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30/09/2013
Jadis, le pays qui admirait le plus la France était la Roumanie
Pour Manuel Valls, les semi-nomades qualifiés improprement de "roms" qui construisent des bidonvilles en marge de nos grandes agglomérations ne veulent pas, dans leur grande majorité, s' "intégrer" dans notre pays. Pis encore, non seulement ils ne le veulent pas, mais ils ne le peuvent pas, du fait de l'extrême et insurmontable différence qui sépare leur culture de la nôtre. M. Valls emploie donc exactement les mêmes arguments, et dans les mêmes termes, que ceux que Jean-Marie Le Pen utilisait pour expliquer que ni les Maliens, ni les Algériens, ni quiconque d'étranger en fait ne pourrait s'intégrer à la communauté nationale voici une trentaine d'années, comme si les Maliens, les Algériens, et leurs fils devenus français n'avaient pas infligé le plus abrupt démenti aux insanités lepénistes.
L'homme prisonnier de son substrat culturel, on aurait envie d'en faire un sujet de réflexion philosophique, en fait. Seulement voilà, il s'agit de vies d'hommes, de femmes, d'enfants, de gens qui ont si peu envie de s'intégrer qu'ils inscrivent leurs enfants à l'école, école dont M. Valls les retire manu militari au motif, selon ses soutiens, que "leur vie est en Roumanie", "comme c'est l'opinion du président roumain lui-même". On est heureux de connaître l'opinion du président roumain, mais quid de l'opinion des personnes directement concernées ? Comme disait Coluche, "circulez, y'a rien à voir". La liberté de circulation et d'établissement dans l'Union Européenne ? Oh mais non, cela peut s'appliquer aux Allemands, plus difficilement aux hordes de plombiers polonais qui affûtent leurs clefs anglaises en vue d'envahir nos salles de bain (ah non, zut, ça on nous le promettait en 2005 au moment du TCE, mais on ne l'a pas vu), mais fi, des Roumains... des Roumains (il lève les yeux au ciel)... des Roumains (il prend l'air navré), enfin, des Roumains, vous n'y pensez pas. Les Roumains, cela va où leur président le dit.
L'amoncellement d'immondices argumentaires qu'on ose nous servir en cette occasion est si nauséabond que j'ai du mal à finir cet article. Oui, je sais, il y a des filières mafieuses qui exploitent les prétendus "roms". Il y en a d'autres qui s'épanouissent à l'intérieur du PS et on ne les reconduit pas à la frontière, que je sache (on devrait). Oui, je sais, on ne peut pas laisser les bidonvilles pourrir les périphéries de nos villes. C'est vrai, il faut trouver des solutions, et certaines municipalités s'y emploient. Je note au passage la schizophrénie d'un homme pour lequel j'ai de l'estime, le maire de Lyon qui, d'un côté, fait beaucoup pour intégrer les "roms" et, de l'autre, signe un texte de soutien de Valls. Oui, je sais, Hollande reprend la méthode de gouvernement de Jospin, qui consistait à laisser coexister des opinions divergentes voire incompatibles dans son équipe gouvernementale, c'est vrai, il fait comme il veut, Hollande, ce n'est pas comme si cette méthode n'avait pas mené Jospin au 21 avril. Oui, je sais, Jospin, il ne sait pas faire autrement. En 1997, il a pris le pouvoir en s'appuyant sur les triangulaires du FN. Alors, il essaie de recommencer pour les municipales de 2014. C'est vrai qu'il n'y a pas eu, entretemps, le 21 avril 2002.
Jadis, il y a quelques décennies, en Roumanie, la bonne société communiquait en français. Très bien. On cultivait notre belle langue avec d'autant plus de facilité que le roumain, langue latine, est très proche du français, presque encore plus que l'italien. Ah merde, c'est vrai, ce n'est pas possible, ça, cette référence historique, puisque Valls a dit que leur culture les empêche de s'intégrer. Jadis, Bucarest était surnommé "le Paris" du Danube ou des Carpates, je ne sais plus. Mais ça, tout ça, c'était avant.
Voici plus de trois ans, Nicolas Sarkozy prononça à Grenoble un discours qui fit rimer Grenoble avec ignoble. Et maintenant, il y a Valls, une valse funèbre.
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28/09/2013
La fin du système de Sèvres et Trianon ?
Le président Hollande a été le premier à serrer la main tendue par le nouveau président iranien Rohani. Il a bien fait. Dans l"affaire syrienne, la France cesse de jouer les mouches du coche des États-Unis pour reprendre une initiative forte. Tant mieux. De ce fait, il apparaît de plus en plus évident que la présence de l'Iran à la table des négociations sur l'avenir de la Syrie est inévitable et que les États-Unis et leurs alliés devront s'y résoudre. C'est qu'en fait, lors de cette conférence, dont la perspective, encore floue, approche, ce qui sera en jeu, c'est bien plus que la Syrie : c'est tout un équilibre régional dans une partie du monde profondément déstabilisée.
Le Proche et Moyen Orient a été dessiné par les négociations qui ont abouti aux traités de Sèvres et Trianon en 1921. Il s'agissait de solder la fin de l'empire ottoman. Le Royaume-Uni y était chargé de mener à l'indépendance ce qui est devenu l'Irak, la Jordanie, Israël et la Palestine. La France, de son côté, recevait mandat d'organiser la ou les structures étatiques de la Syrie et du Liban. Pendant la guerre de 1914-18, les Alliés franco-anglais s'étaien appuyés (grâce à l'entremise du célèbre Lawrence d'Arabie) sur les chefs de la péninsule arabique, qui devaient devenir la clef de leur grille de lecture de cette région. Près de cent ans plus tard, il apparaît que tout ce système (préparé par les accord Sykes-Picot) est à bout de souffle et qu'il convient de rasseoir tout le monde à une vaste table pour dessiner une nouvelle architecture régionale.
Cela, une nouvelle conférence le fera. Il semble qu'elle doive rassembler tous les ennemis d'hier, l'Iran, le pouvoir syrien actuel, ses opposants les plus modérés, les Libanais, les Turcs, Israël, les Palestiniens, les puissances du Golfe, la Russie, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Au passage, une promesse non tenue de Sèvres et Trianon devra être enfin honorée : celle d'un État souverain pour les Kurdes. Toutes les minorités devront être protégées et la France devra y veiller. La résolution qui prévoit le recours automatique à la force contre le régime syrien est une arme à double tranchant. Espérons qu'elle porte enfin les fruits de cette grande négociation de paix. La guerre de 14 a près de cent ans, cette conférence statuera probablement pour le prochain siècle.
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17/09/2013
Le triomphe des rentiers
Je ne connais pas Thomas Piketty, économiste de gauche dont j'avais jusqu'ici enregistré surtout les dévoiements personnels, qui vient de faire paraître un ouvrage dont ce que j'ai lu ou entendu m'a rappelé un article que j'ai posté ici même en janvier 2012 sous le même titre, et que l'on pourra relire ici.
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04/09/2013
Syrie : pourquoi je ne suis toujours pas convaincu
La campagne de promotion de l'intervention américaine en Syrie a atteint aujourd'hui un paroxysme en France : la venue du président allemand à Oradour-sur-Glane, hors de toute logique calendaire et commémorative, a fait des victimes de la division SS "Das reich" les otages d'un forfait désormais annoncé. Le président Hollande n'a pas manqué, avec d'épaisses allusions oratoires, de lier l'événement vieux de près de soixante dix ans avec l'intervention où il se laisse entraîner en Syrie. De ce fait, il a permis de comprendre pourquoi M. Désir avait employé le mot 'munichois" la semaine dernière. Tout ceci n'est qu'un plan com ample, à l'américaine, qu'il faut décorer aujourd'hui du seul adjectif qui lui convienne : dégueulasse.
Comprenons-le bien : nous sommes revenus en 2003. Les Américains ont décidé de se débarrasser d'un régime qu'ils sentent enfin à leur portée. Pour cela, ils invoquent les "armes de destruction massive". Seule différence : en 2003, on ne disait pas que Saddam utilisait des armes de destruction massive, mais qu'il en détenait, fait suffisant pour l'envoyer à la guillotine de l'Histoire. Dix ans plus tard, on accuse Assad d'avoir utilisé les siennes. Dans un cas comme dans l'autre, on ne dispose d'aucune preuve, sinon, comme cela a été remarqué aujourd'hui, Cameron aurait présenté ces preuves à son parlement, et le "document de synthèse du renseignement" français (rédigé par qui ? pour qui ? avec quelle dose d'interprétation personnelle ?) ne se contenterait pas de déductions évasives. L'objectif réel est le même qu'en 2003 : faire tomber le régime. Et pourtant, comme en Libye sous Sarkozy, on affirme qu'on s'en tiendra à une action limitée dans le temps et dans le contenu. On voit ce qu'il faut donc penser des engagements de modération pris aussi bien par Hollande que par Obama. Chiffons de papier.
Or si nul ne peut nier que le régime d'Assad soit encore plus odieux que celui de Saddam (notamment dans la rubrique tortionnaire et terroriste), nul ne peut oublier non plus qu'en définitive, la garden-party de George W. Bush en Irak a tué un million d'Irakiens, soit un sur huit, un bilan effroyable qui aurait porté le bilan de la Première Guerre Mondiale à cinq millions de morts si la même proportion nous avait été appliquée. Les Irakiens ont acquis une liberté qui leur a coûté d'autant plus cher que, depuis leur "libération", leur pays s'enfonce dans une guerre civile chronique et meurtrière.
Cet argument suffirait à me faire douter du bien-fondé d'une intervention américaine (avec supplétifs français) en Syrie. Le mal dont ce pays souffre est atroce, mais le remède qu'on lui propose est encore pire que le mal.
D'autant plus que les dizaines de milliers de morts dans les représailles post-révolutionnaires libyennes et les incendies de dizaines d'églises coptes en Egypte montrent quelles seront les victimes premières d'un changement de régime : toutes les minorités. Et nous, France, depuis l'empire ottoman, nous sommes supposés les protéger, ces chrétiens d'Orient. Seulement voilà, la gauche est au pouvoir, la vraie, la gauche sectaire, avec Ayrault, et ces gens, qui se disent cathos de gauche, traduisent gauche d'une façon étrange, vu de l'extérieur, et ils traduisent catho en rouvrant le Colisée et en lâchant les lions.
Enfin, l'argument le plus décisif pour refuser cet engagement militaire en Syrie est tout simple : si l'usage d'armes chimiques est un crime contre l'humanité, qu'attend-on pour traduire devant des tribunaux les dizaines de milliers d'Américains qui ont répandu l'"agent orange" sur le Vietnam ? Non, on ne le fera pas, et l'on sait pourquoi : c'est parce que les Etats-Unis sont puissants. Le principal crime d'Assad, de ce fait, ce ne sont pas ses horribles prisons, ni sa police politique, mais c'est qu'il est faible. L'opération projetée en Syrie n'est pas une affaire de justice, c'est l'application de la loi du plus fort, voilà tout, le principe léonin.
Alors, il faut qu'on le dise : nous aimons l'Amérique, c'est un beau pays, qui a accompli de grandes choses, mais ce que nous ne pourrons jamais accepter d'elle, c'est son esprit de domination. Et depuis 1958, la France, fidèle à la liberté conquise par son peuple en 1789 contre cet esprit de domination du faible par le fort, est (était) le pays qui, tout en manifestant aussi sa fidélité à l'alliance, refusait de s'incliner devant les oukases de la domination. Avec la transformation de Hollande en carpette réduite à attendre le décret du Congrès américain, nous pouvons constater la fin de cette Ve république, avec une grande tristesse. Après l'épisode de la résistance sur l'exception culturelle, Obama semble goûter là une revanche sadique. En tout cas, il révèle la vérité : le président Hollande est désormais un pantin méprisable. De profundis. Dies irae.
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