25/04/2007
Littérature de pouvoir.
18,5. Ce n'est pas une si mauvaise note...
Reste qu'une fois de plus, la politique des moyens triomphe contre celle des fins. Une fois de plus, l'énergie de la conquête a dévasté l'ordre de la raison.
On voudrait croire à une dimension romanesque des personnages qui sont apparus dans le récent scrutin. Or à l'examen, on aura du mal à échapper au stéréotype.
Bien entendu, l'idée immédiate, l'homme de pouvoir par excellence, en littérature, c'est Rastignac. Ou si l'on en veut un modèle plus politique (sinon plus républicain), on songera à ce journaliste qui est le personnage central des "Grandes familles" de Druon et dont le nom m'échappe au moment où j'écris.
À ces archétypes du cynisme ambitieux s'oppose le roc du Jacques Thibault de Martin du Gard, l'antipouvoir type, le sacrifié de nature, le juste à qui la pulsion mortelle et destructrice donnera toujours tort. Autant dire tout de suite que je n'identifie Bayrou ni à l'un ni à l'autre types. C'est mon ni-ni à moi. Bayrou est un juste sans sacrifice, ou plutôt de sacrifice modéré, un centriste du sacrifice : ni trop, ni trop peu. Toujours le ni-ni.
Et s'il est difficile de s'extraire des clichés, c'est parce que la littérature n'a guère traité la matière politique. On y voit peu les rouages de l'autorité, peu les mécanismes de la décision. "Germinal" décrit le militantisme dans sa genèse. "Les Thibault" dans son effervescence. On trouvera des auteurs engagés. On trouvera aussi des fictions documentaires du type "meurtre à l'Élysée" ou "à l'ÉNA". Mais ces livres ont un rapport lointain avec la littérature.
Sur le pouvoir et sa conquête, outre les classiques de Machiavel ou de Sun-Tzu, qui ne sont que des traités de tactique, on devra se rabattre sur les excellents "Mémoires" de Louis-Philippe, ou sur ceux, finalement, d'une quantité de grands hommes quand ils ont eu l'honnêteté de s'exprimer sans langue de bois. Un recensement qui reste à faire.
Et toi, lectrice, lecteur, qu'as-tu à ajouter à cette liste de littérature de pouvoir ?
Moi, je n'ai qu'une phrase que, sans surprise, j'emprunterai à Victor Hugo. Il s'agit là du seul vrai espace de vie où le pouvoir puisse être corrigé par un engagement de tous les instants : le couple. La phrase d'Hugo (je cite de mémoire) est : "Sois ma reine et mon esclave, je serai ton roi et ton esclave".
Je connais une jolie môme qui l'incarne bien.
Libre.
21:30 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, écriture, poésie, présidentielle, udf, bayrou, sarkozy | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Heureuse de vous voir revenir à la Littérature... Rastignac était-il vraiment un politique ?
Moi je pense plutôt à "La fortune des Rougon" de Zola...
Et je vous conseille de voir le film "le candidat" de Niels Arestrup....
Écrit par : Rosa | 25/04/2007
Les deux principaux écrits du cardinal de Retz, dont la lecture conjointe est obligatoire : "la conjuration du comte de Fiesque", véritable bréviaire du comploteur à propos duquel Richelieu déclara que son auteur était "un esprit dangereux" ; et bien sûr la "Vie du cardinal de Rais", texte autobiographique et jubilatoire, dont les morceaux de bravoure dépassent en vigueur les meilleurs chapitres des "Trois mousquetaires" et qui, dans l'analyse des sentiments et des motivations, me semble plus profond que "Rouge et Noir" de Stendhal.
Écrit par : André-Yves Bourgès | 28/04/2007
Les commentaires sont fermés.