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21/05/2010

Celtes oranges.

La carte du récent scrutin britannique est étonnante.

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On voit très clairement comme les régions périphériques se démarquent par un vote où la troisième voie (les libéraux-démocrates ou libdems figurés en orange) est parfois nettement majoritaire, comme en Écosse. Pour ce dernier territoire, l'impression est, il est vrai, renforcée par la couleur jaune des nationalistes éciossais.

Ce vote périphérique renvoie à ce qu'a longtemp été le vote UDF, un vote contre la capitale, contre le pouvoir central, contre l'uniformisation des pays. Disons qu'il y a, dans le contexte britannique, un rejet du jeu bipolaire par les nations unies à la couronne d'Angleterre. De fait, la bipolarisation n'est pas un réflexe celtique.

Ah oui, au fait, pour ceux qui l'ignorent, l'Écosse, le pays de Galles et la Cornouailles sont les trois nations celtiques de la grande-Bretagne, celles qui parlent ou ont parké des langages celtiques, le gallois est même très proche de certaines branches du breton continental, ce qui n'est pas étonnant, étant dnné que les auteurs antiques disent qu'on parlait dans la grande île une variante du gaulois.

Il y a donc, dans les vallées austères de l'Écosse, dans les paysages miniers de Galles et sur les rivages venteux de la Cornouailles, le même tempérament que celui que nous connaissons en Bretagne : une méfiance contre le manichéisme et contre les oukases du pouvoir central. Il va de soi que ce tempérament n'est pas transmis par les gènes, mais qu'il fait partie de l'ambiance, de la culture ordinaire, d'une imprégnation commune.

La bipolarisation, c'est bien anglo-saxon, on la trouve intacte dans l'espace qui, voici plus de mille ans, a été décrit comme "l'heptarchie anglo-saxonne", cet ensemble de royaume nordiques implantés dans ce qui allait devenir l'Angleterre. Les Celtes n'ont pas de ces idées-là et le prouvent dès qu'on leur en donne l'occasion.

Scrutin à un tour et proportionnelle

L'un des effets de ce vote britannique, on l'a vu, a été de produire un gouvernement de coalition, ce qui n'avait plus été vu à Londres depuis des lustres. Ce peut-être la fin d'un mythe, qui veut que le scrutin à un tour soit un oouperet implacable contre le pluralisme, et qu'il impose la bipolarisation la plus automatique.

D'ailleurs, le lendemain même du vote, la majorité au pouvoir en France a annoncé qu'elle renonçait à l'hypothèse d'instaurer une combinaison de scrutin proportionnel et de scrutin à un tour pour l'émection des futurs conseillers territoriaux en 2014. Désormais, le pouvoir français veut étendre aux régions le mode d'élection des conseillers généraux. C'est un retour en arrière considérable pour notre pays où, depuis trente ans, la proportionnelle a fait des progrès très notables et très utiles.

Ce mode de scrutin a été choisi par les constituants de la IVe république en 1946, il avait l'avantage de la justice et d'une forme d'égalité des courants de pensée, qui pouvaient coexister au parlement sans encombre. Il avait cependant l'inconvénient d'encourager l'instabilité gouvernementale, qui encourageait à son tour le vote pour les adversaires de cette république : les gaullistes et les communistes.

Dans sa deuxième phase, la IVe république inventa les apparentements, un système qui combinait la logique majoritaire et la logique proportionnelle, dont le résultat était à mon avis injuste dans certaines circonscriptions, mais qui a inspiré depuis le mode d'élection municipal et régional, avec un avantage à la liste arrivée en tête. La particularité était que les partis se présentaient séparément, mais annonçaient d'avance qu'ils allaient gouverner ensemble. S'ils atteignaient la majorité des voix dans un département, tous les députés de ce département leur revenaient, répartis entre eux selon la logique proportionnelle. Au fond, c'est la même système que celui des investitures communes de notre république, où les partis vassalisés obtiennent des miettes de la part des plus grands, avec cette nuance qu'alors, les partis se présentaient séparément aux électeurs, qui demeuraient seuls maîtres de la répartition des sièges, ce qui était tout de même plus juste.

Le scrutin à deux tours, auquel l'UMP reste attachée, force les partis à s'entendre, ce qui ne serait pas grave en soi, mais surtout, il conduit les plus faibles à l'assimilation aux plus forts. C'est ainsi que, de candidatures uniques en candidatures uniques du RPR et de l'UDF à partir de 1983, on a fini par créer l'UMP, et, de la même façon, que les communistes et les radicaux de gauches ont été phagocytés par le PS. C'est donc une machine non pas contre le pluralisme des structures partisanes, mais contre le pluralisme des idées.

Deux présidents proportionnalistes

Pendant plus de vingt ans, les présidents français ont été proportionnalistes : Valéry Giscard d'Estaing (VGE) et François Mitterrand avaient un point commun, celui d'être issus de ce qu'on a nommé, sous la IVe république, la "troisième force", qui comprenait les Indépendants (CNI), les Radicaux, les Démocrates-Chrétiens (MRP), les socialistes (SFIO) et l'UDSR de Mitterrand et Pleven ("deux bien grands crocodiles pour un bien petit marigot", persiflaient les chansonniers).

VGE instaura la proportionnelle intégrale dans le cadre national pour l'élection des députés européens en 1979, Mitterrand la choisit pour l'élection des conseils régionaux en 1986 et on ne doit pas négliger que ce soit par conviction autant que par calcul qu'il l'établit pour l'élection législative de 1986. C'était une volonté de rétablir le pluralisme et la respiration intellectuelle d'un pays dont l'imagination et la créativité s'étaient beaucoup desséchées en deux décennies de Ve république (ce qui n'empêche pas de voir que cette république a par ailleurs accompli de grandes choses).

Depuis l'arrivée de Jacques Chirac au pouvoir en 1995, la tendance proportionnaliste s'est d'abord ralentie, puis inversée. Le choix de la proportionnelle de grandes circonscriptions pour l'élection européenne de 2004 a été le signal du retour vers le scrutin majoritaire. La fusion politique des départements et des régions, logique dans un cadre proportionnaliste, est en fait le temps ultime d'un retour à l'asphyxie du pluralisme si l'on élit les conseillers au scrutin uninominal à deux tours. Dommage.

21/09/2008

Pour le pluralisme au Sénat.

Le mode d'élection des sénateurs, chacun le sait, brille par son archaïsme. La logique de l'existence de cette assemblée est certes forte : dans un pays, la France, où le pouvoir central est très puissant, il faut une institution qui porte la voix des pouvoirs locaux. Cette fonction de résistance a longtemps fonctionné sans heurt. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.

Tout d'abord, l'État se retire des territoires (sans doute pour préparer une évolution vers un fédéralisme régional) et le Sénat n'y peut rien ; qui pis est : il ne fait rien de notable pour s'y opposer, dominé qu'il est par la logique majoritaire. Un Sénat aux ordres du pouvoir central, c'est le monde à l'envers.

Ensuite, les sénateurs n'ont pas le monopole de la représentation locale, ils la disputent aux députés et aux grands élus locaux que sont les présidents de départements et de régions et les maires des grandes villes et présidents de grandes agglomérations.

Enfin, la résistance des pouvoirs locaux est désormais incarnée par la gauche, qui a repris la fonction longtemps assumée par l'UDF. Aujourd'hui, le parti des territoires, avec ses qualités et ses défauts, c'est le Parti Socialiste. Or le Sénat n'a pas de majorité dominée par le PS.

Celui-ci crie au scandale, avec d'ailleurs des raisons, car les petites communes n'ont pas besoin d'une assemblée parlementaire rien que pour elles. L'équilibre entre les différents type de collectivités locales est mauvais, chacun le sent bien. Cependant, étant donné la façon dont les groupes politiques fonctionnent en France, ce dont le Sénat a besoin, c'est surtout d'une majorité flottante, d'un pluralisme réel. Ainsi les langues seraient-elles libres et les votes en conscience.

Il n'est pas normal qu'un tiers seulement des sénateurs soit élu à la proportionnelle et qu'ils le soient dans le cadre départemental : une proportionnelle sur quatre sénateurs garantit en fait le pouvoir des grands partis et n'offre rien aux petits. Dans un cadre régional, sur quinze ou vingt sénateurs, la proportionnelle jouerait réellement.

Souhaitons en tout cas que le scrutin d'aujourd'hui renforce les petits groupes et crée de l'instabilité et de la pluralité au Sénat.

Comme je l'ai déjà dit, je ne serais pas malheureux que se crée un groupe démocrate.