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01/11/2007

Traité "simplifié" : une Europe sans Européens.

J'avais été frappé, en lisant un vieil album de photos anciennes (datant des années 1960 et regroupant des clichés officiels et parisiens du Second Empire jusqu'à la Première Guerre mondiale) commentées par Emmanuel Berl, d'y lire l'expression "Une république sans républicains". Il s'agissait de décrire la période 1870-1875.
 
À cette époque, la France est techniquement une république, puisqu'elle n'a pas de monarque. Mais ses instances parlementaires sont dominées par des monarchistes des trois catégories : légitimistes, orléanistes et bonapartistes. C'est l'incompatibilité de ces trois options qui assurera la victoire des républicains : en 1875 furent adoptées trois lois modestes qui tinrent lieu de constitution jusqu'en 1940.
 
La France fut ainsi constitutionnelle sans le savoir, tel un M. Jourdain des institutions.
 
Or voici qu'on nous explique avec force détails que les 290 (!) pages du traité dit "simplifié" ne sont que la pure et simple réorganisation du traité rejeté fortement par les Français et les Néerlandais en 2005, dont on n'a retiré que les dispositions les plus voyantes constitutionnellement : le drapeau, l'hymne, etc, toutes choses qui sont bien antérieures au traité avorté de 2005. Il s'agit donc, comme les lois de 1875, d'une constitution de fait, sans le nom, en catimini. 
 
Seulement voilà : Sarkozy a, il est vrai, été élu pour trouver une solution au Non français en obtenant un traité modeste et technique, non pas pour faire passer par le parlement ce que le peuple avait refusé nettement. Sur cette idée, François Bayrou, dont une partie de la campagne avait été basée sur l'idée qu'il faudrait revoter (idée que défendait un autre grand Européen, Jacques Delors), avait estimé que le "mini-traité" pourrait légitimement être adopté par le seul parlement, puisque les Français en avaient donné une sorte de mandat à Sarkozy en l'élisant.
 
Sarkozy avait bien affirmé haut et fort, lors du dernier débat télévisé qui l'avait opposé à Ségolène Royal : "la constitution, c'est fini, on n'en parle plus". Mais qu'est-ce qui compte ? qu'elle soit dénommée constitution ou que ses dispositions soient en vérité de nature constitutionnelle ? Et même, les Français ont-ils rejeté le traité parce qu'il était de nature constitutionnelle ou pour les dispositions qu'il contenait ou ne contenait pas ? Le fait que l'on s'éloigne du "mini-traité" allégé pour revenir vers le pavé de 2005 va inévitablement rouvrir le débat.
 
Pour dire la vérité, il me semble qu'il faudrait revoter. Je suis démocrate et, pour moi, le suffrage du peuple est la légitimité ultime ; dans la mesure où le traité nouveau n'a perdu que peu de substance par rapport au précédent, je trouve qu'il faudrait revoter et j'entends bien des voix dire la même chose autour de moi.
 
Bien entendu, c'est une option dangereuse et on fait courir un authentique risque à l'Europe et à la construction européenne en adoptant de nouveau la voie référendaire pour son adoption. Mais que les parlementaires disent Oui là où le peuple a dit Non serait particulièrement choquant.
 
C'est parce que pendant des décennies on a construit l'Europe sans y associer le peuple qu'on en est arrivé au désastre de 2005. On ne peut pas continuer à bâtir l'Europe sans les Européens. 

28/07/2007

MoDem : quelle géométrie ?

Droite, gauche, centre, la géométrie a envahi la politique depuis longtemps. La part de l’électorat qui n’aime  pas réfléchir par elle-même se trouve confortable dans cette partition de l’espace idéologique où la localisation est simple, voire évidente.

«Je suis de droite», «Je suis de gauche», «Je  suis centriste»...

On ne sait pas toujours ce que recouvre cettte opposition. On dit que le peuple est de gauche et la nation de droite (d’où la savante expression de la constitution  de 1958 : «la souveraineté nationale appartient au peuple français», censée garantir la synthèse des sensibilités populaire et nationale) ; on dit que le social est de gauche et la sécurité de droite ; on dit aussi que l’écologie est de gauche et l’agriculture de droite ; que le conservatisme est de droite et le progressisme de gauche...

Bref, on énumère.

Et depuis quelques années, l’électorat, tout en continuant à se définir parfois selon la logique géométrique, sent bien que celle-ci devient une limite de l’efficacité de l’action publique, cependant qu’elle rend mal compte de la réalité de ceue font les politiques des deux bords, qui se ressemble de plus en plus.

De là le succès de l’idée  d’union nationale défendue par Bayrou lors de la récente campagne présidentielle et incarnée à sa façon par Sarkozy.

Seulement, pour Bayrou, l’union de tous est une coooonviction viscérale alors que pour Sarkozy, elle représente une tactiqqqqque mmmmmmomentanée, lénifiante, abussive, illusoire.

Et s’il faut faire de la pulsion de l’homme Bayrou un principe fédérateur d’une formation politique, il reste à savoir comment celle-ci pourra s’engager dans la constitution de majorités   locales puis nationales. Il est vrai que la vie du MoDem ne peut pas se résumer à la préparation de l’élection présidentielle de 2012.

Et on voit bien à quel point il est diffcile à ceux qui se perçoivent de gauche et bayrouistes de tolérer des bayrouistes de droite et l’inverse aussi, tant la composition d’équipes avec des sectaires de droite et e gauche (non bayrouistes, eux) pèse sur les choix personnels de nos amis. Heureusement, beaucoup de MoDem ne se reconnaissent pas dans la répartition géométrique, ou bien se pensent centristes.

Mais tout de même, la question principale est sur la table : ni droite, ni gauche, c’est l’évidence et la façon la plus juste de raisonner en politique ; seulement, en termes concrets et opérationnels, on fait comment ?

Plus que l’organisation, c’est cette réflexion stratégique qui m’intéresse, bien que je croie les choses déjà jouées en fait dans l’esprit de Bayrou et de ses proches.

Le MoDem doit rester libre.

Personnellement, je n’ai pas plus d’estime pour la gauche que pour la droite.

27/07/2007

Union méditerranéenne : oui, mais.

Pendant que le chat n’est pas là, les souris dansent : Fillon a profité de l’absence de Sarkozy pour donner une conférence de presse...

Le voyage de Sarkozy en Afrique, lui, a commencé par la Libye, on devrait dire par l’alibi. Et tout de suite, on s’est aperçu que la rupture sarkozyenne, là comme ailleurs, se définissait par une paire de pantoufles, celles de la vieille droite post-gaullienne : défendre les intérêts de notre compagnie pétrolière et vendre une centrale nucléaire ; on pourrait croire revenu le temps où, dans les années 1970, nous avons vendu du nucléaire civil à l’Irak et à l’Iran, avec les conséquences que l’on sait.

Quoiqu’il en soit, le projet d’union méditerranéenne voulu par le président doit se trouver conforté par cette initiative. Le Maroc et la Tunisie n’y feront pas de difficulté, l’Algérie a paru y venir, l’Égypte négociera une position forte (si elle ne prend pas ombrage du nucléaire libyen, auquel cas elle sera cassante), le Liban n’a guère le choix, Israël en sera forcément, mais voudra aussi un rang, comme la Turquie et l’Algérie. Bref, il va falloir payer pour beaucoup d’États, un peu comme dans le cadre de la Francophonie. Qui le fera ? La France ? Avec quel argent ? Mystère.

Au-delà de cet aspect, une double question se pose : comment s’articulera la nouvelle union avec l’Union européenne d’un côté et avec son homologue africaine ? Là encore, mystère.

Certains de nos politiciens (comme Strauss-Kahn) pensent que la véritable Europe couvre tout le pourtour méditerranéen. L’union méditerranéenne serait-elle alors une spécialité géographique de l’Union européenne ? Ou seulement une façon d’éteindre les appétits de la Turquie ? Un moyen de se rapprocher d’Israël ? Ou du Monde arabe ? Mystère.

Une autre interrogation, pratique, vient à l’esprit : comment combiner une union douanière européenne sans y impliquer les institutions européennes ? L’union méditerranéenne est-elle voulue comme un instrument pour la construction européenne ou contre elle ? Est-elle destinée à noyer le poisson de l’Europe dans l’eau tiède de la Méditerranée ou, au contraire, à tisser de nouveaux liens pour étendre l’influence de l’Europe ? Mystère et boule de gomme.

Il est évident qu’elle ne sera viable que si elle se combine harmonieusement avec la dynamique européenne.

16/07/2007

La patrie européenne.

Belle promesse, le passage des oldats des 27 sur les Champs-Élysées.

Double promesse d'ailleurs : la France ne boude plus et, désormais, l'armée se pense à 27, y compris pour les projets de développement militaro-industriel.

Cette promesse sera-t-elle tenue ? L'avenir le dira. 

11/07/2007

L’Euro a besoin du MoDem.

Placer un fabiusien (Didier Migaud) à la tête de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, on s’en aperçoit, n’avait rien d’anodin pour Sarkozy : c’est une syllabe supplémentaire de son double langage européen.

En effet, Sarkozy l’Européen, qui invite les troupes des vingt-sept États membres de l’Union européenne à défiler le 14 juillet sur les Champs-Élysées, est aussi celui qui, par sa folle politique budgétaire, met l’Euro en péril à la plus grande satisfaction de Migaud et des amis de Fabius.

Or s’il est vrai que le cours stratosphérique de l’Euro pénalise à court terme les exportations l’Union européenne, il est vrai aussi que la ligne de conduite de la Banque centrale européenne (BCE) est conforme au traité de Maestricht ; en fait, l’Euro fort, progressivement, prend sa place comme monnaie de référence et tel était le but de sa création : inventer une monnaie capable de rivaliser avec le dollar comme unité de réserve.

Les échos que j’ai de voyageurs de l’Orient extrême attestent que la grande régularité de la monnaie européenne, sa solidité et sa prévisibilité, qui font d’elle un véritable Franc Suisse ou, disons-le, un véritable Deutschemark, poussent d’année en année les banques lointaines et les entreprises tournées vers la thésaurisation à accumuler de l’Euro, de préférence sous forme de gros billets.

C’est ainsi que, peu à peu, l’économie mondiale des devises s’organise conformément à l’adage des historiens de la monnaie qui veut que « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». La mauvaise monnaie, celle qui circule, pleine de fausses coupures, grevée d’une politique publique opportuniste, c’est le dollar ; la bonne monnaie, celle que l’on aime voir dormir dans les coffres-forts, c’est l’Euro.

Bien sûr, je force le trait : on adore partout entasser des dollars. Mais, jour après jour, le respect de l’Euro augmente et rogne l’image que l’on a du dollar.

Par conséquent, il ne fait aucun doute qu’à terme, la ligne de l’Euro fort sera féconde.

En attendant, elle ne pénalise que les économies qui manquent de rigueur. La vertueuse économie allemande n’est pas handicapée par l’Euro fort ; et pourtant, elle vit au moins autant que la nôtre de ses exportations hors d’Europe.

Est-il vrai qu’Airbus soit grevé par la force de l’Euro ? Moins que Sarkozy ne le prétend. Et on voit bien que ses amitiés sont là plus atlantistes qu’européennes. Le fait que Dassault soit partie prenante dans le nouveau Boeing pèse sans doute plus que la part de Lagardère dans Airbus. Sarkozy hiérarchise ses sympathies.

Du reste, l’Euro, Airbus, il commence à accumuler les points de contentieux avec l’Allemagne.

Ne soyons donc pas dupes de ses mielleuses rodomontades européennes : il ne vit que par l’esbroufe. Le jour où la réalité le rattrapera, l’Euro aura deux fois plus besoin encore de nous, le MoDem.

24/06/2007

L'Europe sans le peuple.

Le principal défaut de la construction européenne est devenu patent dans les années 1990 : tout l'édifice reposait sur un ensemble de décisions parlementaires. De tous les traités constitutifs de l'Union européenne, un seul avait été adopté par référendum (et quel référendum...) : celui de Maestricht.
 
L'abstention croissante lors des élections du parlement européen manifestait le désintérêt du peuple pour la chose bruxelloise.
 
À vrai dire, cette désaffection choquait surtout en France, car les autres pays de l'Europe ont peu la pratique du référendum et s'en remettent volontiers à des solutions parlementaires.
 
Pourtant, l'idée française du besoin d'enracinement de l'Europe dans le suffrage universel faisait son chemin avec celle de la supranationalité. De toute évidence, si l'on voulait progresser dans le regroupement des souverainetés, il faudrait bien y associer les peuples.
 
On s'engagea alors dans un processus lourd de plusieurs référendums ponctuant l'adoption de l'ambitieux traité constitutionnel européen (TCE) par les parlements de certains états. Le Royaume-Uni devait fermer le bal référendaire ; l'adoption par les vingt-quatre autres états se changeait alors en couteau sous la gorge des Britanniques, sommés de se soumettre ou de se démettre, c'est-à-dire d'approuver ou de se retirer de l'Europe.
 
Ce chantage n'effrayait personne. Il échoua : le référendum français et, dans la foulée, celui des Pays-Bas, se soldèrent par deux non sonores.
 
On pourra gloser longtemps sur les raisons de ce double refus mais on se souvient qu'à l'époque, les études d'opinion montraient que les référendums suivants seraient difficiles aussi, notamment en Pologne.
 
Seul le Luxembourg sauva l'honneur, mais de justesse. Le signe devenait accablant : si un pays aussi profondément européen que le Luxembourg renâclait à ce point à approuver le nouveau texte, c'est qu'il devait avoir tous les défauts.
 
Il les avait : trop long, trop obscur, trop ambigu, trop charabia, trop dispersé, il ne pouvait être approuvé que du bout des lèvres et les adversaires de la construction européenne avaient beau jeu de lui découvrir toutes les tares car, étant donné son obscurité, personne n'était vraiment à même de les contredire, pas même le coordinateur des travaux de sa rédaction, le Français Giscard d'Estaing, qui invoquait pour toute défense un "pourquoi voulez-vous que nous ayons fait un mauvais texte ?" qui résonnait comme un aveu de faiblesse.
 
Et pourtant non, le TCE n'avait pas tous les défauts.
 
Il avait une qualité, une qualité essentielle que l'on a oubliée : il reprenait l'ensemble des traités fondateurs et les soumettait d'un coup au référendum.
 
C'était toute la construction européenne que le peuple se voyait alors invité à valider d'un coup.
 
Or il l'a rejetée. En bloc. Il a dit non à tout.
 
C'était le risque.
 
Il n'a pas été assumé.
 
Qui pis est, il est aujourd'hui nié : on se félicite de voir repris, nous dit-on, dans le nouveau traité abrégé (le "best-of" du TCE) l'essentiel des dispositions institutionnelles contenues dans le défunt traité.
 
Pourquoi pas ? Il en est de bonnes.
 
Mais on entend aussi qu'il n'est plus question de référendum et que les mêmes choix que le peuple a rejetés, le parlement du peuple va les adopter contre lui.
 
Peut-on décrire plus grand scandale politique ?
 
Alors il faut le dire : je suis pour la construction européenne, à fond. Je suis pour que nous bâtissions une grande fédération d'États nations (comme dit Delors) qui jouera un très grand rôle dans l'édification des institutions mondiales et dans l'organisation d'un monde plus équitable et plus humain.
 
Mais il ne peut être question de continuer à échafauder sans se préoccuper des fondations. Or les fondations, c'est le peuple. Le peuple doit s'exprimer.
 
Je sais bien que la récente campagne présidentielle donne l'impression que la colère du peuple est matée, que le fleuve populaire est rentré dans son lit après vingt ans de crue, que la crétinisation des esprits faibles est de retour et que son efficacité touche au zénith.
 
Je sais bien tout cela.
 
Je sais aussi que l'hyperactivité du président donne l'impression que tout va aller mieux, que les gens vont avoir envie de recommencer à travailler, à s'activer pour lui ressembler. Que par conséquent l'économie va s'éveiller de sa léthargie, d'autant plus qu'on annonce une hausse du pouvoir d'achat pour 2007 (3,2%).
 
Mais tout cela est un trompe-l'oeil. Il n'y a pas de démocratie sans le peuple et les frustrations qu'il subit dans les périodes d'effervescence économique et d'opulence, il les fait lourdement payer dans les moments de stagnation.
 
Que l'on s'en souvienne aujourd'hui pour n'être pas surpris demain.