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29/09/2009

Ce que l'affaire Polanski enseigne sur Hadopi.

Bien entendu, le texte qui va suivre ne vise aucunement à légitimer l'acte commis par Roman Polanski voici plus de trente ans, mais à comprendre le piège dans lequel certains dispositifs judiciaires peuvent placer les éventuels justiciables. L'acte délictueux en lui-même (l'acte sexuel avec une mineure âgée de 13 ans) est inexcusable sauf circonstances vraiment exceptionnelles, mais les faits ne sont pas ceux que l'on nous a servis d'abord.

Le piège du plaider coupable

Selon la version qui traîne beaucoup, notamment sur Internet, Polanski aurait drogué et violé une toute jeune fille. Dit comme cela, c'est ignoble, on clame "Renvoyez-le à ses juges ! qu'il aille croupir !" Mais selon une autre version que l'on commence à entendre, la mère de la jeune fille aurait poussé Polanski à faire des photos de sa fille dans une situation que l'on imagine, à peu près comme cela a été le cas pour Brooke Shields à la même époque, sauf que... une fois l'acte commis, voici Polanski dans un piège : il ne peut nier, il a commmis l'irréparable. Pour sortir d'une situation dans laquelle il se sent piégé, ce qu'il est en effet, Polanski peut aller au procès, dont le résultat est aléatoire, ou transiger avec sa victime et avec la justice, ce qui l'oblige à plaider coupable. La gravité de la peine est l'un des éléments substantiels de la transaction avec la justice. Pour obtenir une peine relativement légère, Polanski accepte de plaider coupable et d'indemniser sa victime dont la mère semble pourtant aussi coupable que lui.

Désormais, quoiqu'il arrive, le voici dans la nasse de la culpabilité. Et lorsqu'il sent que la peine va dépasser la durée pour laquelle il a transigé, il préfère s'enfuir. Le piège s'est refermé sur lui. Trente ans plus tard, un procureur, sans doute en mal de notoriété, va agiter la nasse. Polanski est arrêté par les autorités d'une Suisse qui cherche désespérément à se refaire une virginité aux yeux des États-Unis. On va sacrifier Polanski sur l'autel du sacro-saint paradis fiscal helvétique.

J'avoue que cette seconde version me paraît plus vraisemblable que la première, et finalement, cette affaire de piège s'est répétée plus tard contre Michael Jackson, sans succès automatique, puisqu'il a payé une fois et gagné l'autre. Dans la dernière, le gamin qui avait accusé Jackson a reconnu après sa mort que ses accusations étaient fausses.

Ainsi, dans le dispositif Hadopi, y a-t-il de petits ruisseaux qui peuvent composer de grandes rivières judiciaires. On dit "mais l'Hadopi qui constate n'incrimine pas", sauf que ses constatations créent une présomption de culpabilité. On dit ensuite "Mais la procédure d'ordonnance judiciaire est légère et n'aboutit pas à une condamnation pénale" sauf qu'elle est optionnelle dans le dispositif, entre les seules mains de la partie civile, d'une part, et du procureur qui agit sur instruction politique d'autre part. La procédure enclenchée par la constatation de la prétendue infraction peut, sans aucune preuve autre, mener le justiciable en correctionnelle, avec très lourde amende et surtout prison à la clef. Et la constatation faite par la commission de l'Hadopi fait foi jusqu'à preuve du contraire, il y a bien toujours une présomption de culpabilité, dont le justiciable peut n'avoir aucun moyen de se libérer.

Ainsi, le raisonnement que l'on nous sert à propos d'Hadopi est-il celui qui a piégé Polanski : "Vous pouvez accepter le dispositif judiciaire, car, c'est promis, la peine sera légère". Or en justice comme ailleurs, et l'affaire Polanski le démontre, les promesses n'engagent que ceux qui les entendent. Et le législateur, lui, ne peut valablement se contenter d'une promesse de l'autorité politique devenue maîtresse des poursuites judiciaires : il est là, au contraire, pour fixer les règles qui offrent au justiciable des garanties de défense équitable et la clarté métronomique de la loi pénale, non pas l'aléatoire de la bonne volonté du pouvoir politique. En matière pénale, s'il y a pouvoir discrétionnaire valide, c'est toujours dans le sens de l'allégement de la pénalité, jamais dans celui de son alourdissement. C'est en quoi le texte Hadopi 2 est aussi liberticide que l'était Hadopi 1 avant censure par le conseil constitutionnel.

Voilà ce qu'enseigne l'affaire Polanski, le piège du plaider coupable, sur le texte Hadopi 2, le piège de la présomption de culpabilité.

03:38 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : justice, culture, hadopi, polanski | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Bien vu, merci Hervé.

Écrit par : Martine | 29/09/2009

Excellent :-)

Écrit par : Antonin | 29/09/2009

Tu te laisserais tenter, toi, quitte à passer à l'acte, par une gamine de 13 ans?!

Écrit par : JF le démocrate | 29/09/2009

@ JF

Polanski menait une vie qui le rendait vulnérable à la provocation, il était vulnérable à ce genre de choses, c'est indéniable. Encore une fois, l'objet de l'article n'est pas de dire s'il est innocent ou victime de ses faiblesses (voire d'un complot), mais la difficulté de certaines preuves et de certaines disculpations, et la perversité de certains dispositifs juridiques. Pour répondre directement à ta question, il m'est arrivé d'être amoureux de filles de 13 ans quand j'avais 13 ans, mais ça m'a passé, et je suis plutôt pour une jeune femme de 31 ans.

Écrit par : Hervé Torchet | 29/09/2009

@ Hervé

Il n'y a pas de honte quand on a 13 ou 14 ans à être amoureux d'une fille de 13 ans. Le problème, c'est que Polanski lui en avait presque 45 et elle 13. On ne peut pas accepter la pédophilie.

Écrit par : JF le démocrate | 29/09/2009

@ JF

C'est vrai, mais 30 ans de vie régulière ne peuvent-ils racheter une faute dont la victime ne se plaint plus ? Ke rachat est-il impossible ?

Écrit par : Hervé Torchet | 29/09/2009

Les commentaires sont fermés.