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09/12/2008

S'il fallait défendre la télévision.

S'il fallait défendre la télévision, il faudrait commencer par l'ORTF. Oh je sais ce que vous allez me dire : ces temps-ci, l'ORTF fait plutôt figure d'épouvantail, avec sa rédaction tenue en laisse du ministère de l'information, et sa vocation sans cesse affirmée d'être la "voix de la France".

C'est vrai.

Mais c'est cette même rédaction qui eut l'audace de se mettre en grève en mai 1968, ce qui valut à plus d'un d'être renvoyé à d'autres cieux (parlez-en à Drucker). Et symétriquement, le garrotage de l'info aux États-Unis dans la période Bush, malgré la dispersion médiatique et l'appropriation privée des moyens d'information, n'a pas été moindre, au contraire.

Que l'on examine la proportion d'émissions culturelles à l'époque de l'ORTF, et l'on sera surpris. Il faut se garder du manichéisme.

Mais bien sûr, ce n'est pas l'ORTF que nous voulons pour aujourd'hui. S'il fallait défendre la télévision, ce serait par exemple celle de Pierre Desgraupes en 1982, des journalistes aux commandes. Regardons les chiffres d'audience à cette époque-là et nous serons surpris par le ratio qualité/audience. Alors ? et aujourd'hui ? Et s'il était possible d'inventer une télé de journalistes et de profs, une télé de formation et d'information, où l'expression circule dans les deux sens : de la rédaction vers le public et du public vers la rédaction, une vraie télé citoyenne ? Pourquoi pas ? Et efficace, et intéressante ? Quel luxe !

Non, le sujet central, aujourd'hui, avant d'en venir à cette utopie pas si bête, c'est qu'il faut défendre la télévision telle qu'elle est (c'est un comble pour moi qui ne la regarde plus, vu que je n'ai pas de poste...). Il faut défendre une télévision qui, depuis plus de trente ans, marche avec difficulté mais continuité vers l'autonomie rédactionnelle.

Défendre donc la nomination d'un président pour une durée prédéterminée, et non pas révocable ad nutum, sur simple caprice de la Sainte Babouche présidentielle. Défendre la faculté des rédactions elles-mêmes de fixer la hiérarchie et le contenu de l'info. Et s'il est vrai que la fin de la tyrannie de la pub peut débarraser l'info de la télé publique du vice de l'info spectacle, il est évidemment révoltant que cette victoire se transforme en abjection supplémentaire, de Charybde en Scylla, en tissant un lien plus étroit entre le pouvoir politique et les autorités de la chaîne.

Finalement, à la manière de la BCE, qui agit en fonction des strictes missions que lui ont données les traités, la télé publique ne devrait prendre ses instructions que de la loi, là encore pas des lois improvisées, mais des textes mûris avec patience, et immuables pour des périodes longues.

Défendre aussi les différentes missions assumées par les différentes chaînes : l'Outremer pour France Ô, et surtout les régions pour France 3. Les locales de France 3 sont des garanties considérables contre les verrouillages locaux. Elles sont souvent le seul garant du pluralisme, car la presse locale s'est fortement amenuisée dans les trente dernières années, et il est rare qu'il y ait plusieurs titres comparables qui s'affrontent sur le marché. Il y a bien, dans l'ouest de la Bretagne, la concurrence entre Ouest-France et le Télégramme, mais dans combien de départements n'y a-t-il qu'un, et un seul, journal ? Ne faut-il pas défendre une télé qui, en attendant qu'Internet ait trouvé sa maturité, demeure le seul contrepouvoir, la seule info alternative ?

Fixer de vraies missions, ambitieuses, durables, intelligentes, c'est à quoi devrait s'atteler le texte présenté au parlement ces jours-ci. Le fait-il ? Non.

Il ne s'occupe que des arrière-cuisines politiques, des intérêts des grands groupes affamés par la rétraction du marché publicitaire, il ne décide rien pour le citoyen, tout pour le pouvoir et pour ses amis du CAC 40.

Le seul progrès auquel il prétende, c'est la suppression de la publicité, jolie carotte, assortie hélas du terrible double bâton de l'assujettissement politique et du tarissement des ressources, qui fait du succès une menace, du progrès un poison.

Une télévision publique innovante, se posant en référence, s'ouvrant aux nouvelles technologies, s'adaptant par exemple à la démarche participative et mutualiste d'Internet, ce serait pourtant possible, multimédia. Encore faudrait-il le vouloir et s'attacher à l'intérêt des gens.

Défendre la télévision aussi, ce devrait être la défendre vraiment, et non pas faire semblant. Je relis le texte de Quitterie sur l'absence voyante, criante, criarde même, des députés en séance, alors que le texte en cours est au coeur même de la démocratie, en ce que celle-ci repose sur une information impartiale et éclairante, le citoyen n'étant pertinent que s'il est éclairé.

Absence des députés qui illustre parfaitement l'imposture des prétendus nouveaux pouvoirs accordés au parlement : les députés votent toujours avec leur oreille, pas avec leur cerveau. C'est parce qu'ils regardent trop la télé, me direz-vous. Peut-être. Raison de plus pour améliorer celle-ci au lieu de la détériorer.

Défendre la télé ? Yes we can.

05/12/2008

L'appel de "Marianne" pour des média indépendants.

Avant même "Marianne", c'est le site du "Nouvel Obs" qui l'annonce. À lire aussi "ce qu'ils disaient des médias en 2007" sur le site du "Monde".

ÉDIT : l'appel sur le site de Marianne.

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27/11/2008

Une pétition pour l'AFP.

Quitterie signale une pétition émanant du personnel de l'AFP. L'AFP a besoin de nous, je l'ai donc signée (la pétition). Il y va de la liberté de la presse. L'outil est peut-être perfectible tel qu'il est, mais serait irrémédiablement endommagé si l'on suivait les désirs de la majorité.

SOS AFP.

20:01 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : afp, liberté de la presse | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

26/11/2008

La polémique sur le "Canard Enchaîné".

Avec la parution d'un livre cosigné par Laurent Valdiguié, patron de Paris-Match, le "Canard enchaîné" fait l'objet d'une polémique ces jours-ci. Je n'ai pas lu le livre, j'ai lu en revanche les dénégations pas toutes précises (et pour cause, s'agissant notamment de la protection de ses sources, le Canard ne pourrait démentir vraiment qu'en citant ses vraies sources, ce qu'il ne peut faire) qui figurent à la une de l'hebdomadaire satirique. Il me paraît nécessaire de formuler les mises au point suivantes :

- depuis des décennies, le Canard est alimenté par des sources proches de ceux que cet hebdomadaire épingle. Rivalités d'entourages sont l'occasion de "vendre" des info au Canard. Ce qui vaut à l'échelle des cabinets ministériels vaut aussi entre les ministres, tel qui voudrait Matignon va s'employer à "fuiter" le plus possible au désavantage de son rival, et ainsi de suite.

- il y a deux types d'informateur du "Canard" : les réguliers et les occasionnels. Les réguliers doivent bien y trouver un avantage (pour certains, ce n'est heureusement qu'un avantage moral : la vérité). Les occasionnels ne sont pas toujours mûs par des motifs très nobles. Charles Pasqua (qui s'y connaît) a traité jadis le "Canard" de feuille de chantage, car un informateur occasionnel, qui donne la moitié de son info au "Canard", se réserve évidemment le droit de donner l'autre moitié, à moins que...

- certaines enquêtes du "Canard Enchaîné" sont irremplaçables dans la momification de l'info que connaît la France en ce moment, cet hebdo est l'un  des derniers à faire encore de telles enquêtes.

Alors bien entendu, à partir du moment où la majorité des fuites, structurellement, émanent du gouvernement ou de l'Élysée, la question de la manipulation se pose. Seulement voilà : le patron de Paris-Match qui dénonce l'éventuelle collusion du "Canard Enchaîné" avec Sarkozy, c'est l'hôpital qui se moque de la charité...

Et rien que pour ça, ses accusations sont louches.

10/09/2008

Siné Hebdo, collector.

Un énorme doigt d'honneur "orne" la couverture du nouvel hebdomadaire satirique lancé par Siné après sa scandaleuse éviction de Charlie Hebdo. Plus que jamais, ce que Siné revendique, c'est d'être un de ces piliers de bars complètement ivrognes, qui, au moment où ils sont embarqués par la patrouille, braillent encore "mort aux cognes, vive l'anarchie !"

Juste au-dessus, une phrase attribuée à Alfred Jarry (et que pourrait revendiquer Farid Taha) : "L'indiscipline aveugle et de tous les instants fait la force principale des hommes libres".

À l'intérieur, un éditorial signé Siné, parfaitement hilare et narquois. "Je n'ai guère tendance à me sentir en phase avec mes compatriotes. Je trouve la grande majorité d'entre eux mous, pleutres et dépourvus de la plus élémentaire impatience. Moi qui ne cesse, depuis que je suis moufflet, de rêver au matin du grand soir..." et plus loin : "J'ai réuni, sous ma bannière de pestiféré, une bande de trublions bien décidés à ruer dans les brancards du pouvoir et à secouer violemment le cocotier afin de faire tomber les masques de tous les faux-derches".

Les trublions se nomment Guy Bedos, Carali (rescapé de Pif Gadget d'autrefois), Benoît Delépine qui lâche une grosse caisse grolandaise, Philippe Gelluck qui se lâche carrément sur le thème de la castration (on voit bien à quoi il fait référence), Jacky Berroyer plus méandreux que jamais, Arthur donne un texte un peu scolaire, Isabelle Alonso prête sa signature plus que son inspiration, je suis moins convaincu encore par le texte de Michel Onfray (que je tiens en général pour un imposteur), en revanche l'article de Denis Robert mérite à lui seul les 2 Euros nécessaires à l'acquisition de l'hebdo : sérieux, terriblement sérieux, il dresse le tableau accablant de notre démocratie, qui fait directement écho à la table ronde de la semaine dernière à Cap estérel. Quant à Tardi, il donne un magnifique dessin à la quatrième de couverture.

Dans les pages intérieures, de nombreux autres dessins, dont quelques-uns véritablement très grinçants, donc excellents, en particulier celui sur Rachida Dati enceinte et "rattrapée par son passé" qui devrait faire hurler dans les chaumières.

En somme, au moment où l'on va juger Siné pour ses propos, lui et ses camarades prouvent par l'exemple qu'il n'est de presse satirique qu'écrite au vitriol, ultra-corrosive, toujours au bord de l'infâme. C'est ainsi que la liberté se voit. Et si l'on ne peut plus dire des conneries énormes et vraies dans un journal satirique, on ne peut plus informer dans un journal normal.

Aux États-Unis, Hustler, comme on le voit dans le film d'Oliver Stone (merci ledru-rollin qui me permet de corriger ce lapsus : c'est effectivement Milos Forman qui a fait le film) avait gagné devant la cour suprême au nom de "la liberté d'expression" dans un débat de même nature, même si l'accusation ne visait pas l'antisémitisme mais une autre façon de s'en prendre à une bigoterie vénale.

Rappelons-nous ce qu'a sagement dit de Gaulle : "On n'embastille pas Voltaire".

En revanche, pour se fendre la pêche d'une façon politiquement très incorrecte, on court acheter "Siné Hebdo". Mort aux cognes !