Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/06/2015

Adapter la modernité à l'Histoire

Le tour pris par les "réformes" annoncées par le Premier Ministre Valls, celle de l'école étant la plus emblématique, montre que, pas plus que le Président de la République qui a précédé M. Hollande, Manuel Valls ne comprend ni la France ni son Histoire. Or l'Histoire est un fil aussi invisible qu'incassable. À vouloir le tordre, on se perd, comme le précédent président en a fait l'expérience.

Y a-t-il un symptôme qui exprime cette erreur de parallaxe ? Oui, ce symptôme, il est le même depuis des décennies, des décennies où, trop rarement, nos dirigeants ont su comprendre et formuler l'Histoire au présent. Pour eux tous, depuis ces décennies, l'enjeu et la difficulté sont les mêmes : entrer dans la modernité, adapter notre pays à la modernité, réformer et moderniser. Et pour eux tous, la paresse consiste à importer en France des schémas préétablis, préconçus, prédigérés, irréfléchis et inadaptés.

Chacun constate que la France ne tourne pas le dos à la modernité, qu'elle continue à veiller aux avant-postes du progrès scientifique . Il n'y a donc pas d'impossibilité qui la bride. En revanche, chacun constate que, dans les sciences sociales, elle décroche. Pourquoi décroche-t-elle ? À cause de cette paresse de ses chefs et de l'inadaptation des structures sociales, morales, culturelles, universitaires, linguistiques, et autres, qu'ils tentent d'imposer à notre vieux peuple héritier de la longue histoire d'un vieux pays. Paresse, oui, et fébrilité.

L'angoisse de l'arrivée de populations de cultures très différentes sur notre sol qui devient le leur aussi explique la fébrilité de dirigeants que leur formation n'a pas préparés à l'envergure de l'époque. Et puis, la pression de modèles étrangers, américain en particulier, qui espèrent nous imposer leur mode de consommation et de pensée les déroute et leur fait perdre leur propre regard sur la nécessité locale.

Si l'on veut mieux comprendre ce que je veux dire, eh bien, Emmanuel Todd et Hervé Le Bras s'étonnent de constater en Bretagne un vote qu'ils qualifient de "catholique zombie" : la pratique religieuse catholique y est devenue marginale, mais la structure du vote politique y reste la même qu'à l'époque du règne du catholicisme, et ses motivations aussi. Ce qu'ils n'ont pas compris, c'est que ce n'est pas le catholicisme qui a fait les Bretons à son image, mais tout au contraire, que les Bretons se sont taillé un catholicisme historique qui leur ressemble, qui est (ou était) à leur image, adapté à leurs pratiques sociales qui, elles, sont d'ordre culturel, d'ancrage profond, indépendant des questions ethniques ou politiques, et qui trouvent toujours un moyen d'adapter les modernités successives à leur façon de voir et de vivre.

Centre_Georges-Pompidou_tsj.jpg

Il faut donc leur dire, et leur répéter, que l'enjeu de l'époque n'est pas d'adapter notre pays à la modernité, car celle-ci n'est pas d'emblée universelle, elle a vocation à adopter des traits divers, d'une diversité en elle-même féconde. Ce qu'il faut, et c'est beaucoup plus difficile, mais beaucoup plus grand et beaucoup plus susceptible de leur dessiner une place dans l'Histoire, non seulement l'Histoire de la France, mais celle de l'Europe et du monde, ce qu'il faut, donc, c'est adapter la modernité à notre Histoire.

S'ils veulent mon opinion de façon plus précise et plus détaillée, je me tiens à leur disposition.