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01/10/2008

Crise financière : l'illusion d'une illusion.

J'ai écrit que le Plan Paulson était en quelque sorte un emplâtre sur une jambe de bois. Aussitôt volée de bois vert décernée contre mon hérésie par un spécialiste en la matière, L'Hérétique, et un diplôme de suicidaire galonné décerné par le Dr Ginisty. Je lis aujourd'hui un article d'hier de l'excellent blog "Les coulisses de Bruxelles" sur la nationalisation "provisoire" de Fortis par les autorités de feu le Benelux, avec l'idée que, bien entendu, cette nationalisation n'est que transitoire, le temps que les marchés "reprennent leurs esprits".

Ce ne serait donc que cela ? une crise d'hystérie collective ? Une brutale illusion ? Les marchés financiers auraient des vapeurs et, le temps de jeter un peu d'eau froide sur la machine, tout rentrerait dans l'ordre ?

Mais alors, L'Hérétique et Ginisty auraient raison. Argh.

Mais non, ils ont tort. Le réseau Alcibiade, tout d'abord, a étayé (dans les commentaires) mon affirmation profane par celle d'un spécialiste dénommé Rubini, dont j'invite à consulter l'opinion ici. Ensuite, Frédéric Lefèvre-Naré (à ne pas confondre avec le liberticide Frédéric Lefebvre, il y a soi dit en passant des avantages à porter un nom rare comme Torchet, on s'y trouve rarement en mauvaise compagnie), Frédéric Lefèvre-Naré, donc, ayant observé que nous étions lui, Christophe Ginsty et moi des non-spécialistes, et que nous devions conséquemment faire preuve de modestie, je lui ai rétorqué amicalement que, vu que ce sont les spécialistes qui ont fichu le système par terre, il était peut-être temps de s'adresser à d'autres...

La crise actuelle est affaire de bon sens. Comme je l'ai écrit voici plusieurs jours, "on ne peut pas indéfiniment traire la même vache sans lui faire produire des veaux de temps à autre". C'est un problème d'adéquation de la production à la richesse.

On y trouve la conjugaison d'une bulle financière monstrueuse, d'un appauvrissement des habitants du pays le plus riche du monde (dû entre autres à la baisse du dollar), de l'incurie d'un système destiné à produire de l'argent coûte que coûte, de la financiarisation de l'économie qui en découle, et d'une pure et simple surchauffe.

La surchauffe est une phase de croissance économique aiguë, violente, démesurée, un emballement de la machine, qui conduit toujours à la dépression.

Or le monde vient de traverser une période de surchauffe, matérialisée par la frénésie du cours des matières premières, par un taux de croissance mondiale très fort, qui ne pouvait que déstabiliser les rouages de l'économie de notre planète (ce qui n'est que le moindre de ses inconvénients avec la déforestation, la pollution, la détérioration de notre planète et de notre avenir). Après la surchauffe, la dépression.

On comprend bien que les gouvernements européens cherchent à éviter la panique, mais doivent-ils pour autant mentir ?

La crise n'est pas que financière, c'est une dépression économique profonde, il n'y aura pas de retour des marchés au statu quo ante (et hanté). C'est pourquoi il est illusoire de prétendre empêcher le système financier de s'écrouler : ce serait impossible.

Il faut laisser l'offensive de l'ouragan se déployer et intervenir seulement au moment où elle faiblira. Tout ce qui sera fait entre-temps sera perdu.

Et pour éviter la panique, on peut aussi choisir mieux sa banque, merci Quitterie, et aller consulter la note des Amis de la Terre. Évidemment, choisir sa banque paraît un luxe, beaucoup de gens se contentent de l'établissement qui veut bien d'eux, mais c'est moins vrai qu'il ne semble et, pour ceux qui peuvent, cela devient une double responsabilité.

30/09/2008

L'échec du plan Paulson est une bonne nouvelle.

Il faut laisser le système financier s'effondrer. Il y a à cela plusieurs raisons.

La première est d'ordre moral : le système financier a commis une faute, il s'est arrogé une puissance excessive, il s'est voulu le maître, puis il a mésusé de sa puissance. Il s'est trompé, il a commis des fautes impardonnables qui sont pour beaucoup dans l'effondrement actuel. Il n'existe donc aucune raison de sauver le système financier mondial.

Laissons-le s'effondrer puis, si besoin est, recontruisons-en un autre avec ce qui sera resté de solide dans la débâcle.

Mes lecteurs vont me trouver sévère, voire glacial, au regard des conséquences de ce que j'appelle de mes voeux : l'implosion. Ils vont, comme la presse, la télé, comme Paulson, comme tant d'autres, trouver qu'"on ne peut pas laisser faire". Mais si. On peut. Et je dirais même plus : on doit.

En janvier, j'écrivais que le plan de relance de l'économie américaine ne servirait à rien d'autre qu'à cramer 300 milliards de dollars. Dans un premier temps, les 300 milliards ont paru efficaces, puis la réalité s'est remanifestée, en pire. Dépenser 700 milliards de plus n'aurait été qu'une folie supplémentaire : on n'arrête pas la mer avec les mains.

Le système financier est un jeu d'apparences, de confiances croisées, de paris sur du papier, du papier rédigé avec du vent. Une fois que le masque du papier a révélé le vent, l'ouragan se lève.

Et le voici, l'ouragan, il monte, il souffle, il tonne, il jette des éclairs. Il approche.

Qui a lu "Typhon" de Joseph Conrad sait qu'il ne sert à rien de marcher contre le cyclone : il faut au contraire se laisser porter par lui, se lier à lui, c'est ainsi qu'on le traverse en limitant les pertes. Laissons le cyclone passer. C'est après qu'il faudra réinjecter de l'argent dans tout ça, pas avant, encore moins pendant.

La guerre en Irak a coûté au moins 1500 milliards de dollars aux États-Unis. 1500 milliards de dollars, c'est à peu près le coût de la crise des subprimes. Ces 1500 milliards ont cruellement manqué à l'économie américaine, de là l'étendue de la crise.

Qu'on se le dise et qu'on se le redise : il n'y a pas de prospérité dans la guerre, pas de bonheur, pas même de destin. Dans la guerre il n'y a, comme disait Chrchill, que "du sang et des larmes".

Cette crise qui s'ouvre, nul ne peut en prévoir l'étendue ni la fin. C'est pourquoi il est illusoire de vouloir dépenser de l'argent qui n'existe pas pour sauver des entreprises qui n'existent plus.

Au lieu de nationaliser des banques, le gouvernement américain ferait mieux de nationaliser les fonds de pension. D'une part, parce que la logique purement rapace qui les a mus porte une lourde responsabilités dans l'implosion du système, en ayant découplé la logique financière de la logique industrielle, d'autre part parce qu'on n'ose pas imaginer le nombre de retraités américains que l'effondrement du système financier peut priver de ressources.

Cet argent-là serait utilement dépensé et d'ailleurs, cette nationalisation-là devrait coûter tout juste un Euro symbolique.

Et quand je pense qu'au milieu du cyclone, alors que le bateau fait eau de toute part, l'urgence absolue, LA priorité du gouvernement français, c'est de faire passer son funeste projet Hadopi au forceps, au nez et à la barbe de l'Europe... il y a de quoi se la prendre et se la mordre.