17/01/2007
Libre, l'économie du livre ?
Dans un article de "Marianne" de la semaine dernière (p 71), on trouve un court compte-rendu d'un débat à distance entre deux livres, le premier ("Lire et penser ensemble ; Sur l'avenir de l'édition indépendante et la publicité de la pensée critique" de Jérôme Vidal, éditions Amsterdam) refusant le pessimisme, l'autre ("L'édition sans éditeurs", d'André Schiffrin, éditions La Fabrique) énonçant toutes les raisons de se lamenter et de trembler.
En vérité, les faits sont connus : les gros éditeurs mangent les petits et les libraires font ce qu'ils peuvent. Les Espaces culturels de Leclerc, les Fnac, les Virgin, les simples rayons "Livres" des hypermarchés sont autant d'aspirateurs qui drainent la clientèle vers les géants en oubliant le destin des libraires de quartier. J'en connais un en Bretagne à qui on a retiré son label "Maison de la Presse" et qui ne survit qu'en vendant du tabac en plus des livres. Eh oui, j'oubliais les "maisons de la presse", d'Hachette, souvent très bien organisées et animées par de vrais libraires. Mais malgré tout, elles sont tributaires de leur réseau-mère, le même que l'acteur majoritaire de l'édition.
On pourrait croire qu'Internet puisse changer les choses, mais là, tout n'est pas joué et les gros acteurs de la vente habituelle se retrouvent dans la vente en ligne.
Les petits libraires souffrent, les petits éditeurs ont subi de plein fouet une évolution voulue par les puissants acteurs de la vente : celle des marchés publics. Mon éditeur, par exemple, a toujours fait entre 8% et 10% de chiffre d'affaires avec les bibliothèques publiques. Traitant en direct, il leur vendait à taux plein. Or depuis au moins 18 mois, on impose aux acteurs publics du secteur de respecter la règle des marchés publics en considérant la globalité de leurs commandes annuelles de livres comme un seul marché (dès lors qu'elles atteignent un certain seuil).
Cet intermédiaire, c'est la règle, prend ce qu'on nomme une "remise" sur les livres, soit autour de 30% par tradition, parfois un peu plus ou moins. Donc sur 8% ou 10%, voici entre 2,5% et 3% qui s'évaporent. Le livre est un secteur où la marge nette est faible. Ôter 2,5% à 3% de chiffre d'affaires est fragiliser encore des acteurs modestes. Quand c'est pour sauver un libraire lui-même chancelant, cela peut se comprendre, mais on remarque de plus en plus que des officines lointaines désignées par des sigles prennent ces marchés publics et que la part des libraires locaux y diminue.
Alors il faut le dire : dans un pays où le prix du livre est sérieusement encadré (justement pour protéger les petits contre les grands), la règle des marchés publics est absurde pour les livres. Elle ne profite en rien au contribuable, sauf à violer la loi sur le prix des livres. Elle ne sauve aucun libraire fragile. Elle pénalise des éditeurs fragiles aussi.
Remarquons encore une fois que la règle des marchés publics empêche en pratique tous les acteurs publics d'acheter directement aux éditeurs. Les intermédiaires seuls en profitent. C'est un scandale.
Voilà une petite pierre dans l'édifice de la libération de l'idée : rééquilibrons les lois du livre.
Je vais parler des livres eux-mêmes. Des livres pour vivre libre.
23:35 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : entreprises, éditeurs | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
"Dans la claque je m'en claque je re-claque je vais les péter les claques les envvoyer les claques pour pulvériser, je vais les claquer, j'vais pas leur sourire j'vais pas les reconstruire". La suite là: http://andy-verol.blogg.org
Écrit par : Andy Verol | 17/01/2007
Voilà un commentaire claquant.
Je ne connaissais pas le blog, bizarre mais pas incompatible avec la liberté d'expression.
Écrit par : Hervé Torchet | 18/01/2007
Les commentaires sont fermés.