Depuis des années, la France s'appauvrit. Vous allez me dire que tout est relatif et qu'un quart de l'humanité aimerait bien pouvoir manger à sa faim régulièrement, c'est vrai, mais puisque nous vivons en France et que notre appauvrissement paraît profiter assez peu à ceux qui en ont le plus besoin (ce qui serait une consolation relative), autant l'examiner et en mesurer la raison, l'étendue et la portée.
Tout d'abord, vous allez me dire : "mais pas du tout, la croissance est certes faible, mais elle existe, la France s'enrichit, cependant que les Français, eux, stagnent, et c'est là qu'est le mal".
Non, la France ne s'enrichit pas.
Tout d'abord, il faut noter que dans notre croissance, il y a toujours une part de PIB non marchand, en particulier un relatif artifice qui consiste à intégrer dans le PIB le produit des services publics administratifs. Or s'il est vrai qu'il est difficile de les compter pour rien, il l'est tout autant de considérer qu'ils représentent une vraie création de richesse puisque, par définition, leur production est sans valeur, sinon sans utilité.
On peut discuter donc de cet artifice, mais surtout, il faut considérer la valeur des agrégats : la croissance est définie en monnaie constante, ce qui suppose que l'on corrige les chiffres bruts en fonction de l'inflation. Or tout le monde sait qu'en France, les chiffres officiels de l'inflation sont bidon, minorés. Et s'ils sont minorés, cela signifie que la croissance réelle est inférieure au chiffre officiel affiché, puisqu'il faudrait opérer une correction supplémentaire en fonction d'une inflation réelle supplémentaire pour établir un chiffre à monnaie constante.
Donc un chiffre de croissance surévalué.
Plus encore : une croissance entièrement gagée et au-delà.
Car le déficit des administrations publiques, qui se monte à 2,3 % du PIB, est de toutes façons supérieur à la croissance qui se monte, officiellement, à 2,2%. Et pour 2008, on s'attend à une croissance officielle inférieure à 2%, contre un déficit proche des 3%, donc une perte sèche de 1% du PIB, et voici des années maintenant que notre croissance est inférieure à notre déficit. C'est un peu comme si nous payions nos usines pour tourner. Qu'on ne sétonne pas si, ainsi grevés, nos revenus stagnent ou baissent en pouvoir d'achat réel.
La satisfaction marquée par Nicolas Sarkozy devant le (faux) bon chiffre de croissance est d'ailleurs contradictoire avec sa volonté affichée de demander à l'économiste Stiglitz de fournir une nouvelle définition des agrégats nationaux, dont en particulier la croissance. L'intéressant
article de Barnard Maris, aujourd'hui sur Marianne2.fr, fait le point sur l'aspect fictif du PIB et de la méthode comptable.
Mais, encore une fois, si l'on va, paraît-il, constater une hausse moyenne du pouvoir d'achat disponible, celle-ci sera entièrement gagée sur l'augmentation de notre endettement collectif. Nous continuons à vivre sur les dettes de nos enfants.