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16/06/2007

Écrire la banlieue.

Me revoici au café du Chat Noir, à Paris, au nord de la Bastille. J'y viens saluer les acteurs du spectacle sur la Brinvilliers que je suis allé voir deux fois.
 
Comme j'ai une heure d'avance dans ma promenade, je m'assieds en commandant un quart Vittel. J'extrais de ma poche une biographie de Balzac et je commence à lire.
 
À ma droite, ma voisine pianote sur son ordinateur portable.
 
Il me semble qu'elle doit surfer sur Internet. Mais non, me dit-elle : pas de wifi au Chat Noir. En revanche, elle tourne l'écran vers moi et je vois des paragraphes séparés par de doubles interlignes, c'est évidemment un roman.
 
- Que faites-vous ? m'interroge-t-elle en réponse à ma question sur le wifi.
 
- J'édite des documents d'histoire bretonne.
 
Les mots "j'édite" ont un effet électrisant sur un auteur en herbe. J'ai beau préciser que je n'édite pas de roman, elle entreprend de me décrire le contenu et le contexte de son oeuvre.
 
En vérité, le tout se résume en deux mots : sa vie.
 
Elle a vingt-sept ans, elle est née d'un père malien et d'une mère haïtienne. Elle n'a été élevée ni par l'un ni par l'autre, mais par la DDASS. Elle fait partie de la statistique résiduelle qui s'en est sortie, sans d'ailleurs s'en extraire vraiment : elle est éducatrice sociale en banlieue.
 
Elle vote à gauche mais comme tous ceux qui s'en sortent peu ou prou, elle juge sévèrement ceux qui zonent. Et son roman (je ne vais pas en dévoiler le pitch, on s'en doute) raconte leur vie, l'aberration d'un système d'institutions locales qui, pour acheter la paix sociale, pratiquent diverses formes de cadeaux qui créent autant de frustration chez ceux à qui ils sont destinés que chez ceux à qui ils ne le sont pas.
 
Elle me lit certains passages à voix haute.
 
Et toute ma certitude s'effondre : je trouvais son style un peu trop littéraire, or je comprends qu'elle écrit du rap par longs passages et que sa façon de traverser des paragraphes trop travaillés ressemble à ce que produit le slam ou certaines formes de rap. Son public peut retrouver son goût dans ce qu'elle écrit.
 
Embarrassé, je la prie de m'adresser quelques chapitres par courriel.
 
- Promis, sourit-elle, mais en échange, vous corrigerez mes fautes d'orthographe ?
 
Elle n'en fait guère. Ce n'est pas une promesse coûteuse. Voilà, maintenant, j'attends son texte.
 
Et s'il y avait là le style spécifiquement banlieusard, à la mode d'aujourd'hui, que j'appelais de mes voeux voici quelques mois ?
 
Enfin. 

21:25 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : écriture, littérature, poésie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Un lieu, un carrefour de rencontre pour les écrivains, lecteurs et éditeurs indépendants.

C'est ici: http://andyverol.asianfreeforum.com/index.htm

Écrit par : Andy Verol | 16/06/2007

C'est marrant, je commence à te lire aujourd'hui (via le groupe des jeunes libres), et le chat noir est mon quartier général attitré... Donc je peux te dire que oui, il y a du wi-fi là-bas :)

Au plaisir de s'y croiser!

Écrit par : Julien | 17/06/2007

@ Julien

Le lien ne fonctionne pas.

Écrit par : Hervé Torchet | 17/06/2007

Corrigé!

Mais je vois que tu m'as retrouvé quand même :)

Écrit par : Julien | 17/06/2007

@ Julien

Je suis un fin limier. Élémentaire !

Écrit par : Hervé Torchet | 17/06/2007

Les commentaires sont fermés.