Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/02/2009

La révolution est-elle possible ?

Dans un beau texte dont Quitterie se fait aujourd'hui l'écho, Fred Vargas analyse la situation de l'espèce humaine sous l'angle historique de la longue traîne : il y a eu la révolution néolithique (voici environ 8000 ans), il y a eu la révolution industrielle (au XIXe siècle), nous vivrions la troisième révolution, celle d'une économie plus naturelle, plus recyclante, un retour à l'humain et à l'organique.

Fred Vargas donne là le meilleur d'elle-même. L'entrée dans l'ère post-industrielle est en effet une révolution très profonde. Personnellement, j'aurais placé une révolution de plus, parce qu'elle a coïncidé avec l'invention de la charrue et une modification radicale des rapports de production, mais peu importe, l'essentiel est que la rupture d'époque que nous constatons est infiniment plus intense que celles que nous avons vécues dans les dernières décennies. C'est un fait.

Et ce sont les entrailles du peuple qui gargouillent.

C'est de là que monte le grincement annonciateur de l'entrée dans cette révolution.

Premier signe : la résistance du marché aux aspirations de la population. Les gens veulent consommer sain et propre, et sans carbone, mais les puissances du carbone ont tellement verrouillé le marché que celui-ci ne peut pas aller vers les goûts des consommateurs. À n'en pas douter, la profondeur de la crise actuelle vient de là, de cette incapacité du marché à agir selon les lois organiques du marché. Et si le verrou demeure, comme un couvercle sur une marmite, eh bien, tôt ou tard, ça pète. C'est ce qui arrive.

Deuxième signe : l'atmosphère électrique dans laquelle le moindre événement produit des éclairs. En France, depuis déjà assez longtemps, il n'y a plus de contrepouvoirs, Montesquieu gît dans une mare de sang. Le seul contrepouvoir, c'est la rue. On l'a vu en 1984 dans la résistance de l'école privée, en 1993 contre la loi Falloux, en 2006 contre le CPE : c'est la rue qui peut bloquer les décisions des politiques lorsqu'elles paraissent injustes, disproportionnées, mal fagotées, voire liberticides.

Au moment de la dernière élection présidentielle, on nous expliquait très perspicacement que les gens étaient si abattus qu'ils en avaient perdu l'espoir d'être écoutés. Et c'est au milieu de cet abattement profond qu'est apparue la plus extraordinaire mobilisation pour une élection présidentielle que l'on ait vue depuis des décennies, les passions s'étant enflammées pour savoir lequel des candidats serait le mieux à même de déverrouiller la société française.

Il faut le dire, dans ce contexte, François Bayrou a incarné l'espoir d'une mobilisation citoyenne capable de s'élever à chaque occasion utile contre les projets les plus effrayants du pouvoir. Hélas, ce magistère moral, ce recours à l'opinion publique et à la rue, qui lui aurait été naturellement reconnu, n'a finalement pas correspondu à l'esprit tacticien de Bayrou, et le malentendu s'est dissipé, laissant le peuple grosjean comme devant, face à des politiciens obsédés par leur carrière et leur destin, et à des problèmes qui demeuraient pendants, sans cesse aggravés, notamment le réchauffement climatique, qui est la menace la plus épouvantable que connaisse l'espèce humaine aujourd'hui.

Privés de chef, les gens se sont d'abord retrouvés dans un abattement plus profond encore qu'auparavant, que nourrissait le très vif dégoût que leur inspirait l'infecte cour monarchique organisée autour de l'Élysée.

Aujourd'hui, il n'y a plus de chef, mais peu à peu, l'idée fait son chemin que les chefs ne sont pas nécessaires et que la révolte est plus forte si elle se fait pour elle-même, sans calcul, sans autre moteur que l'indignation et la colère.

Oui, en 2009, étant donné l'incapacité de notre organisation politique, en France comme dans beaucoup d'autres pays, à faire face aux enjeux les plus cruciaux de notre époque et aux mutations historiques inéluctables, la révolution est possible, la vague de révolte monte.

En France, les révolutions se font au printemps ou en été, le temps que la sève monte. C'est donc une affaire à suivre, qui peut aller très loin.

Or il faut le comprendre, cette révolution aura pour effet l'abolition de la Ve république et la fin de l'asservissement de toutes les forces politiques à l'obsession présidentielle des candidats. Que ceux qui jugent aujourd'hui le méditent.