Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« 2011-04 | Page d'accueil | 2011-06 »

28/05/2011

Les adhérents sont notre force

Voici trois ans, autour de Quitterie (elle s'appelait encore Quitterie Delmas), nous avons composé une liste de candidature en Île de France pour la première élection du Conseil national du Mouvement Démocrate. Cette liste est alors arrivée en tête malgré la concurrence d'une quinzaine d'autres.

L'esprit dans lequel nous l'avions composée était à la fois celui d'un collectif et celui d'une levée d'adhérents.

Un collectif, parce qu'il ne s'est agi à aucun moment de servir l'éventuelle carrière de tel ou tel, ni d'établir une quelconque hiérarchie entre nous. Un strict esprit d'équipe où chaque voix comptait autant que les autres. De ce fait, nous sommes allés soutenir nos amis, ceux qui participaient à la liste ou qui la soutenaient, chez eux, sur leur terrain, dans la campagne des municipales, et chacun fut donc à son tour le porte-parole de tous les autres, sans préférence ni exclusive, chacun fut le fan des autres, leur auditeur, leur équipier.

Une levée d'adhérents, parce que trop souvent, les adhérents des partis politiques attendent qu'on leur dise ce qu'ils doivent faire. Ils se placent dans une position passive, alors que l'adhésion suppose au contraire qu'ils assument leur part d'initiative selon leur propre analyse et selon leur propre conscience. Adhérents de base pour la plupart, n'exerçant aucune responsabilité militante, n'ayant pas de vue de carrière politique, mais seulement de contribuer au succès de notre mouvement, nous voulions donner l'exemple de cette implication personnelle et libre.

Nous entendions également nous montrer exemplaires dans notre comportement : constructifs, généreux, sans cumul de responsabilités, cohérents et tranparents.

Tout cela, une petite proportion de notre équipe de 2008 l'a prolongé malgré les départs que nous avons regrettés, ceux évidemment de Quitterie, de Virginie, de Mipmip et de tant d'autres qui se sont senti(e)s appelé(e)s par d'autres formes d'action politique ou civique.

Nous avions reçu mandat, par l'élection, de faire participer sept des nôtres au Conseil National. Les départs ont provoqué une telle confusion, que trois seulement sont actuellement membres du Conseil National (sans que l'ordre de la liste ait pu être suivi pour les autres, si j'ai bien compris). Nos trois conseillers nationaux sortants ont été actifs comme ils s'y étaient engagés. Ils ont été attentifs au pluralisme de notre mouvement et à la meilleure prise en compte possible de la voix des adhérents. Ils ont su proposer et débattre dans un esprit strictement constructif.

Il nous a donc paru logique de les placer en tête de notre liste.

Ma participation

Comme je l'ai annoncé en septembre dernier, je n'ai pas cru devoir rester inactif devant la montée des idées xénophobes, à la fois celles du gouvernement et celles du Front National. Les idées naturelles du centre sont celles qui résistent le plus efficacement à ce déferlement de haine, d'égoïsme et de médiocrité. Partout où les extrêmes (et en particulier l'extrême droite ces temps-ci) progressent en Europe, ce triste progrès est le complémentaire d'un effondrement plus ou moins grand du centre. Ce sont donc nos principes les plus essentiels qui sont en jeu, les plus éthiques, et nous leur devons, nous devons à nos concitoyens aussi (et en particulier aux plus vulnérables) de nous montrer engagés.

C'est pourquoi je quitte provisoirement mon seul statut de blogueur politique (qui me convenait bien, je dois le dire) pour reprendre le chemin d'un engagement plus direct. Je figure de ce fait en cinquième position sur cette liste. Les citoyens sont la force de la démocratie, sa sève. Dans les partis politiques, comme le Mouvement Démocrate, les citoyens sont les adhérents. Et donc

Les adhérents sont notre force

PS : à ma connaissance, il existe pour le moment une autre liste, conduite par Christophe Grébert, et j'ai entendu parler d'au moins deux autres listes, mais j'ignore si elles ont pu aller à terme et si elles seront retenues par les instances compétentes.

11:56 | Lien permanent | Commentaires (5) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

26/05/2011

La force des convictions

Gide a écrit, paraît-il, une phrase qu'on a galvaudée, mais qui mérite qu'on la relise : "On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments". Je crois que cette phrase est vraie, et qu'elle s'étend généreusement à des domaines très étrangers à la littérature. On ne fait pas de bonne politique avec de bons sentiments, on ne fait pas progresser la science avec de bons sentiments. Pas de bonne politique, on comprendra que je ne sois pas sensible à une guimauve léinifiante comme "Indignez-vous", emblème même de la bonne conscience en politique comme le sont certains prix littéraires dans leur domaine : acheter (pour peau de balle) "Indignez-vous" est l'acte citoyen par excellence, celui qui permet de se dire "Je résiste" avant de s'endormir devant sa télé ou sa Playstation (ou son Android), c'est de la bonne conscience à l'état pur, quelque chose qui rassure sur soi-même, un miroir qui, comme celui de la fâcheuse marâtre de Blanche-Neige, vous répète sans cesse "Tu es la plus belle". Il ne reste plus qu'à donner dix Euros à l'Abbé Pierre et le tableau sera parfait, mais pendant ce temps-là, les affaires, les vraies, continuent.

Au contraire, la bonne littérature vient des tripes. Elle ne rassure personne. Elle est viscérale, comme voter doit être un acte viscéral ou ne pas être. On lit un livre pour se distraire, certes, mais on lit certains livres parce que c'est important, parce qu'on sait, par une vocation mystérieuse, qu'ils vont changer notre vie. C'est que la littérature, la vraie, est forcément une révélation, de la même nature que le travail historique.

Quand je dépiaute des parchemins médiévaux, je sais que, peu à peu, je dévoile un pan "inconnu" de notre histoire (celle de la Bretagne en particulier, mais celle de toute l'espèce humaine par voie de conséquence). Quand je dis "inconnu", je veux dire par là "caché" ou "oublié". Oui, le travail de l'historien consiste en cette révélation de ce qui ne se voit pas à l'état normal, mais qui a des conséquences souterraines sur nos vies. Si les sociétés humaines sont, comme on le croit encore malgré notre tendance à l'individualisme ou à l'universalisme indifférencié, des métapersonnes, si elles ont une conscience et un inconscient, le travail de l'historien consiste à mettre au jour les faits cachés ou oubliés qui gouvernent leur conscience et leur inconscient. Et nous savons que l'effet de "petite madeleine" proustien n'est pas seulement le plaisir mélancolique de la découverte, c'est aussi et surtout la libération.

C'est en quoi la science, les sciences, me semblent apporter plus pour la liberté que nombre de fadaises comme "Indignez-vous" ou autres instruments que la bonne conscience utilise pour se dissimuler la réalité, qui feignent de dénoncer des choses qu'en fait, tout le monde sait, ou plutôt, qui ressassent des vérités acquises qui ne sont pas toujours des vérités (ce qui est le principe même des vérités acquises, contre quoi le travail sérieux de l'historien, celui du philosophe, celui du poète, se font).

La bonne littérature est donc celle qui, en s'adressant au lecteur, à l'individu, travaille, consciemment ou inconsciemment, à la révélation de ce qui est caché ou oublié dans la tête virtuelle de la société humaine.  C'est pourquoi l'écriture des pièces les plus importantes est en général si difficile, si pesante, si écrasante. Il a fallu vingt-cinq ans à Victor Hugo pour écrire ses Misérables. Et pour Notre-Dame de Paris, il a fallu qu'il se cloître dans son bureau pendant des mois, qu'il se voue à son pupitre en jetant les clefs de la pièce par la fenêtre, pour ne recevoir ses repas que sous la porte, comme un prisonnier.

La hardiesse, la folie, de s'attaquer aux monceaux symétriques du mensonge, de la dissimulation, de l'oubli, transforment alors le travail de l'auteur en quelque chose de tellurique, de farouchement prométhéen. Il y faut l'énergie d'un désespoir, ou la vocation irrépressible qui nous répète "c'est plus fort que toi". Oui, par moments, on sent que, chez les grands auteurs, c'est compulsif, ils ne sont que l'instrument de la vérité qui s'exprime.

Peu à peu, les textes s'imprègnent alors d'une forme de certitude étrange, étrange parce qu'elle ne cerne souvent que du doute. Cette certitude viscérale donne au lecteur l'impression que l'auteur s'est forgé quelque chose de très spécial, comme une intime conviction qu'il tente (et que parfois il réussit) de (ou à) faire partager. Le lecteur admire alors la force des convictions, qui sont la partie visible du miroir, un miroir qui ne dit plus que la vérité.

Je voyais, voici quelques mois, le film qui a été réalisé sur la dernière campagne électorale de Georges Frêche. On y assistait à des scènes de mensonge éhonté. Frêche racontait une histoire de son père ou de son aïeul devant un vaste public, il s'arrachait des larmes et il en arrachait à ce public. Pourtant, tout ce qu'il disait était faux. Il parlait d'un pauvre homme qui quitte sa terre désolée, à pied, les pieds nus, un modeste baluchon sur l'épaule, brûlé par le soleil et la soif. Puis il avouait à l'équipe du film que son aïeul était riche, au contraire, et que tout ça était inventé de toutes pièces. Pourquoi ce mensonge "marchait"-il ? Pour deux raisons : d'abord parce qu'il disait entre les lignes "Si vous saviez comme j'ai envie d'être réélu" ; ensuite, parce que cette histoire ne parlait pas de lui, Frêche, mais qu'elle parlait d'eux, du public, avec une politesse très délicate. Combien, parmi ces petits vignerons de l'Hérault, parmi ces pieds-noirs déracinés, ont eu un aïeul qui s'en est allé, les pieds nus, un modeste baluchon sur l'épaule ? Et parce que cette histoire parlait de la terre du Languedoc, des chemins poussiéreux, du soleil, de la dureté des temps. Elle disait "Regardez où nous en étions, voyez où nous en sommes". Elle exprimait en somme des convictions ardentes sur le cours de l'histoire, sur le sens du travail humain. Cela "marchait" parce que c'était recevable, parce que cela disait des choses contestées, peut-être une vérité existentielle.

Hélas, le moyen était la feinte, et le recours à la feinte a l'inconvénient qu'il peut noyer la fin dans la fange des moyens. Je veux dire par là que les convictions peuvent se feindre si bien, qu'en définitive, elles ne peuvent pas suffire à distinguer l'essentiel de l'accessoire, le Victor Hugo d'un BHL, les Misérables d'un Indignez-vous. L'honneur d'un auteur, celui d'un philosophe, celui d'un poète, celui d'un politicien, consiste à ne pas "truquer" ses convictions, à ne pas recourir à ce moyen quand il n'est pas sincère.

Bien sûr, tout le monde ne peut pas être un grand auteur, mais chacun, historien, scientifique, poète, philosophe, politicien, a ce même devoir de chercher ce qui est caché ou oublié et de le révéler avec ses armes pour contribuer à libérer à la fois la société et l'individu.

Et les blogueurs, me direz-vous ? Il est sans doute un peu tôt pour en juger. Ceux qui œuvrent à la révélation de la nature de l'internet et de ses conséquences sociales et sociétales peuvent se considérer embarqués dans l'Arche de la révélation. Les autres ... les autres, ils font ce qu'ils peuvent.

10:58 | Lien permanent | Commentaires (6) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

22/05/2011

Sexe et politique, DSK et autres omertas

Bien que ce sujet entre peu dans la ligne de mon blog, il m'a paru nécessaire de revenir sur le drame qui s'est refermé sur Dominique Strauss-Kahn, à cause de l'accusation d'omerta qui plane sur les milieux dirigeants français, politiques, journalistiques et autres. On a vu, à cette occasion, que les plus grands pourfendeurs de connivences entre le monde politique et la presse pouvaient succomber à leur tour à cette connivence, lorsque Jean-François Kahn a, en deux jours, affirmé d'abord qu'il était persuadé que DSK avait commis l'acte pour lequel on le poursuivait, puis indiqué qu'au fond, cet acte n'était peut-être qu'un troussage de bonne, fait qui aurait, on ne sait par quelle morale dinosauresque, été moins répréhensible qu'un autre viol. On a appris dans le même temps que la sœur de JFK avait été le témoin d'Anne Sinclair lorsque celle-ci avait convolé avec DSK... Endogamie, connivences, Kahn se retrouvait piégé au cœur même du dispositif qu'il avait l'habitude de dénoncer. L'explication qu'il en a donnée n'efface pas la terrible ignominie de l'expression "troussage de bonne", comme forme d'excuse ou de lénification d'un viol, mais elle témoigne de sa bonne foi et de son cas de conscience, qu'il aurait dû exposer lui-même en toute transparence. En tout état de cause, je trouve qu'il a eu raison d'exprimer son intime conviction sur les actes de l'inculpé.

Le cas DSK démontre très bien la difficulté de dénoncer une "omerta" généralisée de la presse et des milieux dirigeants. Au centre de cette difficulté, le problème de la preuve. La liberté des journalistes leur permet en principe de n'avoir pas à prouver leurs allégations, mais la loi sur la diffamation et celle sur la protection de la vie privée rendent leur liberté très fragile. Les rumeurs peuvent être annoncées, publiées dans la presse, mais elles ne sont pas toujours fondées, l'un des jeux politiciens consiste justement à faire courir des rumeurs sur ses adversaires.

Concernant DSK, on était un peu au-delà des rumeurs avant même le drame du Sofitel, puisque certains journalistes avaient brisé l'omerta, sans cependant rencontrer beaucoup d'écho de la part de leurs confrères. Doit-on condamner là un silence collectif et complice ? Et faut-il désormais exiger de notre presse qu'elle s'enhardisse plus à dévoiler la vie privée de nos dirigeants ? S'il s'agissait de dénoncer tel qui a une maîtresse sans que celle-ci ait le moindre rapport avec ses activités, j'y serais hostile. En revanche, quand on a vu Mme Pingeot devenir juge et partie dans l'affaire de la pyramide du Louvre, un peu de transparence n'aurait peut-être pas fait de mal à la démocratie.

Cherchons donc quel pourrait être le critère d'une exposition de la vie privée, et celui d'une pénalisation de certains comportements, à travers quelques exemples que je vais puiser dans ma mémoire (mais je n'ai pas tenu la chandelle).

Par exemple, lorsque Didier Bariani perdit la mairie du XXe arrondissement de Paris, en 1995, son successeur socialiste annonça que le logement de fonction du secrétaire général de la mairie d'arrondissement avait été détourné de son usage légal pour servir à M. Bariani à recevoir des femmes pour des activités que le nouveau maire estimait aussi ludiques que gymniques. Si ces faits étaient avérés, fallait-il condamner M. Bariani pour abus de pouvoir ? Ce détournement de l'usage d'un local du domaine public à des fins particulièrement privées devait-il au contraire être oublié ? Les citoyens n'avaient-ils pas le droit, plutôt, de savoir à quoi on utilisait un bien dont ils payaient l'entretien avec leurs impôts ?

Cas plus proche de moi, celui de Jean-Claude Martinez. Nous sommes alors au milieu des années 1980, M. Martinez, député européen du Front National, et également professeur à l'École Nationale d'Administration du Maroc, enseigne comme professeur de droit fiscal et de finances publiques à l'université de Paris 2 Assas, la mienne. Je passe sur ses bonnes formules comme "Le code général des Impôts, on met une semaine à le lire, un mois à le comprendre, et toute la vie à s'en remettre". M. Martinez se promenait ordinairement dans l'université avec de très jeunes femmes à son bras. On disait que c'étaient en général ses étudiantes. On disait aussi que, les jours d'examen, plus la jupe était courte, plus la note était haute. Ces peu jolies pratiques que la rumeur décrivait avec insistance, n'aurions-nous pas dû les dénoncer, ou en tout cas, chercher à les prouver ? Mais comment ? Il n'y avait pas d'internet à l'époque, et quand on est étudiant, on est sous l'œil d'un milieu qui peut vous saquer irrémédiablement pour votre vie professionnelle future. Que fallait-il faire ?

De la même façon, il y a actuellement en Île de France des maires dont on dit (on le sait, on n'en doute pas) qu'ils ont l'habitude de s'intéresser de très près à de jeunes enfants. Que faire ? On dit que des familles d'étrangers ont été expulsées de France après divers attouchements dont on craignait que la rumeur se répandît. Que faire ? Comment mettre fin à ces scandales ? Cela n'est pas facile. Car il y a, autour de ces activités peu ragoûtantes, de véritables réseaux de protection qui, à l'instar des réseaux mafieux, noyautent non seulement le milieu politique, mais aussi des rouages administratifs, judiciaires ou autres.

Pour comprendre ce que ces réseaux peuvent représenter et les conséquences qu'ils peuvent avoir sur notre vie politique et démocratique, imaginons des scénarii (ou des scénarios si vous préférez).

Par exemple, le juge qui s'est attaqué à ce qu'il a estimé être un réseau pédophile de l'affaire dite d'Outreau était un chiraquien, du moins c'est notre hypothèse, disons que c'était un protégé de Jacques Chirac. Posons ensuite qu'il y a quelqu'un qui veut à tout prix éliminer ce Chirac, appelons ce quelqu'un Sarkozy. Pour l'éliminer, ce quelqu'un a besoin d'alliés. Si le réseau d'Outreau est un vrai réseau (ce que je n'affirme en aucune manière, nous sommes, je le répète, dans le domaine de l'hypothèse gratuite, de la construction intellectuelle), cet adversaire de Chirac va utiliser les pouvoirs dont il dispose pour contribuer à discréditer l'enquête du juge d'Outreau. L'affaire d'Outreau débute en 2001. Quelques mois plus tard, ledit Sarkozy devient ministre de l'intérieur et quand le procès a lieu, en mai 2004, il a un allié de poids dans la personne du président des USA qui, depuis la guerre en Irak, a juré la perte de Chirac. En 2004, la position de ministre dudit Sarkozy, augmentée du pouvoir des réseaux du président américain en France pourraient être suffisants pour torpiller le volet judiciaire de l'affaire d'Outreau. Y étant parvenu (c'est toujours notre hypothèse), il se fait des amis puissants et durables parmi ceux qui protégeaient le réseau et qui en profitaient.  Les circonstances, selon ce scénario théorique, rapprocheraient Sarkozy des réseaux pédophiles (qu'il dénonçait pourtant en août 2002 au moment de la parution du roman Rose-Bonbon). Si nous supposons qu'il y ait eu un élu pédophile parmi ceux qui, en 2006, ont rejoint ledit adversaire de Chirac (Sarkozy dans notre hypothèse), on trouvera une logique souterraine dans le fait que cet élu ait trahi sa famille politique d'origine pour ce ralliement. Et quand enfin, trois ans plus tard, en 2009, on signale dans le gouvernement du même Sarkozy un ministre de la Culture dont les écrits laissent entendre qu'il a eu des relations pédophiles, on finit par dévoiler un vrai mycellium politique à base de pratiques sexuelles criminelles.

Bien entendu, je ne dis pas que ce soit la vérité, j'ai inventé ce schéma de toutes pièces, mais si ce schéma-là n'est pas vrai, d'autres le sont, et entrent dans la même catégorie. Comment prouver ce genre de faits honteux ? et, si on ne peut les prouver, comment faire en sorte qu'au moins, ils parviennent à la connaissance du public, voire de la justice ? Y a-t-il omerta ? est-ce si simple ?

Maintenant, examinons des aspects plus souriants du sujets.

Le sexe pour le plaisir

Dans les années 1990, L'Écho des Savanes avait mené une enquête très poussée sur les Universités d'Été (UE) des partis politiques, d'où ce périodique avait bâti un classement très sérieux de celles des UE où on couchait le plus. Dans tous les classements que ce journal fit, les UE des Jeunes Démocrates (JDS puis JD) étaient en tête. C'est dans nos Universités d'Été que les galipettes et autres gaudrioles se multipliaient. C'était assez comique, au fond, étant donnée la référence démocrate-chrétienne affichée par plusieurs de nos dirigeants du temps du CDS, mais c'était indéniable.

Nos UE s'étalaient sur une semaine entière, ce qui permettait de nouer des relations très actives, voire d'en changer en cours de route. Le côté pieux (avec un x) de l'histoire avait toujours été qu'une proportion notable de ces aventures d'été avaient abouti à des noces en bonne et due forme, ce qui sauvait au moins les apparences du point de vue de la morale traditionnelle.

Hélas, les jeunes centristes étaient majoritairement des garçons, ce qui aurait pu provoquer des embouteillages sur le paillasson des demoiselles, mais cet inconvénient était heureusement pallié par le fait qu'une proportion notable des garçons s'amusaient entre eux (c'était leur droit), ce qui laissait de la place à ceux qui, comme moi, penchaient du côté des filles. Cela étant, j'ai toujours été un stagiaire très studieux aux UE auxquelles j'ai participé...

Parmi les jeunes femmes qui venaient chaque année aux UE, on en signalait un petit nombre qui ne militait absolument pas, et dont on voyait bien qu'elles ne venaient là que pour la guilledoux. Parmi elles, il y en avait toujours deux ou trois qui écrivaient le mot guilledoux avec des billets de banque. Je me souviens de l'UE 1997, à Perpignan, où une femme inconnue se mêla à la foule du premier jour et lança, d'une voix suffisamment forte, un chiffre. L'un de nos députés, âgé d'une cinquantaine d'années, attrapa ce chiffre au vol : "Preneur". L'affaire était faite, sa soirée et sa nuit occupées. Faut-il que les journalistes dénoncent ce genre de pratiques ? Non, à mon avis non.

Parmi les cas limite, il y a aussi celui d'un ministre ou député des années 1980 qui fut privé de son droit à l'expédition de courrier gratuit, parce qu'il avait fait passer sous son tampon officiel une pub pour le livre de cuisine de sa maîtresse, en 50 000 exemplaires. La sanction (la privation de tampon) était-elle suffisante ? Pour l'anecdote, ce député et ancien ministre fut plus tard un ardent défenseur de la morale, voire de la famille. Alors ?

Les omertas ne sont pas éternelles

La pédophilie est un viol, car en France, aucun mineur de 15 ans pour les filles et 16 pour les garçons n'est capable de consentir à l'acte sexuel. Les seuls viols dont j'ai eu non pas connaissance mais rumeur avant celui qu'a peut-être commis DSK à New-York sont ceux d'élus pédophiles. Je ne serais pas surpris qu'ils soient la prochaine omerta à sauter, mais en attendant, sachons que la vérité n'est pas toujours facile à dire, parce qu'elle n'est pas toujours facile à prouver.

11:42 | Lien permanent | Commentaires (8) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

15/05/2011

Strauss-Kahn : complot or not complot ?

Il est rare que je fasse des articles sur ce type d'actualités. Mais l'affaire Strauss-Kahn est extrêmement singulière et mérite quelques mots.

Tout d'abord sur Strauss-Kahn spécaliste de l'économie, rappelons-nous tout de même que lorsqu'il a été ministre des finances en France, dans les débuts du gouvernement Jospin, à partir de 1997, il a trouvé une situation économique globale porteuse et qu'au lieu d'en profiter pour déendetter le pays, il a choisi d'amplifier l'effet de croissance en baissant le taux de base de TVA d'un point, ce qui a contraint le gouvernement suivant, lorsque l'effet d'aubaine s'est estompé, à relever ledit taux pour sauver les finances de l'État.

Ensuite, l'affaire de l'hôtel Sofitel a fait remonter la vidéo où l'écivaine Tristane Banon avait affirmé avoir subi de la part de DSK des pressions sexuelles qu'on ne peut qualifier que de violences, d'une manière qui rappelle le témoignage de viol subi par Mme Hinterman, de France 3, par Kadhafi. Il flotte, sur le passé de DSK, un parfum assez malsain, non pas celui d'un séducteur invétéré (à la manière d'un Giscard d'Estaing ou d'un Chirac-douze-minutes-douche-comprise), mais plutôt quelque chose d'un faune que son tempérament fait déraper entre deux séances de gymnastique collective avec son épouse. Quand Mme Le Pen dit que tout le monde, à Paris, connaît les défauts de M. Strauss-Kahn, force est de constater que plusieurs des réactions de personnalités politiques ont donné cette impression d'une fausse surprise.

Cependant, ces éléments ne suffisent pas à imaginer l'hypothèse d'un complot dont DSK aurait été victime et que Mme Boutin a qualifié de "piège". Pourtant, on a parlé de complot, très tôt, notamment à cause du fait que le premier à avoir twitté l'info de l'arrestation de DSK était un adhérent de l'UMP, M. Pinet, étudiant à Sciences Po.

Voici les éléments qui accréditent l'hypothèse d'un traquenard :

- il est étrange qu'on ait laissé une femme de chambre pénétrer dans la suite de DSK sans frapper. Selon certaines versions, la femme en question ("Ophelia") aurait reçu instruction de sa hiérarchie de faire le ménage dans la suite. Croyant donc celle-ci vide, ladite Ophelia y serait entrée sans précaution et serait tombée sur DSK nu qui ne s'attendait pas à l'y trouver. C'est le maillon faible de l'histoire, indiscutablement.

- mais ce peut être DSK qui a demandé qu'on lui envoie une "fille" pour tirer un coup avant de s'envoler vers l'Europe. Il pourrait y avoir eu erreur.

- il faut noter un détail qui n'en est peut-être pas un. L'hôtel où le fait-divers s'est déroulé est un Sofitel. Or la chaîne Sofitel est une filiale du groupe Accor, dont l'actionnaire de référence est le fonds Colony, dont le représentant en Europe (pour Colony Capital), Sébastien Bazin, est très proche de Nicolas Sarkozy. Bien sûr, il peut s'agir d'une coïncidence, mais la rapidité avec laquelle l'info est parvenue à un militant UMP laisse rêveur.

- la réputation de DSK est connue, et il ne doit pas être si difficile de lui tendre ce genre de pièges. Le fait qu'il soit sorti nu de sa douche, étant donné qu'il croyait sa suite vide, ne me semble pas suffisant pour faire de lui un satyre, mais l'affaire Banon (et beaucoup d'autres selon elle) indique que le passif de DSK est lourd dans ce domaine.

Maintenant, et le viol ? Il ne faut pas oublier qu'une jeune femme dit avoir été victime de faits qui, s'ils sont avérés, ne peuvent passer que pour une ignominie. S'il l'a forcée à lui tailler une pipe, ce type est un pauvre type, voire un malade. Pour le moment, on n'a que le témoigage de la victime, et on se retrouve confronté à la difficulté de la preuve, difficulté récurrente en matière de viol.

On a placé parmi les éléments à charge contre DSK le fait qu'il avait oublié des affaires personnelles dans sa suite, ce qui suggérait qu'il s'était enfui. On a depuis démontré que sa place d'avion était réservée avant le drame, et qu'il s'était aperçu de ses oublis, qu'il avait signalés à son chauffeur.

On apprend cet après-midi qu'il a manifesté son intention de démissionner de la direction du FMI. Il en avait fait autant du gouvernement Jospin au moment de l'affaire de la MNEF, cela signifie probablement qu'il s'attend à une procédure longue et délicate. Sa carrière politique  de premier plan pourrait donc s'arrêter là.

S'il y a eu complot, il faut savoir pourquoi et pour qui. Présidentielle française ? Direction du FMI ? Il faut savoir aussi si le complot va jusqu'à avoir inventé de toutes pièces une scène de viol qui n'a jamais eu lieu, ou bien si au contraire on s'est contenté de lui adresser à un moment où il ne s'y attendait pas une tentation à laquelle on savait qu'il serait incapable de résister.

15:18 | Lien permanent | Commentaires (45) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

08/05/2011

Bernard Stasi, une lueur dans la nuit politique

Peu de temps après la défaite de mai 1981, Raymond Barre cita Rostand (Chantecler) : "C'est dans l'obscurité de la nuit qu'il faut croire à la lumière". La véritable citation est "C'est dans l'obscurité de la nuit qu'il est beau de croire à la lumière", soit dit en passant, mais la phrase de Barre disait bien ce qu'elle voulait dire et invitait les vaincus à s'adresser à lui pour la présidentielle de 1988. Bernard Stasi fut de ceux qui, parmi les premiers, s'engagèrent avec lui. C'est l'époque où je l'ai le plus côtoyé. Mais je dois dire que c'est seulement plus tard (trop tard) que j'ai mesuré la quallté extraordinaire de son parcours.

"Nous brûlions les drapeaux aux postes frontière"

Bernard Stasi est né en 1930 d'un immigrant (EDIT j'avais écrit italien, mais apparemment il était de nationalité espagnole et d'origine catalane), frère d'un célèbre bâtonnier (Mario Stasi), méritocrate, ancien élève de l'ÉNA, bref, la preuve incarnée de la capacité de la société française à faire de l'immigration une chance à la fois pour l'immigré et pour la Société.

Fils d'Italien, il a toujours été un militant ardent de la construction européenne. Il le racontait dans le dernier meeting où je l'ai vu, en 2005, pour le TCE (la "constitution européenne") : 'J'appartiens à une génération qui, à l'âge de vingt ans, attaquait les postes frontière, brisait les barrières et brûlait les drapeaux". L'anecdote est d'autant plus savoureuse que, né étranger, Stasi a dû faire une démarche à l'âge de 18 ans pour devenir français.... Cette fougue, cet engagement intraitable, prouvés dès la jeunesse, sont les traits marquants qui demeurent à l'esprit pour tous ceux qui ont rencontré Bernard Stasi. Il était comme ça.

De la Nouvelle Société au CDS

À Sciences Po ou à l'ÉNA, il se lie d'amitié avec Jacques Chirac. Selon ses dires (dans un reportage qui est passé à la télévision), c'est même lui qui sauve la carrière politique du jeune Chirac, en lui conseillant de signer un appel de soutien aux décisions de de Gaulle au moment de la guerre d'Algérie. Stasi, d'après sa fiche Wikipedia, est alors en fonction à la préfecture d'Alger.

Élu député en 1968, il rejoint les troupes de Jacques Duhamel. Ils entrent l'année suivante dans l'aventure extraordinaire de la "Nouvelle Société" aux côtés de Jacques Chaban-Delmas, dans des conditions politiques turbulentes.

Bien plus tard, reçu à Épernay avec les jeunes démocrates de Paris, j'ai fini par lui poser la question de cet événement de 1969 : la famille centriste se déchire alors, Alain Poher est son candidat naturel, mais un grand nombre de députés (dont Duhamel et Stasi) choisit de rejoindre la majorité de Chaban et appelle à voter pour Pompidou. La défection des députés restait comme une trahison. Il m'a dit, avec sa franchise habituelle : "Poher n'avait pas la carrure", puis il a invoqué le nom de Jacques Duhamel.

En 1969, Stasi n'avait pas encore 39 ans. Il se montra un député assidu et même brièvement ministre sous la présidence Pompidou.

Plus tard, en 1976, les deux familles centristes se rassemblent. Le Centre Démocratie et Progrès (CDP) de Jacques Duhamel et des chabanistes, et le Centre Démorcate de Lecanuet (où Bayrou milite), allié de VGE. C'est le moment où Chirac quitte Matignon, et où Valéry Giscard d'Estaing se rapproche naturellement de Chaban (comme l'affaire Boulin l'a tragiquement illustré), la division des centristes n'a plus aucune sens. Elle n'a d'ailleurs jamais été totale, puisque le groupe centriste sénatorial a toujours inclus les sénateurs des deux partis (CDP et CD).

Ce rapprochement coïncide aussi avec la maladie de Jacques Duhamel et son retrait de la vie politique. Il meurt l'année suivante d'une maladie dégénérative, la sclérose en plaques.

Ce rapprochement a un nom : le Centre des Démocrates Sociaux (CDS). La majorité des élus y sont originaires du CDP, celle des militants vient du Centre Démocrate.

L'échec de 1982

Jean Lecanuet prend la présidence du nouveau CDS, qui ne tarde pas à s'insérer dans une confédération plus large destinée à soutenir l'action de la majorité giscardienne et à faire pendant à la nouvelle famille politique postgaulliste créée par Chirac, le RPR. Cette confédération se nomme en 1978 l'Union pour la Démocratie Française (UDF) dont le sigle se rapproche curieusement de celui du parti gaulliste précédent (UDR).

Jean Lecanuet prend la présidence de cette UDF et, tout naturellement, se crée un poste de président délégué du CDS. Ce président délégué se nomme Bernard Stasi.

Stasi est un personnage très charismatique, marqué par le style Chaban, il bombe le torse, monte les escaliers quatre à quatre, n'hésite pas à jouer au water polo dans la piscine avec les jeunes militants (il aime et a toujours aimé les jeunes). Très populaire dans le parti, il aborde l'échéance de 1982 avec son habituel enthousiasme, considéré comme un large favori.

En 1982, en effet, après la défaite de 1981, Lecanuet décide de céder entièrement la présidence du CDS. Ayant moi-même adhéré en octobre 1981 seulement, j'avoue ne pas savoir dans quelles conditions ce retrait s'est fait. Je sais qu'au lendemain immédiat de la défaite, le CDS avait été en banqueroute complète, sauvé d'extrême justesse par l'un de ses sénateurs, Robert Parenty, qui y avait injecté deux millions de Francs de l'époque de sa fortune personnelle (on est loin de l'enrichissement personnel, au contraire, comme on le voit).

Toujours est-il que ce congrès de 1982 a lieu à Versailles, dont le sénateur maire est alors André Damien, adhérent du CDS. Il y a cinq candidats à la présidence, parmi lesquels Stasi a la réputation d'être le plus proche de Barre, cependant que Méhaignerie est considéré comme plus proche de VGE. Au premier tour, Stasi est largement devant, je crois qu'il atteint 35 % des mandats des délégués. Mais au deuxième tour, l'alliance de Méhaignerie avec Jacques Barrot (autre candidat) est gagnante. Méhaignerie est élu président et on dit que son premier geste est alors de téléphoner à Raymond Barre. Je me souviens du jeune Méhaignerie, grand homme blond d'aspect juvénile (il avait 42 ou 43 ans), un peu étonné de son propre succès, circulant parmi les tables du déjeuner de clôture du congrès en serrant des mains.

Première rencontre en 1986

La candidature de Barre se décante progressivement dans les années 1980 (charme du septennat par rapport au quinquennat) et ne commence à agiter publiquement la sphère politique qu'à partir de 1986. C'est l'époque où j'ai rencontré Stasi pour la première fois.

Barre, depuis la toute première Université d'Été (UE) des JDS, en 1976, avait table ouverte à nos UE.

Parmi l'équipe de jeunes qui organisait l'Université d'Été des JDS, le mouvement de jeunes indépendant mais attaché au CDS, il était de tradition que chacun, à un moment ou l'autre, soit délégué pour aller accueillir les personnalités du mouvement à l'aéroport ou à la gare. Le mouvement de jeunes, organisateur, était aussi l'hôte des Universités d'Été, où les aînés n'étaient qu'invités.

Il se trouva qu'à l'université de l'Été 1986, qui avait lieu à Imbours, dans l'Ardèche, je fus désigné pour aller chercher Stasi à l'aéroport. La particularité était qu'alors que d'habitude, on prenait une voiture de l'organisation pour le faire (je n'avais pas de permis et j'en aurais été incapable), c'est le chauffeur de Stasi lui-même qui, dans sa R25, me conduisit à l'aéroport. Il me semble que la voiture était grise et les sièges en cuir, noirs. L'odeur était forte en entrant dans l'auto. Le chauffeur m'expliqua que la plupart du temps, Stasi restait très tard à Paris pour participer aux séances parlementaires et rentrait dans sa circonscription pendant la nuit. Il dormait dans sa voiture pendant le trajet. Le cuir gardait l'odeur puissante de ces courtes nuits. Quant à savoir quand le chauffeur dormait, lui, mystère.

Stasi descendit la passerelle de l'avion d'un pas alerte et monta près de moi dans la voiture. Il aimait parler des choses importantes de la politique avec intelligence et modestie. Il se racontait un peu, pas trop, juste ce qu'il fallait. Puis il décochait une flèche vers un ennemi. Il n'avait pas de petit ennemi et s'il attaquait quelqu'un, c'était pour des motifs de la part noble de la politique. Et puis, il interrogeait, il écoutait. J'étais un jeune crétin de 21 ans et demi, j'ai dû bredouiller d'infinies sottises, mais il était bienveillant.

Une heure plus tard, il s'appuyait sur le lutrin pour échanger des confidences au micro avec nos jeunes qui l'admiraient pour son mélange d'intransigeance sur le fond et de décontraction sur la forme. Il s'appuyait un peu trop, pour dire la vérité, sur son lutrin, il s'y vautrait presque, ma grand'mère aurait trouvé qu'il se tenait mal, mais cette position confortable lui permettait d'adopter le ton informel qui était une de ses marques de fabrique.

"L'immigration, une chance pour la France"

À cette époque, le RPR l'avait pour tête de Turc. Le mouvement chiraquien, cornaqué par Charles Pasqua, fleuretait avec le Front National (FN) et trouvait que le fils d'immigré Stasi agitait un peu le chiffon rouge contre le FN, dont il ne fallait pas (ben voyons) fâcher les électeurs. Aux régionales de 1986 (les premières au suffrage universel direct et à la proportionnelle intégrale), les élus RPR de Champagne-Ardenne se firent longtemps tirer l'oreille pour accepter, en se pinçant le nez, que Stasi restât président de sa région.

Voyant partout suinter les tentations xénophobes, Stasi, à qui tous les bien pensants conseillaient de se faire discret, prit le parti exactement inverse et publia un livre dont le titre choc exprimait précisément la pensée énergique : "L'immigration, une chance pour la France". Je dois dire que nous étions fiers de lui, fiers de ce courage, si rare en politique.

Les opinions sur la manière d'endiguer la montée du FN se divisaient alors en trois catégories : ceux qui disaient "Je n'en parle jamais, ça lui fait de la pub", "N'insultons pas les électeurs" ce qui revenait à composer en fait avec les idées du FN, et, troisième catégorie, ceux qui ne lâchaient rien. La gauche, à cette époque, possédait des voix pour défendre les principes, mais sa position stratégique était ambiguë comme on l'a vu en 1998. Et Bernard Stasi, le plus authentiquement centriste, représentait à lui seul l'honneur sauvé du centre et de la politique, et en même temps le plus offensif et le plus éloquent des adversaires du Front.

À cette époque (c'est ce qu'on me rapportait à chaud et je n'ai jamais eu de raison de douter de cette source), il occupait un bureau dans le même couloir de l'Assemblée Nationale que François Bayrou. La vraie culture littéraire est rare dans le monde politique. On disait que les deux hommes, heureux de partager enfin cet atout à l'Assemblée (où Bayrou avait été élu pour la première fois en mars 1986), échangeaient des poèmes en latin dans leur couloir commun, sous l'œil médusé des autres députés qui ne prenaient certainement pas le risque de rivaliser avec de tels bretteurs.

Mais déjà, avec l'échec de la candidature Barre en 1988, l'horizon s'obscurcissait, le charisme de Stasi perdait de son impact avec la défaite de son poulain. Il commençait d'ailleurs à approcher de la soixantaine. En rentrant de l'UE de Loctudy en voiture avec des amis en 1988, peu de mois après la déconvenue, le hasard a fait que nous nous sommes arrêtés au même restaurant d'autoroute que Stasi. Malgré tout ce qui venait de se passer, il donnait une intense impression de bonheur.

Je ne suis pas capable de me rappeler quelle fut sa part dans la campagne européenne de 1989 où nous avons choisi Simone Veil pour tête de liste, pendant que Chirac s'abritait derrière l'immense intelligence et l'engagement européen indiscutable de VGE.

Les dernières rencontres

Les législatives de 1993 furent fatales au député Stasi. Il était maire d'Épernay, une ville de la Marne où par ailleurs était né mon arrière-grand-père Paul Torchet. Cette ville a une particularité assez répandue en Champagne : on y produit du champagne. Plusieurs étiquettes prestigieuses y ont leur origine. La ville est cernée de vignobles et son sous-sol est un gruyère de caves immenses où le vin s'affine en bouteille. Stasi, lui, ne buvait jamais. Il nous l'expliqua un jour : "Quand je dois porter un toast, je prends un verre plein, je le lève pour prononcer quelques mots et puis, pour avoir les mains libres pour parler, je repose le verre sur la table, ensuite je reprends une verre vide et le tour est joué". Il ne buvait jamais et poussa l'exigence morale jusqu'à refuser de combattre la loi Evin sur la publicité pour les alcools. Sa circonscription couvrait pourtant la ville et les communes voisines, toutes viticoles. Évidemment, un vigneron se présenta contre lui et le battit aux législatives.

Battu aux législatives, il fut désigné par Balladur pour diriger la mission qui réfléchirait sur le nom à donner à ce qu'on appelait encore le Grand Stade et qui est devenu le Stade de France. La part italienne du sang de Stasi bouillonnait dès qu'on parlait de football. Lors de l'UE de Biarritz, dans l'été 1993, nous nous sommes à peine aperçus qu'il n'était plus député. Il mettait en valeur le fait de détenir le grand secret du nom du futur stade. Tard le soir, au bord de la piscine, il se laissait aller à confier que ce serait probablement Stade de France, tout simplement.

Début 1996, l'équipe toute fraîche des Jeunes Démocrates de Paris (j'étais alors jeune adjoint au maire de mon arrondissement) eut l'idée d'organiser son séminaire de réflexion et de formation. J'ignore absolument comment l'idée d'aller à Épernay est venue sur le tapis, mais Stasi nous ouvrait les portes de sa mairie, nous fournissait des salles de travail et de réunion, offrait les visites guidées des fameuses caves pleines de bouteilles de champagne, bref, c'était génial, nous avons signé.

Il grisonnait. Ses joues grisonnaient, ses cheveux grisonnaient, son regard grisonnait un peu aussi. Il n'avait plus la flamme de 1986. C'est là que je l'ai interrogé sur l'affaire de 1969, il répondit comme je l'ai dit sans détour. Au fond, je crois qu'à cette époque-là, ce qui lui importait était de transmettre ses convictions, d'exprimer également ce que sa carrière lui avait appris.

Il y eut ensuite une brouille entre Bayrou et lui, je ne me rappelle plus pourquoi. L'un des jeunes de Stasi (un blond dont le nom m'échappe) s'était rapproché de Philippe Douste-Blazy, le parti se divisait entre les partisans de ce dernier et ceux de Bayrou. On ne peut pas reprocher à Bayrou de se méfier de ses amis politiques quand on voit la litanie de ceux qui ont trahi leur famille d'origine, la sienne. Car la manœuvre de Douste était liée à des intérêts extérieurs au parti. Bref, ce fut la dernière fois que j'eus l'occasion de bavarder avec Bernard Stasi.

Avec un autre de nos amis jeunes j'allais dîner un mardi dans un restaurant voisin du siège, rue de l'Université, la Poule au Pot (un nom très Henri IV, soit dit en passant). Quand nous sommes entrés dans la salle, Stasi était assis, seul. Il nous vit, nous lui proposâmes de nous joindre à lui, il accepta avec son indéfectible bienveillance et sa disponibilité coutumière. Il n'avait pas encore commandé. J'annonçai que je prendrais mon péché mignon, une entrecôte bleue béarnaise. "Bonne idée, dit-il, une entrecôte aussi pour moi, mais sans béarnaise". Avec son regard malicieux derrière ses grosses lunettes, et un petit sourire facétieux, il nous expliquait que sa route se séparait de celle de Bayrou le Béarnais.

Quelques mois plus tard, lorsque la vieille UDF explosa sous l'affaire des présidences de région gagnées avec l'appui du Front National, puis sous la perte de la présidence du Sénat, on apprit que le président de la république Chirac avait nommé son vieil ami et ancien condisciple Stasi comme médiateur de la république, un poste qui lui allait comme un gant, mais qui lui imposait un devoir de réserve. Je n'ai plus entendu parler de lui pendant toutes les années qui ont suivi, jusqu'en 2004.

La maladie d'Alzheimer

Libéré en 2004 de ses fonctions de médiateur, Stasi avait aussitôt choisi de se rapprocher de sa famille politique traditionnelle, l'UDF. On vit ses proches revenir occuper des postes-clefs dans l'organigramme du siège. Sans doute la campagne très européenne de l'UDF emmenée par Bayrou en 2004 n'était-elle pas étrangère à ce choix. Puis il y eut la campagne du Traité Constitutionnel Européen (TCE) en 2005, où je le vis pour la dernière fois dans un meeting.

Il était assis à la tribune. Autour de lui, outre Bayrou et les députés européens UDF, il y avait Jean-Christophe Ruffin (je me suis toujours demandé ce qu'il faisait là) et l'admirable Bronislav Geremek, qui secouait la tête sans comprendre comment il pouvait se faire que les Français s'apprêtent à voter contre le TCE. Geremek, abasourdi, disait "Évidemment, il y a Napoléon, et puis ... et puis les Français d'aujourd'hui". Historien, il admirait Napoléon, qui avait ressuscité la Pologne.

Un des proches de Stasi m'annonça que Bernard souffrait de la maladie d'Alzheimer. On le vit pourtant parler, presque comme autrefois, pour raconter la folle jeunesse que j'ai dite plus haut, les barrières brisées et les drapeaux brûlés aux frontières. Oh certes, il avait 75 ans, mais quelle éloquence encore, et quel témoignage des convictions ardentes d'une  jeunesse généreuse, courageuse et exaltée, comme elle tranchait si fort avec ce qu'était devenu ce pays, le nôtre, la France, recroquevillé sur lui-même, grognon, pleurnichard, passéiste et égoïste. Le contraste était total et rappelait le chemin parcouru depuis les premières fois que j'avais vu Bernard Stasi, et que je lui avais parlé, vingt ans plus tôt. Vingt ans.

Je n'ai pas osé aller lui parler.

Et voilà, la nouvelle est tombée. Plus de trente ans après que son ami Jacques Duhamel a succombé à la sclérose en plaques, il est mort avec son alzheimer.

Bernard Stasi nous manquait depuis déjà plusieurs années, depuis que son esprit le fuyait. Maintenant qu'il est mort, il nous manque tout à fait, comme une lueur dans la nuit politique, une lueur qui s'est irrémédiablement éteinte.

10:34 | Lien permanent | Commentaires (3) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

03/05/2011

La discrimination, nouveau marqueur de droite

Après avoit écrit mon dernier article sur Villepin, j'ai eu des débats très vifs sur Twitter, et même ici, sur mon blog, sur la citoyenneté, la nationalité, la préférence nationale. Je rappelle que, dans son projet, Villepin, propose de créer un revenu réservé aux citoyens français, forfaitaire à 850 Euros par mois. Ce revenu est le complément d'obligations "citoyennes" ou civiques, notamment celle de voter, mais aussi une année de service de l'intérêt général (service civique), etc., une vision au fond spartiate.

Avant d'évoquer dans un autre article la question du revenu, des retards de revenus qu'ont nos concitoyens (c'est vrai et cela m'a été judieusement rappelé par les commentaires de ce précédent article), je vais revenir sur cette question de la citoyenneté, car l'affaire Mediapart de ce week-end a révélé ou souligné très crument la terrible maladie de la discrimination qui, peu à peu, se répand dans les milieux de la droite en France.

Commençons par la citoyenneté.

Citoyennetés, notions variables selon les branches du droit

Dominique de Villepin est un diplomate, du moins c'est sa profession. De ce fait, il porte sur certaines notions le regard diplomatique, celui du droit international. En droit international, la citoyenneté est un lien juridique qui unit une personne à un État. Ce lien est matérialisé par un passeport délivré par les autorités de cet État, dont les autorités consulaires pour les passeports délivrés hors de l'État en question.

Quand Villepin rencontre donc le mot "citoyen", issu du vocable révolutionnaire français dans notre langage politique courant, il le passe à la moulinette diplomatique, et voilà que notre citoyen devient notre ressortissant français, défini par son passeport. Il se trouve que le droit constitutionnel, le droit administratif, la science politique, et le langage courant donnent de tout autres contours au citoyen, en y attachant le paiement des impôts, la participation à la vie de la cité, des aspects plus à hauteur d'homme, le citoyen, en France, n'est pas seulement le Français, la citoyenneté est devenue en droit interne une notion complexe et ramifiée, à géométrie variable, détachée de la nationalité, d'autant plus que "citoyen" désigne avant tout l'habitant de la cité, donc de la ville, localement, et non pas de l'État comme le croit le droit international.

Assez curieusement, on m'a toujours expliqué que le passeport, outil marqueur en droit international, ne prouve pas la nationalité. Il prouve un lien de protection entre l'État et le détenteur du passeport, mais, en droit français, ce qui prouve la nationalité, c'est la carte d'identité. Donc le détenteur d'un passeport, s'il est en droit international un indiscutable citoyen français, n'est en rien un indiscutable citoyen français au regard du droit français.

Cette précision un peu sémantique m'amène tout droit à poser une question qui m'est venue à l'esprit en réfléchissant sur ce sujet : à qui le revenu "citoyen" s'applique-t-il ? Bonne question, beaucoup moins simple qu'il n'y paraît.

La preuve de la discrimination

Selon le libellé du projet Villepin, le revenu s'applique à tous les "citoyens", ce qui revient en pratique à dire à tous ceux auxquels la loi appliquera aussi un ensemble de sujétions déjà mentionnées, en particulier le service civique et le vote obligatoire.

Je n'entre pas dans le détail qui fait le premier hic, qui est que donner 850 Euros à chaque adulte revient à faire transiter 400 milliards d'Euros par an par les caisses de l'État, avec ce que cela suppose de coûts, de déperditions, malgré les éliminations d'autres allocations ou mesures sociales. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler, et il faudra certainement le refaire, car la gauche veut s'emparer de ce sujet pour 2012 et en faire un cheval de bataille, un cheval fou, soit dit en passant.

Je n'entre pas non plus dans le détail de ce en quoi ce projet rejoint celui des décroissants qui voudraient permettre aux gens de ne plus travailler s'ils en font le choix en leur garantissant ce minimum de vie. J'aurai l'occasion une prochaine fois de dire pourquoi cette intention, dont je comprends la bonne volonté, me paraît conduire à une ignominie.

Non, ce qui m'occupe, c'est pour le moment que ce revenu ne sera versé qu'aux "citoyens". À tous ? Cela voudra-t-il dire que les détenteurs d'un passeport français qui résident à l'étranger devront faire un service civique (en France ?) mais qu'en contrepartie, ils pourront percevoir les 850 euros aussi ? Et s'ils ne remplissent pas leurs obligations "citoyennes", conserveront-ils leur passeport ? Quelle sera la conséquence ? Cet enjeu n'est pas anodin, maintenant que les "Français de l'étranger" vont être représentés à l'Assemblée Nationale.

Revenons sur le territoire national. Nous avons maintenant deux voisins de palier. Aujourd'hui, ils sont tous deux au RSA socle, ils touchent environ 500 Euros par mois, ils bénéficient en outre de la même allocation logement et de la même CMU. Ils votent aux élections locales, aux municipales, aux cantonales, aux régionales, et aux européennes. Il y a deux élections où un seul des deux vote : la législative et la présidentielle. L'un est français, l'autre espagnol (par hypothèse, ou portugais, ou allemand, peu importe).

Maintenant, reprenons les mêmes voisins, après le dispositif Villepin. L'un touche 850 Euros, mais n'a plus d'allocation logement, puisque ses aides sociales ont été "écrêtées". Il consacre ou consacrera une année de sa vie au service de la collectivité (sauf s'il entre dans l'une des exceptions qui ne tarderont pas à fleurir). Il a l'obligation d'aller voter (sinon on lui retire sa pension) et comme ça l'agace, il vote systématiquement pour le FN, "pour les faire chier", et en se disant qu'en râlant beaucoup, on finira bien par attacher d'autres avantages à son privilège de national. L'autre touche toujours ses 500 Euros et son allocation logement. Il a peut-être fait une année de service militaire ou civique dans son pays, il continue à voter quand il veut.

On voit qu'avant le dispositif, la réalité tendait vers l'égalité, et qu'après, elle tend vers l'inégalité, vers la différence. Et quel est le moteur de cette différenciation croissante ? La nationalité. La nationalité est le moteur de la discrimination, le projet Villepin est donc lepéniste, cqfd. Je ne dis plus villepinistes, je dis vils lepénistes et je le regrette, car il en est de bien qui devraient s'en démarquer.

La discrimination, ralliez-vous à mon panache "blanc"

Il ne faut pas prendre l'ancien premier ministre pour plus imbécile qu'il n'est. Il est évident qu'il a choisi d'introduire cette discrimination dans son discours. Pourquoi ? Parce qu'il voulait tendre la main à Sarkozy. Il n'est pas le premier, rappelons-nous l"époque où feu Pascal Sevran trouvait que les Africains creusaient leur tombe avec leur bite, et celle où Chirac, se promenant benoîtement avec Juppé sur un chemin des environs de Bordeaux, tint des propos sur un "Bordelais de vieille souche" qui auraient envoyé n'importe qui d'autre que lui en correctionnelle. Juppé est désormais ministre.

C'est donc ainsi, quand on veut se faire bien voir en haut lieu, on dérape sur quelque chose d'ethnique ou de racial. C'est le signe de ralliement. "Ralliez-vous à mon panache blanc", où le mot "blanc" prend soudain un tour sinistre.

Sans doute faut-il évaluer à cette aune la crise ouverte par le site Médiapart dans les instances fédérales du football français. Depuis que Le Pen, en 1996, avait fusillé l'équipe de France dans le dos sur le thème du "ramassis de nègres", et que feu Frêche avait claironné qu'il y avait "trop de noirs dans l'équipe de France", il était devenu évident pour les racialistes qui sont depuis venus au gouvernement que le taux de sang noir devait baisser dans les vestiaires des équipes de France, en particulier celle de football. On suppose qu'ils l'ont fait savoir à qui de droit, qui a donc cherché le moyen de réduire cette coloration et d'"enfariner" le bec de nos joueurs.

Le recours à la question de la double nationalité pourrait entrer dans ce cadre. Selon un mécanisme très sarkozyste, on prend un biais assez vicieux pour faire passer une petite dose de "blanchissage". Chirac n'avait d'ailleurs pas fait autre chose lorsque, dans les années 1980, il avait "blanchi" les rangs des balayeurs et éboueurs de la Ville de Paris par une astuce juridique alors imparable : il avait exigé qu'ils aient le bac.

L'intervention de Lilian Thuram (dont les ambitions sur la fédération sont connues depuis déjà plusieurs mois) en contrepoint de l'affaire révélée par Médiapart souligne en fait la politisation de cette affaire, Thuram étant notoirement engagé à gauche. De ce fait, elle confirme que le recours aux propos racistes n'a été, pour l'équipe dirigeante actuelle du football français, qu'un signal politique d'obédience gouvernementale.

Il faudra donc s'y faire, et voir se multiplier ces mots d'ordre discriminatoires et racistes, et nous n'aurons jamais assez de forces pour nous y opposer, d'autant moins qu'il faudra s'opposer aussi à d'autres dérives, moins fondamentales certes mais non moins dramatiques, de la gauche.

De partout, nous entendrons hurler les loups de la race. Mais enfin, se rendent-ils compte de ce qu'ils font ? Et avec quel feu ils jouent ?


00:52 | Lien permanent | Commentaires (19) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook