatisant la France, une nouvelle fois qualifiée d'«exception» parmi les démocraties européennes : 85% de cumulards en France, 16% en Italie, 10% en Allemagne, etc.

Depuis trop longtemps la France se prive de ses nouvelles énergies citoyennes et engagées. Qui s'invitent du coup au débat sur les institutions (www.nonaucumuldesmandats.org) . Au final, la classe politique a deux choix : creuser d'autant plus le fossé entre gouvernants et gouvernés, ou acter le passage des institutions au XXIe siècle en adoptant une fois pour toutes le principe du non-cumul des mandats. Ce n'est qu'au prix de cette nouvelle «nuit du 4Août des privilèges» que notre démocratie pourra réconcilier les Français et leurs institutions."

 

Ce sont des choses fortes et vraies, si l'on me permet ce commentaire. L'article est paru jeudi, quelques heures à peine après le décès d'Ali Menzel

(Il y a une photo de l'AFP, j'en mets une de mon stock à la place)

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