04/03/2009
L'Europe, c'est la paix.
Il faut se souvenir. L'oubli n'est pas toujours fécond. Il faut se souvenir de François Mitterrand, vieux, malade, usé, mourant, venant prononcer pour l'Europe son dernier grand discours dont les mots résonnent encore, quinze ans plus tard : "l'Europe, c'est la paix".
Il y avait là le témoignage d'un homme né pendant la guerre de 14, prisonnier et évadé pendant celle de 40, le témoignage d'une génération pour laquelle tout n'a été que sacrifice stupide et barbarie, dès qu'il s'est agi de concert des nations européennes, avant 1950.
Pour ceux de cette génération dont l'enfance et la jeunesse n'ont été qu'un long deuil, l'Europe a été l'utopie réalisable, le rêve tangible, atteignable, la révolution ultime des nations meurtries du vieux continent ensanglanté et mutilé. Le moyen, enfin, de faire taire les canons pour toujours et de faire travailler ensemble des peuples qui depuis des décennies s'opposaient, se battaient, se blessaient, se haïssaient.
Oui, la prodigieuse révolution historique qu'a été et que reste la construction europénne, c'est cela : transformer des ennemis en associés, en amis. Non pas amnésiques, ni angéliques, mais guéris : l'Europe, c'est la paix des braves.
Et dès lors, ce n'est pas un hasard si le dernier texte de ce très grand Européen qu'a été Daniel Riot, sur son blog, mêle le plus à vif des conflits qui se déroulent près de chez nous (le conflit entre Israël et le Hamas, les opérations à Gaza), l'idée du "vivre ensemble" et le nom de Strasbourg. C'est bien que l'Europe est cette même idée que ceux qui se croient inexpiables adversaires sont en réalité faits pour vivre ensemble, qu'ils le comprennent ou non, qu'ils l'admettent ou non. Et la construction européenne est la preuve tangible, la preuve par l'exemple, que de simples mécanismes politiques et institutionnels suffisent à créer la paix là où il n'y avait auparavant que la dévastation et le meurtre.
Nous avons le devoir d'entendre le testament des morts, de ceux qui ont subi la guerre dans leur chair, comme Mitterrand (ou tant d'autres, j'en ai connu, vous en avez connu, et on pourrait citer feu Geremek), ou de ceux qui, prenant le relais des premiers, ont consacré toutes leurs forces pendant des décennies à prolonger leur message, à le traduire, à le moderniser, à l'apprivoiser pour les peuples sans cesse amnésiques et les médias sans cesse aveuglés.
Je suis heureux que le beau texte de Quitterie sur Daniel Riot ait été repris par AgoraVox et par Betapolitique. Souvenons-nous aussi de ce que Riot a écrit, des dernières lignes de son blog, pour ne pas oublier que si nous faisons l'Europe, ce n'est pas seulement pour nous, Européens, mais aussi pour témoigner devant tous ceux qui souffrent de conflits dont ils sont les otages qu'aucune guerre n'est inéluctable, qu'il existe la paix et la concorde, que c'est possible, qu'il existe l'Europe, et que l'Europe, c'est l'espoir, un modèle, l'espoir pour tous.
20:09 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : politique, institutions, europe, daniel riot, quitterie, mitterrand, strasbourg, israël, hamas | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
En 1945, la guerre franco-allemande était relativement récente comparée à la guerre qui oppose les judéo-chrétiens aux musulmans ici, puisque celle-ci dure depuis pas loin de 14 siècles.
La situation est tout sauf comparable.
L'Europe c'est la paix oui, mais attention à ne pas répéter les erreurs lamentables de la conférence de Munich...
Écrit par : BenH | 04/03/2009
@ Ben H
L'Angleterre et la France se sont fait la guerre pendant mille ans et il n'y a aucune guerre des judéo-chrétiens contre les musulmans depuis tout ce temps. C'est absolument faux, faut-il rappeler que parmi les Palestiniens délogés par les colons juifs, il y avait bien des chrétiens ?
Allons, ne vous engagez pas sur le mauvais et glissant terrain du choc des civilisations : c'est une sottise et justement l'Europe est le principe qui permet de mettre fin à toutes ces sottises.
Écrit par : Hervé Torchet | 04/03/2009
Je préfère celui de Nelly, et puis elle a été la première....Rendre à César Hervé...
Écrit par : Martine | 04/03/2009
Je vous trouve bien arrogant de traiter de sot un des plus grand spécialiste de la géostratégie, et professeur à Harvard.
La sottise, c'est de tout jeter aux oubliettes. Vous faites l'écueil d'appliquer vos schémas de pensée pour expliquer l'ensemble des phénomènes. Vous pensez que la conception que vous vous faites du bien et du mal sont unanimement partagées. Vous pensez donc que la volonté de paix prime sur toutes les autres pour tous les peuples. Mais il serait temps de remarquer que ce n'est pas le cas...
Pas de guerre entre les judéo-chrétiens et les musulmans ? nous pouvons évoquer les invasions arabes qui ne se sont stoppées que par une défaite militaire, les croisades... et bien d'autres.
De plus, votre manière de revoir l'histoire de la création de l'État d'Israel est bien étonnante. Des "colons" ? Il n'y avait donc pas de juifs autochtones ? On fait fi également de la guerre civile. On ne parle pas de l'opportunité qu'ont eu les palestiniens de créer leur État à l'issue de la résolution de l'ONU qui a partagé le territoire en deux. Ils ont préféré faire la guerre. Évidemment, ça ne déresponsabilise pas entièrement les israéliens, mais ils sont très loin d'être les seuls acteurs de la non-existence d'un État Palestinien aujourd'hui.
Pour finir, l'Europe peut mettre fin à ces sottises ? pas en cédant devant les islamistes en tous cas.
Écrit par : BenH | 05/03/2009
@ BenH
Je ne vois pas en quoi le fait d'être prof à Harvard garantit de dire des bêtises.
Quant au prétendu conflit qui associerait les juifs et les chrétiens d'un côté et les musulmans de l'autre, il suffit de noter qu'à l'époque où les Turcs assiégeaient Vienne, au XVIIe siècle, nombre de dignitaires de l'empire ottoman étaient juifs, cependant que, hélas, la situation n'était pas aussi favorable aux juifs dans nombre d'états chrétiens.
La guerre est une prise d'otages. Dans les guerres, il n'y a jamais de vainqueur, seulement des victimes, et les peuples le savent. Honte à ceux qui prolongent ces horreurs.
L'Europe, encore une fois, est bien placée pour témoigner que l'on peut s'être haï et combattu pendant des siècles et, un jour, poser les armes, et travailler ensemble, c'est pourquoi je remercie de cet accent mis sur l'Europe,le beau texte de Quitterie.
Écrit par : Hervé Torchet | 05/03/2009
Espérons-le... À noter que le pacifisme d'une des deux parties prenantes à un conflit ne l'a jamais empêché...
Écrit par : BenH | 05/03/2009
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