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28/09/2015

Le général de Gaulle était-il raciste ?

L'eurodéputée Nadine Morano, tête de liste de la droite dans la région Alsace-Champagne-Lorraine, a énoncé deux assertions polémiques samedi soir lors de l'émission de Laurent Ruquier "On n'est pas couché".

Première assertion : "La France est un pays de race blanche", ce qui s'oppose à la perspective d'une "France musulmane" à l'éventualité de laquelle Mme Morano se refuse. Race blanche, cela signifierait donc chrétien. Cela me rappelle un morceau parmi les meilleurs du dialogue de "Rabbi Jacob" : "Bien blanc, et catholique comme tout le monde". L'assertion de Mme Morano relève donc de la façon dont on exprimait les préjugés racistes il y a plus de quarante ans. Et tant pis pour les Albanais et pour la majorité des Bosniaques, qui sont tout à fait blancs au sens où Mme Morano l'entend, et cependant musulmans. Pour ceux-là, sans doute, il y aura des HLM très bien à Bergen-Belsen ou à Auschwitz, puisque, n'ayant pas le droit de devenir français selon elle, ils n'ont non plus pas celui de rester européens, les Européens étant entièrement assimilés les uns aux autres par l'heureux principe de la construction européenne.

Encore faudrait-il que ce mot de "race blanche" ait un sens. La langue et la science ont évolué depuis plusieurs décennies. Dans les années 1950, quelqu'un d'aussi peu susceptible d'être taxé de racisme que Pierre Mendès France, lorsqu'il vantait son lait offert à boire à la cantine à tous les petits écoliers scolarisés, n'hésitait pas à parler de "l'amélioration de la race" à propos de ces enfants mieux nourris qu'avant. Le mot race acceptait plusieurs sens plus ou moins voisins, et c'est bien en niant le programme eugéniste et raciste d'Adolf Hitler que les constituants de 1958 ont inscrit le mot race dans la Constitution de la Ve République, pour aussitôt le verrouiller par un définitif "sans distinction de race". Ce texte, que le général de Gaulle a inspiré et adopté, souligne que la France ne fait pas le tri entre ses enfants en fonction des attributs en général associés à la race, comme la couleur de peau.

Mais aujourd'hui, nous n'exprimons plus ces différences ainsi. Il n'y a qu'une race humaine. Il y a certes des différences entre les humains, voire entre les groupes d'humains, mais le degré élevé de différence entre les humains induit par le mot race a disparu du vocabulaire des scientifiques et de la tête de ceux de nos concitoyens qui, jouissant de plus d'un neurone, ne méritent pas que des humoristes soulignent leur nullité par des substantifs aussi explicites que mérités.

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Deuxième assertion : "le général de Gaulle le disait". Ah ? il le disait ? Enfin, soyons précis, il l'a dit ou, encore plus précis, il l'a peut-être dit. La citation qui fait croire à Mme Morano qu'elle est autorisée à proférer des âneries est tirée d'un livre où Alain Peyrefitte relate une conversation où, en 1959, le général de Gaulle lui aurait précisé sa pensée raciale : "C'est bien qu'il y ait des Français aux yeux bridés, des Français noirs, mais cela ne doit pas devenir la majorité, la France est un pays peuplé d'Européens de race blanche, de racine grecque et romaine et judéo-chrétienne". Ouf, le général de Gaulle n'aurait pas rouvert les chambres à gaz, c'est déjà cela.

Maintenant, Peyrefitte a-t-il entendu ce qu'il voulait entendre ? A-t-il transcrit les propos du Général comme ils lui plaisaient ? Les a-t-il purement et simplement inventés ? Qui peut le savoir ? Il s'agissait d'une conversation privée.

Rappelons qu'à cette époque, de Gaulle se préparait à libérer l'Afrique francophone de son statut colonial et qu'il se battait contre les extrémistes qui voulaient garder une Algérie française avec deux statuts citoyens distincts, l'un pour les "Européens" (y compris les juifs d'origine locale depuis le décret Crémieux), l'autre pour les "Indigènes". La citation prêtée par Peyrefitte à de Gaulle justifiait le retour de la France à elle-même, à son parcours de vieille nation enfin libérée des oripeaux déformants du colonialisme, ce qui est une façon d'interpréter ce que de Gaulle a dit pendant la guerre de 1939-45 dans son fameux discours de Dakar où il promettait l'émancipation à l'Afrique, la fin du statut colonial.

Et il est vrai que l'un des arguments employés par les fantassins du gaullisme contre le principe de l'Algérie française rejoint subrepticement les propos de Mme Morano : que ferions-nous d'une Algérie française introduisant 40 millions de Musulmans dans le jeu politique et social français ? L'argument utilisé alors dans un sens l'est maintenant dans l'autre. Or cet argument a-t-il jamais été utilisé par de Gaulle ? Tout cela ne serait-il qu'une sorte de "légende urbaine" flottant autour du gaullisme et à laquelle de Gaulle lui-même fût étranger ? Peut-être.

Comment interpréter la répression très violente des mouvements sociaux de Guadeloupe dans les années 1960, sous l'autorité du Général ? Répression raciale ? Retour d'esprit colonial ? Ou réaction à des mouvements que le vieux chef d'État jugeait inspirés par l'étranger et par la CIA ? Qui peut en juger ? N'est-ce pas là le mystère définitivement opaque de l'esprit humain ?

Seulement voilà, il n'y a pas que la citation de Peyrefitte, il y en a d'autres que l'on prête au Général, comme celle où il réfute l'idée d'habiter un jour "Colombey les Deux Mosquées". Est-elle plus vraie ou plus fausse que l'autre ? Je l'ignore. Je n'ai pas connu de Gaulle. Mais ce que je sais est qu'il y a un mouvement profond et actif de propagation de ces affirmations pour ancrer le fantôme du Général dans l'islamophobie la plus primaire. On lit très régulièrement des messages, diffusés sur internet, qui accréditent peu à peu, par la méthode de la distillation, cette idée d'un Général se méfiant de l'islam et redoutant de le voir s'imposer en France. Rumeur innocente, bien entendu, et dont l'effet politique est tout aussi innocent, cela va de soi.

Or il y a un moment-clé dans le deuxième mandat présidentiel de de Gaulle, c'est 1967. Ce moment-clé, c'est sa réaction à la "guerre des Six Jours". On s'en souvient, le Général qualifia alors Israël de "peuple d'élite, dominateur et sûr de lui". Sur la suite des événements et de la stratégie gaullienne, les interprétations varient. Les chevènementistes, tout récemment, ont donné leur lecture des faits : le Général condamnait l'occupation de la Cisjordanie par Israël, qui lui paraissait conduire nécessairement à des exactions et à des formes d'abus que nous avons tous, en effet, constatés depuis en particulier la seconde Intifada. De l'autre côté, il y avait, parmi ceux qui revendiquaient le plus fort l'étiquette de gaulliste, un courant lié intimement à Israël, qu'incarnait Charles Pasqua. Peu avant sa mort, Pasqua a rappelé que, le jour de la mort de de Gaulle, il se trouvait en Israël.

L'assertion de Mme Morano, et peut-être avant elle la citation énoncée par Peyrefitte, appartiennent à cette aile farouchement pro-israélienne de la mouvance gaulliste, une aile de faucon liée aux plus faucons de l'État d'Israël, à ceux qui souhaitent un "choc des civilisations" où la puissance des armées occidentales ouvrirait une nouvelle Croisade contre toute forme d'islam.

Son but est donc simple et clair : agiter le fantasme de la peur de l'islam pour susciter des réflexes de haine enclenchant l'engrenage de la violence. Rien que pour cela, Mme Morano devrait être exclue de tout parti se réclamant de la République Française.

25/03/2009

Épurations ethniques.

Il y a quelsue chose que je ne comprends pas : quand il s'agit de circulation de produits fabriqués, il est interdit d'organiser tout ce qui pourrait aboutir à une forme de différenciation entre les produits nationaux et les produits européens. Les produits des vingt-quatre autres pays européens doivent être traités à égalité complète avec ceux du nôtre, sous peine d'accusation de protectionnisme et de discrimination. L'arrêt Boosman (un footballeur belge) a d'ailleurs étendu ce principe à certains contrats de travail. Mais on laisse les Flamands belges interdire à quiconque n'est pas flamand (et comment décide-t-on qu'on est flamand ? en exhibant un certificat d'arianité ?) d'acheter de la terre en Flandre. Cette discrimination-là est infiniment plus honteuse que l'autre, mais... on laisse faire. C'est douloureusement aberrant.

Les Italiens, eux, semblent avoir la même fringante énergie que leur pape allemand : ils veulent prohiber les classes comptant plus d'un tiers d'enfants d'immigrés. Ils ont déjà fiché leurs tsiganes. Bref, Mussolusconi regorge d'idées chouetes et personne ne dit rien.

Enfin, hors d'Europe, sur le rivage de l'Asie, les Israéliens se distinguent : fantaisies joyeuses de tee-shirts de l'armée et toutes sortes de révélations sur la façon dont l'armée (encore elle) a mené son offensive à Gaza sous la houlette d'un ministre de la défense (Barack sans Obama) qui, venu de la gauche, fait alliance avec l'extrême droite. Et voilà que de facétieux militants de ladite extrême droite organisent un pique-nique pour expliquer qu'au fond, les Arabes Israéliens feraient des Palestiniens présentables, cependant que des territoires aujourd'hui palestiniens mais peuplés de colons israéliens juifs pourraient intégrer Israël, comme ça on pourrait rester entre soi, entre juifs, en Israël.

Franchement, on a connu de meilleures époques.

04/03/2009

L'Europe, c'est la paix.

Il faut se souvenir. L'oubli n'est pas toujours fécond. Il faut se souvenir de François Mitterrand, vieux, malade, usé, mourant, venant prononcer pour l'Europe son dernier grand discours dont les mots résonnent encore, quinze ans plus tard : "l'Europe, c'est la paix".

Il y avait là le témoignage d'un homme né pendant la guerre de 14, prisonnier et évadé pendant celle de 40, le témoignage d'une génération pour laquelle tout n'a été que sacrifice stupide et barbarie, dès qu'il s'est agi de concert des nations européennes, avant 1950.

Pour ceux de cette génération dont l'enfance et la jeunesse n'ont été qu'un long deuil, l'Europe a été l'utopie réalisable, le rêve tangible, atteignable, la révolution ultime des nations meurtries du vieux continent ensanglanté et mutilé. Le moyen, enfin, de faire taire les canons pour toujours et de faire travailler ensemble des peuples qui depuis des décennies s'opposaient, se battaient, se blessaient, se haïssaient.

Oui, la prodigieuse révolution historique qu'a été et que reste la construction europénne, c'est cela : transformer des ennemis en associés, en amis. Non pas amnésiques, ni angéliques, mais guéris : l'Europe, c'est la paix des braves.

Et dès lors, ce n'est pas un hasard si le dernier texte de ce très grand Européen qu'a été Daniel Riot, sur son blog, mêle le plus à vif des conflits qui se déroulent près de chez nous (le conflit entre Israël et le Hamas, les opérations à Gaza), l'idée du "vivre ensemble" et le nom de Strasbourg. C'est bien que l'Europe est cette même idée que ceux qui se croient inexpiables adversaires sont en réalité faits pour vivre ensemble, qu'ils le comprennent ou non, qu'ils l'admettent ou non. Et la construction européenne est la preuve tangible, la preuve par l'exemple, que de simples mécanismes politiques et institutionnels suffisent à créer la paix là où il n'y avait auparavant que la dévastation et le meurtre.

Nous avons le devoir d'entendre le testament des morts, de ceux qui ont subi la guerre dans leur chair, comme Mitterrand (ou tant d'autres, j'en ai connu, vous en avez connu, et on pourrait citer feu Geremek), ou de ceux qui, prenant le relais des premiers, ont consacré toutes leurs forces pendant des décennies à prolonger leur message, à le traduire, à le moderniser, à l'apprivoiser pour les peuples sans cesse amnésiques et les médias sans cesse aveuglés.

Je suis heureux que le beau texte de Quitterie sur Daniel Riot ait été repris par AgoraVox et par Betapolitique. Souvenons-nous aussi de ce que Riot a écrit, des dernières lignes de son blog, pour ne pas oublier que si nous faisons l'Europe, ce n'est pas seulement pour nous, Européens, mais aussi pour témoigner devant tous ceux qui souffrent de conflits dont ils sont les otages qu'aucune guerre n'est inéluctable, qu'il existe la paix et la concorde, que c'est possible, qu'il existe l'Europe, et que l'Europe, c'est l'espoir, un modèle, l'espoir pour tous.

01/02/2009

Israël : ça pourrait être encore pire.

Contrairement à Siné (que j'ai soutenu par ailleurs), je ne suis pas anti-israélien par principe. Comme beaucoup de gens, je souhaite qu'Israël et la Palestine vivent en paix, deux États souverains et voisins.

En revanche, comme beaucoup de gens aussi, j'ai été scandalisé par la façon dont les troupes israéliennes ont mené l'affaire de Gaza, et l'impunité permanente dont jouit cet État est profondément choquante.

Mais si Kadima et les Travaillistes ont eu la dent dure (dans un contexte électoral qui ne leur était pas favorable), il faut savoir que l'arrivée au pouvoir de leurs adversaires de droite et nationalistes serait une promesse de bien plus grande tragédie.

La faiblesse historique des intentions de vote pour les Travaillistes d'Ehud Barak qui vient pourtant de conduire l'opération de Gaza, démontre une société où les déchirements sont plus à vif que jamais entre les partisans de la paix et ceux de la guerre. Vivement la paix.

31/12/2008

Bloavez mad

Bloavez (ou Bloavezh) mad signifie Bonne Année ! en langue bretonne. Qu'elle vous soit douce et prospère, et autres bonnes idées pour la planète.

Pour le reste, que dire ? Le conflit israélo-palestinien finit par devenir un marronnier du réveillon, un marronnier du reste de l'année d'ailleurs. Pleurons les victimes de la sottise et de la cupidité et disons à ceux qui se croient forts et grands, quelle que soit leur puissance, qu'aucune peur n'est éternelle.

On m'a racont-é récemment l'histoire d'une jeune fille de ce qu'on appelle une "bonne famille", mais fauchée, plongée dans le terrible univers des jeunes filles friquées. Je crois que ces humiliations, que certes on ne peut comparer avec le drame des peuples asservis et occupés, ni avec celui des gens qui n'ont rien, sont des plaies très cruelles qu'on ne devrait pas permettre et qui témoignent de la perversité de l'argent.

Bonne année à mes lecteurs, à mes amis, et à Quitterie Delmas.

05/06/2008

Obama - McCain : la politique étrangère américaine ne sera pas libre.

Chacun a vu à quel point la politique étrangère américaine était partiale, sous l'administration Bush, et cette partialité a beaucoup nui à la paix au Proche-Orient, à la justice, et l'influence des États-Unis, notamment.
 
En se rendant à l'invitation d'un lobby pro-israélien hier et en y exprimant son engagement pour que Jérusalem soit une ville entièrement israélienne, Barack Obama m'a déçu, car il a choisi l'efficacité contre la justice. C'était évidemment la condition mise pour le retrait de Billary Clinton, mais de fait, c'est la fin du rêve Obama en matière de politique étrangère.
 
Les États-Unis doivent savoir : quand on est le plus fort, il faut être aussi le plus juste.
 
Souhaitons quand même qu'Obama soit élu président, pour la promotion de l'égalité dans ce pays, mais avec tout de même un grand regret.