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29/03/2007

Rostand a du nez.

Il faut naître fils de banquier.

Edgar Degas est fils de banquier, Edmond Rostand aussi. Évidemment, l'inconvénient est que si on aime les prénoms simples, on ne sera pas servi.

Cela étant, sa situation de fortune permet à Rostand de se consacrer à l'écriture. Il faut dire qu'il dégouline de facilités et de talent, c'en est agaçant.

Il faut dire aussi qu'il a la chance de rencontrer Sarah Bernhardt. Celle-ci, actrice déjà plus que confirmée, a sans doute déjà l'habitude de dormir dans son cercueil, dans sa suite, au Ritz.

Dans ce curieux séjour, elle reçoit. De là elle sort chaque soir pour jouer sur une scène parisienne.

Elle commande deux pièces à Rostand, l'une étant je crois la "Princesse lointaine". Toutes deux connaissent un succès plus que mitigé. Mais le métier de l'interprète s'est transmis à l'auteur : l'exercice qu'il livre ensuite au public se nomme "Cyrano de Bergerac".

Ah, évidemment, les tirades abondent, les morceaux de bravoure se dégustent frais. On savoure, on se délecte. Sorte de réminiscence d'Hugo et de Dumas, truculence, idéalisme, ferveur, flot de poésie. "Pas bien haut peut-être, mais tout seul...". "Mon panache...".

Le triomphe se répand à une vitesse éclair. Il dépasse l'imagination. La France est de retour.

Deux ou trois ans plus tard, pour battre le fer du succès tant qu'il est chaud, Rostand récidive avec "L'Aiglon", autre morceau d'anthologie ("Nous, les petits, les obscurs, les sans-grade ..."), confié à Sarah Bernhardt qui reçoit la récompense de sa trouvaille.

Napoléon, la gloire française au superlatif, griserie, vertige, tout le pays debout pour applaudir la vieille actrice. "L'Aiglon". Tragédie, injustice, trépas, tout y est.

Puis la page blanche. Rostand a été domestiqué pour le succès par Sarah Bernhardt, bien dressé, mais il y a au fond de lui un autre Edmond Rostand qui cogne aux parois et qui veut sortir. Cet Edmond-là rêve de sujets ambitieux, immenses, bref, il se nomme vertige du succès.

Le résultat de ce malentendu de l'auteur avec lui-même, c'est "Chantecler". Le lancement de cette pièce, la dernière jouée de son vivant, est tel qu'elle ne peut connaître l'échec. Malgré tous ses défauts, elle est donc rentable. Mais on y va en se pinçant le nez.

La simple idée que les personnages sont tous des animaux fait pouffer. On croit revoir l'image des cinq générations de barbus alignées qui fait le ridicule des "Burgraves", la dernière pièce du grand cycle de Victor Hugo, un échec critique et public cuisant. "Chantecler", au fond, est du même acabit. Quel qu'en soit le propos, l'idée est parfaitement ridicule.

Vexé, Rostand se renfrogne. Après tout, il est riche, académicien, malheureux en ménage, pourquoi irait-il s'exposer plus ? Qu'a-t-il encore à prouver ?

Il ne lui reste plus que le patriotisme, qu'il déploie autant que possible durant la première guerre mondiale, avec un courage plutôt rare.

Il me semble d'ailleurs qu'il fait le voeu de donner sa vie pour sauver la patrie. Il tient parole d'une façon paradoxale : il meurt un mois après l'armistice de novembre 1918... de la grippe espagnole.

Il a tout juste cinquante ans.

"Un baiser, à tout prendre, qu'est-ce ?.."

22:00 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : écriture, littérature, poésie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Novembre 1918 et grippe espagnole : comme Guillaume Apollinaire. Il avait 38 ans.

Écrit par : Artemus | 29/03/2007

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