Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/02/2009

On ne fera pas de campagne en 2012.

Il faut être cohérent : ce que j'écrivais hier signifie clairement que je ne ferai pas de campagne présidentielle en 2012.

J'ai fait quatre campagnes présidentielles.

Pour la première, en 1988, j'ai été très actif lors de la précampagne, d'abord dans l'équipe qui, au printemps 1986, en trois semaines, a rempli un train de mille jeunes pour mener Barre s'incliner sur la tombe de Robert Schuman dont on célébrait le centenaire de la naissance, près de Metz, et lui faire rencontrer Helmut Kohl venu spécialement. Puis comme délégué national des jeunes du CDS (les JDS), j'ai organisé notamment dans l'été 1987 l'Université d'Été où Barre est venu déclarer sa candidature : "J'aurai besoin de vous", avait-il lancé devant les 1500 convives du déjeuner de clôture, majoritairement des jeunes. J'ai fait la sortie de la gare Saint-Lazare à huit heures du matin, les dîners-débats onéreux et barbants, les relances téléphoniques, les autocollants sur les parcmètres, les parebrisages à une heure du matin... Les collages d'affiches poursuivis par les gros bras qui collaient à la fois pour Chirac et pour Le Pen et qui frappaient le capot de notre voiture avec un marteau.

Pour la deuxième, en 1995, je n'ai fait que du terrain, de novembre 1994 à mai 1995, pendant six mois, une station de métro à huit heures du matin, un marché de dix heures à midi, une autre station de métro de cinq à sept. Tous les jours, sans aucune exception, pendant six mois, sauf les vacances de Noël. Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige, quels que soient les quolibets au départ et la cruauté de la température. C'était pour Chirac. Cette fois-là, j'ai gagné. J'ai même, dans la foulée, été élu adjoint au maire du XVIe arrrondissement de Paris comme je l'ai expliqué plusieurs fois.

Pour la troisième, en 2002, j'ai fait ce que j'ai pu, un peu au siège, beaucoup sur le terrain, des marchés, des stations de métro, des gens, toujours des gens qui nous regardaient en demandant parfois qui était François Bayrou, ou qui levaient les yeux au ciel. Et je me souviens de la soirée des résultats du premier tour, à une heure du matin, il ne restait presque plus personne, on avait mis de la musique dans la salle du bas du bâtiment qui est (rue de l'Université) devant le siège, qui venait d'être acheté. Nous étions encore une quinzaine, dont deux vieilles dames de mon arrondissement, rescapées du Centre Démocrate des années 1960, qui entraînaient un Bayrou très gêné dans un rock totalement ridicule et burlesque, cruellement burlesque.

Pour la quatrième, en 2007, avec Quitterie Delmas, pour Bayrou encore, on a occupé la Toile, elle surtout, moi comme j'ai pu. On a tout donné, des journées jusqu'à des heures impossibles, elle a tant sacrifié d'instants personnels. Et pour quel résultat ? Pour quel effet sur les gens dont la vie est difficile ? Pour quelle amélioration pour la planète qui crève ?

Quel temps perdu...

Quel temps gâché...

C'est décidé, la prochaine fois, on ne fera pas de campagne, on a mieux à faire.

05/12/2007

Un souvenir de Raymond Barre.

Puisque la situation lyonnaise s'est clarifiée, j'ai envie de rappeler qu'en matière d'économie et d'éthique économique, Raymond Barre a été le modèle de plusieurs générations.

Pour la mienne, c'est dans les années 1980 que s'est fait le contact avec l'ancien premier ministre.

Nous préparions sa campagne présidentielle, j'avais été l'un des principaux organisateurs d'une université d'été extraordinaire à Hourtin, en Gironde, énorme pour ce petit parti qu'était le CDS, qui m'avait valu de découvrir les beaux quartiers de la vieille ville de Bordeaux et quelques autres plaisirs locaux.

C'était fin août et début septembre 1987. Raymond Barre venait prononcer le discours de clôture de l'université et quand il apprit l'atmosphère extraordinaire qui y régnait, l'attente des gens venus par centaines, les 1500 inscrits du déjeuner de clôture, il décida de modifier son discours dans l'avion qui l'y menait.

Il voulut rencontrer l'équipe nationale des jeunes. C'est nous qui, autour d'Éric Azière (aujourd'hui homme-clef des investitures pour Bayrou), de Bernard Sananès (infortuné concepteur de la communication du premier ministre Dominique de Villepin...), de Joseph Macé-Scaron (aujourd'hui rédacteur en chef à Marianne après l'avoir été au Figaro Magazine), et de quelques autres, avions pris en charge toute la conception et la réalisation de l'événement, dont les autorités "aînées" du mouvement étaient seulement les bailleurs de fonds et, bien entendu, les vedettes américaines.

Il arriva le matin. Il faisait une chaleur écrasante dès le lever du jour. Le site, qui bruissait d'un nombre effrayant de conversations et d'autres activités diverses jusqu'à une heure très avancée de la nuit, venait à peine de s'assoupir quand il fut réveillé par la rumeur de cette arrivée prochaine qui provoqua une ruée sur les petits-déjeuners.

Raymond Barre nous aimait bien. Il avait dit de nous, les JDS, "une exigence intellectuelle et morale, un désir d'action". Ca nous correspondait bien, je crois.

Il sortit difficilement de la voiture qui l'amenait. Il caracolait dans les sondages au-delà de 25%. Tout le monde se précipitait sur lui comme s'il avait pu guérir les écrouelles. Il n'était guère à l'aise avec cette pression humaine. Mais on le voyait heureux. Il se sentait en confiance.

Pour notre petite équipe d'une bonne vingtaine de jeunes de 22 (mon âge alors, j'étais le plus jeune) à 36 ans (le plus âgé était le trésorier Albert Kalaydjian, aujourd'hui conseiller municipal de Saint-Ouen), une petite salle avait été ménagée en vitesse pour la rencontre au sommet. Nous eûmes l'impression de poissons en bocal, car les deux tiers des parois étaient vitrées et les gens absolument agglutinés aux vitres pour observer la scène.

Jean-Marie Daillet, alors député de la Manche et aujourd'hui président des anciens du MRP, se faufila dans la salle, seul aîné parmi les jeunes devant le héros de notre future campagne.

Barre avait un regard de cristal très bleu, avec un léger strabisme. Il s'assit au bout d'une table en fer à cheval, nous échelonnés autour de lui, et entreprit de nous dévisager de cet oeil inquisiteur où l'on devinait une profonde intelligence, en silence. Puis il demanda un café et au moins deux sucres.

Éric Azière avait été un peu plus tôt en Angola, Joseph Macé-Scaron au Liban (où je l'avais accompagné dans la délégation), on parla de ces deux pays. Barre expliqua à propos de l'Angola que l'Afrique attendait beaucoup de l'Europe comme troisième voie entre les deux blocs d'alors. Il confia aussi qu'il avait une fois bousculé le protocole en recevant lui-même l'ambassadeur d'Angola à Paris, alors qu'il est d'usage que le premier ministre ne reçoive que les "grands" ambassadeurs et non ceux des "petits" pays. Mais il se trouvait que l'ambassadeur en question était de ses anciens élèves...

Puis on traita de politique.

Tout de même, on était là pour ça.

Et je n'ai jamais entendu un plaidoyer aussi implacable contre la "mise en coupe réglée de l'État", comme il disait, ce système qui est bien plus que de la corruption, un véritable phagocytage de la structure publique, une utilisation des moyens de l'État à fin politicienne, des circuits d'exploitation financière et autres malversations de toutes natures. Et il précisait que, à cet égard, le RPR (aujourd'hui l'UMP) était "bien pire" que le PS.

Je ne l'ai pas oublié.

Puis il prononça son discours ponctué par un très ému et très émouvant "j'aurai besoin de vous" qui préludait à sa déclaration de candidature, qu'il fit dans la phrase suivante, nous donnant ce deuxième honneur.

Puis il fut le 1501e convive, maniant sa fourchette avec un appétit d'ogre, avalant d'un coup de dent une cuisse d'oie confite, puis une deuxième, après une ou deux douzaine d'huîtres, et avant un dessert, et avec divers médocs (on était en Médoc), et ... c'était vertigineux à voir, ce coup de fourchette.

Puis, toujours heureux, fortement nourri, il partit reprendre son avion. Un mois plus tard, je passai sous les drapeaux. Il était à 28%.

Il profita hélas de mon séjour forcé dans l'armée de l'air pour redescendre jusqu'à ses 16,5% finaux. Évidemment, sans moi, il était perdu ;-)

05:05 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : politique, Lyon, Raymond Barre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook