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02/02/2007

Les mots de l'académisme.

Musset n'était pas toujours un romantique : quand il corrigeait les pages de George Sand, sur l'oreiller, c'était en général pour biffer tous les adjectifs dont raffolait la petite-fille du maréchal de Saxe.

Car les adjectifs sont les ennemis du bien-écrire à la française. Quant aux adverbes, ils représentent le fond des gémonies, le peuple de la géhenne que l'on cherche à éloigner en brandissant gousses d'ail et autres babioles ésotériques.

Si l'on voulait faire un roman odieux aux regards parisiens, un comble de laideur et de scandale, il faudrait, non pas comme feu Pérec, gommer tous les "e", non pas étaler je ne sais quelles frasques, quelles haines, quels crimes, mais aligner les adjectifs et les adverbes.

Vraiment, je pense profondément que le style énormément futé d'un auteur diablement savant qui cherche désespérément la pure vérité en égrenant progressivement tous les chapelets interminables de la littérature moderne en fouillant méthodiquement tous les tiroirs bondés de la réalité inventive et capricieuse, cet auteur-là, sourdement, patiemment, techniquement autant que sincèrement, sereinement autant qu'ardemment, poétiquement autant que délibérément, devrait être fou, téméraire, ou terriblement teigneux, serpentin, poignardeur et canardeur, ou vertement protégé, pour espérer réussir à se faire entendre de milieux littéraires foutrement cadenassés.

Et pourtant, tout ce qui compte, c'est le mot propre. Quelle qu'en soit la carte de séjour. Libre.

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01/02/2007

Citoyenne ou civique ?

Juste un mot en passant, à propos de l'utilisation du mot "citoyen(ne)" comme adjectif au lieu de civique.

La citoyenne devrait être celle que l'on aime et que l'on épouse. Une citoyenne civique est une citoyenne attentive à la cité. Il semble qu'une vertu nouvelle se soit désormais attachée à cet adjectif "citoyen". On se demande pourquoi mais après tout, si c'est pour la bonne cause...

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Mots magiques.

L'excellente Quitterie Delmas doit vivre au pays des fées.

Je donne pourtant son blog politique en lien comme un exemple de rationnalité et de culture des Lumières, et j'ai déjà rapporté certains de ses écrits à propos de la blogosphère, tenus là où ailleurs, tout à fait cohérents. Eh bien voilà qu'aujourd'hui, dans sa note, elle parle de livres qu'elle a lus dans son enfance et où les décisions qu'elle prenait en lisant changeaient "le cours de l'histoire". Rien que ça.

J'en reste d'abord ébahi : elle a presque quinze ans de moins que moi, j'imagine qu'on a dû inventer de ces livres interactifs entre mon enfance et la sienne. Ou bien elle devient poétesse, et alors elle a du talent, autant que pour le discours politique. je suis certain, en tout cas, qu'elle ne boit pas et qu'elle ne consomme aucune substance illicite.

Finalement, je lui fais confiance, elle doit savoir de quoi elle parle. Et si elle veut changer le monde, ouvrir un nouveau chapitre, elle peut compter sur moi. Il y a beaucoup à faire.

Or je rebondis sur son idée de décisions magiques qui m'ont fait penser à deux ou trois vers de Victor Hugo :

"Mets un mot sur un homme, et l'homme frissonnant
Sèche et meurt, pénétré par la force profonde ;
Attache un mot vengeur au flanc de tout un monde,
Et le monde entraînant pavois, glaive, échafaud,
Ses lois, ses moeurs, ses dieux, s'écroule sous le mot..."

Les anciens Gaulois refusaient d'écrire autre chose que les trivialités du commerce. Tout le reste des mots, magique, appartenait à l'oralité.

C'est donc aussi par une forme de mysticisme qu'Hugo défend le mot propre dont je parlais il y a peu, comme si une impropriété pouvait défigurer tout un monde. D'ailleurs, il existe un autre texte de lui où il explique que si l'on s'enfonce loin sous terre, tout seul, au plus profond, pour chuchoter un méchant mot sur quelqu'un, aussitôt le mot s'envole, découvre un soupirail, jaillit dans la rue, vole, s'envole encore, et finit par atterrir dans l'oreille de celui que désignait la méchanceté.

Tout mot devient alors incantation. Tout humain qui parle, un chamane.

Il est vrai qu'Hugo a poussé jusqu'à faire tourner des tables, il n'est pas à ça près.

Or curieusement, il est des mots qui ont changé le visage du monde. Le mot révolution, le mot liberté, la locution "droits de l'homme", ont bousculé des réalités. Ils ont donné du coeur et du courage à des êtres humains. Ils ont permis de renverser des trônes et d'établir ou de rétablir des démocraties.

Ils ont créé des dynamiques et soulevé des âmes.

Certains mots sont des étendards. D'autres, des semences.

Alors sans aller jusqu'à la vision au fond existentialiste de Quitterie Delmas, celle des décisions-couperets, qui infléchissent à jamais le cours d'un destin, on peut dire que les mots sont aussi magiques que l'esprit humain, à quoi nous n'avons encore rien compris. Les mots sont des images ; les images, des rêves. Et comme disait Jules Verne, "Tout ce qu'un homme a rêvé, un autre homme peut le réaliser". Tout mot est une réalité présente ou future.

C'est pourquoi il est si essentiel, si vital pour que l'aventure humaine continue, que les mots soient libres.

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30/01/2007

Blogosphère : les mots retrouvés libres.

Du temps de la télévision, jamais des écrivains comme Victor Hugo ou Sartre n'auraient percé, jamais leur voix n'aurait porté.

C'est que la télévision aime formater les silhouettes. Hugo parlait mal : quand il monta sur les barricades, en 1848, pour haranguer la foule, on le trouva plat, insipide, et surtout inaudible, c'était un homme à lire plutôt qu'à écouter. Quant à Sartre, l'écrivain Borgeaud (prix Renaudot voici une bonne trentaine d'années) disait de lui : "Quand il entre quelque part, tout le monde devient laid". Qu'auraient-ils donc fait sur un plateau de télévision ? Hugo aurait bredouillé, Sartre aurait fait tourner le lait dans le pis des vaches et leurs carrières se seraient arrêtées là.

À l'inverse, la chemise déboutonnée de Bernard-Henri Lévy, son entrée dans le métier par l'insolente séduction de la jeunesse, sont les péchés originels de son oeuvre qui pourrait bien gagner en densité dans les années qui viennent. Un photographe de guerre que je connais disait, au temps des guerres yougoslaves, voici une quinzaine d'années, que ses confrères goguenards surnommaient le philosophe agité "DHL" parce qu'en rentrant de là-bas, il rapportait les pellicules de tout le monde à Paris, vers les agences de presse. On ne le voyait guère en première ligne, ajoutait-il, mais il rendait service quand même. La forme d'ingénuité tapageuse que Lévy a mise longtemps dans son activisme va sûrement le quitter maintenant qu'il connaît le succès.

Quoiqu'il en soit, l'époque de l'image facile est révolue. La blogosphère, internet en général, vont rendre au lecteur le contact avec le mot. Plus besoin d'un Pivot, plus besoin d'un maître à lire. On se fait et on se fera son opinion soi-même. Libre.

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