03/12/2009
Scoop : le sport pro est illégal au Parc des Princes, à Jean Bouin et à Roland Garros.
Avant de détailler le scoop annoncé dans le titre du présent article, et avant de livrer dans un prochain la vidéo de la soirée passée au stade Jean Bouin, à Paris, pour conférer des derniers développements de l'affaire de la reconstruction contestée dudit stade, un mot de la soirée et de l'after sympathique passé au clubhouse de Jean Bouin avec notamment deux des organisatrices.
De l'ensemble de cette soirée, je dois dire que je dégage une opinion un peu différente, ou plus nuancée, que celle que j'ai eue jusqu'ici. Dans cette affaire, la précipitation extrême que Bertrand Delanoë a voulu imposer au cours naturel des choses est le signe d'une anomalie. Il est possible que, comme la rumeur l'affirme, Max Guazzini, en difficulté financière, souhaite se retirer purement et simplement, et que Delanoë veuille l'aider dans ce projet de retraite. L'aide consisterait ici à accélérer les événements (à les brusquer, pour tout dire) plutôt que dans le contenu du projet nouveau pour le stade Jean Bouin.
Sur le contenu du projet, il est possible que les choses soient complexes. On dit que l'entourage de Guazzini se déchirerait sur sa succession prochaine. Il ne serait pas étonnant que cette division soit la cause de l'évolution du projet de modernisation du stade vers sa disproportion actuelle.
Le manque de savoir-vivre du projet est tel qu'il faut constater qu'il ne ressemble en rien à Delanoë, ni d'ailleurs (mais pour d'autres raisons) à Anne Hidalgo. Il y a un tel manque d'intelligence dans la grossièreté du concept de nouveau Jean Bouin, qu'il faut y voir la patte d'un esprit retors, mais sommaire. Je ne parle pas de l'architecte, mais de celui qui a rédigé la feuille de route de l'architecte et dont Delanoë a endossé les vues.
L'une des heureuses conclusions de la soirée est que la démolition, qui est censée préluder à la reconstruction, ne pourra être faite avant au mieux le début de l'été. En vérité, étant donné que les conclusions du commissaire-enquêteur contraignent l'architecte à amender sérieusement son projet, je crois que l'urgence se dilue de jour en jour, ce qui va permettre à la justice d'instrumenter sereinement dans une affaire qui prend des allures de dossier gigogne : il y a, d'un côté, la question de la validité de la concession attribuée de gré à gré en 2004 à Paris - Jean Bouin Team Lagardère, et de l'autre la question de l'avenir de Jean Bouin, aussi bien pour les travaux que pour l'attribution ultérieure du site.
Au pénal, une enquête de trois ans
Pour ce qui est du premier dossier, le favoritisme est présumé sur deux éléments, l'un de fait, l'autre de droit. De droit, l'obligation de recourir à un marché public lorsqu'il y a délégation de service public. Si l'on s'en tenait à cet aspect de la question, Delanoë pourrait plaider la bonne foi. Malheureusemement pour lui, il a un adversaire extraordinaire, qui était présent ce soir et que nous avons découvert. Cet adversaire, c'est M. Picart.
M. Picart est une forte tête avec une faconde parfaitement méditerranéenne et un acharnement de vrai teigneux. Il gère une société de tennis et, d'après ce qu'il a indiqué, il lui est arrivé de prendre des concessions de stades dans certaines localités, pour lesquelles il a recouru à la formation d'un très grand juriste, le regretté doyen Vedel. C'est lui qui a obtenu du tribunal administratif l'annulation de la convention de 2004.
Il se trouve qu'à cette époque, il avait manifesté publiquement et directement son intention de concourir pour l'attribution du stade Jean Bouin, c'est l'élément de fait : il y avait un concurrent réel pour Lagardère en 2004. Je dois dire que c'est une erreur de ne pas l'avoir laissé concourir. J'avais le même genre de réactions quand je voyais Bayrou verrouiller les candidatures de la base à certains postes : c'était ridicule, et un tel signe de faiblesse que cela en disait long sur la piètre idée qu'il avait de ses propres forces.
Toujours est-il que Delanoë a préféré faire sa concession de gré à gré. Grave erreur. Ce sont les petites erreurs qui ont parfois les pires conséquences.
Car M. Picart, en inépuisable teigneux, a indiqué ce soir avoir eu maille judiciaire à partir avec Éric Raoult et quelques autres, à propos d'une subvention, voici une quinzaine d'années, et avoir obtenu non moins de 2,5 millions de Francs de l'époque de dommages-intérêts. Il est de ces natures que rien n'arrête, qui n'ont aucune limite ni aucune faiblesse du moment qu'elles se sentent dans leur bon droit. M. Picart ira donc jusqu'au bout.
Logiquement, il s'est porté partie civile dans l'enquête au pénal. Il révèle que l'enquête de la brigade financière dure depuis trois ans et qu'elle repose sur un énorme dossier. Il a obtenu photocopie intégrale de ce dossier, qui, dit-il, lui a été facturée ... 800 Euros. 800 Euros de photocopies, cela doit faire en effet une belle pile.
Cela étant, j'ai encore des dossiers de travaux que j'ai rapportés pour les stades du 16e devant le conseil d'arrondissement, et il arrive facilement qu'un seul rapport fasse cent pages. Trois ans d'enquête en couvrent peut-être des milliers.
Le commissaire-enquêteur complique la tâche de l'architecte
Sur les travaux, les info sont multiples, nouvelles ou non. L'essentiel est que le rapport du commissaire-enquêteur (dont Delanoë s'est engagé à suivre les conclusions) comporte des remarques qui affectent aussi bien le contenu du projet que sa chronologie. Il a en effet demandé que soit abaissée la hauteur maximale du nouveau stade du côté de Boulogne-Billancourt, à proximité du site Le Corbusier. Je signale au passage que progresse l'idée d'englober tout ce quartier dans un périmètre de protection architecturale liée aux utopies urbaines et en particulier à l'œuvre du Corbusier.
Il y a aussi une nette difficulté de circulation (donc de sécurité) dans la rue Nungesser et Coli, limitrophe de Boulogne, donc du même côté, qui va certainement poser des problèmes architecturaux. Enfin, certaines remarques ont eu pour effet de retarder les travaux préparatoires de la démolition, ce qui repousse celle-ci au mieux (façon de parler) au début de l'été, comme je l'ai dit. Espérons qu'elle n'aura jamais lieu.
On verra dans la vidéo un grand moment oratoire de Claude Goasguen relatant la tenue d'une réunion de la commission chargée de plancher sur l'avenir de l'attrubtion de Jean Bouin. Quelque chose de très haut en couleur.
Pour l'aspect politique, l'instrumentalisation des Verts par l'UMP pour affaiblir la gauche est manifeste. À vrai dire, si la gauche défendait des projets plus raisonnables, elle prêterait moins le flanc à ce type de manœuvres. Le report du "nouveau Jean Bouin" au-delà des élections régionales conduit naturellement le Vert Sylvain Garel, présent ce soir comme lors des réunions précédentes, à suggérer que si le score d'Anne Hidalgo est faible aux régionales à Paris, Delanoë aura moins de possibilités d'imposer les absurdes tours dont il veut enceindre Paris, et quelques autres trouvailles ubuesques, comme Jean Bouin. C'est vrai, mais le vote vert n'est pas le seul à avoir cet effet, et Claude Goasguen ne s'est pas rengorgé pour signaler que le vote UMP aurait le même effet, c'est donc que le vote vert l'arrange, on a bien compris pourquoi.
Mais je dois dire que si cette collusion me dérange, je suis obligé de reconnaître que la présence de Garel dans l'affaire a eu un effet de dépolarisation très fructueux pour notre résistance. D'une manière ou d'une autre, cet effet heureux doit trouver sa récompense.
Pour le reste, notons que Delanoë ne montre encore aucun signe d'ouverture sur le dossier Jean Bouin, au contraire, et c'est dommage, car personnellement, je verrais d'un bon œil une solution qui lui permette de sortir de l'affaire la tête haute sans avoir démoli ni Jean Bouin (la tribune historique et les bâtiments des années 1920-30) ni l'usage scolaire qui n'est ni recasé ni recasable.
Le scoop
Il est temps d'en venir au scoop annoncé : dans son discours énergique, Claude Goasguen a fait une belle envolée pour expliquer que c'est tout une conception du monde qui était désormais en jeu, la pression du sport professionnel ne cessant de se renforcer sur nos sociétés. D'un côté les scolaires, de l'autre le sport fric, deux mondes qui s'affrontent, deux façons d'envisager l'existence. Si mes images sont réussies, ce sera un bon moment de vidéo, où j'ai trouvé le meilleur Goasguen, un Goasguen humaniste qui se fait trop rare.
Au milieu de ces développements, il a invoqué une décision du conseil d'état qui, si elle est bien telle qu'il l'a décrite (il est docteur dans une discipline juridique, tout de même), va tout changer dans les relations entre les collectivités et les équipes sportives professionnelles : désormais, il ne s'agit plus de traiter ces équipes comme des entités associatives, mais comme des sociétés commerciales. C'est vrai que le sport fric est une activité commerciale, il y aurait là un effort de sincérité juridique extrêmement appréciable.
Seulement voilà : ainsi que je l'ai expliqué dans une précédente note, l'acte de Napoléon III qui a créé ce quartier y a interdit toute activité commerciale. Dès lors que le sport professionnel est considéré comme une activité commerciale, il y est donc interdit, c'est-à-dire qu'il est interdit au Parc des Princes, à Jean Bouin, et même à Roland Garros. Quod erat demonstrandum.
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16/10/2009
Paris - Jean Bouin : Sébastien Bazin proche de Sarkozy.
C'est Bakchich Hebdo qui relance les info sur l'avenir du stade Jean Bouin : dans son dernier numéro, l'hebdomadaire explique que Sébastien Bazin, patron du PSG, veut faire des alentours du parc des Princes une vaste galerie commerciale. Dès lors, pour le stade Jean Bouin, tout le (funeste) projet s'éclaire.
Un scénario catastrophe évident
En effet, les 7500 m2 de commerces, qui n'ont aucun sens dans le stade de rugby voulu par Guazzini, en ont un vrai dans la galerie commerciale rêvée par Bazin.
Rappelons que le projet défendu par l'adjoint (pourtant communiste) au maire (pourtant socialiste) de Paris chargé des Sports consiste dans la démolition des installations actuelles du Stade Jean Bouin pour les remplacer par un stade de 20000 places, des courts de tennis supplémentaires (le stade n'en manque déjà pas), un gymnase sipplémentaire (où les scolaires, c'est la bonté qu'on croyait pouvoir nous octroyer avec suffisance, seraient tolérés), 1000 m2 de bureaux, une vaste brasserie, 7500 m2 de commerces (ce qui, à une moyenne de 100 m2 par commerce, n'en ferait pas moins de 75, une véritable galerie marchande à deux pas de Roland Garros !), et 500 places de parking dont 100 pour les riverains et 400 non pas pour les matchs, mais bien évidemment pour la galerie marchande.
Les travaux devraient coûter au moins 150 millions d'euros, peut-être 200 (ces chantiers font toujours l'objet de dépassement, et l'estimation du projet par la Ville a déjà plus que doublé en deux ans).
Rappelons aussi que les constructions du stade Jean Bouin sont organisées autour d'une tribune d'honneur datant de l'année 1925, exceptionnelle, qui mériterait d'être classée monument historique si nous avions un tant soit peu de respect pour autre chose que pour les monuments liés à la guerre et à l'argent.
Rappelons enfin que le stade Jean Bouin et son environnement immédiat, tant du côté parisien que de celui de Boulogne, forment un ensemble cohérent échelonné sur les années 1920 et 1930, en grande partie inspiré par les principes de l'utopie urbaine chère à l'après-guerre de 14, où l'on pensait pouvoir améliorer le monde par l'architecture et par l'urbanisme. De ce point de vue, les bâtiments administratifs mêmes du stade Jean Bouin actuel mériteraient protection publique.
Le statut actuel de Jean Bouin est flou : la concession a été renouvelée en 2004 à la structure associative qui la détient depuis l'origine du stade et qui lui est même antérieure, et qui, après s'être longtemps dénommée Club Athlétique des Sports Généraux (CASG), a fini par s'appeler Paris - Jean Bouin. Deux sous-concessionnaires figuraient dans la concession : le club d'arts martiaux Athéon qui occupe l'ancien gymnase (et dont personne ne conteste pour le moment la place), et l'équipe de rugby du Stade Français dont l'âme vigoureuse est Max Guazzini, avec de surcroît Lagardère comme invité, mais celui-ci semble désormais en retrait.
Ce renouvellement de 2004 n'a apparemment pas fait l'objet d'un appel d'offres et, voyant que la juridiction administrative s'apprêtait à l'annuler (et peut-être aussi pour réduire les résistances à ses projets immobiliers), la municipalité parisienne a cassé unilatéralement la concession à l'automne 2008, si bien qu'à première vue, le stade Jean Bouin se trouve depuis cette époque en gestion de fait, ce qui est assez grave au regard du droit administratif et pénal.
Le permis de démolir a été délivré et entériné par la justice administrative. Le permis de construire, lui, est encore soumis au débat et à l'enquête publique (désormais close) sur l'avenir du stade.
La démolition devrait être faite en pleine année scolaire, et à deux mois des élections régionales, en janvier prochain. Rappelons que 6000 élèves de l'enseignement public fréquentent le stade sans alternative possible.
L'UMP, le Nouveau Centre, le MoDem et les Verts ont exprimé leur rejet de ce projet à la fois coûteux, déséquilibré (que viennent faire les commerces dans un stade, et qui plus est dans un espace vert ?), inutile, faramineux en temps de crise, et finalement suspect.
Suspect ? Oui, car les appétits du voisin encombrant, le PSG, sont désormais patents. C'est là qu'il faut parler de Sébastien Bazin et de ses liens avec le pouvoir.
Sébastien Bazin et Nicolas Sarkozy.
Tout commence en mai 1993 : un inconnu prend en otage une école maternelle de Neuilly-sur-Seine. Parmi les enfants otages, la fille de Sébastien Bazin. Le ministre du Budget est aussi le maire de Neuilly, c'est Nicolas Sarkozy, il est sur place pendant toute l'opération de police (d'ailleurs diiscutée dans ses modalités). Depuis cette époque, les deux hommes sont amis et le président ne dédaigne pas de venir s'asseoir dans la tribune d'honneur du Parc des Princes où joue le club désormais présidé par son ami, le PSG.
Or Sébastien Bazin est avant tout un financier qui dirige l'antenne européenne d'un fonds d'investissement de droit américain, Colony Capital, dont le métier est l'immobilier. Sa vision du quartier est conforme à son métier : il a de forts intérêts dans le groupe hôtelier Accor, donc un hôtel dans la piscine Molitor ; il en a dans le groupe Carrefour (qui par ailleurs ne va pas fort), donc des commerces partout.
Tout ceci est cohérent, de son point de vue. Ce qu'on ne comprend pas bien, c'est pourquoii la Ville de Paris, dirigée par une municipalité qui se dit de gauche, sert à ce point les intérêts d'un personnage si proche du pouvoir gouvernemental (et présidentiel) de droite, au mépris du domaine public et de milliers d'élèves de l'enseignement public.
Car les 7500 m2 de commerces prévus dans le projet n'ont aucun rapport avec l'édification d'un stade entièrement dédié au rugby. On aurait pu à la rigueur comprendre l'utilité de ce stade, quoique Charléty ait été lui-même conçu pour ce même sport, mais les commerces y sont une sorte de "cavalier" (au sens d'un cavalier législatif), un grumeau sans cohérence, dont le but ne peut être que de rejoindre le projet de Colony Capital.
C'est alors que l'entrée de Bernard Laporte au gouvernement, puis à l'UMP, depuis l'automne 2007, prend tout son sens : Laporte est un proche de Max Guazzini, patron de l'équipe de rugby du Stade Français, en principe bénéficiaire de la construction du nouveau stade, et lui-même très très proche de Bertrand Delanoë, maire de Paris.
On a donc en direct ce qui ressemble à s'y méprendre à la collusion d'une bande de malfrats qui va empocher des millions sur le dos du domaine public.
Même du point de vue fiscal, le projet d'implantation des commerces n'a aucun sens : depuis la suppression de la taxe professionnelle, l'implantation d'entreprises et de commerces ne rapporte plus rien aux villes (écoutez ce qu'en dit Santini quand il explique qu'à Issy-les-Moules, la taxe pro représente 72 % de ses rentrées budgétaires) et, tout au contraire, pour une bonne santé financière, les villes ont intérêt à dorloter leurs habitants pour que les taxes immobilières rapportent, donc à mettre l'accent sur les infrastructures, l'environnement et le cadre de vie, plus de proximité, moins de béton.
Un projet alternatif
Le projet alternatif consisterait à intégrer une partie des installations existantes (dont la tribune 1925) dans un stade de rugby rénové, en harmonie avec l'atmosphère 1920-1930, ne privant pas les enfants des écoles de leur terrain de plein air, ni l'espace vert de sa végétation. L'ensemble coûterait sans doute 40 millions d'Euros, guère plus, ce qui permettrait de réserver le reste des fonds mobilisés par la Ville de Paris à de réels investissements collectifs (on parle notamment de tramway dans l'est parisien).
C'est sur cette base que le Comité Jean Bouin appelle à une manifestation sur place dimanche matin, de 11 h 30 à 13 h. J'irai.
16:34 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : politique, sports, paris 16e, psg, parc des princes, stade jean bouin, sarkozy, sébastien bazin, bakchich hebdo, stade français, guazzini, rugby, piscine molitor | | del.icio.us | | Digg | Facebook
18/09/2009
Paris - Jean Bouin : le béton et les sempiternelles magouilles parisiennes.
Depuis quinze jours, j'ai donné quatre notes sur le projet de démolition du stade Jean Bouin. Pour mémoire, on peut les lire ici, ici, ici et là. Voici je pense la dernière, en tout cas mes conclusions complètes et définitives.
Pour mémoire également, je rappelle qu'il s'agit officiellement de démolir les installations existant sur le stade Jean Bouin, tout contre le Parc des Princes, à Paris, le long de la frontière du 16e arrondissement de Paris et de la ville de Boulogne-Billancourt. À la place, le projet aboutit à la construction d'un nouveau stade entièrement dédié au rugby, pouvant accueillir 20000 spectateurs, ainsi qu'un nouveau gymnase, 1000 m2 de bureaux et 7400 m2 de commerces. Quelques courts de tennis en plus de la vingtaine existante achèvent le tableau.
Le bonneteau financier et l'appropriation privée du domaine public
En fait, il est impossible de détacher le projet de Jean Bouin du reste des équipements sportifs voisins : il se trouve que le propriétaire du concessionnaire du Parc des Princes (le fonds spéculatif Colony Capital, propriétaire du Paris-Saint-Germain) est devenu concessionnaire de la piscine Molitor, ce qui est logique pour lui, parce qu'il a des intérêts substantiels dans le groupe hôtelier Accor et que la piscine Molitor doit devenir l'accessoire d'un hôtel **** consacré à la remise en forme, une thalasso de luxe en quelque sorte. Depuis que l'État, sous l'impulsion du ministre de la Culture Jack Lang, a décidé en 1990 d'inscrire une partie de la piscine Molitor à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques, la Ville de Paris a pris la piscine en grippe, s'en sentant dépossédée, et a toujours juré que si l'on voulait que la piscine soit restaurée et rouverte, il fallait que cela ne coûtât pas un centime au contribuable parisien.
Or la rénovation de la piscine, sans ses accessoires hôteliers, coûterait sans doute 50 millions d'Euros.
Depuis 1990, plusieurs projets ont couru, dont certains utilisaient l'ancien bassin couvert à fin hôtelière, d'autres utilisaient la partie nord, tout près de Roland Garros, pour une résidence pour les jeunes tennismen qui, tout au long de l'année, viennent s'entraîner à Roland Garros. Le musée du Tennis aurait été installé dans les sous-sols de la piscine. Bref, des projets plus ou moins sportifs avaient couru.
L'arrivée de Colony Capital dans le paysage, au Parc des Princes, a tout changé. Colony Capital est un fonds spéculatif de droit américain, spécialisé dans l'immobilier. Et Colony Capital, tout en pleurnichant qu'il lui faudrait cinquante ans pour rentabiliser la piscine Molitor nouvelle, a présenté un projet qui, en apparence, est un énorme cadeau pour la Ville : investissement de 68 millions d'Euros pour restaurer les deux bassins de la piscine et le bâtiment, transformation d'une partie du bâtiment en hôtel quatre étoiles et accessoires de remise en forme, création de quelques dizaines de places de parking et de quelques commerces.
Or Colony Capital est un vrai fonds d'investissement, à l'américaine. Il sait que, pour vendre, pour vendre cher, pour soutirer beaucoup d'argent au client, il faut d'abord, non pas indiquer le prix qu'on demande (fi !), ni même les qualités du produit (bof...), ni même encore flatter le client (quoique...) mais surtout, surtout, lui faire un cadeau de bienvenue (ah !...).
Bienvenue au casino Colony Capital, asseyez-vous, vous prendrez bien une piscine Molitor ? C'est gratuit... (prononcer cette phrase avec la bouche en coeur, et un air de philanthrope, sans laisser transparaître une grosse arrière-pensée : "on va vous soutirer des millions").
Car dans le même temps où, pour l'intérêt public et dans un élan de sacrifice et de risque financier considérable, Colony Capital s'apprête à débourser 68 millions d'Euros pour que les habitants du 16e arrondissement de Paris (et les scolaires en particulier) puissent retrouver leur chère piscine, le même fonds Colony Capital cherche paraît-il... 75 millions d'Euros pour retaper et moderniser le Parc des Princes. Qui, croyez-vous, va se dévouer pour financer ces travaux au Parc des Princes ? Le contribuable parisien. Autrement dit, Colony Capital débourse 68 millions pour créer une affaire rentable, qui lui permet d'économiser une dépense de 75 millions dans son stade... Un jeu de bonneteau, pas vu pas pris. Bénéfice net immédiat de l'opération : 7 millions d'Euros, plus un hôtel **** de 98 chambres avec thalasso, piscine attenante, parkings, et boutiques.
Plus encore : la rénovation du stade Jean Bouin, en principe, est destinée à créer un stade de rugby pour l'équipe phare du rugby parisien, celle qui a révolutionné l'économie du rugby français en quinze ans : le Stade Français. Or en fait, les autorités de la Ville ne cachent pas qu'un nouveau club de rugby va être créé dans le 16e, à l'image de ce qui a été fait avec le PSG lorsqu'il a fallu doter le tout nouveau Parc des Princes d'un club résident voici quarante ans. Et comme la concession accordée (puis brusquement retirée) à Paris Jean Bouin et au Stade Français s'avère illégale (selon le Tribunal Administratif de Paris, qui sera certainement confirmé en appel par le Conseil d'État), le nouveau stade Jean Bouin se retrouve sans destinataire. Et qui, croyez-vous, va se dévouer ? Colony Capital, comme le président de cette structure ne le cachait pas fin août dans un entretien accordé au site Challenges.fr.
Et là, on passe aux vrais gros sous. 7 millions et un hôtel, c'était un hors d'oeuvre.
200 millions d'Euros d'investissement, 1000 m2 de bureaux, 7400 m2 de commerces, 500 places de parking, dans le 16e arrondissement, ça vaut des fortunes. Et pour acquérir tout cela, pas un centime : le contribuable parisien va tout payer. On va transformer un espace vert du domaine public en galerie marchande de gros rapport. Miam, on va se goinfrer. Et Colony Capital va prendre l'ensemble en concession contre une redevance modique, qu'il ne versera d'ailleurs à la Ville de Paris qu'en échange d'autres coûteux et encombrants travaux, le tout baignant sans aucun doute dans la plus parfaite honnêteté.
Et avec un stade de footbal de haut niveau, un stade de rugby de haut niveau également, et Roland Garros à deux pas, la thalasso sera ce que sont beaucoup de ces thalasso : une mine d'or. On va se goinfrer, je vous dis.
En somme, en apparence, Colony Capital fait le beau geste de rénover une piscine à fonds quasi-perdus. En réalité, il se prépare des bénéfices rapides de plusieurs dizaines de millions d'Euros.
Le tout, grâce à une municipalité de gauche. Qu'est-ce que ce serait avec une municipalité de droite !
Victimes : le domaine public, l'espace vert, les sportifs amateurs du cadre associatif, et plusieurs milliers d'élèves des lycées voisins, qui vont devoir faire la noria en autocar (170 rotations par semaine) pour galoper dans un stade du 15e arrondissement, de l'autre côté de la Seine. Une paille.
Le départ de Guazzini est-il inéluctable ?
L'arrivée de Guazzini dans le rugby et au stade Jean Bouin, au début des années 1990, a été une grande surprise. Une image de grande fraîcheur s'en dégageait, ainsi que l'image d'un homme d'affaires mécène, à qui tout réussit. Or il y avait un fort risque de dérapage politico-financier dès cette époque, et si Internet avait été développé alors comme ça l'est aujourd'hui, il est évident que nous aurions tous considéré l'affaire d'un autre oeil.
Il s'agit évidemment des liens personnels, politiques et financiers qui unissent Delanoë à Guazzini : on apprend ici que Guazzini a tenu la permanence juridique du jeune député Delanoë voici une trentaine d'années, et on apprend là que c'est Delanoë qui a présenté Jean-Paul Baudecroux, fondateur de la radio et du groupe NRJ, à Guazzini en 1981. Le site Bakchich a d'ailleurs souligné à l'occasion de cette interview les liens qui unissent NRJ au Parti Socialiste, Delanoë ayant été en quelque sorte "commissaire politique" auprès de la radio.
Or NRJ va mollement, comme beaucoup de médias anciens, le PS ne va pas follement non plus, et Delanoë a annoncé qu'il ne se représenterait pas à la mairie de Paris en 2014 (peut-être pour se ménager une carrière nationale qui va cependant devenir délicate...). Tout semble donc converger pour que Guazzini, qui a passé la soixantaine, songe à se retirer. C'est l'une des hypothèses les plus vraisemblables qui circulent : Guazzini revendrait ses droits locaux, et toucherait ainsi en quelque sorte son dividende de quinze ans d'investissement personnel et politique.
En tout état de cause, Anne Hidalgo, venant présenter le projet de stade Jean Bouin à la mairie du 16e, n'a pas caché, comme je l'ai dit, qu'une nouvelle équipe de rugby serait créée dans le 16e, ce qui semble accréditer l'hypothèse de la retraite de Guazzini, fortune faite.
Comment Delanoë a "plumé la volaille centriste" et verte.
Il faut aller encore un peu plus loin : jusqu'ici, nous n'avons évoqué que le stade Jean Bouin, la piscine Molitor, le Parc des Princes, il y a à une distance de quelques centaines de mètres à peine un autre équipement historique du Bois de Boulogne : l'hippodrome d'Auteuil.
Cet hippodrome est censé accueillir les scolaires délogés de Jean Bouin. Pour cela, la Ville de Paris a prévu des travaux (encore un montant faramineux) à hauteur de 25 millions d'Euros, pour créer une piste d'athlétisme, trois terrains de sport sur gazon, et une promenade paysagée, le tout sur 14 hectares. Apparemment, il ne s'agirait que d'un premier pas dans le dépeçage de l'hippodrome d'Auteuil.
Et tout soudain, on se dit que ce qu'on a aimé dans Delanoë 1 manque cruellement à Delanoë 2, et que si ça manque, il faut voir pourquoi ça manque.
La Ville de Paris a connu, depuis Haussmann, de nombreuses périodes de fièvre bâtisseuse. Celle d'Haussmann, bien entendu, celle des fortifications entre les deux guerres mondiales, celle de Pompidou, prolongée jusqu'au début des années 1990 par Chirac. Trop nombreux sont les exemples pour qu'on ait besoin de les citer.
Cette fièvre a baissé brusquement avec l'arrivée de Jean Tibéri à la mairie de Paris en 1995 : il a renoncé à toute nouvelle ZAC (Zone d'Aménagement Concerté) alors que plusieurs projets frétillaient encore dans les cartons. Après lui, Delanoë a rejeté aussi toute idée de bétonnage. Pourquoi ? Apparemment, pas par conviction personnelle. Mais parce qu'il ne disposait d'aucune majorité au Conseil de Paris sans les voix des élus Verts.
Il faut se remettre dans le contexte : en 2001, la campagne municipale se fait sur fond de "majorité plurielle" et le PS de Jospin et Delanoë entend se montrer comme un leader de la Gauche, certes, mais un leader magnanime, qui laisse beaucoup de place à ses partenaires. L'élection parisienne est une vitrine de la stratégie de communication de Jospin pour la présidentielle de l'année suivante. On sait ce qu'il en a été, et comme le PS a attribué à sa trop grande générosité son échec du 21 avril 2002.
Et Delanoë restait avec ses encombrants alliés sur les bras. Les Verts, en particulier, très exigeants dans le domaine des transports (ce qui les rend impopulaires), mais aussi contre le bétonnage, et, cerise sur le gâteau, en matière financière. De véritables empêcheurs de fricoter en rond.
Et puis les Verts avaient un défaut, cardinal aux yeux d'une grande partie du PS parisien : ils étaient très ouvertement pro-Palestiniens, et critiquaient abondamment les subventions communautaristes qu'ils trouvaient dans le budget de la Ville. On trouvera facilement, par exemple, le rapport fait alors par une adjointe verte au maire du 14e arrondissement, qui refusait une subvention à une école juive loubavitch, au nom de la laïcité. Certains des réseaux qui soutiennent le plus Delanoë ne supportaient plus les contraintes de cette alliance verte. Il fallait faire quelque chose.
Or il s'est trouvé qu'à partir de 2002, les centristes de l'UDF de François Bayrou et Marielle de Sarnez cherchaient à se libérer du joug UMP. C'est à partir de 2004, je crois, que certains votes de l'UDF permirent à Delanoë de s'émanciper de sa "majorité purielle" municipale. En filigrane se dessinait peu à peu l'hypothèse d'un retournement d'alliance de l'UDF parisienne, qui entrerait dans la "majorité plurielle" de Delanoë à l'occasion des municipales suivantes.
Est-ce à cause de la présidentielle, ou parce que son but (l'affaiblissement des Verts) était atteint ? Delanoë, seul en piste, choisit de gouverner désormais seul, entouré d'alliés croupions et séparé des ex-UDF devenus à la fois MoDem, ratatinés et cocus.
La conséquence en est la réapparition du projet (qui traîne depuis trente ans dans les cartons) de tours géantes enceignant Paris, et un déferlement de béton et de fric sur le Bois de Boulogne.
Étant donné le tour pénal pris par les événements à Jean Bouin, il ne fait aucun doute que son chemin ne sera désormais plus tapissé de pétales de roses.
Le départ de Roland Garros est inéluctable
Si l'on met même de côté l'éventualité du bétonnage de l'hippodrome et de toute cette partie du Bois, il y a encore un dossier de nature à exciter les hormones des promoteurs immobiliers : c'est celui de Roland Garros, autre équipement sportif dans le voisinage immédiat de tous ceux dont il a été question jusqu'ici.
Roland Garros est un mythe. Ce stade de tennis a vu ses premiers "internationaux" en 1928, plusieurs victoires des Mousquetaires de la coupe Davis y ont été remportées, mais le tennis mondial, sport spectacle par excellence, torrent de pognon à échelle planétaire, a du mal à se satisfaire désormais des installations de la porte d'Auteuil. Tôt ou tard, elles ne lui suffiront plus, le tournoi de Roland Garros devra déménager ou mourir.
Il y a trois aspects dans l'affaire : la compétition sportive, la kermesse, le programme de télévision.
La compétition n'a pas besoin d'un espace plus grand que le Roland Garros actuel, elle y est à son aise. La kermesse n'est pas aussi étendue, loin s'en faut, que dans d'autres tournois majeurs : celui des États-Unis, à Flushing Meadow, s'étale sur une surface deux fois plus grande que Roland Garros. Or qui dit kermesse dit boutiques, et argent, profit, donc moins de kermesse égale moins de sourires des marchands du sport. Le programme de télévision a aussi un problème à Roland Garros : la pluie. Quand il pleut, il n'y a pas de matchs, donc pas d'antenne, donc il faut rembourser la pub, bref c'est plus que contrariant pour la World Company.
Or au lieu de réserver le palais Omnisport de Bercy pour certaines retransmissions du tournoi (ce qui coûterait peu), voilà que Roland Garros a inventé de vouloir s'adjuger un stade municipal. Même pas comme Jean Bouin qui, depuis sa création, est concédé à un club de sports. Non, un vrai stade municipal, géré en régie, et qui sert lui aussi pour les scolaires et les associatifs : le stade Georges Hébert, juste en face du lycée La Fontaine.
On croit rêver.
Il s'agit d'y édifier un stade de 15000 places, couvert, devant servir ... quinze jours par an. Le comble du scandale.
Il est évident que ce projet trop absurde ne verra pas le jour, et que Roland Garros se contentera d'implanter une installation provisoire, démontable, à l'entrée du Bois de Boulogne, et une forme de toiture sur le court central.
Mais ces investissements ne feront que reculer l'échéance : au nom de la kermesse, au nom des programmes télévisés, il faudra, tôt ou tard, que Roland Garros se trouve une autre implantation, plus au large.
Hélas, ce n'est pas ce qu'a sérieusement voulu dire Jean Gachassain, président de la Fédération Française de Tennis, lorsqu'il a lancé que Roland Garros allait s'installer près d'Eurodisney ou près d'un hypothétique nouveau circuit de Formule 1 (grrr) à Sarcelles.
Il y a une part de sens dans la première idée : le Roland Garros nouveau doit disposer d'une importante infrastructure de transport et d'hébergement hôtelier, deux atouts que présente en effet Eurodisney. Mais on peut être sceptique pour l'aspect hôtelier : durant la quinzaine de Roland Garros, les principaux joueurs du circuit ATP résident dans les palaces parisiens. On les voit mal s'exiler à Eurodisney...
Et de toutes façons, il est évident que Gachassain a joué la provocation, peut-être pour faire pression pour son court de 15000 places, en tous cas pour éviter une hausse de la redevance que la FFT verse à la Ville de Paris pour l'utilisation de Roland Garros, qui paraît en effet modeste, puisqu'elle ne s'élève qu'à 1,5 million d'Euros par an, alors que le tournoi rapporte des dizaines de millions d'Euros à la FFT chaque année.
Le départ inéluctable de Roland Garros sera l'occasion de la véritable redistribution des cartes dans le quartier. Que fera-t-on des hectares de terre battue et des immenses courts en béton ? Voilà la grande question.
D'ici là, la Ville de Paris tente de promouvoir une candidature pour l'Euro de football 2016. Elle aurait tort de ne miser que sur ses propres forces, et il est évident que cette candidature doit être portée à l'échelle de l'agglomération parisienne tout entière, ce qui évitera de nouvelles emprises foncières sur des espaces verts.
Quant à notre quartier, entre la porte d'Auteuil et la porte de Saint-Cloud, il doit retrouver sa vocation d'espace vert et sportif. Je pense que le projet de Jean Bouin va devenir vite un "bâton merdeux" pour la municipalité, qui ne pourra le mener à bien. Le seul inconvénient de la disparition de ce projet est que, probablement, elle entraînera celle de la rénovation de la piscine Molitor qui en est en fait l'accessoire. Et on sera reparti pour un tour de fermeture, des années d'enfants sans piscine.
Il reste qu'on peut (et doit) se demander pourquoi Delanoë met un tel acharnement à s'aliéner la sympathie des écologistes.
J'ajoute qu'on m'a demandé sur place une prise de position formelle du MoDem parisien, moi qui n'y suis plus guère.
Décidément, ils sont incorrigibles, ces politiques de l'ancienne manière. Vivement qu'ils prennent leur retraite, comme dit Quitterie.
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17/09/2009
Paris - Jean Bouin : la vérité apparaît.
La découverte de la vérité m'a amené à faire cette vidéo où je l'explique.
Je donnerai mes conclusions définitives et complètes sur l'affaire Jean Bouin demain.
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09/09/2009
Paris - Jean Bouin : non à la dernière séance !
01:24 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : politique, sport, rugby, paris 16e, jean bouin, stade français, parc des princes, lycée claude bernard, lycée la fontaine, piscine molitor, roland garros, boulogne billancourt | | del.icio.us | | Digg | Facebook