17/09/2008
"La Chinafrique", de Serge Michel et Paolo Woods.
Hier soir, un certain nombre de colistiers d'"Ensemble pour un Paris Démocrate" se sont réunis au café "Alter-Mundi", dans le 11e arrondissement de Paris. J'y ai bu un whisky-coca où le coca était un (b)reizh cola équita, Quitterie a choisi un vin blanc bio (du cheverny) et, au mur, il y avait une affiche stigmatisant le pillage de l'Afrique par l'Europe. Le livre que je vais décrire ici donnera matière à une nouvelle affiche, déjà plus grosse que l'autre : stigmatisons le pillage de l'Afrique par la Chine. Quoique.
Serge Michel et Paulo Woods ont fait un travail de journalistes de terrain, ils se décrivent dans les rues, dans les forêts, dans les ports, de l'Afrique. Ils entendent les petits enfants africains mendier en interpellant les passants en mandarin (càd en chinois). Ils dialoguent avec des ministres guinéens. Ils constatent la mise en exploitation de la forêt du bassin du Congo, la deuxième du monde après l'Amazonie, pourtant protégée moyennant financement de l'État américain. Ils déjeunent d'un couscous chez un Tunisien en Chine. Bref, ils vont là où ils pourront recueillir des info de première main.
Le premier constat est logique : les pays africains, lassés des exigences démocratiques que leur imposent de plus en plus la France et l'Europe, se tournent vers une puissance qui, comme autrefois la France, ne met pas les yeux dans leurs affaires politiques, et leur fournit armes et équipements publics, et juteuses commissions.
L'implantation massive de la Chine n'est toutefois pas sans avantages réels pour l'Afrique : alors que l'Europe et les États-Unis se contentent souvent d'emporter les matières premières pour les transformer chez eux, la Chine fait des efforts supplémentaires. L'exemple est celui de la bauxite. La Guinée regorge de ce minerai qui est essentiel pour l'aluminium, mais n'a jamais été capable de le transformer elle-même, faute d'une suffisante production domestique d'électricité. Les compagnies européennes expliquent que la construction de barrages n'est pas leur métier et végètent dans leurs pantoufles commerciales. La Chine, elle, à l'ancienne, comme dans les années 1960, a une capacité de mobilisation politico-administrative qui lui permet de proposer des barrages, les installations liées, les usines etc. Qui s'empare donc de la bauxite guinéenne ? La Chine. Et la Guinée y gagne de nouveaux moyens de production d'énergie et des emplois pour ses ressortissants.
On voit là un double mécanisme politique et commercial où le dynamisme chinois fait merveille, cependant que l'absence de démocratie de ce pays est un atout dans un continent où la démocratie est minoritaire.
Il existe un troisième mécanisme, au fond plus classique : les normes internationales imposent de plus en plus aux pays africains le recours à des marchés publics pour leurs équipements majeurs. Dans ces marchés publics, les Chinois gagnent, parce que leur personnel est moins exigeant, par exemple. Donc de nouveau, le dynamisme commercial.
Résultat : la Chine est devenu le deuxième partenaire commercial de l'Afrique, dépassant la France.
On peut lire ce livre pour découvrir l'Afrique nouvelle, engagée dans les processus de la croissance des puissances émergentes. On peut d'autant plus le lire qu'on ne sait pas ce que tout cela va devenir dans la crise qui s'annonce et dont on ne connaît encore ni la profondeur, ni l'étendue, ni la durée.
(Grasset)
10:36 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : international, développement, françafrique, europe, afrique, chine | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
L' "alter Mundi"?
Peu veulent me croire quand je leur dis le Modem glisse doucement mais sûrement vers un positionnement "altermondialiste". Il y a pourtant des signes qui ne trompent pas.la meilleure illustration de ce glissement, c'est l'intervention de Bayrou aux UR ,le Samedi soir autour de Fred Vargas, où il mit en évidence le clivage (mondial!) entre un modèle de développement reposant sur l'accroissement des inégalités et un autre modèle dont l'objectif est la rédcution des inégalités.Ca n'a l'air de rien dit comme ça mais ça augure selon moi du nouveau positionnement de Bayrou; Exit le thème du dépassement des clivages de la campagne 2007: place aux nouveaux clivages!Dans cette grille de lecture le Modem n'est plus au dessus de la mêlée, il est dedans, il appartient désormais à un camp...contre un autre.De quoi faire une majorité en 2012. Je ne serais pas surpris que la campagne des européennes se fasse sur le thème : "UNE AUTRE EUROPE EST POSSIBLE!"
Bon...c'est décidé, j'arrête la drogue.Ca me fait vraiment dire n'importe quoi...
Écrit par : Mohamed | 17/09/2008
Bonjour, pkoi avez vous enlevé le post concernant la colere de quitterie et le fait qu on lui ai piqué ses idées (Marielle de S...)
Quel est le fin mot de l histoire?
Faut il ou non soutenir la liste? Je suivrai le choix de quitterie (et donc le votre)
Écrit par : steph | 17/09/2008
Piquer les idées... quand on fonctionne en équipe, j'ai du mal à comprendre.
Écrit par : ruth | 17/09/2008
Oulà, moi qui passe son temps à piquer des idées des autres: Non cumul des mandats, sauver les abeilles, désarmement, politique autrement, écoblanchissement..., doi-je fermer mon blog ?
Écrit par : Werner | 17/09/2008
@ steph
Ma note exprimait un doute sur ce que j'avais entendu. Quitterie précisera certainement elle-même son choix d'ici le vote, mais ce qu'elle m'en a dit m'incite à réitérer mon vote au collectif "Ensemble pour un parti euh Paris Démocrate".
Écrit par : Hervé Torchet | 17/09/2008
Quand la Chine s'éveillera...
On ne peut pas mettre tout sur le dos de la Chine en Guinée car il y a aussi le Canada qui est présent pour la bauxite.Par contre il est vrai que la Chine aspire à être le premier partenaire commercial si ce n'est déjà fait.Hu Jintao râtisse large lorsqu'il visite l'Afrique plus souvent qu'à son tour et on parle de passion pour l'Afrique....Dans la maturité de son âge ou de sa fonction les passions sont souvent inspiratrices...
Pierre
Écrit par : ulm pierre | 17/09/2008
Nos ancètres allaient sur les cotes africaines échanger de la verroterie des cotonnades et des vieux mousquets contre des esclaves, de l'ivoire et de l'or. C'était un peu enfantin.
Les chinois ont repris la même technique, mais elle se mets en place en quatre temps:
1) On arrive sur place pour des grands travaux, réalisés rapidement, assez convenablement et à très bas prix voire gratis. (On vends à perte)
2) On conclut des contrats d'armement (Norinco et autres) ou d'équipements lourds moyennant l'accès au tarifs mondiaux (mais sur longue durée) aux ressources naturelles du pays considéré. (On équilibre vente/achat-profits et pertes)
3) Une fois le courant d'affaire établi on mets en place l'inondation du marché intérieur par des produits made in China qui deviennent une drogue à accoutumance (vètements/chaussures/électronique/véhicules légers etc...) qui éliminent les productions locales et qui reviennent en fait à payer en verroterie les ressources locales. Ces produits virent aussi la concurrence occidentale ou US. (On commence à gagner de l'argent)
4) Une fois ceci fait et que la Chine est devenue l'unique partenaire commercial on commence à revoir les prix d'acquisition des ressources naturelles à la baisse... (On gagne de plus en plus d'argent et sur une durée de plus en plus longue).
Les petits malins qui s'imaginent avoir découvert le paradis commercial avec la Chine vont vite déchanter à mon avis.
Écrit par : Jean Marie | 18/09/2008
Ce qu'on oublie de préciser , c'est que quand la chine fournit clés en main , c'est vraiment clé en main. tout est made in China . du matériel au personnel. sur certains chantiers que j'ai pu voir , le Chnois est la seule langue utilisée et une fois le chantier finit , pas mal d'ouvriers restent au pays et se lancent dans le commerce.
aujourd'hui, dans certains pays, ça commence à grincer.
Écrit par : houhou | 18/09/2008
Oui c'est exact, c'est le cas en Algérie par exemple ou des dizaines de milliers de travailleurs chinois ont construit logements et routes, dans un pays qui compte un chomage massif...
Jamais en reste d'un truc à pas faire les algériens...
Écrit par : Jean Marie | 19/09/2008
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