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16/12/2009

Triple "Pan sur le bec" au "Canard" (UDF en plus).

Il est très rare que je dise du mal de la presse écrite, de la presse en général, et des gens en général. Pour la presse écrite, je risquerais d'empiéter sur le territoire de l'excellent Éric de Crise dans les Médias (le lien est dans la marge, colonne de droite, mais je ne le fais pas ici, car autrement Wikio et son précieux classement le pénaliseraient...).

Cependant, aujourd'hui, je dois souffler dans les bronches du volatile, du volubile canard, car trop, c'est trop.

Dès la une, "Le Canard" enchaîne : un sujet sur les impôts sur les sociétés du Cac 40, qui en paient très peu. Pas un mot de la revue Alternatives Économiques qui avait sorti ce scoop, sur lequel j'avais fait une partie de mon article (rédigé après un conseil de Quitterie sur son blog) ici même dès le ... 15 novembre, voici plus d'un mois !

Ensuite, à l'intérieur, un long article de Didier Hassoux (qu'il m'est arrivé de rencontrer au siège du "Canard") sur la réouverture du cercle de jeux Concorde. Étant donné le nombre d'articles sortis depuis des mois sur Bakchich sur ce sujet, il me semble que la moindre des choses aurait été de citer au moins ce site, voire sa version papier, Bakchich Hebdo, qui persiste dans les kiosques (aidé depuis peu par Isabelle Adjani).

Enfin, il y a l'affaire Tapie vs Club Med. On nous explique que Bernard Tapie a fait pression sur les cours de cette entreprise (née sous une forme quasi-coopérative, si ma mémoire est bonne, et devenue ordinaire) pour racheter une proportion non négligeable de son capital, et faire ainsi pression sur l'équipe dirigeante emmenée par Henri (alias Riton) Giscard d'Estaing, l'un des fils de l'ancien président VGE. Les cours du Club sont remontés, et Tapie a revendu ses parts avec moult bénéfice. Que le "Canard" trouve le moyen de donner cette info sans faire le lien avec le fait que VGE soit depuis lors descendu de son olympe et du château d'Estaing pour souffleter les actuels dirigeants d'une UDF qui n'est plus qu'un fantôme, relève d'une cécité dont le "Canard" ne se vante habituellement pas. Tapie a quand même juré la mort politique de Bayrou qui l'a abondamment dénoncé lors de son indemnisation étrange par l'État sur décision politique.

Il n'est pas question pour moi de défendre Bayrou, il est bien assez grand pour le faire tout seul et, comme je l'ai écrit, je suis perplexe sur mon éventuel vote de mars prochain, mais la double imposture de ceux qui se réclament d'une marque commerciale UDF (a-t-on vu qu'un parti politique soit une échoppe ? c'est bien une idée de maquereaux politiques faisandés) et d'une prétendue idyllique UDF nimbée des paillettes de la perfection politique et morale, cette double imposture m'agace, et, moi qui suis adhérent de l'UDF presque depuis son origine, je crois utile de dénoncer l'imposture en rétablissant certaines vérités.

L'UDF, une usurpation, déjà

Dans les années 1960, le Sénat a incarné la résistance à la mainmise du parti présidentiel sur tous les rouages de l'État, rouages politiques en particulier. Gaston Monnerville a incarné le Sénat durant la première décennie de la Ve république avec fermeté et calme. Lorsqu'il a fallu le remplacer, en 1968, il y a eu un très grand nombre de tours de scrutin, et finalement, c'est Alain Poher qui est sorti des urnes.

Alain Poher n'était déjà plus un homme jeune, il était né avant la guerre de 1914-18. On l'a traité de falot et d'un certain nombre d'autres noms d'oiseaux, mais on doit inscrire à son actif la ratification, pendant sa seconde présidence de la république par intérim, en 1974, la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH), que la France avait refusé de ratifier jusque-là (on croit rêver). Il ne put la faire ratifier complètement, et dut maintenir une réserve, la peine de mort n'était pas abolie. Après son abolition en 1981, la Convention fut enfin pleinement ratifiée.

La ligne politique qui fit élire Poher président du Sénat en 1968 était complexe. Elle préfigura en fait ce qui allait devenir l'UDF. En 1971, les démocrates de Lecanuet et les radicaux de Jean-Jacques Servan-Schreiber (JJSS), qui en étaient le pivot, se rapprochèrent dans une première confédération, le Mouvement Réformateur. D'eux se rapprochèrent quelques socialistes qui désapprouvaient l'Union de la Gauche et l'alliance du PS avec le PCF (ils finirent dans le Parti Social Démocrate, le PSD, de Max Lejeune puis d'André Santini). Lors de l'élection présidentielle de 1974, cet axe s'élargit : il y avait déjà quelques indépendants (CNI) qui s'étaient rapprochés de Lecanuet dans les années 1960, et ce furent les indépendants de l'intérieur de la majorité présidentielle sortante, les Républicains Indépendants qui, avec Giscard, rejoignirent la coalition.

Giscard faisait ainsi au centre à peu près ce que Mitterrand avait fait à la gauche au congrès d'Épinay : il arrivait avec très peu de militants, encore moins d'électeurs, mais offrait sa dynamique personnelle pour la conquête du pouvoir, et prenait, minoritaire, la tête de la troupe. Les réformateurs avaient un capital électoral supérieur à 15 % (que Bayrou n'a curieusement jamais réussi à reconstituer depuis la présidentielle de 2007), les RI représentaient peut-être 3 ou 5 %, la fronde des 44 députés autour de Chirac amenait probablement les 5 ou 6 points qui ont fait la différence contre Jacques Chaban-Delmas, rival de VGE au premier tour.

Après la victoire de Giscard, seuls les réformateurs et les RI restèrent dans le camp de Giscard, Chirac retourna à son UDR qu'il changea bientôt en RPR en 1976. Le changement de sigle choisi par Chirac et ses amis fut probablement une erreur : en créant l'UDF en 1978, Giscard et les siens parurent retrouver le fil de la légitimité présidentielle. La plupart des électeurs sont très peu attentifs à l'actualité politique et les info leur tombent très lentement dans l'oreille. C'est ainsi qu'il faut concevoir la naissance de l'UDF comme une usurpation, une habile récupération de sigle (de l'UDR à l'UDF).

Un livre sortit, officiellement signé par Giscard, et intitulé "Démocratie Française", qui permit de faire comprendre que l'Union pour la Démocratie Française (UDF) était le parti présidentiel.

L'UDF de Giscard et Lecanuet est morte en 1998, vendue au Front National

Dans un premier temps, la récupération fonctionna plutôt bien. Les élections européennes de 1979 virent la déroute du RPR chiraquien et le triomphe de l'UDF giscardienne, emmenée par Simone Veil. Ce fut pourtant son unique succès, car dans les trente ans qui ont suivi, l'UDF est allée de défaite en déroute et son territoire s'est réduit comme peau de chagrin, jusqu'au maintien sous tente à oxygène organisé par le congrès de Villepinte en décembre 2007.

Dans les années 1980, pourtant, l'UDF porte beau : elle détient une forte majorité de conseils généraux et la présidence du Sénat. Peu à peu, miette par miette, Chirac va grignoter tout cela. Vers 1985, Raymond Barre s'impose comme le candidat naturel de l'UDF. On oublie sa phrase malheureuse et suspecte sur l'attentat antisémite de la rue Copernic, en 1980, et on voit qu'il a laissé les finances de l'État redressées et l'industrie prête pour les restructurations que les nationalisations de 1981 ont permis d'accélérer.

En mars 1986, l'UDF et le RPR font chambre à part pour les législatives qui se jouent à la proportionnelle. Catastrophe : le RPR devance l'UDF et l'addition des sièges du RPR et de l'UDF n'a qu'une voix de majorité à l'Assemblée Nationale. Barre va-t-il voter la confiance à Chirac qui sera pourtant son rival à la présidentielle ? Il fait l'erreur de la voter. Je me souviens d'avoir pensé dès cette époque-là qu'il avait tort. En fait, la hiérarchie de la présidentielle se mettait en place : Barre serait devancé au premier tour par Chirac, et ce dernier le serait au second par Mitterrand, dont il acceptait de devenir le subalterne en devenant son premier ministre. Le seul que le vote arrangeait était Mitterrand, et probablement Rocard.

Toujours est-il qu'on vit à l'occasion de la présidentielle de 1988 se dessiner la vraie et laide nature de l'UDF : en début de campagne, en 1986 et 1987, tout le monde, parmi les élites de l'UDF, pouvait se croire "premier-ministrable", mais à mesure que la campagne se déroulait et que la liste des premiers-ministres potentiels de Barre se raccourcissait, les élites en question, quitte à négocier un gros ministère, trouvaient plus rentables de le négocier avec Chirac, qui avait forcément plus de raison de se décarcasser pour obtenir leurs voix.

Le PSD d'André Santini, liens corses obligent, n'eut même jamais l'idée de soutenir Barre. Les autres composantes de l'UDF se délitèrent progressivement. Il faut dire que l'UDF n'était pas un parti politique, mais une confédération de partis. On disait la "nébuleuse" centriste, tant s'y multipliaient les formations, clubs et autres réseaux. Ses dirigeants n'avaient aucun patriotisme de parti. Ils développaient un patriotisme de réseau, souvent transpartisan. La disparition du MRP, par exemple, au début de la Ve république, avait essaimé ses élus un peu partout : Maurice Schumann (à ne pas confondre avec Robert Schuman) avait fait partie des jeunes de Marc Sangnier, comme Marc Bécam qui fut ensuite maire RPR de Quimper. Robert Schwint, inamovible maire PS de Besançon durant une période très longue, venait lui aussi du MRP. Et bien entendu, ce qui restait des cadres du MRP avait servi de soubassement à la création du Centre Démocrate par Jean Lecanuet en 1963. Ces liens de réseaux étaient infiniment plus précieux aux gens de l'UDF que leur propre parti.

Chirac s'emparait aussi des collectivités locales, une par une : tel maire UDF était maintenu en poste à condition d'accepter de céder des délégations-clefs au RPR. La sanction, s'il refusait, était qu'il perdait sa ville, fût-ce au profit de la gauche : depuis 1981, on savait que Chirac pratiquait la politique du pire. De surcroît, il tenait les finances des agriculteurs et la FNSEA, ce qui lui permettait de grignoter la majorité absolue de l'intergroupe UDF au Sénat. Enfin, il avait offert des prébendes aux leaders centristes : parmi les pensionnés de la Ville de Paris, on trouvait par exemple le nom de Lecanuet.

L'élection de René Monory à la succession d'Alain Poher, devenu aveugle et quasi-grabataire, en 1992, fut le dernier feu d'une confédération dont la crise des régionales de 1998 précipita la fin.

La fin de la première UDF, le rôle de Pasqua et du Front National

Lors de l'élection présidentielle de 1995, Giscard, Barre et Monory s'étaient rassemblés pour soutenir la candidature de Chirac. Le soutien de celui-ci à l'adoption du traité de Maestricht, en 1992, avait probablement été le prix de ces ralliements, ou du moins, la preuve. En face de Chirac, le vrai adversaire n'était pas Balladur, mais Pasqua.

En effet, on disait que le fils de Pasqua était très proche des réseaux du Front National (FN), et que, si le FN avait son siège dans les Hauts-de-Seine, ce n'était pas par hasard, car, indirectement mais massivement, le FN était soutenu par le conseil général de ce département, dont le président n'était autre que Charles Pasqua. De fait, Paul Graziani (autre corse) et Pasqua dominaient le département depuis 1982, date à laquelle les lois de décentralisation lui avaient conféré l'énorme budget que chacun connaît aujourd'hui. Le FN ayant prospéré à partir de 1983, on peut imaginer le lien de cause à effet que les gens faisaient.

Pasqua avait essayé de s'emparer de la présidence du Sénat en 1992, peut-être avec l'aide de Pierre Bordry, alors directeur de cabinet du fantomatique Poher, mais Monory avait réussi à conserver le poste à l'UDF.

Le ralliement des principaux leaders historiques de l'UDF à la candidature de Chirac de 1995, pendant que la jeune génération, de Bayrou à Léotard en passant par presque tous les autres, s'enrôlait chez Balladur, scella la première fin de l'UDF, qui était désormais incapable de présenter un candidat à l'élection présidentielle.

Le divorce fut consommé en 1998 : les élections régionales, à la proportionnelle intégrale, virent des majorités relatives de la droite RPR-UDF dans trois régions, qui ne pouvaient aboutir à des présidences de régions de droite qu'avec les voix des élus du FN. C'était le cas en Picardie, en Rhône-Alpes et en Languedoc-Roussillon. La composante libérale de l'UDF accepta les voix du FN (sauf les modérés emmenés par Léotard et Robien, qui découpa sa carte de son parti en direct à la télé), cependant que la composante centriste les refusa (sauf Charles Baur en Picardie et Claude Goasguen), ainsi que les radicaux.

Dans la foulée, l'intergroupe UDF perdit la majorité absolue au Sénat, et le chiraquien (merde, je ne me rappelle plus son nom, ni même sa gueule) succéda à Monory (au grand dam de Pasqua, qui aurait bien profité de la disparition de l'UDF pour placer l'un des siens à la tête de la Haute Assemblée, vu qu'il se préparait à une candidature présidentielle en 2002, pour laquelle il avait tout fait pour rendre le FN incontournable et lui-même seul allié possible du FN, seul donc à pouvoir faire gagner ce qu'il nommait la droite au second tour en 2002...).

L'UDF, la première, la vraie, était morte. Il en restait un rogaton, encore présentable en terme d'élus, mais retrognolé, qui devint la Nouvelle UDF.

La nouvelle UDF, l'honneur retrouvé des centristes

En ayant pour fait originaire le refus d'alliance avec le FN, les centristes de la Nouvelle UDF pouvaient marcher le front haut. Mais la dynamique née en 1978 s'était entièrement brisée, et la réalité politique ne pouvait manquer de les rappeler à la modestie. En 1999, l'élection européenne présenta deux droites à égalité, et le centre doit en difficulté. On ne sait pas si Séguin a délibérément sabordé sa campagne euroipéenne pour aider son ex-allié Pasqua qui s'y présentait contre lui, ni si Sarkozy a joué entièrement le jeu, mais le résultat est que le RPR, réparti en deux listes, dépassait deux fois 10 %, proche des scores du FN et de l'UDF nouvelle emmenée par Bayrou.

J'étais alors élu du XVIe arrondissement de Paris et, bureau de vote par bureau de vote, j'avais constaté qu'une partie des électeurs de l'UDF, dès ce moment-là, s'était portée sur la liste écolo emmenée par Daniel Cohn-Bendit (DCB). La porosité des deux électorats était très nette, ce que DCB a su exploiter lors des dernières élections européennes en 2009, qu'il tente de prolonger aux régionales de 2010 (mais la situation est-elle la même ?). Ce n'était donc pas sottement que Bayrou avait tenu à doter son Force Démocrate (successeur du CDS en 1995) d'une vraie aile écologiste.

Le trop faible score de Bayrou aux Européennes passa, parce que les élus n'avaient pas de solution de repli. Mais le score de Bayrou à la présidentielle de 2002 fut encore pire, et la création de l'UMP à cette même époque offrit l'occasion à la plupart d'entre eux de quitter le navire qui faisait eau de toutes parts. Outre quelques indécrottables bayrouistes ou centristes utopiques, et quelques députés émanant de systèmes locaux très efficaces, ne restèrent là que ceux des élus qui souffraient, disons-le, d'une chiracophobie aiguë. Ces mêmes chiracophobes sont la majeure partie de ceux qui, dès avant le premier tour de l'élection de 2007, ont rejoint Sarkozy, qui avait réussi à faire la peau à Chirac.

Entre-temps, l'idée était venue à Bayrou, ou à son entourage, de tourner casaque. Je me souviens d'une conversation avec Éric Azière, qui est proche de Marielle de Sarnez, ce devait être en 2005, au stade Jean Bouin à Paris. Il traçait les perspectives d'avenir, j'en mesurais mal les conséquences à cette époque : désormais, le parti de centre droit serait l'UMP (putain, qu'est-ce que ce serait s'ils étaient l'extrême droite !), et Bayrou... eh bien, ce n'est que plus tard que j'ai entendu parler de "stratégie à l'Italienne". Il s'agissait de se calquer sur une méthode qui avait permis à Romano Prodi de prendre le pouvoir par une vaste coalition allant du centre chrétien jusqu'à une gauche très à gauche, très très à gauche. L'idée du Parti Libéral Démocrate anglais (qui, du centre, déborde la gauche par la gauche) rejoignait la même stratégie, mutatis mutandis, ou du moins offrait une variante possible du même esprit.

Le passage de Bayrou à gauche ne pouvait se faire sans étapes. La création du Mouvement Démocrate fut la première de ces étapes.

L'avant-dernier congrès de l'UDF à Villepinte et la création du Mouvement Démocrate (MoDem)

L'UMP détenant le Sénat et Chirac tenant la FNSEA, la légitimité historique héritée de la première UDF avait tout à fait disparu : Chirac avait fait gagner l'Europe (grande idée commune de la nébuleuse UDF) au référendum de 1992, la décentralisation (autre grande idée commune) avait été organisée par Mitterrand et la bipolarisation avait peu à peu gagné la vie politique jusque dans les communes de taille modeste. Les réseaux démocrates-chrétiens, radicaux-socialistes, ou autres, avaient perdu leur socle sociologique naturel. Il ne restait donc plus rien de cette première UDF.

Giscard lui-même s'était éloigné pour une raison tout à fait futile : Bayrou avait refusé de prendre une de ses maîtresses (dont on disait qu'elle avait un enfant de lui) sur sa liste des Européennes de 1999.

La présidentielle du printemps 2007 s'était faite encore sur l'étiquette UDF, mais les députés avaient quitté le navire bayrouiste entre les deux tours. Au passage, toujours à propos du "Canard" d'aujourd'hui, lorsqu'on prête à Sarkozy la phrase qu'Hervé Morin a attendu l'entre-deux-tours pour rejoindre l'escadre sarkozyste, le "Canard" ne me paraît guère critique. Soit ses info sont fausses, soit (ce qui est plus probable), il entre dans le jeu de la manœuvre tentée par Sarkozy pour récupérer des miettes de ce qu'il reste d'électorat de centre droit à Bayrou.

En effet, on sait que Morin a quitté le sillage de Bayrou pour se placer dans celui de Sarkozy dès les environs du 20 mars 2007. C'est le moment où il devait faire une conférence pour soutenir Bayrou devant les milieux d'affaires londoniens, et où il n'y est pas allé. Le 20 mars est le moment où, comme par hasard, Bayrou a commencé à stagner dans les sondages, et où l'on a su qu'il ne gagnerait pas. Très fidèle à ce qui a été la réalité de l'UDF pendant trente ans, Morin a été le premier à aller à la soupe. Il a attendu l'entre-deux-tours pour emmener avec lui le plus possible de députés.

C'est évidemment Rothschild, patron du cheval en France, qui a été le lien entre Sarkozy et Morin, puisque Morin, comme Bayrou, élève des chevaux. Et d'ailleurs, entre les deux tours, pour marquer la nouvelle situation politique, Sarkozy n'est pas allé inaugurer les chrysanthèmes à Épaignes : il s'est fait filmer à cheval à grand renfort de caméras de télévision...

Ce qui est curieux, dans cette affaire, c'est que les réseaux de Sarnez sont très liés aux intérêts équins, puisque son ex-mari est maire de Deauville après avoir dirigé la société de vente de yearlings à Deauville pendant plusieurs années, et que leur collaboration avec Bayrou a beaucoup aidé celui-ci d'abord auprès de feu Jean-Luc Lagardère (patron du cheval avant Rothschild) puis auprès de Rothschild. Il est vrai que Rothschild, lui, avait de solides raisons de soutenir Sarkozy, notamment par leur soutien commun à la cause de l'État d'Israël.

Cette fois, fin 2007, il ne restait plus qu'une poignée d'élus, quelques poignées de cadres, l'UDF était morte de sa belle mort. Mais le souhait de Michel Mercier (dont on disait déjà qu'il s'était rapproché de Sarkozy) et de Jean Arthuis aboutit à maintenir l'UDF sous tente à oxygène et sous respiration artificielle, Bayrou en étant le président avec une équipe resserrée où Arthuis gardait un pied (d'ailleurs légitime).

Lors de ce qui devait être l'avant-dernier congrès de l'UDF, nous avons décidé qu'à la fin de l'année 2010, un dernier congrès serait réuni, qui se prononcerait sur l'éventuelle absorption de l'UDF par le MoDem.

Agiter le spectre de l'UDF pour effrayer les électeurs de Bayrou

On comprend bien que la manœuvre actuelle a le double but d'une part, d'attirer à Sarkozy les électeurs de Bayrou effrayés par le glissement de leur parti du centre pur et dur vers la gauche, et d'autre part, de repousser vers la gauche (ou plutôt vers les Verts) les électeurs de Bayrou qui détestaient l'UDF et qui pensaient que le MoDem était un parti soit social-libéral, soit social-démocrate, soit social-écologiste, soit social-démocrate-écologiste.

Pour attirer le centre droit, on fait croire que le Nouveau Centre se rebelle, que c'est the return of 2006, quand Bayrou ne vota pas le budget de la droite. Seulement, dans le même temps que cette stratégie est organisée, elle est insupportable à ceux qui l'ont organisée : au NC qui l'assume mal, et à Sarkozy qui, tout en l'agitant d'une main, la retient de l'autre, de peur que l'artifice ne devienne la réalité et que quiconque ose lui faire de l'ombre.

J'ai dit pourquoi Giscard a accepté de se mêler à la mascarade. Tout ceci n'a guère de consistance et ne trompera pas grand monde, sauf quelques grand-mères un peu assoupies qui, de toutes façons, auraient voté Sarkozy au deuxième tour.

Voilà donc Bayrou avec sa doctrine flottante, son parti en pâte à modeler, sa stratégie douloureuse et l'océan qui tangue. Et moi, mine de rien, je m'aperçois que, après avoir traité des écolos, me voici ayant analysé (voire psychanalysé) les centristes. Diable, ça m'ennuierait beaucoup d'avoir à continuer à décrire le prisme électoral, d'autant plus que j'ai une intention assez faible de voter.

Quand au "Canard", je le remercie quand même d'avoir indiqué que la subvention accordée par la Ville de Paris au Stade Français, l'équipe de rugby parisienne, était en principe conditionnée par des séances éducatives dans les écoles des quartiers fauchés, ce qui s'est résumé à une séance (une seule) ... avec des écoles privées.

Mais j'aimerais bien cesser d'avoir l'impression de lire radio-Sarko en lisant les brèves de la deuxième page.

25/08/2009

1,9 million de milliards de dollars : la bataille de l'argent.

Oh, ne croyez pas que je sois en train de vanter les résultats financiers de la vente de mes livres, hélas, je n'en suis pas là... 1 900 000 milliards de dollars, c'est, selon le numéro spécial été du "Canard Enchaîné", la masse financière accumulée dans les paradis fiscaux pour alimenter la spéculation mondiale.

1,9 million de milliards de dollars, plus d'un million de milliards d'Euros... trente fois le PIB mondial, le PIB d'une génération entière, trente ans de PIB. 300 000 dollars par être humain, tous âges et nationalités confondus. La détention de monnaie signifiant une créance sur l'émetteur de la monnaie, cela signifie que chaque être humain doit en principe 300 000 Euros à ceux qui contrôlent ces fonds spéculatifs. Une famille de huit enfants qui vit avec 30 dollars par semaine a ainsi une dette théorique de 3 millions de dollars envers des gens qui se dorent la pilule aux Bahamas. Un cauchemar.

Face à cette somme astronomique et purement théorique, on comprend que les 10 000 milliards de dollars de casse dus à la crise des subprimes, qui hier encore nous faisaient pâlir, soient devenus dérisoires, anecdotiques, et que même les 28 000 milliards de dollars de capitalisation boursière effacés par la tornade financière de l'automne 2008 ne soient plus l'abîme insurpassable capable d'engloutir les finances du monde. 10 000 milliards de dollars, c'est 2 % de la capitalisation accumulée dans les paradis fiscaux. 28 000 $, 3 %. Une paille, un brin d'herbe dans la prairie des billets verts.

Pour une super-taxe Tobin

Accessoirement, si l'on analyse que l'endettement public mondial se monte à une année de PIB, eh bien, il suffit de taxer les capitaux des paradis fiscaux à hauteur de 3 %, et l'endettement public mondial aura disparu d'un coup, libérant des sommes considérables pour la santé, pour l'éducation... et pour les réductions d'impôts et autres charges sociales de l'économie réelle.

Alors, on s'y met quand ?

Et au-delà même, j'ai été frappé par la subite apparition de l'OMS cette année comme premier réelle agence fédérale mondiale, oui, la mondialisation appelle des formes gouvernement mondial, et on en tient une : l'OMS.

Bon, on peut s'interroger sur l'empressement de cette organisation à dramatiser une maladie, la grippe A H1N1, considérée comme plutôt bénigne pour sa catégorie, et dont la statistique mortelle est infinitésimale, on peut se demander aussi s'il n'y a pas un lobbying efficace de la part des fabricants de tamiflu et autres vaccins plus ou moins futurs, mais la réalité est là : si demain une épidémie réelle se déclarait avec tous ses dangers, les relais existent, les protocoles sont en place. J'ai eu l'occasion d'aller à l'hôpital cet été, et j'y ai vu les masques à l'entrée destinés aux précautions éventuelles. C'est une étape étonnante, spectaculaire.

Gageons que nous allons voir ces agences se multiplier et quadriller peu à peu notre espace vital, en bien comme en moins bien. Comme elles sont la conséquence inévitable de la mondialisation, on se félicitera des aspects positifs de cette évolution, et on tentera d'améliorer les autres.

Heu, sauf que... parmi les agences mondiales déjà connues, il y en a une, l'OMC, dont on connaît le principal défaut : elle est contrôlée par la puissance dominante, les États-Unis, comme d'ailleurs la Banque mondiale et le FMI. Contrôlée, car financée. Alors, il faudra innover et détacher les agences mondiales des états en coupant le cordon omblical.

À agences mondiales, il faudra un financement mondial. Et pourquoi ne pas créer la fameuse taxe Tobin, mais en l'étendant au financement des organisations étatiques mondiales ? Taxer les flux de capitaux est désormais une évidence éthique pour tout le monde, cela ne peut se faire qu'à l'échelle mondiale, et cela doit avoir un but mondial. Financer le gouvernement du monde par une taxe mondiale me paraît de bonne gestion.

Ensuite, il faudra songer à la coordination des agences mondiales.

L'échec du modèle américain, la solidité du modèle européen

Il y a deux façons d'envisager l'avenir du monde : la première, c'est un aréopage dominé par la puissance dominante (les États-Unis pour le moment), et cela s'appelle le G 20. La deuxième, c'est une construction d'égaux inspirée du modèle communautaire européen, comme les communautés européennes ont été regroupées en Union européenne après l'existence de traités et d'entités séparées.

J'ai été très frappé par la révélation des effrayants archaïsmes de la société politique américaine. On l'avait vu en 2000 avec la pathétique séance de recompte des cartons perforés en Floride, on s'aperçoit que ce n'est pas seulement le mode de scrutin, mais le squelette même de la société américaine, qui est à la fois vétuste et sclérosé, et encore plus vétuste que sclérosé.

J'ai lu quelque part des chiffres édifiants : les États-Unis consacrent 18 % de leur PIB à soigner leurs habitants, mais 15 % desdits habitants ne sont pas couverts et l'espérance de vie ne cesse de baisser aux États-Unis ; la France et l'Allemagne consacrent 12 % (un tiers de moins) de leur PIB à soigner leurs habitants, tout le monde est couvert, et l'espérance de vie continue à augmenter. La France est même (selon la CIA...) le troisième pays où l'espérance de vie est la plus longue, après le Japon et... Saint-Marin.

Cherchez l'erreur.

Y a-t-il preuve plus éclatante de la profonde inefficacité du modèle américain qui, outre son injustice honteuse, démontre sa contreproductivité manifeste ?

Bien sûr, c'est l'occasion pour nous de nous féliciter d'avoir si fort soutenu Barack Obama lors de la dernière présidentielle américaine. Nous avions raison, c'est évident, et s'il fallait faire quelque chose pour l'espèce humaine ces temps-ci, ce serait aller aux États-Unis soutenir Obama pour qu'il fasse passer son système de sécurité sociale qui a fait atteindre le point Godwin à la vitesse supersonique à une quantité invraisemblable de crétins dont l'Amérique a le tragique secret.

Alors évidemment, s'il faut choisir entre l'option G 20 et l'option Bruxelles, je choisis Bruxelles, sans illusions d'ailleurs sur les améliorations que le système européen réclame, notamment en matière de subsidiarité, de démocratie, et d'impartialité, mais avec la conviction que la régulation à l'Européenne (orchestrée, il faut le souligner, par les deux grands présidents de la commission qu'ont été Jacques Delors et Romano Prodi) est le modèle que le gouvernement mondial devra convoiter et approfondir s'il veut être efficace.

Je vais en trouver la démonstration dans le cinéma.

La Californie en plein naufrage

On avait vu, voici quelques années, la compagnie d'éléctricité californienne en pleine banqueroute. Terminator a terminé le travail en mettant l'état de Californie sur le flanc. On voyait aussi les techniciens du cinéma se plaindre des délocalisations croissantes des tournages qui, les un après les autres, fuyaient Hollywood, qui pour l'Australie, qui pour Seattle ou Vancouver, comme les 4 Fantastiques par exemple. Or je suis allé plusieurs fois au cinéma ces derniers jours. C'est significatif.

Aujourd'hui, j'ai vu le film autobiographique (ou d'autofiction) "le temps qu'il reste" du cinéaste palestinien Elia Suleiman, ou comment dire des choses graves sur un ton léger. Mais ce n'est pas mon propos.

Auparavant, j'ai vu plusieurs films présentés comme américains et... tournés en Europe : "Inglorious basterds" de Tarantino (une BD dont le propos serait risible sans l'intention délibérément décalée, et qui a la particularité de cartonner aux USA alors qu'on y parle surtout le français et l'allemand), tourné aux studios de Babelsberg à Berlin, "une arnaque presque parfaite" tourné en Serbie-Montenegro, en Tchéquie, en Roumanie, et "G.I. Joe" tourné à Prague et à Paris. Voici donc où les producteurs américains trouvent des liquidités alors que leur système bancaire fond à la même vitesse que la banquise des pôles : en Europe.

Oh, ce n'est pas que tout soit parfait en Europe : l'État britannique a dû injecter 44 % de son PIB d'une année pour sauver ses banques, la France en est, paraît-il, à 26 % d'aides directes et indirectes. Mais tout de même, la régulation existe.

Rappelons que le déficit budgétaire américain s'élève à bien plus de 10 % du PIB annuel. Rappelons aussi que ce qui, dans les années 1980, a coûté tant d'influence et de position à la France en Europe et dans le monde, c'était le différentiel de déficit et d'inflation par rapport à nos principaux alliés et voisins. L'Amérique peut croire qu'elle rebondira et effacera les abimes qu'elle creuse, ce n'est pas vrai : son déficit budgétaire kilométrique traduit implacablement la diminution de son influence. Les USA produisaient plus de la moitié du PIB mondial vers 1950. Ils sont autour de 20 %. Et par manque de rigueur, ils laissent filer ce qui leur reste. La croissance induite par ces déficits publics leur est si inférieure que ce sont près de 10 points de PIB que les déficits publics coûtent chaque année au pays...

La bataille de l'argent ne fait que commencer

Qu'on ne s'y trompe pas : la bataille pour sauver l'État américain de la faillite, nous la connaîtrons aussi en Europe et bien des structures étatiques vont succomber à la guerre financière qui s'annonce.

Les crapauds juchés sur leur million de milliards dans les paradis fiscaux, puisqu'ils ont de l'argent, veulent que cet argent ait un sens, qu'il leur permette de se soigner quand le péquin moyen crève dans la fièvre, qu'il leur permette de se loger, de se nourrir, avec un éclat qui traduise concrètement ce qu'avoir de l'argent signifie. En somme, ils vont continuer à dépenser des millions pour déclarer que l'État, c'est mal, qu'il faut démanteler les protections publiques qui sont aussi inefficaces qu'immorales. C'est bien ce que nous avons clairement lu et constaté dans le programme de la majorité française actuelle, cette volonté d'inégalité.

On nous dit dans la bonne presse que le prochain objet de la voracité des prédateurs du million de milliards, ce seront les endettements publics, les structures étatiques elles-mêmes. Certaines vont donc craquer, d'autres résisteront si leurs dirigeants agissent pour l'intérêt commun, pour le bien public, et non pour la sauvegarde des banquiers et autres gens de Neuilly (même ceux de "Neuilly sa mère" qui m'a fait rire).

Face à cette offensive qui s'annonce, nous pouvons bien entendu contribuer à l'émergence d'une solution politique, même si nous savons qu'il n'y aura pas d'Obama français.

Nous pouvons aussi nous engager avec les moyens qui seront les nôtres, à notre niveau, en consommant mieux, en vivant mieux, en utilisant notre marge de manoeuvre pour favoriser les producteurs et les marchands qui sont les moins liés à la logique des prédateurs des paradis fiscaux.

Rien n'est encore prévisible en matière politique, mais dans ce domaine au moins, il n'est besoin d'attendre le signe de personne pour agir, nous pouvons le faire sans délai, merci de nous l'avoir rappelé, merci Quitterie.

17/04/2009

Hadopi : je n'ai pas pu m'en empêcher...

Pourvu que l'auteur du dessin et l'hebdomadaire précieux (notre bon vieux "Canard enchaîné") me pardonnent d'avoir piraté leur dessin  sur le rejet d'Hadopi par l'Assemblée le 9 avril : je n'ai pas pu m'en empêcher. Le voici :

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Je signale d'ailleurs dans la même publication un excellent article de Jean-Michel Thénard sur le flicage à usage commercial (ou autre) sur Internet, où l'on apprend par exemple que Publicis compte réaliser 25 % de ses revenus avec le numérique dès 2010. Cette révolution-là est en marche.

Je signale aussi de très savoureux dessins sur les avanies gouvernementales dans Siné Hebdo, où Frédéric Bonnaud donne un excellent aperçu de la situation, et termine par cette remarque judicieuse : "Quand on l'appelle pour lui demander l'autorisation de prendre un extrait d'un de ses films, Jean-Luc Godard a coutume de répondre : "Non seulement c'est votre droit mais c'est votre devoir"". Question de philosophie.

26/11/2008

La polémique sur le "Canard Enchaîné".

Avec la parution d'un livre cosigné par Laurent Valdiguié, patron de Paris-Match, le "Canard enchaîné" fait l'objet d'une polémique ces jours-ci. Je n'ai pas lu le livre, j'ai lu en revanche les dénégations pas toutes précises (et pour cause, s'agissant notamment de la protection de ses sources, le Canard ne pourrait démentir vraiment qu'en citant ses vraies sources, ce qu'il ne peut faire) qui figurent à la une de l'hebdomadaire satirique. Il me paraît nécessaire de formuler les mises au point suivantes :

- depuis des décennies, le Canard est alimenté par des sources proches de ceux que cet hebdomadaire épingle. Rivalités d'entourages sont l'occasion de "vendre" des info au Canard. Ce qui vaut à l'échelle des cabinets ministériels vaut aussi entre les ministres, tel qui voudrait Matignon va s'employer à "fuiter" le plus possible au désavantage de son rival, et ainsi de suite.

- il y a deux types d'informateur du "Canard" : les réguliers et les occasionnels. Les réguliers doivent bien y trouver un avantage (pour certains, ce n'est heureusement qu'un avantage moral : la vérité). Les occasionnels ne sont pas toujours mûs par des motifs très nobles. Charles Pasqua (qui s'y connaît) a traité jadis le "Canard" de feuille de chantage, car un informateur occasionnel, qui donne la moitié de son info au "Canard", se réserve évidemment le droit de donner l'autre moitié, à moins que...

- certaines enquêtes du "Canard Enchaîné" sont irremplaçables dans la momification de l'info que connaît la France en ce moment, cet hebdo est l'un  des derniers à faire encore de telles enquêtes.

Alors bien entendu, à partir du moment où la majorité des fuites, structurellement, émanent du gouvernement ou de l'Élysée, la question de la manipulation se pose. Seulement voilà : le patron de Paris-Match qui dénonce l'éventuelle collusion du "Canard Enchaîné" avec Sarkozy, c'est l'hôpital qui se moque de la charité...

Et rien que pour ça, ses accusations sont louches.