10/09/2008
Siné Hebdo, collector.
Un énorme doigt d'honneur "orne" la couverture du nouvel hebdomadaire satirique lancé par Siné après sa scandaleuse éviction de Charlie Hebdo. Plus que jamais, ce que Siné revendique, c'est d'être un de ces piliers de bars complètement ivrognes, qui, au moment où ils sont embarqués par la patrouille, braillent encore "mort aux cognes, vive l'anarchie !"
Juste au-dessus, une phrase attribuée à Alfred Jarry (et que pourrait revendiquer Farid Taha) : "L'indiscipline aveugle et de tous les instants fait la force principale des hommes libres".
À l'intérieur, un éditorial signé Siné, parfaitement hilare et narquois. "Je n'ai guère tendance à me sentir en phase avec mes compatriotes. Je trouve la grande majorité d'entre eux mous, pleutres et dépourvus de la plus élémentaire impatience. Moi qui ne cesse, depuis que je suis moufflet, de rêver au matin du grand soir..." et plus loin : "J'ai réuni, sous ma bannière de pestiféré, une bande de trublions bien décidés à ruer dans les brancards du pouvoir et à secouer violemment le cocotier afin de faire tomber les masques de tous les faux-derches".
Les trublions se nomment Guy Bedos, Carali (rescapé de Pif Gadget d'autrefois), Benoît Delépine qui lâche une grosse caisse grolandaise, Philippe Gelluck qui se lâche carrément sur le thème de la castration (on voit bien à quoi il fait référence), Jacky Berroyer plus méandreux que jamais, Arthur donne un texte un peu scolaire, Isabelle Alonso prête sa signature plus que son inspiration, je suis moins convaincu encore par le texte de Michel Onfray (que je tiens en général pour un imposteur), en revanche l'article de Denis Robert mérite à lui seul les 2 Euros nécessaires à l'acquisition de l'hebdo : sérieux, terriblement sérieux, il dresse le tableau accablant de notre démocratie, qui fait directement écho à la table ronde de la semaine dernière à Cap estérel. Quant à Tardi, il donne un magnifique dessin à la quatrième de couverture.
Dans les pages intérieures, de nombreux autres dessins, dont quelques-uns véritablement très grinçants, donc excellents, en particulier celui sur Rachida Dati enceinte et "rattrapée par son passé" qui devrait faire hurler dans les chaumières.
En somme, au moment où l'on va juger Siné pour ses propos, lui et ses camarades prouvent par l'exemple qu'il n'est de presse satirique qu'écrite au vitriol, ultra-corrosive, toujours au bord de l'infâme. C'est ainsi que la liberté se voit. Et si l'on ne peut plus dire des conneries énormes et vraies dans un journal satirique, on ne peut plus informer dans un journal normal.
Aux États-Unis, Hustler, comme on le voit dans le film d'Oliver Stone (merci ledru-rollin qui me permet de corriger ce lapsus : c'est effectivement Milos Forman qui a fait le film) avait gagné devant la cour suprême au nom de "la liberté d'expression" dans un débat de même nature, même si l'accusation ne visait pas l'antisémitisme mais une autre façon de s'en prendre à une bigoterie vénale.
Rappelons-nous ce qu'a sagement dit de Gaulle : "On n'embastille pas Voltaire".
En revanche, pour se fendre la pêche d'une façon politiquement très incorrecte, on court acheter "Siné Hebdo". Mort aux cognes !
16:02 | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : siné, liberté de la presse, charlie hebdo, denis robert, guy bedos, arthur | | del.icio.us | | Digg | Facebook