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15/06/2008

Modernisation = non cumul des mandats : question d'argent ?

Lors de la dernière République des Blogs, j'ai un peu bavardé avec Alex de Melun, assistant parlementaire d'un député UMP et blogueur. En rôdant dans la blogosphère, je m'aperçois qu'il a donné en novembre dernier un très intéressant point de vue sur le cumul des mandats, qu'il conclut en indiquant qu'il est favorable au mandat unique.
 
Pour lui, le nerf de l'affaire est bien la rémunération des élus.
 
De fait, l'activité politique consiste essentiellement en un réseautage permanent. Obtenir un mandat indemnisé revient à se faire rémunérer pour tisser des réseaux personnels. En obtenir deux permet d'y gagner à la fois en crédibilité et en revenu, donc en efficacité autant qu'en confort. Si bien qu'au lieu que l'engagement au service de tous soit un moment de la vie de chaque citoyen (selon l'expression de Quitterie Delmas), ce n'est qu'un parcours personnel, le fil d'une vie, un curriculum comme un autre.
 
Alex de Melun propose de rémunérer mieux les petits maires, le débat sur sa note est de bonne qualité.
 
Par ailleurs, je note que Jérôme Charré (dont j'attends d'autres travaux avec impatience), dans son compte-rendu d'une après-midi de séance du congrès de Cap 21, rend compte d'un débat qui y eu lieu sur le cumul des mandats, dont la prohibition est écartée par Corinne Lepage, avec les mêmes arguments que François Bayrou d'ailleurs...

11/06/2008

Opération modernisation = non-cumul : l'élu, la fonction et le statut.

Trente-six mille communes, des milliers de structures intercommunales, cent départements, vingt-deux régions métropolitaines, un certain nombre Outremer, des collectivités à tous les étages, un demi-million d'élus, et huit ou dix fois plus de fonctionnaires de l'État, du secteur public hospitalier et des collectivités locales : voici les facteurs institutionnels et humains de l'action publique, chargée de gérer une enveloppe budgétaire globale sans doute supérieure à 750 milliards d'Euros, la moitié du PIB (au passage, je signale qu'en termes de PIB, la France est redevenue n°5 mondial en raison de la chute du sterling).
 
Or il y a une curiosité dans ce tableau : les élus et les personnels ont la même préoccupation dialectique : leur rôle devrait se caractériser par leur fonction, mais il se définit surtout par leur statut. Le fonctionnaire (fonction ! publique) est en fait défini, selon la jurisprudence administrative, par son statut. On peut être agent public de fait si l'on s'est trouvé par circonstance dans la position de remplir une mission de service public, voire si l'on est salarié d'une collectivité publique, mais pour être fonctionnaire, il faut en avoir un statut. Il y a une définition purement corporative du fonctionnaire.
 
Et comme s'il s'agissait d'une nature sociologique française profonde, le même mal a gagné l'élu, qui finit par se définir non par ce qu'il fait, mais par ce qu'il est : on EST un élu. On EST maire, maire-adjoint (on ne dit pas "adjoint au maire", ça fait subalterne, tandis que maire-adjoint, c'est déjà un maire, j'ai d'ailleurs entendu des responsables associatifs me présenter à leurs membres comme "notre maire", autrement dit "celui des maires qui s'occupe de nous autres, des sports"), conseiller général, député, ministre. D'ailleurs, en fonction de ce statut, le protocole organise la traduction physique de chaque titre : comme sous l'Ancien Régime, chacun a sa place. Seulement (et c'est une amélioration), en principe, les places tournent. Je dis "en principe" car, de même que les fonctionnaires, les élus ont tendance à considérer que s'ils intègrent la corporation, s'ils deviennent élu, c'est pour toujours, pour y rester, pour y faire au moins leur trou, voire plus.
 
Mais pour justifier d'y rester, il vaut mieux pouvoir dire qu'on y a été utile. Et c'est là que la question protocolaire devient centrale : un préfet ne reçoit pas lui-même le maire d'une trop petite commune (sauf événement particulier), le maire est reçu par son directeur de cabinet (dircab) ou un autre subalterne, parfois très subalterne. Un conseiller général, lui, voit s'ouvrir beaucoup de portes devant lui, il n'a aucune difficulté à accéder au sous-préfet, mais pour le préfet, c'est plus difficile.
 
Et ainsi de suite...
 
Et c'est pourquoi le maire d'une petite commune, imbriquée dans une communauté de communes, n'aura de cesse d'acquérir une casquette plus galonnée pour avoir accès à un gradé plus élevé de la hiérarchie de l'État, ou d'un consortium économique, d'ailleurs. Quand on est maire de Sableville, on a envie de devenir conseiller général de Plageville, député de la 3e du département du Littoral, ou sénateur.
 
Et à chaque fois, on le fait pour exercer sa fonction, mais sans se rendre compte du glissement qui fait qu'on confisque une fonction pour en exercer une autre.
 
Voilà le mécanisme parfaitement pernicieux qui fait qu'en France, pour obtenir les bonnes grâces de l'État, il faut cumuler.
 
Ne cherchons pas ailleurs la raison de cette spécificité française que constitue le cumul des mandats : c'est la dépendance des collectivités locales à l'égard de l'État qui en est responsable. Ce qui est local étant humilié éprouve le besoin de se grandir pour devenir un interlocuteur plus crédible. S'il y avait plus (ou encore moins) de liberté locale, il y aurait moins de cumul.
 
Bon, évidemment, je pourrais aussi insinuer que pour certains, la fonction élective est le moyen de prélever des commissions sur des marchés publics, que pour d'autres elle représente la pure griserie du pouvoir dont il faut accaparer le plus de leviers possibles, mais il me semble que ma note est déjà assez longue comme ça et je m'en voudrais d'encourir les foudres de Quitterie Delmas qui a lancé l'opération...
 
Voici donc mon remède : moins de collectivités locales, avec des missions plus claires, un périmètre mieux défini et des moyens plus autonomes.
 
Et vous ?