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08/11/2008

Le sujet de l'élection présidentielle américaine était bien l'égalité.

J'ai mis en regard, mercredi, la carte du vote de la veille et celle de la guerre de Sécession, qui coïncidaient étroitement. Il se trouve que le sujet idéologique central de la guerre de Sécession était le principe d'égalité : interdire l'esclavage, c'est reconnaître que, comme le dit notre "déclaration des droits de l'homme et du citoyen" de 1789, "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits".

Il se trouve que, dans le siècle qui a suivi la guerre de Sécession, les états sécessionnistes du Sud ont cultivé une identité politique complexe sous l'étiquette démocrate, parce que Lincoln, qui les avait vaincus, était républicain, et que, dans les années 1980, ces états démocrates sont devenus républicains, comme ils sont aujourd'hui, parce qu'ils trouvaient dans la doctrine néoconservatrice une inspiration tournée vers l'inégalité, ce "principe d'inégalité croissante" dont Bayrou a beaucoup parlé ces derniers mois, qui faisait écho à leur nostalgie de l'esclavage et de la supériorité blanche.

L'inégalité était donc la colonne vertébrale qui liait les différentes branches du néoconservatisme et qui permettait à celui-ci de tenir debout en s'appuyant sur un lot de valeurs ultramoralisatrices, toutes compatibles avec l'idée inégalitaire.

En présentant un homme qui n'était pas tout à fait blanc, les démocrates ont fait un choix qui, en fait, quoi que l'on pense de l'homme (et on en pense a priori du bien), rendait son élection nécessaire en révélant les soubassements idéologiques de ses adversaires. Les néoconservateurs se retrouvaient à nu.

Obama ne devait pas seulement gagner parce qu'il était le premier non-blanc in abstracto, mais parce que la société américaine a fait une bonne fois pour toutes les choix de l'égalité de principe de tous les humains. Depuis trente ans, les républicains lénifiaient leur propension à la régression philosophique, la candidature d'Obama les a obligés à appeler un chat un chat, et l'égalité a gagné.

Et parce qu'il s'agissait d'un principe majeur, l'un de ceux qui font tenir toute une société, tout un monde, c'est une réponse historique qui a été donnée, rappelant avec clarté la véritable seconde naissance des États-Unis qu'a été la guerre de Sécession, comme la carte le montre.

C'est une leçon valable en France aussi, la phrase de la Déclaration de 1789 que j'ai rappelée au début de cette note, la première du texte de 1789, aligne d'emblée les deux premiers mots-clefs de notre identité collective : liberté, égalité. deux principes qui doivent nous servir de boussole.

Nous y avons ajouté depuis lors le beau mot de fraternité qui doit être indissociable des deux autres, non pas qu'il soit comme eux un principe (la fraternité ne se décrète pas, ne s'institutionnalise pas), mais parce que sans lui, la liberté et l'égalité sont deux tyrannies symétriques. La fraternité, c'est la part de choix personnel, la part de conscience, qui donne son sens à l'ensemble. Ce n'est pas un principe, c'est à peine une valeur : c'est un élan.