Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/05/2008

Pierre Bolotte est mort.

J'ai parlé l'autre jour de Pierre Bolotte à propos de mai 1958. À vrai dire, je croyais qu'il était déjà mort, n'en ayant eu aucune nouvelle depuis 2001. Il avait dépassé les 85 ans, étant né en 1921 ou 1922.
 
Il termina sa carrière en étant adjoint au maire du XVIe arrondissement de Paris en même temps que moi, nous partagions un petit bureau à la mairie du XVIe, il se racontait un peu, me conseillait (sans grand succès, car je n'avais pas sa conception des choses). Il me parlait en particulier d'un grand ancien de la famille Démocrate, qui fut président du Conseil National de la Résistance et président du conseil sous la IVe république : Georges Bidault.
 
Bidault avait été son professeur, puis son patron, quand Bolotte avait été affecté à son cabinet ministériel. Il y avait débuté sa carrière administrative après être passé par l'École de la France d'Outremer, un établissement qui n'existe plus, puisqu'il était lié à l'empire colonial. Après la fin de l'empire en 1960, Bolotte fut reversé dans la préfectorale. Il s'était adapté à la période gaulliste, mais son estime pour Bidault n'avait jamais faibli (il n'approuvait cependant pas, on s'en doute, la dérive vers l'OAS).
 
Après avoir été, comme je l'ai écrit, secrétaire général de la préfecture d'Alger en 1958, Bolotte s'en alla créer une administration du département de la Guadeloupe, où il resta plusieurs années, ce qui l'amena à travailler d'assez près avec les plus hautes autorités de l'État, dont de Gaulle, qu'il décrivait très gêné par une quasi-cécité.
 
Il avait terminé sa carrière administrative comme préfet de la région Haute-Normandie dont Lecanuet était alors le président, dans les années 1980. C'est à cette époque que j'ai fait sa connaissance, lors d'une réunion du conseil départemental du CDS, au Sénat (le président de la fédération était alors directeur de cabinet du président du Sénat, Alain Poher). Les centristes avaient une sorte d'atavisme pavlovien pour la décentralisation, qui collait d'assez près avec leur mentalité de notables de petits patelins. Même lors d'une réunion de la fédération parisienne, on répétait donc "la décentralisation, la décentralisation", en quelque sorte comme des cabris du terroir.
 
Alors, levant la main, puis se levant tout à fait, dépliant sa longue silhouette et son style un peu désuet, lissant sa moustache clairsemée, Bolotte intervint. Il dit :
 
- Permettez qu'un préfet ajoute "et la déconcentration", car il n'y a pas de bonne décentralisation sans déconcentration.
 
Forte approbation, puis "la décentralisation, la décentralisation".
 
Bolotte venait de devenir adjoint au maire du XVIe arrondissement, chargé des finances et de l'urbanisme. Le maire était Georges Mesmin, l'un des quinze députés élus sur une ligne indépendante par le Centre Démocrate en 1973. Dans un parti (le CDS) dont les rênes appartenaient désormais aux autres centristes, ceux qui en 1973 couraient sous les couleurs de l'UDR avec un pins CDP, Mesmin et Bolotte se signalaient comme vestiges du courant indépendant et proche de Lecanuet.
 
Mais en 1989, Lecanuet s'était rappoché de Chirac. Mesmin avait accepté de faire liste commune avec les chiraquiens pour les municipales (qui se déroulent par arrondissement à Paris) et avait eu la présomption de ne pas écouter Chirac qui lui disait "Vous aurez la tête de liste ou la mairie mais pas les deux". Mesmin avait pris la tête de liste, comptant fort obtenir la mairie quand même.
 
Les chiraquiens avaient profité des divisions de l'UDF d'alors, les libéraux (Pierre-Christian Taittinger, qui d'ailleurs avait débuté au CNI avant de passer par l'UNR puis par l'UDR, et l'autre député du XVIe, Gilbert Gantier) se montrant heureux de récupérer la mairie.
 
J'ignore quelles dissensions agitaient l'entourage de Mesmin. Toujours est-il que celui-ci avait désavoué plusieurs de ses adjoints sortants, dont Bolotte. Ce dernier, profitant de l'isolement politique de Mesmin (qui s'était éloigné autant de Lecanuet que du CDS alors dirigé par Méhaignerie), accepta la négociation qu'on lui proposait et demeura ainsi adjoint au maire du XVIe chargé des finances et de l'urbanisme lors des deux premiers mandats de maire de Pierre-Christian Taittinger.
 
C'est à ce poste que je l'ai connu de près, lors de la mandature 1995-2001, Jean Tibéri étant maire de Paris.
 
Bolotte avait une très grande connaissance du fonctionnement administratif, plusieurs hauts responsables de l'administration parisienne avaient servi sous ses ordres au cours de leur carrière. Il savait donc actionner les services comme personne. Plus encore, l'adjoint au maire de Paris chargé des finances (je crois que c'était alors Camille Cabana) avait été son subordonné direct, ce qui lui permettait diverses privautés budgétaires dont l'arrondissement n'a pas eu à se plaindre.
 
En politique, il était conservateur et chrétien, héritier de son maître Bidault, qui cependant avait des idées plus avancées. Dans sa gestion, il n'était dupe de rien et ne manquait jamais une remarque acide sur la petitesse des personnages (dont beaucoup de promoteurs immobiliers) que ses fonctions l'amenaient à rencontrer. Je crois qu'il avait une réelle affection pour Pierre-Christian Taittinger.
 
Dans les deux dernières années de notre travail commun, il m'expliquait qu'il rangeait ses papiers et qu'il enregistrait et écrivait le témoignage de ses souvenirs. C'est ainsi qu'il m'avait parlé de mai 1958.
 
Claude Goasguen lui avait obtenu la cravate de commandeur de la Légion d'Honneur.
 
C'était un grand serviteur de l'État. 

17/05/2008

Centriste ou démocrate ? Un vieux débat.

J'ai été amusé ces derniers mois de voir fleurir les groupes facebook, les notes-étendards, les proclamations, tant de ceux qui veulent être à la fois centristes et démocrates que de ceux qui ne veulent surtout pas être centristes. Tous ont raison d'ailleurs, et les mots ont un sens, comme dirait Bayrou, nous avons tous un "droit au sens" (à quand le droit au sens opposable, qui permettrait d'aller voir son maire et de lui réclamer du sens, faute de quoi on pourrait traîner la commune en justice ?). Bref...
 
Quand Bayrou a adhéré au parti de Lecanuet, en 1973, Yves Pozzo di Borgo évoquait cette époque hier soir dans le débat avec Quitterie, le nom du parti était "centre démocrate". Et déjà, le débat faisait rage entre ceux qui repoussaient nerveusement le mot "centre" et ceux qui le revendiquaient.
 
En 1988, le Centre des Démocrates Sociaux (successeur du Centre Démocrate) créa son propre groupe à l'Assemblée Nationale, quittant le groupe UDF dont il faisait partie depuis 1978. Il n'y eut qu'un ou deux députés CDS qui refusèrent ce mouvement et qui demeurèrent à l'UDF. Parmi eux, Georges Mesmin, député de ma circonscription, une circonscription où, à la présidentielle de 1988, au premier tour, Chirac venait de "faire" 46% et Raymond Barre 36, Mitterrand étant autour de 12%. Donc pas un endroit très à gauche.
 
Et Michel Elbel, qui était conseiller de Paris et conseiller régional, et un peu la tête pensante de la bande (il a ensuite dirigé longtmeps Airparif), précisait avec conviction devant les adhérents qui étaient réunis assez régulièrement : "Nous ne sommes pas centristes, nous sommes CDS".
 
Quid novis sub sole ?
 
Alors, j'ai trouvé la solution : finalement, je ne suis pas démocrate, je suis "mouvementiste".