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16/05/2007

Bernard Kouchner : les paradoxes de l’humanitaire.

On annonce Bernard Kouchner comme ministre des Affaires étrangères de François Fillon dans le premier gouvernement du quinquennat Sarkozy.

Est-il possible de s’en indigner ? Faut-il s’en réjouir ? Je demeure partagé.

Pourquoi ce mélange d’impressions ?

L’aspect positif de la nomination de Kouchner au Quai d’Orsay, c’est bien entendu la vocation humaniste de la France qui trouve un avocat inlassable dont l’image, de ce point de vue, est intacte.

Le french doctor, l’homme des réseaux humanitaires mondiaux, le souvenir des boat people, de l’Afrique en guerre et en souffrance, l’expérience d’une gestion réussie au Kosovo. Tout cela.

Mais c’est aussi la victoire de la conception de l’administration Bush. Kouchner n’est pas un partisan infatigable de la paix à tout prix : la guerre en Irak, il est pour. Il est pour, sans doute, pour préserver Israël dont Saddam Hussein est le plus irréductible adversaire, mais aussi parce que la guerre en Irak lui paraît illustrer in vivo sa théorie du devoir d’intervention à fin humanitaire.

Voilà l’un des enjeux : les souverainistes défendent l’idée qu’il revient aux peuples eux-mêmes de choisir leurs chefs, quitte à être l’objet de dictatures sanguinaires. Nul n’a ni le droit ni a fortiori le devoir de s’occuper des affaires intérieures des peuples.

Kouchner, lui, défend l’idée symétrique : la communauté internationale est coresponsable des affaires intérieures des pays, elle est soumise à un devoir d’ingérence.

Or l’affaire irakienne, qui démontrait si bien le principe défendu par Kouchner, en a encore plus parfaitement prouvé les limites : combien difficile est la vie d’un gouvernement importé dans les valises d’un « libérateur » étranger.

Il y aurait donc, dans la nomination de Kouchner un double « persiste et signe » : celui de l’administration Bush récompensant un de ses fidèles et réaffirmant par là la légitimité de son intervention en Irak et, par ailleurs, celui de Kouchner disant « la stratégie a échoué en Irak mais elle est bonne et bien fondée » telle quelle et sans modification.

On voit bien entendu que, pour la France, c’est d’abord le signe d’un pays (le nôtre) qui aurait « mangé son chapeau » alors que chacun, aux États-Unis mêmes, sait désormais que nous avions raison en 2003 et qu’on a multiplié pour nous convaincre les mensonges et les intimidations les plus scandaleuses, dont la simple accumulation démontre la justesse de notre position.

Et aussitôt se profile l’inconvénient majeur de la nomination de Bernard Kouchner : en désignant un humanitaire aux Affaires étrangères, la France semble donner une deuxième fois raison à l’administration Bush : n’oublions pas que celle-ci voulait cantonner l’ONU et les organes du multilatéralisme mondial dans un rôle purement humanitaire, comme une sorte de super Croix-Rouge. Il ne reste donc plus aux gouvernements des États qu’à nommer ministres les directeurs de leurs croix-rouges pour matérialiser leur vocation, cependant que, seul, le gendarme du monde s’occupera de sécurité et de puissance.

Or cette vision n’est pas satisfaisante. Il ne peut y avoir de gouvernement mondial que multilatéral et aucun pays n’a vocation à diriger à lui seul le destin des autres.

Voilà donc pourquoi (au-delà même de la caution qu’il donnerait au programme de Sarkozy) je m’interroge sur le projet de désignation de Bernard Kouchner comme ministre des Affaires étrangères.

Bien sûr, on peut dire qu’il s’agit aussi de faire bouger les lignes. On peut voir là l’incarnation du projet que François Bayrou a incarné avec grand talent.

Et cependant, non.

On ne peut pas dire ça. Ca n’a rien à voir avec l’union nationale telle que la voulait Bayrou. Oh, je pourrais invoquer la confusion entre rassemblement et débauchage, entre décloisonnement et reniement.

Je pourrais aussi noter que l’atmosphère pétainiste qui se dégageait de la fin de la campagne de Sarkozy ne me paraît en aucune manière compatible avec la novation humaniste qui inspirait et inspire toujours le projet d’union nationale.

Il me suffit de dire que Sarkozy n’a en aucune manière désavoué ceux de ses amis qui ont sans vergogne pioché dans la caisse, pour rappeler qu’il n’y a pas de liberté sans vertu et que ceux qui rejoignent aujourd’hui le gouvernement sans avoir pris les plus élémentaires garanties de ce point de vue se font tout simplement les complices d’un système qui, bien plus que la fraude de certains pauvres, alimente le déséquilibre de nos finances publiques et la ruine de nos concitoyens les plus faibles.

Alors, au moment de répondre à la question que Sarkozy, tout miel, tout loup enfariné, va leur poser, que tous les ralliés réfléchissent donc au destin des faibles : entrer dans l’inféodation de Sarkozy c’est, pour toujours, choisir le camp des puissants contre celui des faibles.

À chacun donc selon sa conscience.

Commentaires

Hervé ! Vous nous aviez promis de revenir aux billets littéraires ....

Écrit par : Rosa | 16/05/2007

heu .. peut-on vraiment accuser quelqu'un à la fois de pétainisme et de soutien à Israel ?, n'y aurait-il pas là quelque raccourci pour le moins bizarre, pour ne pas dire fantaisiste ?
Et pourquoi, d'ailleurs, accuser de pétainisme, ceux qui ont fait chuter la maison Le Pen ? encore une bizarrerie que je ne m'explique pas.
Enfin, ce serait donc Bush qui aurait soufflé à Fillon de nomer Kouchner en cadeau pour ses positions ? bigre ... quelle imagination !
Sans rancune.

Écrit par : flox | 18/05/2007

@ flox

C'est bien le paradoxe de Sarko de citer dans ses discours Maurice Barrès (dont les écrits antisémites sont bien connus) et la priorité à la défense de l'État d'Israël.

Il n'a fait tomber Le Pen qu'en s'en appropriant le discours. Voici l'épreuve des faits.

Écrit par : Hervé Torchet | 18/05/2007

Il y a quelque chose de pourri au royaume de Nicolas et Cecilia.

Écrit par : unionsbuerger | 18/05/2007

Les commentaires sont fermés.