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26/03/2015

UMP, PS, FN, c'est kifkif ?

Dimanche, les électeurs de France seront appelés à voter pour le second tour des élections départementales. On peut s'attendre à des records d'abstention. Pourtant, voter est un acte qui vient des tripes, un acte qui engage les viscères. Aimer ou détester un pouvoir politique fait partie de l'état naturel du citoyen. L'opacité de l'activité politique et les doutes multiples qui planent sur elle désamorcent le taux d'adrénaline que devrait produire le vote. De là sans doute la tentation de l'abstention.

Il faut dire aussi que lorsque l'on nous explique qu'un candidat qui appelle aux ratonnades, ou un candidat qui pense que le seul bon étranger est un étranger mort, eh bien, c'est la même chose qu'un candidat qui opère de mauvais choix économiques, sociaux et sociétaux, on ne donne pas non plus envie de voter, car cette idée est un pur scandale. C'est un danger extrême. Le fait que l'UMP ne soit pas capable de considérer qu'au minimum, les candidats qui appellent au meurtre doivent être battus coûte que coûte, ouvre devant la France un gouffre mortifère. Et lorsque Juppé estime qu'il a gagné contre Sarkozy, parce qu'il a obligé celui-ci à reconnaître que le MoDem peut faire partie de sa majorité de droite, j'ai envie de lui répondre qu'ils ont perdu tous les deux, et Juppé et Sarkozy, parce qu'ils n'ont pas su empêcher l'essentiel, et qu'ils n'ont pas su affirmer les valeurs les plus élémentaires de la démocratie, de la République et de l'humanisme.

Je sais bien que pour se défendre, la droite a raison de stigmatiser l'antisémitisme déguisé en antisionisme d'une partie des réseaux de la gauche ultra. Mais elle n'a pas été capable de sortir le nom d'un seul candidat du PS et de ses alliés présent au second tour qui ait personnellement lancé des appels au meurtre ou au lynchage. Tandis que ce que nous reprochons à des candidats d'extrême droite, ce sont leurs propres écrits publics. Le jour du vote, nous votons pour des candidats.

Il y a une faute morale dans le fait que l'UMP n'appelle pas à faire barrage au FN coûte que coûte. Il y a une faute historique pour l'UMP à ne pas faire barrage coûte que coûte à celles et ceux des candidats dont les propres déclarations ne conduisent qu'au meurtre de masse ou de détail.

C'est un débat que j'aurais avec Jean Ferrat aussi s'il était encore vivant s'il continuait à acclamer, parmi les grands noms de la France, celui de Robespierre ("Cet homme qui portait dans son nom son métier et son cœur", selon l'énorme expression de Victor Hugo dans "93", son métier, la robe, et son cœur, la pierre), car le rôle principal de Robespierre fut de guillotiner tous les autres révolutionnaires et son unique mérite l'incorruptibilité. Si le fait d'être incorruptible mène à faire guillotiner ses amis et des êtres aussi généreux et utiles que Desmoulins, on se demande s'il n'y a pas plus de mérite à se laisser corrompre, en fait. Heureusement, on peut être honnête sans dresser les poteaux de la Veuve sur la place de la Concorde. Mais on doit choisir ses références.

Donc pour ce second tour, ce que nous devons examiner, c'est le message personnel des candidats. Les appels au meurtre doivent être partout combattus coûte que coûte. S'il fallait voter pour un stalinien d'aujourd'hui (ils ne sont plus ceux d'hier) pour faire battre un FN qui a personnellement écrit qu'il faut descendre dans la rue pour y mener la chasse aux Arabes, je le ferais, j'irais jusque-là, qui serait la seule motivation de mon vote pour un stalinien, à condition bien entendu que le stalinien ne danse pas chaque soir dans la rue en chantant qu'il faut pendre tout le monde par les tripes à la porte des préfectures, cas où je ne voterais pas, mais où je déménagerais assez vite pour changer de circonscription, car se retrouver à avoir à choisir entre deux assassins en puissance, c'est déprimant.

On comprend que la gradation de la désapprobation inspirerait mon vote. Comme dit le vieil adage, au second tour, j'élimine. Il n'existe aucun cas où je voterais FN. On a vu le seul où je voterais stalinien. Je pourrais voter écolo, sauf pour quelques-uns qui sentent le soufre. Si j'habitais Notre-Dame des Landes, je ferais comme 36% des électeurs du premier tour, je voterais évidemment écolo, pour qu'y soit définitivement et officiellement abandonné le projet funeste d'aéroport. Je n'aurais aucun mal à voter UDI, j'ai beaucoup d'amis personnels dans cette famille politique. Et je reste encore plus proche de Bayrou et de ses amis du MoDem. Dans les face-à-face UMP-PS, j'essaierais de mettre de côté la politique nationale pour examiner d'abord les enjeux locaux.

La gestion des collectivités locales par le PS est en moyenne défectueuse. Cependant, il faut évaluer la crédibilité de l'UMP locale à faire mieux, ce qui n'est pas toujours gagné d'avance. Et parfois, à force d'entendre des UMP dire que FN et PS, c'est kifkif, on finit par trouver que certains UMP et le FN, c'est aussi kifkif, tandis que sur les sujets sociétaux, qui entrent en ligne de compte, le PS fait mieux que ces UMP simili FN. Dans ces affrontements locaux, j'appliquerais, si j'avais à voter en plusieurs endroits, la méthode résumée par Voltaire lorsqu'il décrivait le théâtre de Marivaux : "des œufs de mouche pesés dans des balances de toile d'araignée". Au microgramme près.

Il reste à dire un mot de la circonscription départementale où je vote. C'est un morceau du Finistère, département où le premier tour suggère un statu quo de majorité départementale à venir.  Il s'agit du "canton" de Plonéour-Lanvern. La situation n'y est pas facile pour les candidats qui représentent la droite. Je crois que ce binôme est fait de deux UDI, je ne les connais personnellement ni l'un ni l'autre. Je connais en revanche depuis longtemps le maire de Plonéour, Michel Canévet, depuis peu sénateur. J'avais même avec lui des relations plutôt cordiales. Mais son attitude et celle de certains de ses soutiens sont devenues étranges et ambiguës à mon endroit.

Ce binôme que je crois de centre droit a atteint le score de 35% au premier tour. En face, le total des voix des gauches atteint presque 35% aussi. Il y a eu un peu plus de 4% de régionalistes tendance "bonnets rouges" au premier tour et deux fois plus d'écolos. La gestion de l'écologie par le département a été plus que douteuse dans la dernière mandature, le choix d'installation de la centrale à gaz près de Brest est une aberration. Pour l'emporter, les centristes doivent donc trouver une alchimie d'âme bretonne et une vision agricole et environnementale aussi subtile que créative. Agriculteurs, bonnets rouges et écolos ont a priori beaucoup plus de divergences à aplanir que de conceptions communes, si bien que les amener sur le même vote est un exercice de synthèse stimulant. S'il y avait plus de temps pour y travailler, le sujet serait intéressant. Il ne reste plus que trois jours. Affaire à suivre.

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20/03/2015

La culture, pour résister

L'attentat de Tunis, peu de temps après les destructions spectaculaires commises par le  soi-disant "État islamique" dans des musées irakiens, projette une ombre grimaçante sur le crétinisme militant revendiqué par l'ancien président Sarkozy et sur la décision qu'il a prise, seul, de détruire l'État libyen. Les armes jetées alors sur ses ordres au hasard du désert libyen ne sont pas étrangères à celles qui viennent de tuer au Bardo, à Tunis. Sa folie barbare produit dans cette affaire des conséquences d'une redoutable cohérence, un bain de sang et une estocade contre la culture.

En face, on attendrait une lueur élémentaire d'intelligence et de tact, le sens de la répartie et le bon choix des réponses. Espérons que les Tunisiens se sortiront de cette nouvelle épreuve, c'est un peuple résistant qui se construit un nouveau destin. Faisons-lui confiance. Le gouvernement français, en revanche, nous accable en ce moment précis.

Tout d'abord, cette sempiternelle et inutile réforme du collège, alors que c'est dans le primaire, avant le collège, que l'essentiel se joue, et qu'un élève qui sort du primaire sans maîtriser ni la langue française ni les fondamentaux du calcul perd la plupart de ses chances devant les étapes suivantes. Au fond, cette péripétie ne mérite qu'un haussement d'épaules, un de plus en attendant le sursaut. Seulement voilà que s'y cache la stupidité la plus malfaisante : l'affaiblissement, une fois de plus, des langues anciennes. Nos élèves sombrent, enfonçons-les. Tout cela au nom des intentions les plus mielleuses pour les pauvres petits choux. L'égalitarisme contre l'égalité, le nivellement par l'ignorance, la fabrication patiente et glaciale d'un peuple sans mémoire, sans culture, sans horizon, purement assujetti à la logique du nombre.

Ce peuple-là, forgé par des décennies d'école ratée, est capable de voter pour le Front National. Nous le voyons, ces jours-ci. Il ne réclame pas l'égalité, il veut de l'inégalité, toujours plus, et toujours plus pour lui, en particulier, car en votant ainsi, ce qu'il réclame, ce sont des privilèges, des privilèges pour lui, rien que pour lui, des passe-droit. Foin de la République, il n'en connaît ni les grandes dates ni les grands principes. Foin du bon sens, on ne lui a fourni que de la bouillie mentale en exemple, et des généreux sentiments qui ne l'ont mené nulle autre part que dans l'impasse. On l'a plongé dans le brouillard de l'ignorance, il y cherche non pas de la lumière, mais une meute à rejoindre pour s'y tailler un petit royaume chimérique, et pour emplir sa panse. L'égalitarisme contre l'égalité. Comme disait Victor Hugo, "Tous hurlent à la fois et font un bruit sinistre".

Oui, nous le voyons bien, l'ennemi est partout différent, mais il est partout le même. Les salafistes, le FN, c'est le même combat. Ce combat qui veut asservir l'esprit humain a forcément pour premier ennemi la culture. La culture qui éduque, qui donne de la distance sur l'événement, qui apprend à ne pas se laisser guider par la première émotion, mais que l'on est plus fort lorsque l'on est raisonnable, et plus perspicace lorsque l'on dispose de vocabulaire et de références. La culture qui exalte le beau, le beau qui n'est pas partout le même mais qui, partout, rend répugnants les bains de sang. La culture qui élève le cœur et qui fait de l'homme un citoyen, et du citoyen un artiste, un créateur, un bâtisseur de plus.

Il n'y a pas que les salafistes et le FN. Souvent, l'on est confronté à la logique fruste de responsables politiques exclusivement matérialistes. Pour eux aussi, la culture est a priori un ennemi. Les programmes archéologiques ralentissent les réalisations urbanistiques et réduisent la profitabilité des promotions immobilières. Tout ça sont des vieilleries, poussière sur poussière. Les artistes sont incontrôlables. Ce sont des Roms, au fond, des valetailles de romanichels, des traîne-patin et des crève-misère, un peu voleurs de poules, un peu rouges en leur for intérieur. Pas assez bourgeois, pas convenables, pas guidés par l'argent comme tout le monde. Suspects.

Dans les années 1970, la ville de Quimper, effrayée par les lendemains de 1968, refusa l'installation de l'université finistérienne sur son territoire. Négligeant pour une fois sa rivalité séculaire avec Brest, elle laissa ce dangereux foyer de sédition se créer dans cette autre ville. Aujourd'hui, quarante ans après, le bilan est désastreux et les matérialistes eux-même le comprennent. Il n'y a pas besoin d'être grand clerc. Par exemple, les études historiques ont démontré qu'au XVIIe siècle, ce qui fit l'essor de Quimper, ce ne fut pas seulement son tribunal, mais son collège des jésuites, vers lequel des élèves affluaient par centaines venus d'un peu partout, et qu'il drainait vers elle. Dans une ville de 7000 habitants, 1000 élèves au collège (qui n'était pas alors obligatoire), cela faisait combien d'emplois ? Combien pour les nourrir ? Combien pour leur fournir des livres ? Et de l'encre ? Et des vêtements ? Et combien de ces élèves, ensuite, garderaient la nostalgie de cette ville où ils avaient grandi au monde ? Quel réseau d'influence formeraient-ils à son profit ? La culture d'aujourd'hui, ce sont les emplois de demain. En refusant l'université il y a quarante ans, Quimper a scellé pour une durée indéterminée, mais déjà bien entamée, son enlisement économique.

Mais revenons aux autres, aux salauds, à Sarkozy, à BHL, aux salafistes, au FN, à toute cette clique sanguinaire et cupide. Il n'y a pas à chercher beaucoup pour comprendre que leur ennemi, c'est la culture. N'importe qui a lu l'essentiel de Victor Hugo, de Balzac, l'Histoire des Girondins de Lamartine, l'Argent et la Curée de Zola, les Thibault de Martin du Gard, Vol de Nuit de Saint-Exupéry, l'Éducation européenne et la Promesse de l'Aube de Gary, le Livre de ma Mère d'Albert Cohen, la Peste de Camus, des poèmes de Césaire et la Tragédie du Roi Christophe, n'importe qui a vu la Règle du Jeu et la Grande Illusion de Renoir, les Mémoires d'un Tricheur de Guitry, la Belle et la Bête de Cocteau, Nuit et Brouillard de Resnais, le Président et Mille Milliards de Dollars de Verneuil, n'importe qui a cherché son chemin dans un tableau de Poussin ou de Manet, n'importe qui écoute de temps à autre un morceau de Mozart, sera imperméable à leurs foutaises et pourra leur réserver tout ce qu'ils méritent : un bras d'honneur.

Dans ce monde agité, fébrile, dangereux, nous n'avons donc rien de plus nécessaire à faire que de lire, de courir les musées, de hanter les cinémas et les théâtres. C'est cela qui est indispensable, ce superflu sans lequel nous ne sommes que de la chair à obscurantisme. Contre la puissance de l'argent, de la régression, de la haine, de l'oppression, notre arme, c'est la culture. Alors de grâce, Mme Vallaud-Belkacem, ne tendez pas à nos bourreaux le couteau pour nous égorger : rendez le latin-grec aux enfants de France. Rendez-leur l'éthique de la culture, de la culture pour résister.

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10/03/2015

Boute-feux, bains de sang et larmes de crocodile

L'immense majorité des humains, d'où qu'ils soient, ne veut que la paix et la concorde. Mais constamment, les boute-feux hurlent à la mort et réclament du sang, des pogroms et de la guerre. Dans les périodes de tension, des hommes et/ou femmes de bonne volonté tentent d'apaiser les esprits, mais il se trouve toujours un ahuri plus jusquauboutiste et plus boute-feu que les autres pour faire capoter les efforts de la sagesse et pour plonger le monde dans le bain de sang.

Le portrait entièrement à charge du roi François Ier, hier soir, sur la chaîne France 3, n'aurait pas mérité une seconde de commentaire autre qu'un mépris poli s'il n'avait illustré malgré lui ce ténébreux pouvoir des pousse-au-crime. Ce documentaire, qui a réussi à ne prononcer ni le nom de Léonard de Vinci, ni celui de Jacques Cartier, serait aussitôt retombé dans un oubli mérité s'il n'avait réussi, malgré lui il faut le répéter, à montrer comme l'engrenage de la haine est difficile à enrayer.

François Ier, homme de caractère heureux et solaire, ami des beaux-arts et doté d'un vrai goût, ce qui est aussi rare en politique qu'à la télévision française, vit monter la Réforme religieuse. Homme de conciliation et de faible sectarisme, il espéra jouer un rôle réconciliateur et, contre son ennemi Charles-Quint trop proche de l'Église de Rome, il s'aboucha avec des princes protestants, tout en soufflant le chaud et le froid sur les premiers protestants français.

Mal lui en prit : il reçut en pleine face l'affaire dite des Placards, des affiches incendiaires plus violentes que le plus violent des Charlie Hebdo, placardées un peu partout, notamment dans son propre château, et, dit-on, jusque sur la porte même de sa chambre. Ces affiches s'en prenaient en termes virulents au pape. Elles mirent François en difficulté, comme y sont souvent les modérés devant les outranciers. Il crut pouvoir manœuvrer mais dix ans plus tard, comme nous l'explique Ferrand avec moult détails évidemment affreux et intolérables, cet homme de compromis qui aimait les ouvertures audacieuses se résolut à l'impardonnable massacre qui fut le vrai point de départ des Guerres de Religion.

On aurait aimé une vraie réflexion sur l'affaire des Placards : qui sont ses auteurs ? quel est leur but ? Comprennent-ils qu'en défiant l'autorité royale jusque dans le palais même du roi, ils affaiblissent celui-ci alors même qu'il cherche (un peu à tâtons, disons-le) une solution de compromis pacifique ? Les boute-feux du départ n'ont-ils aucune part dans le massacre de l'arrivée ?

J'ai dénoncé pendant des années, vox clamans in deserto, les hurlements de ces boute-feux, les gesticulations de Bernard-Henri Lévy ont fini par éclabousser ses mains du sang de centaines de milliers de Libyens,  George W Bush devrait être traîné devant un Nuremberg et condamné à une prison perpétuelle. Tous ceux qui, au nom de quelque principe que ce soit, qui, en réalité, appellent au meurtre, méritent qu'on les fasse taire.

Il n'y a pas une France raciste aujourd'hui, pas plus qu'hier. Mais il y a la meute hideuse qui attire vers elle tous ceux que l'odeur du sang enivre, et qui, à leur tour, attirent vers eux toute la souffrance humaine, en quête de chimère, et toute la colère aveugle, en quête de boucs-émissaires. Daech, Boko Haram, ce sont de semblables fausses-couches de l'Histoire. De tous côtés, les loups hurlent à la mort, et les gens de bonne volonté tendent la main pour inviter à la paix. Au lieu de juger superficiellement et stupidement les personnages historiques, valorisons ce qu'ils ont offert d'exemple. Surtout si cela peut servir à la paix.

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