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23/06/2008

Opération modernisation = non-cumul : débat effarant au Sénat.

Il était question vendredi du cumul des fonctions de ministre et d'élu local. Des amendements proposaient d'étendre aux ministres les incompatibilités édictées pour les parlementaires. Je ne résiste pas à l'effarement de retranscrire la totalité de ce débat, dont le niveau (hors les interventions de Badinter) a été d'un niveau scandaleux de médiocrité. Le voici :
 
"M. le président. - Amendement n°179, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, le mot : « parlementaire » est remplacé par le mot : « électif ».

Mme Éliane Assassi.  - En étendant le régime d'incompatibilité gouvernementale à certaines fonctions exécutives locales, le gouvernement Jospin, en 1997, a réalisé un progrès que les gouvernements de droite n'ont pas remis en cause. Nous proposons d'écrire la règle dans la Constitution même. La commission Balladur a recommandé qu'un membre du gouvernement n'exerce pas de mandat local. Madame le Garde des sceaux, vous êtes bien placée pour savoir que les fonctions ministérielles demandent qu'on s'y consacre à plein temps !

M. le président.  - Amendement n°364, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les fonctions de membre de Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, la présidence d'un exécutif ou d'une assemblée d'une des collectivités territoriales mentionnées à l'article 72, les fonctions de maire, toute fonction de représentation professionnelle à caractère national, tout emploi public et toute activité professionnelle.

« Un membre du Gouvernement ne peut exercer qu'un seul mandat électif au sein d'une assemblée territoriale. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous allons dans le même sens. Le Président de la République lui-même, dans la lettre de mission au Premier ministre, s'est prononcé pour la limitation des cumuls, la commission Balladur l'a dit aussi, pourquoi le consensus a-t-il disparu ? Les fonctions de ministre demandent trop de temps pour être compatibles avec la gestion d'une collectivité, en particulier d'une commune de plus de 20 000 habitants. Les membres du gouvernement obtiennent un parachute avec cette réforme, ils seront assurés de retrouver leurs mandats s'ils quittent le gouvernement : c'est une garantie suffisante.

M. Alain Gournac.  - Et Mme Voynet ?

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Elle est cosignataire, donc décidée à cette règle !

M. le président.  - Amendement n°429, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, le mot : « parlementaire » est remplacé par le mot : « électif ».

M. Bernard Frimat.  - Les fonctions ministérielles demandent qu'on s'y consacre à temps plein, même en cette période où le travail précaire et le mi-temps se développent. L'opinion publique comprend très bien qu'on ne peut plus être ministre trois jours par semaine et maire d'une grande ville les autres jours. Le Président de la République et la commission Balladur se sont prononcés dans ce sens, pourquoi y renoncer ?

Monsieur Karoutchi, nous ne sommes pas fermés à la discussion, comme vous le prétendez. Nous avons dit, depuis le début, que nous écouterions le Gouvernement et ce que nous entendons, c'est qu'il ne change rien de ses positions ! Le fait que les ministres se consacrent pleinement à leurs fonctions, cela va pourtant dans le sens de la modernisation ! La décentralisation a considérablement accru les missions, les responsabilités des exécutifs locaux, nous le savons tous. Alors, limitons davantage les cumuls sans, de grâce, s'accuser de tel ou tel cas personnel ! Et la limitation du cumul, à notre avis, doit s'appliquer aussi aux parlementaires. C'est peut-être un déchirement pour certains, nous devrons peut-être consentir des délais, mais il faudra bien y venir, l'opinion le demande !

M. le président.  - Amendement n°430, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, après les mots : « mandat parlementaire, », sont insérés les mots : « de tout mandat de maire dans une commune de plus de 3 500 habitants, de toute fonction de président de conseil général ou de conseil régional, de toute fonction exécutive au sein d'un établissement public de coopération intercommunale, ».

M. Bernard Frimat.  - Repli.

M. le président.  - Amendement n°431, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Les incompatibilités applicables aux membres du Parlement le sont également aux membres du Gouvernement. »

M. Bernard Frimat.  - Repli.

M. Christian Cointat, au nom de la commission.  - Ces amendements limitent le cumul des fonctions ministérielles, voire parlementaires, avec l'exercice de responsabilités locales. La révision constitutionnelle n'aborde pas le sujet, puisqu'elle ne modifie pas l'article 23 de la Constitution. Chacun convient, bien sûr, que les ministres doivent disposer du temps nécessaire à l'exercice de leurs responsabilités gouvernementales. L'expérience montre qu'ils y parviennent très bien en conservant leurs responsabilités locales, et qu'ils en tirent même grand avantage : leur ancrage au terrain est essentiel, c'est l'exercice du mandat local qui les fait coller à la réalité. Quant à l'extension de ces incompatibilités au mandat parlementaire, l'amendement n°431 exigerait qu'on toilette d'abord plusieurs textes qui renvoient à des fonctions obsolètes. Avis défavorable aux amendements n°s179, 364, 429, 430 et 431.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Les Français reprochent à leurs gouvernants d'être éloignés de leurs préoccupations, l'exercice d'un mandat local va dans le sens du rapprochement.

Le Gouvernement n'est pas favorable à l'interdiction pure et simple. Distinguer selon la taille des communes ne lui paraît pas plus pertinent. Les maires des petites communes sont très sollicités : ils ne peuvent s'appuyer, comme les maires des grandes villes, sur une administration.

Dans beaucoup de démocraties, un parlementaire qui devient ministre le demeure. Notre Constitution, pour des raisons qui tiennent à l'histoire, interdit formellement le cumul de ces deux fonctions. Pour le reste, laissons aux électeurs le soin de trancher : quand on n'est pas capable d'exercer à la fois un mandat national et un mandat local, ils le font savoir !

M. Robert Badinter.  - Quand on est ministre de la République, ce qui est un grand honneur, les citoyens considèrent avec raison que l'on doit tout son temps au Gouvernement de la France et que l'on ne peut pas se consacrer, en même temps, à une fraction du territoire national.

M. Josselin de Rohan.  - Et Defferre ?

M. Robert Badinter.  - Le cumul est un mal français. Admettre qu'un ministre en exercice, qui devrait s'employer sans discontinuer, surtout en un temps où l'Europe se construit, à remplir ses fonctions, consacre une partie de son temps à gérer une collectivité locale, c'est leur jeter le gant à la face.

Voulez-vous que je vous dise ce qu'ils pensent ? Que la seule chose qui intéresse ceux qui occupent des responsabilités nationales, c'est leur carrière, qui se joue sur le terrain ! Ce n'est pas sans raison que tous les comités ont préconisé l'interdiction. Je le répète, c'est un défi que vous lancez aux citoyens !

M. Alain Gournac.  - N'exagérons pas !

M. Josselin de Rohan.  - Et Mauroy ?

M. Robert Badinter.  - Ils considèrent qu'un ministre doit s'atteler à sa tâche matin, midi et soir ! Ils ne croient pas au surhomme !

M. Alain Gournac.  - Calmez-vous !

M. Josselin de Rohan.  - La gauche a-t-elle des leçons à donner en cette matière ?

M. Robert Badinter.  - Jamais, monsieur de Rohan, je n'ai cumulé les fonctions !

M. Alain Gournac.  - Peut-être n'étiez-vous pas assez proche du peuple...

M. Robert Badinter.  - Écoutez bien le nom que donnent les Français à ceux qui se livrent à cette double activité : des cumulards ! Je vous les laisse !

M. Josselin de Rohan.  - Comme Mme Voynet ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Efforçons-nous de garder la mesure ! J'ai toujours pensé qu'il ne fallait pas cumuler des fonctions que l'on ne peut pas assumer. (M. Michel Charasse approuve)

Quand on exerce des mandats locaux, on renonce à autre chose. Je respecte d'autant plus votre position, monsieur Badinter, que vous vous l'appliquez à vous-même.

M. Josselin de Rohan.  - Toute la gauche n'est pas comme lui...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ne me dites pas que des ministres, voire des Premiers ministres, n'ont pas pleinement assumé des mandats locaux d'importance. Je connais certain maire de Lille, qui siège aujourd'hui parmi nous et pour lequel j'ai beaucoup de respect, dont on ne peut pas dire qu'il ait occupé ses fonctions de Premier ministre à mi-temps.

M. Josselin de Rohan.  - Et Gaston ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Et Gaston Defferre, en effet ? Et Laurent Fabius ? (« Très bien ! » à droite)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Gardons-nous donc des choix radicaux.

M. Alain Gournac.  - Et Voynet ?

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Elle n'est pas ministre !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Lorsque le non cumul a été imposé aux ministres, que n'a-t-on pas vu ! Ils n'étaient plus maires, mais ils restaient premier adjoint et continuaient d'occuper leur bureau !

Il n'est pas bon d'interférer sur ces questions : à chacun de se déterminer en conscience, et aux citoyens de juger si un ministre s'occupe bien de leur ville ou de leur département. Et la même chose vaut pour les parlementaires : l'aggravation de la charge de travail liée à la décentralisation devrait inciter certains à ne pas occuper certaines fonctions.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Écoutez nos compatriotes. Ils n'ont plus que le mot cumulard à la bouche.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Faux !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Ils ne croient pas au surhomme ! Qu'avons-nous constaté durant la campagne municipale ? Un grand vide dans les ministères. Vouliez-vous, comme parlementaire, obtenir une réponse à un courrier ou à une question écrite ? Néant ! Hors même ces circonstances exceptionnelles, l'absence d'un ministre plusieurs jours par semaine laisse ses responsabilités aux mains de ses collaborateurs, qui, quelles que soient leurs qualités, ne sont pas habilités à prendre des décisions qui engagent la responsabilité de l'État.

Un ministre ne tient à garder son mandat que pour assurer son avenir politique, quand l'intermède ministériel sera achevé. Sans compter qu'il existe un conflit d'intérêt entre mandat national et mandat local : que d'implantations n'a-t-on pas vues dans certaines villes, au seul motif que le ministre en exercice a confondu l'intérêt de l'État et celui de sa ville ! (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche)

M. David Assouline.  - Nous débattons d'un sujet qui, dans le débat public, depuis quelques années, est devenu de plus en plus consensuel. Après Lionel Jospin, qui en a le premier imposé la pratique, l'actuel Président de la République lui-même a déclaré qu'il le souhaitait (Mme la Garde des sceaux le conteste)

Pourquoi cet énervement ? Précisément, je crois, parce que l'on touche à une réforme consensuelle, en faveur de laquelle le comité Balladur s'est prononcé à l'unanimité. Dépassant les clivages politiques, elle est placée sous les feux de la rampe. Son adoption signerait une vraie modernisation de la Constitution. Le cumul des mandats est une survivance archaïque : il fait de nous une exception en Europe.

Sur ce sujet très concret, vous auriez pu faire un pas vers nous. Mais une fois de plus, vous ne le faites pas ! Où est votre volonté de modernisation de notre démocratie ? A mesure que vous claquez les portes, vos véritables intentions s'éclairent.

Mme Nathalie Goulet.  - Il faudra bien un jour en venir aussi à la question de la présidence des exécutifs des EPCI.

Il est bon que le Parlement ait le courage de se saisir de la question du cumul. Cela dit, aux dernières élections régionales, on a vu des présidents de région devoir céder la place... Sans doute est-ce là le signe que l'on peut faire confiance aux électeurs.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cet échange d'invectives entre ceux qui ont eu souventes fois le pouvoir ne me semble pas à la hauteur. Car des cumulards, on peut en trouver dans chaque famille politique.

Le comité Balladur s'est saisi du problème, répondant en cela à l'ordre de mission du Président de la République. Ne le suivrez-vous donc pas cette fois-ci ? C'est regrettable, pour une fois, car vous vous privez là d'un moyen de renouvellement et d'élargissement du personnel politique salutaire.

La classe politique qui se perpétue de père en fils, ça commence à lasser les citoyens.

M. Dominique Braye.  - Ils sont élus.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le cumul d'un portefeuille ministériel et d'un mandat exécutif provoque des conflits d'intérêts. Édicter une règle absolue dissuaderait ceux qui ne sont pas sages.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je rappelle que nous parlons du cumul des fonctions de ministre et d'élu et, je regrette, monsieur Gournac, Mme Voynet ne cumulait pas quand elle était ministre.

M. le président.  - Evitons les interpellations entre collègues !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - J'ai moi-même été interpellée, je ne fais que répondre ! S'il y a des cumuls, c'est qu'ils ne sont pas illégaux : cela n'existerait pas s'il y avait une loi. Vous êtes plusieurs à cumuler...

M. Dominique Braye.  - Mme Voynet n'a pas respecté ses engagements, c'est pire !

M. le président.  - Laissez parler l'oratrice !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Pour ma part, je n'ai jamais cumulé.

M. Christian Cambon.  - Vous ne pouvez peut-être pas vous faire élire au scrutin uninominal...

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il est dommage que certains cumulent, et parfois depuis trente ou quarante ans : il y a aussi un cumul dans le temps. (Vives interruptions à droite)

M. Dominique Braye.  - Vous parlez aussi pour plusieurs de vos collègues !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il doit quand même être possible de s'exprimer ici !

M. le président.  - Poursuivons le débat !

M. Michel Charasse.  - Le sujet du cumul passionne, on le voit, mais il peut facilement conduire à une certaine démagogie. Même si je ne suis pas d'accord avec lui sur ce point, ce qui est rare, je respecte le président Badinter car il fait ce qu'il dit et dit ce qu'il fait. En revanche, je trouve insupportable les donneurs de leçons qui ameutent l'opinion contre le cumul mais se jettent sur tout ce qui passe. (Marques d'approbation à droite)

A la demande du groupe UMP, les amendements n°s179 et 429 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 126
Contre 202

Les amendements n°s179 et 429 ne sont pas adoptés."

 

Commentaires

Oui, effarent, et le mot est faible. En somme, dans ce système, le non cumulard se fait traiter d'incapable, il ne récolte que du mépris. Ensuite, les cumulards votent pour perpétuer leurs privilèges. Royal.

Écrit par : Werner | 23/06/2008

Je les trouve très bien, moi, les interventions de Mmes Assassi et Boumediene-Théry et de M. Frimat...

(Au passage, si je n'ai pas participé au buzz anti-cumul des dernières semaines, c'est en raison de désaccords avec certains points des propositions, notamment la limite de 2 mandats successifs. Mais je suis tout à fait d'accord avec les amendements que le Sénat vient de rejeter !).

Écrit par : FrédéricLN | 26/06/2008

Les commentaires sont fermés.