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16/04/2007

Vite, le livre d'Azouz Begag.

On ne prend pas toujours facilement un écrivain au vol. Il vaut parfois mieux l'avoir suivi dès ses débuts, l'avoir accompagné, avoir pris le train dès son départ.
 
Je n'avais jamais rien lu d'Azouz Begag jusqu'ici et c'est la seule réticence (modeste, on en convient) que j'éprouve en refermant son livre. Car il parle de lui, de certains événements de son parcours et de sa vie, et on se doute qu'il ne prend pas la peine de s'y attarder parce qu'il l'a déjà fait ailleurs, alors qu'on aurait vraiment voulu les mettre en perspective de ce qu'il raconte : ils y auraient trouvé un écho, neuf pour le lecteur novice, et peut-être neuf aussi pour le lecteur chevronné, qui en aurait découvert un nouvel aspect.
 
Quoiqu'il en soit, et toujours avant de parler du livre en tant que tel, il faut tout de même noter l'extraordinaire portrait de calvaire qui sert de toile de fond à ce compte-rendu de ministère : celui de Dominique de Villepin, que l'on voit transformé peu à peu en ectoplasme douloureux, décharné, desséché, l'oeil qui se vide progressivement, à peu près tel qu'on l'a vu à la télévision, mais sous l'angle d'un proche qui, certes, ne le voit pas beaucoup, mais a sur lui un regard bienveillant, sincère et libre.
 
Il faut tout de même faire cet aparté, car Villepin a honoré la France par son courage devant l'ONU en se cabrant dans un beau texte contre l'oukaze du mensonge, ce qui lui vaut une reconnaissance éclairée.
 
Ces préliminaires achevés, venons-en au fait : Azouz Begag (c'est là qu'on aimerait en avoir lu un peu plus sur lui, j'avoue ne pas le connaître bien), au fond, fait un portrait naïf de lui-même qui peut rappeler les romans ou les films qui, il n'y a pas si longtemps, narraient la "montée à Paris" d'un petit provincial, tout ébahi, tout benêt, tout gentil, au milieu du vrombissement de la grande ville.
 
Oui, il y a quelque chose du "Fauteuil d'orchestre" de Danièle Thompson, dans le livre d'Azouz Begag, et quelque chose de Cécile de France dans le personnage qu'il met en scène sous l'identité de lui-même.
 
Mais bien sûr, la comparaison s'arrête là, car le film est un bon divertissement, alors que le livre est un puissant témoignage.
 
L'aventure débute d'une façon étrange : il rencontre Villepin à la foire du livre de Brives, Villepin n'est encore que ministre des Affaires Étrangères, et quelques mois plus tard, le même DDV (selon ses initiales) le propulse ministre. Un faux ministre, ou plutôt un vrai, mais un qu'on ne respecte pas dans le milieu politique : un ministre sans administration ni budget.
 
Or chacun sait que ce sont les deux nerfs de la bataille politique, les deux enjeux majeurs des disputes âpres que se livrent les ministres dans les coulisses.
 
J'ai personnellement le souvenir d'un sous-ministre qui, en 1995, se réjouissait d'avoir arraché deux directions d'administration centrale cruciales du ministère de l'Intérieur pour composer son sous-ministère. Résultat : il n'est pas resté six mois, la structure s'est vengée.
 
Là encore, la bonne volonté de Villepin n'est pas, à mon avis, en cause : il avait dû rêver d'une autre vie à Matignon. J'écris ces mots avec le souvenir de confidences faites par Raymond Barre au groupe de jeunes centristes dont je faisais partie, à la fin de l'été 1987 : il expliquait la vie harassante d'un premier-ministre, trois journées de travail en une, celle de l'inaugurateur de chrysanthèmes (disons la journée protocolaire), celle du chef de l'administration de l'État et celle du chef de la majorité politique. Barre avait tordu le cou au protocole pour pouvoir s'en sortir.
 
Le voici donc nanti d'un bureau, c'est un bon début. Le récit de la composition de son cabinet est un poème tragique.
 
Puis vient ce que j'évoquais hier : l'indélicatesse du milieu, un affreux panier de crabes. Donnedieu de Vabres l'invite pour une réunion et le fait poireauter pendant une demi-heure dans l'antichambre. Douste le reçoit au bout d'une heure d'attente après lui avoir bien montré qu'il recevait entre-temps un homme qui était son candidat à lui, Douste, pour le ministère ectoplasmique que lui, Begag, occupait. Et ainsi de suite.
 
Ce qu'on lui reproche ? Être un affidé de Villepin.
 
Car toute la politique en France n'est faite que de coteries, de clans, de féodalités, de bandes, de gangs, et, comme chantait Renaud autrefois, "casse-toi tu pues, t'es pas d'ma bande" dès qu'on déborde du cadre.
 
Or Azouz Begag, je ne crois vraiment pas que ce soit une posture, toujours, partout, déborde du cadre. Pas comme Tapie par sa vulgarité encombrante, mais par sa liberté modeste. Begag est quelqu'un qui se laisse longtemps marcher sur les pieds avant de se venger.
 
Seulement, le jour où il décide de se braquer, il ne change pas d'idée.
 
Le portrait qu'il brosse de Sarko est un flacon de vitriol, on l'a déjà lu dans la presse, mais dans son contexte, c'est encore plus fort.
 
Le goût et le talent de l'écrivain font le reste d'un récit, celui d'un naufrage où le surmenage finit par vaincre l'insurmontable angoisse qui l'étreint dès le début de la période. Naufrage ? Pas sûr.
 
Azouz Begag a beaucoup fait pour la République et pour ses petits frères des banlieues lyonnaises. Il a écrit et il a milité dans les milieux associatifs. Son passage parmi les requins gouvernementaux l'a mis en situation de défi : il veut relever le gant qu'on lui a jeté en l'insultant et en le méprisant. Ses deux vies vont donc coïncider dans un engagement électif, si ce que j'ai entendu est vrai.
 
On dit que l'UDF (ou le parti démocrate) pourrait l'investir pour une circonscription lyonnaise lors des prochaines élections législatives. S'il entre à l'Assemblée, il y aura de quoi se régaler du récit qu'il en tirera. Libre.
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Commentaires

Hervé !!!!! Il faut lire "Le gone de Chabaa" (orth ?) Tout un programme dans le titre...Au parisien que vous ^étes je rappelle que "gone" veut dire enfant en langage de Lyon.
Begag c'est un Zidane intellectuel, il a organisé la marche des beurs au début des années 80 avec le Père Delorme autre personnage de Lyon, surnommé "le curé des Minguettes".
Cette marche exprimait la confiance des Beurs de l'époque dans la volonté d'intégration de la politique de gauche...
Hélas ! Qu'en a-t-elle fait la gauche de cette confiance...
Begag et le père Delorme en ont été profondément déçus
J'espère aussi que Begag jouera un rôle dans la politique lyonnaise.

Écrit par : Rosa | 16/04/2007

A propos de Tapie il paraît qu'il a rallié Sarko...
Entre"jauni" et "Stiwi" il doit faire bonne figure....

Écrit par : Rosa | 16/04/2007

quand j'aurai un peu d'argent, je ferai l'effort d'acheter ce livre qui m'a l'air essentiel. l'Histoire nous dira si Begag deviendra une source cruciale pour comprendre la politique de notre époque.
ravi de vous revoir Rosa :)

Écrit par : Michaël | 16/04/2007

@ Rosa

Mdr comme on dit sur Internet, mort de rire, quoi. Tapie a rejoint Sarko. Pourquoi pas Buffet ? Heureusement que le ridicule ne tue plus.

@ Michaël

Qui sait ?

Écrit par : Hervé Torchet | 16/04/2007

@ Hervé,
Qui sait qui?

Écrit par : Michaël | 16/04/2007

@ Hervé,
Le temps nous le dira, si par malheur Sarkozy devient Président de la République et qu'il est une des causes d'une fracture importante ou témoin d'un événement majeur de notre société, les historiens, dans l'avenir, lorsqu'ils éplucheront les archives, les journaux et enfin les mémoires et autres livres politiques tomberont sur ce livre. Un historien citera les lignes de Begag pour argumenter les dires de sa thèse...

Écrit par : Michaël | 16/04/2007

@ Michaël

Brrrr.

Écrit par : Hervé Torchet | 16/04/2007

Lu sur un blog "Tout sauf Ségo" et moi je dis "Tout sauf Sarko"...
Qui reste dans le bateau ?

Écrit par : Rosa | 17/04/2007

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