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24/10/2009

Les réactions du Crédit Agricole et d'autres lecteurs de mon blog.

Suis-je enfin devenu un vrai blogueur ?

Il y trente-trois mois que j'ai ouvert ce blog, c'était en janvier 2007, à l'image de Quitterie, dans une fièvre de découverte du poids de l'Internet dans le débat public et dans la circulation de l'information. Depuis sa création, mon blog m'a ressemblé : éclectique, inégal, éparpillé, mais en même temps dédié, parfois bavard, parfois elliptique, mélangeant les réminiscences et les commentaires, et découvrant peu à peu, étape par étape, ce qui pouvait devenir son vrai ton, son vrai sujet.

Brassens disait à un jeune chanteur : "Tu verras, au début, tu ne pourras parler que de toi, et puis ..."

Les événements récents me donnent à penser que la première phase est terminée, ce qui ne signifie d'ailleurs pas que je vais cesser de parler de moi, mais que la portée de mon blog va changer. C'est pourquoi je suis heureux d'être définitivement débarrassé de l'étiquette militante.

En fait, mon blog est désormais lu par ceux qu'il concerne.

Le Crédit Agricole demande une sorte de droit de réponse.

Dans mon article de mercredi soir, j'évoquais le véritable cas d'école que constituait l'amas de frais bancaires qui s'était abattu sur moi dans le dernier trimestre, et en particulier en septembre. Pour mémoire, je rappelle que j'ai subi, ce mois-là, pour des dépenses par carte bancaire de 1381 Euros le montant extravagant de 496 Euros de "frais d'opérations sur compte débiteur". Ces 500 Euros (ou presque) ont dû représenter au moins 60 % de la position débitrice moyenne du compte ce mois-là. Or 60 % en un mois, multplié par douze, ne font pas moins de 720 % de frais, un TEG (taux effectif global) de 720 % par an, plus de trente fois le taux dit de "l'usure" (pour mémoire, la définitiion de l'usure et de l'usurier par Wikipedia).

Il se trouve que le directeur de l'agence de Pont-l'Abbé, concernée, a lu cette note sur mon blog.

Voilà, ç'aurait pu ne jamais arriver, ma note aurait pu glisser aux oubliettes, "vox clamans in deserto", mais l'impact a été presque rapide : cet après-midi, après que la position du compte est redevenue positive, un homme se présentant comme le directeur de l'agence m'a téléphoné sur mon portable. J'étais au cinéma, mais le film n'était pas fameux (je n'en parlerai donc pas), j'ai donc discuté avec M. le directeur.

Il me disait "c'est vrai, j'ai vérifié, vos chiffres sont exacts, mais je trouve qu'il aurait été plus honnête que vous précisiez que nous vous en avons rendu 190 Euros".

Mes chiffres sont exacts, pas les siens : ce sont 196,64 Euros qui m'ont été restitués. Je ne savais pas à quoi correspondait la ligne comptable "remboursement sur facturation" que j'avais trouvée en consultant mon compte sur Internet. J'ai cru que c'était un trop-perçu d'une note d'électricité. Rien ne m'avait informé de cette remise gracieuse bancaire, alors même que j'ai opté pour l'utilisation de la fonction Internet de mon compte, et que je sais que mon agence a mon adresse mail, la demoiselle SG qui surveillait mon compte récemment encore a eu l'amabilité de répondre à l'un des mails que je lui ai adressés et qui, de fait, nécessitait réponse, ce qui n'est pas toujours le cas.

Quoi qu'il en soit, on peut déplorer que M. le directeur n'ait pas noté qu'Internet est là, justement, pour permettre le débat public et les droits de réponse en direct : que n'a-t-il déposé un commentaire sur mon blog ?

Je reprends donc mon calcul en lui donnant acte des 196,64 Euros restitués. Il ne reste, si j'ose dire, en septembre, "que" 300 Euros de frais sur des dépenses de 1381 Euros, et sur une position débitrice moyenne qui doit tourner autour de 700 ou 800 Euros. Par rapport aux dépenses, les frais se montent encore à plus de 20 %. Par rapport à la dette, ils ne tournent plus "que" autour de 40 %, ce qui, rapporté à douze mois, atteint le niveau de "seulement" 480 %, guère plus d'une vingtaine de fois le taux de l'usure. Quel progrès !

M. le directeur me signalait aussi qu'il aurait été possible à la banque de rejeter les dépenses émises par ma carte bancaire. C'est vrai, mais avec un taux de vingt fois l'usure, pourquoi l'aurait-elle fait, puisqu'elle me savait solvable ? Si elle avait été de bonne foi, elle m'aurait proposé ce qu'on nomme une "convention de découvert" provisoire, plafonnant les frais.

Enfin, M. le directeur, en porte-parole zélé de son organisation, m'indiqua que ces frais figuraient en toutes lettres dans le règlement de la banque. Ah, le règlement ! Courteline, à moi ! le règlement...

Quand les règlements sont stupides ou illégaux, faut-il les appliquer ? Euh, ben oui, M'sieur, dit le simple ou le paresseux.

Mais non.

Il y a quelque part dans les lois de l'État français l'obligation pour les agents publics de désobéir à un ordre manifestement illégal. En vérité, cette obligation pèse sur tous les salariés, chacun étant un citoyen en plus d'un employé.

Or à 720 % de TEG, on a jugé à Pont-l'Abbé que le règlement devait être illégal, mais pas à 480 %. Dommage.

Allons, me direz-vous, ce règlement est-il si illégal que cela ? Eh bien, j'ai découvert avec amusement que, mercredi, les "grands esprits" s'étaient "rencontrés" comme on dit, on lit sur le site 20 minutes :

«Leurs taux frôle l'usure». Marie-Jeanne Husset, directrice de «60 millions de consommateurs» demande des comptes aux banques françaises.

Le même jour, le "Canard Enchaîné" expliquait à la une : "les banques gagnent plus en prêtant moins".

Hélas, l'affaire du fils à papa a tout effacé ce jour-là, et l'utile campagne contre les taux usuraires pratiqués par les banques est tombée aux oubliettes. Dommage.

Et maintenant, interrogez autour de vous : est-ce que votre banque n'aurait pas subitement été plus coulante sur les chèques et les cartes sans provision ? Ce micro-trottoir vous enseignera rapidement : bien sûr que oui, les banques ont laissé filer pour prélever plus de frais et, ainsi, rembourser plus vite l'État. Malin. Sauf que... et si les gens suivent la jurisprudence de la Cour de Cassation et réclament les frais trop perçus ? Crrrrrac. Imaginez que vous réclamiez tous les frais perçus par votre banque, qui dépassent le taux de l'usure, sur les trois dernières années. Eh bien, vous feriez un touché-coulé, bien pire que la crise financière de l'an dernier.

Voilà qui, sans doute, justifiait un contre-feu puissant et le désistement de Junior, fils du président de la République Bananière Française, de sa fumeuse candidature à la présidence de l'EPAD.

Le stade Jean Bouin vivra

Deuxième occasion qui m'a permis de toucher du doigt que mon blog avait changé de nature (en fait, chronologiquement, c'était avant, mais peu importe) : la matinée de dimanche où, au stade Jean Bouin, nous avons manifesté contre Ubu-Delanoë qui veut chasser les scolaires pour faire du fric.

Lorsque je suis arrivé au stade, l'adjoint au maire du 16e chargé des sports, Yves Hervouet des Forges, m'a prié de monter dans la tribune, parmi les élus et les invités d'honneur. "Merci de ce que tu as fait avec ton blog". Je trouvais un peu surréaliste d'être ainsi accueilli non pas par Yves que je connais depuis longtemps et que je tutoie chaleureusement, mais par l'UMP, puisque sur mon blog, je dénonce la collusion de la municipalité de gauche parisienne et d'hommes d'affaires proches du pouvoir sarkozyste.

La surprise fut encore plus grande quelques instants plus tard, lorsque je me fus assis : mon voisin de gauche se présenta à moi et, lorsque je commençai à répondre "je suis l'ancien adj...", je n'eus pas le temps de terminer ce mot : "C'est vous qui avez fait les vidéos !", et je vis que tout le monde avait vu mes vidéos, et lu mon blog. C'était étonnant : la droite affectait de n'y voir que les attaques contre Delanoë sans prendre la mesure de ce que j'accusais, mais c'était surtout la première fois que je mesurais en direct l'impact d'un blog, et surtout de mon blog. Je dois reconnaître que c'était excitant.

Je vis d'ailleurs monter dans la tribune Serge Federbusch, animateur du site Delanopolis, et désormais proche de la Gauche Moderne, donc du pouvoir sarkozyste, qui était lui aussi très chaleureux. Sa note que je mets en lien me réconcilierait plutôt avec Delanoë en me brouillant avec Delanopolis, et rend encore moins compréhensible l'attitude de la municipalité à Jean Bouin, car en définitive, il s'agit là de favoriser la promotion privée (ailleurs brimée par Delanoë si l'on en croit Federbusch) au détriment des scolaires de l'enseignement public.

Quoi qu'il en soit, il y a eu un déclic dans cet océan de louanges et d'affection : c'est quand j'ai sorti ma caméra vidéo de ma poche et commencé à filmer ce que je voyais autour de moi. Par réflexe, j'étais redevenu blogueur. Il fallut un petit moment pour que ma caméra fût remarquée, mais dès qu'elle le fut, il y eut subitement une effervescence, on repoussa des gens dans la tribune, il fallait faire de la place pour les gens portant des écharpes, bref, j'étais moins bienvenu (c'est si effrayant, une caméra d'Internet...).

Alors, sagement, j'ai offert de quitter la tribune et je suis redescendu sur la piste, avec les autres caméras et les autres appareils de photo, dans mon camp.

Blogueur ? Journaliste ?

Encore quelque temps avant la matinée de Jean Bouin, j'étais allé à Bayeux pour le prix Bayeux - Calvados du correspondant de guerre. Il se trouve que le président était cette année un de mes cousins, Patrick Chauvel, vétéran de ce métier dangereux qu'il exerce depuis quarante ans, depuis le Viêtnam.

Patrick est une légende dans son métier, originellement celui de photographe de guerre, il a obtenu le prix américain qui est juste en deçà du Pulitzer, voici déjà une trentaine d'années. Je me souviens de ses retours du Liban, au début de la guerre, en 1975-76, il racontait cette guerre folle où les gens, rentrant du bureau, sortaient une kalachnikoff d'un placard et entreprenaient de se tirer dessus entre voisins de palier, puis d'un immeuble à l'autre. Le nom magique de cette époque était l'hôtel Commodore où étaient rassemblés les correspondants de guerre, et lorsque quinze ans plus tard, j'ai été raccompagné du mariage du Libanais Antoine Basbous par le journaliste Olivier Mazerolle, celui-ci parlait encore de cet hôtel Commodore, avec une étrange nostalgie. Entre-temps, j'étais moi-même allé au Liban dans une année dangereuse, en 1986.

Patrick, donc, présidait cette année le festival, un festival malin, puisque Bayeux est un théâtre de guerre (le Débarquement en 1944), et puisqu'y est conservé l'un des tout premiers reportages de guerre : la Tapisserie de Bayeux, qui relate la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066. Jean-Léonce Dupont, sénateur (Nouveau Centre) du Calvados et ancien maire de Bayeux, créateur du prix, est d'ailleurs, paraît-il, un ancien prof.

Il y a déjà longtemps que j'entends Patrick et ses collègues se plaindre à juste titre que leur métier n'est pas considéré, qu'une photo de guerre, si exceptionnelle soit-elle, n'atteindra jamais le millième de la valeur de celle du cul d'une starlette du moment attrapée par un paparazzi. Mais après des décennies de difficultés, la crise est forcément à un paroxysme, en raison de la crise qui frappe la presse et les médias.

Je l'interroge donc (en pestant de n'avoir pas ma caméra avec moi et en regrettant de n'avoir pas l'excellent Éric pour surenchérir sur mes questions) sur l'émergence de l'Internet, sur l'effondrement de la presse dite traditionnelle. Et Patrick, qui à vrai dire a croisé des dangers bien plus épouvantables que la chute de la presse dans sa vie (blessé plusieurs fois, notamment au Cambodge en 1973 et laissé pour mort à Panama en 1989), me répond que les nouvelles technologies ne changent pas le fond du métier. "Bien sûr, la presse a un tournant serré à négocier, certains ne s'en relèveront pas, mais..." mais l'info continuera, parce que les journalistes sont là pour témoigner.

Je n'ai pas encore lu, à ce moment-là, l'article signalé par le même Éric aujourd'hui sur l'évolution de la nature des blogueurs aux États-Unis, paradoxal contre-point de la note d'Éric aujourd'hui sur le surclassement des blogueurs par les twitters (j'ai un autre cousin twitter en vue, mais sous pseudo, chhttt).

Au passage, avec les journalistes de guerre, on voit pourquoi l'occident ne peut pas gagner la guerre en Afghanistan : il y faudrait au moins un million d'hommes sur le terrain, et encore : le soldat américain, avec ses trente kilos de barda, auxquels s'ajoutent son casque et divers accessoires, ne peut pas rivaliser avec les bergers afghans, tireurs d'élite, connaissant le terrain mieux encore que leur poche, et bénéficiant partout de caches. Ces bergers tuent un homme à 400 mètres avec un vieux fusil (sans lunette) qu'ils enfouissent aussitôt dans le sable, avant de s'éloigner au milieu du bêlement de leur troupeau. Pendant ce temps, les compagnons du soldat tué avisent la hiérarchie qui, plusieurs heures plus tard, envoie mille hommes sur le terrain, des hélicoptères, parfois bombarde à tort et à travers, cependant que le berger est déjà loin, au calme, insaisissable, innombrable.

Et aujourd'hui, puisque je suis peu à peu gagné par la logique et les réflexes du blogueur, je dois avouer que ces témoignages de journalistes, ces réflexions sur l'évolution de l'information, sur la place des blogueurs dont certains, à force d'en vivre, peuvent être qualifiés de journalistes, me semblent prendre un poids et un sens plus grands.

C'est vrai, au fond, qu'un blog est un média, un vrai. Et je commence seulement à découvrir la perspective du mien.

18/10/2009

Paris - Jean Bouin : forte mobilisation.

Plus de 6000 personnes sont venues ce matin au stade Jean Bouin, à Paris 16e, affirmer leur volonté de voir épargnées les installations actuelles du stade Jean Bouin et leur souhait que soit limitée l'extension du terrain de rugby à une rénovation déjà lourde, puisque chiffrée à 40 millions d'Euros. EDIT : article et photos (dont une de moi) par le site Paris 16 info.

Je devrais donner dans les prochaines semaines une vidéo plus détaillée, un parent d'élève disposant d'une caméra et d'une expérience meilleures que les miennes m'a accompagné et nous avons pu interviewer déjà le représentant des Verts Sylvain Garel, le maire de Boulogne-Billancourt Pierre-Christophe Baguet, le président des associations sportives du XVIe (EDIT : l'intéressé m'a demandé de rectifier son titre ce que je fais bien volontiers, vu ses éminentes fonctions municipales où je l'ai précédé : il est adjoint au maire du XVIe chargé des sports) Yves Hervouet des Forges, la présidente du MoDem de Boulogne Jeanne Defranoux (j'ai aussi pu rencontrer le blogueur Sylvain Canet, ex-tête de liste MoDem de Boulogne), et rendez-vous a été pris avec Claude Goasguen pour une interview plus au calme.

Sur le fond, la détermination de la municipalité de Boulogne à invoquer l'interdiction de commerce faite par le texte de Napoléon III détachant ce quartier du Bois de Boulogne m'a rassuré : la juridiction administrative a déjà consacré cette disposition dans le droit positif, les 7500 m2 de commerces devraient donc être rendus impossibles. De ce fait, à mon avis, le projet tombera. Affaire à suivre. Avec un certain culot, la municipalité parisienne présente les commerces comme le moyen de financer ce projet faramineux. Étant donné que leur construction représente à elle seule 50 millions d'Euros, on voit que l'aplomb sarkozyste fait des émules (ah, les fils à papa !).

Par ailleurs, on m'a signalé que le PCF du 14e arrondissement demandait (bien que l'adjoint au maire de Paris en charge du dossier soit lui aussi communiste) à ce que Charléty devienne le stade officiel du rugby parisien. Voici un excellent article du site La Voix du 14e, et la position officielle du PCF local. La majorité se lézarde donc de plus en plus sur ce sujet où l'entêtement de la municipalité parisienne est invraisemblable.

Enfin, à propos du MoDem encore, on m'a signalé qu'on ne comprenait pas bien comment Marielle de Sarnez, lors du vote de la motion présentée par les Verts parisiens, n'avait pas trouvé le moyen de donner un pouvoir, si elle ne pouvait être présente elle-même.

En attendant la vidéo en préparation, voici queques images d'ambiance :

 


PS : J'apprends par Générations engagées le décès de Francis Muguet qui, contre Hadopi, avait proposé un "mécénat global" sur lequel Quitterie avait attiré notre attention. Il disait d'ailleurs grand bien de Quitterie.

16/10/2009

Paris - Jean Bouin : Sébastien Bazin proche de Sarkozy.

C'est Bakchich Hebdo qui relance les info sur l'avenir du stade Jean Bouin : dans son dernier numéro, l'hebdomadaire explique que Sébastien Bazin, patron du PSG, veut faire des alentours du parc des Princes une vaste galerie commerciale. Dès lors, pour le stade Jean Bouin, tout le (funeste) projet s'éclaire.

Un scénario catastrophe évident

En effet, les 7500 m2 de commerces, qui n'ont aucun sens dans le stade de rugby voulu par Guazzini, en ont un vrai dans la galerie commerciale rêvée par Bazin.

Rappelons que le projet défendu par l'adjoint (pourtant communiste) au maire (pourtant socialiste) de Paris chargé des Sports consiste dans la démolition des installations actuelles du Stade Jean Bouin pour les remplacer par un stade de 20000 places, des courts de tennis supplémentaires (le stade n'en manque déjà pas), un gymnase sipplémentaire (où les scolaires, c'est la bonté qu'on croyait pouvoir nous octroyer avec suffisance, seraient tolérés), 1000 m2 de bureaux, une vaste brasserie, 7500 m2 de commerces (ce qui, à une moyenne de 100 m2 par commerce, n'en ferait pas moins de 75, une véritable galerie marchande à deux pas de Roland Garros !), et 500 places de parking dont 100 pour les riverains et 400 non pas pour les matchs, mais bien évidemment pour la galerie marchande.

Les travaux devraient coûter au moins 150 millions d'euros, peut-être 200 (ces chantiers font toujours l'objet de dépassement, et l'estimation du projet par la Ville a déjà plus que doublé en deux ans).

Rappelons aussi que les constructions du stade Jean Bouin sont organisées autour d'une tribune d'honneur datant de l'année 1925, exceptionnelle, qui mériterait d'être classée monument historique si nous avions un tant soit peu de respect pour autre chose que pour les monuments liés à la guerre et à l'argent.

Rappelons enfin que le stade Jean Bouin et son environnement immédiat, tant du côté parisien que de celui de Boulogne, forment un ensemble cohérent échelonné sur les années 1920 et 1930, en grande partie inspiré par les principes de l'utopie urbaine chère à l'après-guerre de 14, où l'on pensait pouvoir améliorer le monde par l'architecture et par l'urbanisme. De ce point de vue, les bâtiments administratifs mêmes du stade Jean Bouin actuel mériteraient protection publique.

Le statut actuel de Jean Bouin est flou : la concession a été renouvelée en 2004 à la structure associative qui la détient depuis l'origine du stade et qui lui est même antérieure, et qui, après s'être longtemps dénommée Club Athlétique des Sports Généraux (CASG), a fini par s'appeler Paris - Jean Bouin. Deux sous-concessionnaires figuraient dans la concession : le club d'arts martiaux Athéon qui occupe l'ancien gymnase (et dont personne ne conteste pour le moment la place), et l'équipe de rugby du Stade Français dont l'âme vigoureuse est Max Guazzini, avec de surcroît Lagardère comme invité, mais celui-ci semble désormais en retrait.

Ce renouvellement de 2004 n'a apparemment pas fait l'objet d'un appel d'offres et, voyant que la juridiction administrative s'apprêtait à l'annuler (et peut-être aussi pour réduire les résistances à ses projets immobiliers), la municipalité parisienne a cassé unilatéralement la concession à l'automne 2008, si bien qu'à première vue, le stade Jean Bouin se trouve depuis cette époque en gestion de fait, ce qui est assez grave au regard du droit administratif et pénal.

Le permis de démolir a été délivré et entériné par la justice administrative. Le permis de construire, lui, est encore soumis au débat et à l'enquête publique (désormais close) sur l'avenir du stade.

La démolition devrait être faite en pleine année scolaire, et à deux mois des élections régionales, en janvier prochain. Rappelons que 6000 élèves de l'enseignement public fréquentent le stade sans alternative possible.

L'UMP, le Nouveau Centre, le MoDem et les Verts ont exprimé leur rejet de ce projet à la fois coûteux, déséquilibré (que viennent faire les commerces dans un stade, et qui plus est dans un espace vert ?), inutile, faramineux en temps de crise, et finalement suspect.

Suspect ? Oui, car les appétits du voisin encombrant, le PSG, sont désormais patents. C'est là qu'il faut parler de Sébastien Bazin et de ses liens avec le pouvoir.

Sébastien Bazin et Nicolas Sarkozy.

Tout commence en mai 1993 : un inconnu prend en otage une école maternelle de Neuilly-sur-Seine. Parmi les enfants otages, la fille de Sébastien Bazin. Le ministre du Budget est aussi le maire de Neuilly, c'est Nicolas Sarkozy, il est sur place pendant toute l'opération de police (d'ailleurs diiscutée dans ses modalités). Depuis cette époque, les deux hommes sont amis et le président ne dédaigne pas de venir s'asseoir dans la tribune d'honneur du Parc des Princes où joue le club désormais présidé par son ami, le PSG.

Or Sébastien Bazin est avant tout un financier qui dirige l'antenne européenne d'un fonds d'investissement de droit américain, Colony Capital, dont le métier est l'immobilier. Sa vision du quartier est conforme à son métier : il a de forts intérêts dans le groupe hôtelier Accor, donc un hôtel dans la piscine Molitor ; il en a dans le groupe Carrefour (qui par ailleurs ne va pas fort), donc des commerces partout.

Tout ceci est cohérent, de son point de vue. Ce qu'on ne comprend pas bien, c'est pourquoii la Ville de Paris, dirigée par une municipalité qui se dit de gauche, sert à ce point les intérêts d'un personnage si proche du pouvoir gouvernemental (et présidentiel) de droite, au mépris du domaine public et de milliers d'élèves de l'enseignement public.

Car les 7500 m2 de commerces prévus dans le projet n'ont aucun rapport avec l'édification d'un stade entièrement dédié au rugby. On aurait pu à la rigueur comprendre l'utilité de ce stade, quoique Charléty ait été lui-même conçu pour ce même sport, mais les commerces y sont une sorte de "cavalier" (au sens d'un cavalier législatif), un grumeau sans cohérence, dont le but ne peut être que de rejoindre le projet de Colony Capital.

C'est alors que l'entrée de Bernard Laporte au gouvernement, puis à l'UMP, depuis l'automne 2007, prend tout son sens : Laporte est un proche de Max Guazzini, patron de l'équipe de rugby du Stade Français, en principe bénéficiaire de la construction du nouveau stade, et lui-même très très proche de Bertrand Delanoë, maire de Paris.

On a donc en direct ce qui ressemble à s'y méprendre à la collusion d'une bande de malfrats qui va empocher des millions sur le dos du domaine public.

Même du point de vue fiscal, le projet d'implantation des commerces n'a aucun sens : depuis la suppression de la taxe professionnelle, l'implantation d'entreprises et de commerces ne rapporte plus rien aux villes (écoutez ce qu'en dit Santini quand il explique qu'à Issy-les-Moules, la taxe pro représente 72 % de ses rentrées budgétaires) et, tout au contraire, pour une bonne santé financière, les villes ont intérêt à dorloter leurs habitants pour que les taxes immobilières rapportent, donc à mettre l'accent sur les infrastructures, l'environnement et le cadre de vie, plus de proximité, moins de béton.

Un projet alternatif

Le projet alternatif consisterait à intégrer une partie des installations existantes (dont la tribune 1925) dans un stade de rugby rénové, en harmonie avec l'atmosphère 1920-1930, ne privant pas les enfants des écoles de leur terrain de plein air, ni l'espace vert de sa végétation. L'ensemble coûterait sans doute 40 millions d'Euros, guère plus, ce qui permettrait de réserver le reste des fonds mobilisés par la Ville de Paris à de réels investissements collectifs (on parle notamment de tramway dans l'est parisien).

C'est sur cette base que le Comité Jean Bouin appelle à une manifestation sur place dimanche matin, de 11 h 30 à 13 h. J'irai.

18/09/2009

Paris - Jean Bouin : le béton et les sempiternelles magouilles parisiennes.

Depuis quinze jours, j'ai donné quatre notes sur le projet de démolition du stade Jean Bouin. Pour mémoire, on peut les lire ici, ici, ici et . Voici je pense la dernière, en tout cas mes conclusions complètes et définitives.

Pour mémoire également, je rappelle qu'il s'agit officiellement de démolir les installations existant sur le stade Jean Bouin, tout contre le Parc des Princes, à Paris, le long de la frontière du 16e arrondissement de Paris et de la ville de Boulogne-Billancourt. À la place, le projet aboutit à la construction d'un nouveau stade entièrement dédié au rugby, pouvant accueillir 20000 spectateurs, ainsi qu'un nouveau gymnase, 1000 m2 de bureaux et 7400 m2 de commerces. Quelques courts de tennis en plus de la vingtaine existante achèvent le tableau.

Le bonneteau financier et l'appropriation privée du domaine public

En fait, il est impossible de détacher le projet de Jean Bouin du reste des équipements sportifs voisins : il se trouve que le propriétaire du concessionnaire du Parc des Princes (le fonds spéculatif Colony Capital, propriétaire du Paris-Saint-Germain) est devenu concessionnaire de la piscine Molitor, ce qui est logique pour lui, parce qu'il a des intérêts substantiels dans le groupe hôtelier Accor et que la piscine Molitor doit devenir l'accessoire d'un hôtel **** consacré à la remise en forme, une thalasso de luxe en quelque sorte. Depuis que l'État, sous l'impulsion du ministre de la Culture Jack Lang, a décidé en 1990 d'inscrire une partie de la piscine Molitor à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques, la Ville de Paris a pris la piscine en grippe, s'en sentant dépossédée, et a toujours juré que si l'on voulait que la piscine soit restaurée et rouverte, il fallait que cela ne coûtât pas un centime au contribuable parisien.

Or la rénovation de la piscine, sans ses accessoires hôteliers, coûterait sans doute 50 millions d'Euros.

Depuis 1990, plusieurs projets ont couru, dont certains utilisaient l'ancien bassin couvert à fin hôtelière, d'autres utilisaient la partie nord, tout près de Roland Garros, pour une résidence pour les jeunes tennismen qui, tout au long de l'année, viennent s'entraîner à Roland Garros. Le musée du Tennis aurait été installé dans les sous-sols de la piscine. Bref, des projets plus ou moins sportifs avaient couru.

L'arrivée de Colony Capital dans le paysage, au Parc des Princes, a tout changé. Colony Capital est un fonds spéculatif de droit américain, spécialisé dans l'immobilier. Et Colony Capital, tout en pleurnichant qu'il lui faudrait cinquante ans pour rentabiliser la piscine Molitor nouvelle, a présenté un projet qui, en apparence, est un énorme cadeau pour la Ville : investissement de 68 millions d'Euros pour restaurer les deux bassins de la piscine et le bâtiment, transformation d'une partie du bâtiment en hôtel quatre étoiles et accessoires de remise en forme, création de quelques dizaines de places de parking et de quelques commerces.

Or Colony Capital est un vrai fonds d'investissement, à l'américaine. Il sait que, pour vendre, pour vendre cher, pour soutirer beaucoup d'argent au client, il faut d'abord, non pas indiquer le prix qu'on demande (fi !), ni même les qualités du produit (bof...), ni même encore flatter le client (quoique...) mais surtout, surtout, lui faire un cadeau de bienvenue (ah !...).

Bienvenue au casino Colony Capital, asseyez-vous, vous prendrez bien une piscine Molitor ? C'est gratuit... (prononcer cette phrase avec la bouche en coeur, et un air de philanthrope, sans laisser transparaître une grosse arrière-pensée : "on va vous soutirer des millions").

Car dans le même temps où, pour l'intérêt public et dans un élan de sacrifice et de risque financier considérable, Colony Capital s'apprête à débourser 68 millions d'Euros pour que les habitants du 16e arrondissement de Paris (et les scolaires en particulier) puissent retrouver leur chère piscine, le même fonds Colony Capital cherche paraît-il... 75 millions d'Euros pour retaper et moderniser le Parc des Princes. Qui, croyez-vous, va se dévouer pour financer ces travaux au Parc des Princes ? Le contribuable parisien. Autrement dit, Colony Capital débourse 68 millions pour créer une affaire rentable, qui lui permet d'économiser une dépense de 75 millions dans son stade... Un jeu de bonneteau, pas vu pas pris. Bénéfice net immédiat de l'opération : 7 millions d'Euros, plus un hôtel **** de 98 chambres avec thalasso, piscine attenante, parkings, et boutiques.

Plus encore : la rénovation du stade Jean Bouin, en principe, est destinée à créer un stade de rugby pour l'équipe phare du rugby parisien, celle qui a révolutionné l'économie du rugby français en quinze ans : le Stade Français. Or en fait, les autorités de la Ville ne cachent pas qu'un nouveau club de rugby va être créé dans le 16e, à l'image de ce qui a été fait avec le PSG lorsqu'il a fallu doter le tout nouveau Parc des Princes d'un club résident voici quarante ans. Et comme la concession accordée (puis brusquement retirée) à Paris Jean Bouin et au Stade Français s'avère illégale (selon le Tribunal Administratif de Paris, qui sera certainement confirmé en appel par le Conseil d'État), le nouveau stade Jean Bouin se retrouve sans destinataire. Et qui, croyez-vous, va se dévouer ? Colony Capital, comme le président de cette structure ne le cachait pas fin août dans un entretien accordé au site Challenges.fr.

Et là, on passe aux vrais gros sous. 7 millions et un hôtel, c'était un hors d'oeuvre.

200 millions d'Euros d'investissement, 1000 m2 de bureaux, 7400 m2 de commerces, 500 places de parking, dans le 16e arrondissement, ça vaut des fortunes. Et pour acquérir tout cela, pas un centime : le contribuable parisien va tout payer. On va transformer un espace vert du domaine public en galerie marchande de gros rapport. Miam, on va se goinfrer. Et Colony Capital va prendre l'ensemble en concession contre une redevance modique, qu'il ne versera d'ailleurs à la Ville de Paris qu'en échange d'autres coûteux et encombrants travaux, le tout baignant sans aucun doute dans la plus parfaite honnêteté.

Et avec un stade de footbal de haut niveau, un stade de rugby de haut niveau également, et Roland Garros à deux pas, la thalasso sera ce que sont beaucoup de ces thalasso : une mine d'or. On va se goinfrer, je vous dis.

En somme, en apparence, Colony Capital fait le beau geste de rénover une piscine à fonds quasi-perdus. En réalité, il se prépare des bénéfices  rapides de plusieurs dizaines de millions d'Euros.

Le tout, grâce à une municipalité de gauche. Qu'est-ce que ce serait avec une municipalité de droite !

Victimes : le domaine public, l'espace vert, les sportifs amateurs du cadre associatif, et plusieurs milliers d'élèves des lycées voisins, qui vont devoir faire la noria en autocar (170 rotations par semaine) pour galoper dans un stade du 15e arrondissement, de l'autre côté de la Seine. Une paille.

Le départ de Guazzini est-il inéluctable ?

L'arrivée de Guazzini dans le rugby et au stade Jean Bouin, au début des années 1990, a été une grande surprise. Une image de grande fraîcheur s'en dégageait, ainsi que l'image d'un homme d'affaires mécène, à qui tout réussit. Or il y avait un fort risque de dérapage politico-financier dès cette époque, et si Internet avait été développé alors comme ça l'est aujourd'hui, il est évident que nous aurions tous considéré l'affaire d'un autre oeil.

Il s'agit évidemment des liens personnels, politiques et financiers qui unissent Delanoë à Guazzini : on apprend ici que Guazzini a tenu la permanence juridique du jeune député Delanoë voici une trentaine d'années, et on apprend que c'est Delanoë qui a présenté Jean-Paul Baudecroux, fondateur de la radio et du groupe NRJ, à Guazzini en 1981. Le site Bakchich a d'ailleurs souligné à l'occasion de cette interview les liens qui unissent NRJ au Parti Socialiste, Delanoë ayant été en quelque sorte "commissaire politique" auprès de la radio.

Or NRJ va mollement, comme beaucoup de médias anciens, le PS ne va pas follement non plus, et Delanoë a annoncé qu'il ne se représenterait pas à la mairie de Paris en 2014 (peut-être pour se ménager une carrière nationale qui va cependant devenir délicate...). Tout semble donc converger pour que Guazzini, qui a passé la soixantaine, songe à se retirer. C'est l'une des hypothèses les plus vraisemblables qui circulent : Guazzini revendrait ses droits locaux, et toucherait ainsi en quelque sorte son dividende de quinze ans d'investissement personnel et politique.

En tout état de cause, Anne Hidalgo, venant présenter le projet de stade Jean Bouin à la mairie du 16e, n'a pas caché, comme je l'ai dit, qu'une nouvelle équipe de rugby serait créée dans le 16e, ce qui semble accréditer l'hypothèse de la retraite de Guazzini, fortune faite.

Comment Delanoë a "plumé la volaille centriste" et verte.

Il faut aller encore un peu plus loin : jusqu'ici, nous n'avons évoqué que le stade Jean Bouin, la piscine Molitor, le Parc des Princes, il y a à une distance de quelques centaines de mètres à peine un autre équipement historique du Bois de Boulogne : l'hippodrome d'Auteuil.

Cet hippodrome est censé accueillir les scolaires délogés de Jean Bouin. Pour cela, la Ville de Paris a prévu des travaux (encore un montant faramineux) à hauteur de 25 millions d'Euros, pour créer une piste d'athlétisme, trois terrains de sport sur gazon, et une promenade paysagée, le tout sur 14 hectares. Apparemment, il ne s'agirait que d'un premier pas dans le dépeçage de l'hippodrome d'Auteuil.

Et tout soudain, on se dit que ce qu'on a aimé dans Delanoë 1 manque cruellement à Delanoë 2, et que si ça manque, il faut voir pourquoi ça manque.

La Ville de Paris a connu, depuis Haussmann, de nombreuses périodes de fièvre bâtisseuse. Celle d'Haussmann, bien entendu, celle des fortifications entre les deux guerres mondiales, celle de Pompidou, prolongée jusqu'au début des années 1990 par Chirac. Trop nombreux sont les exemples pour qu'on ait besoin de les citer.

Cette fièvre a baissé brusquement avec l'arrivée de Jean Tibéri à la mairie de Paris en 1995 : il a renoncé à toute nouvelle ZAC (Zone d'Aménagement Concerté) alors que plusieurs projets frétillaient encore dans les cartons. Après lui, Delanoë a rejeté aussi toute idée de bétonnage. Pourquoi ? Apparemment, pas par conviction personnelle. Mais parce qu'il ne disposait d'aucune majorité au Conseil de Paris sans les voix des élus Verts.

Il faut se remettre dans le contexte : en 2001, la campagne municipale se fait sur fond de "majorité plurielle" et le PS de Jospin et Delanoë entend se montrer comme un leader de la Gauche, certes, mais un leader magnanime, qui laisse beaucoup de place à ses partenaires. L'élection parisienne est une vitrine de la stratégie de communication de Jospin pour la présidentielle de l'année suivante. On sait ce qu'il en a été, et comme le PS a attribué à sa trop grande générosité son échec du 21 avril 2002.

Et Delanoë restait avec ses encombrants alliés sur les bras. Les Verts, en particulier, très exigeants dans le domaine des transports (ce qui les rend impopulaires), mais aussi contre le bétonnage, et, cerise sur le gâteau, en matière financière. De véritables empêcheurs de fricoter en rond.

Et puis les Verts avaient un défaut, cardinal aux yeux d'une grande partie du PS parisien : ils étaient très ouvertement pro-Palestiniens, et critiquaient abondamment les subventions communautaristes qu'ils trouvaient dans le budget de la Ville. On trouvera facilement, par exemple, le rapport fait alors par une adjointe verte au maire du 14e arrondissement, qui refusait une subvention à une école juive loubavitch, au nom de la laïcité. Certains des réseaux qui soutiennent le plus Delanoë ne supportaient plus les contraintes de cette alliance verte. Il fallait faire quelque chose.

Or il s'est trouvé qu'à partir de 2002, les centristes de l'UDF de François Bayrou et Marielle de Sarnez cherchaient à se libérer du joug UMP. C'est à partir de 2004, je crois, que certains votes de l'UDF permirent à Delanoë de s'émanciper de sa "majorité purielle" municipale. En filigrane se dessinait peu à peu l'hypothèse d'un retournement d'alliance de l'UDF parisienne, qui entrerait dans la "majorité plurielle" de Delanoë à l'occasion des municipales suivantes.

Est-ce à cause de la présidentielle, ou parce que son but (l'affaiblissement des Verts) était atteint ? Delanoë, seul en piste, choisit de gouverner désormais seul, entouré d'alliés croupions et séparé des ex-UDF devenus à la fois MoDem, ratatinés et cocus.

La conséquence en est la réapparition du projet (qui traîne depuis trente ans dans les cartons) de tours géantes enceignant Paris, et un déferlement de béton et de fric sur le Bois de Boulogne.

Étant donné le tour pénal pris par les événements à Jean Bouin, il ne fait aucun doute que son chemin ne sera désormais plus tapissé de pétales de roses.

Le départ de Roland Garros est inéluctable

Si l'on met même de côté l'éventualité du bétonnage de l'hippodrome et de toute cette partie du Bois, il y a encore un dossier de nature à exciter les hormones des promoteurs immobiliers : c'est celui de Roland Garros, autre équipement sportif dans le voisinage immédiat de tous ceux dont il a été question jusqu'ici.

Roland Garros est un mythe. Ce stade de tennis a vu ses premiers "internationaux" en 1928, plusieurs victoires des Mousquetaires de la coupe Davis y ont été remportées, mais le tennis mondial, sport spectacle par excellence, torrent de pognon à échelle planétaire, a du mal à se satisfaire désormais des installations de la porte d'Auteuil. Tôt ou tard, elles ne lui suffiront plus, le tournoi de Roland Garros devra déménager ou mourir.

Il y a trois aspects dans l'affaire : la compétition sportive, la kermesse, le programme de télévision.

La compétition n'a pas besoin d'un espace plus grand que le Roland Garros actuel, elle y est à son aise. La kermesse n'est pas aussi étendue, loin s'en faut, que dans d'autres tournois majeurs : celui des États-Unis, à Flushing Meadow, s'étale sur une surface deux fois plus grande que Roland Garros. Or qui dit kermesse dit boutiques, et argent, profit, donc moins de kermesse égale moins de sourires des marchands du sport. Le programme de télévision a aussi un problème à Roland Garros : la pluie. Quand il pleut, il n'y a pas de matchs, donc pas d'antenne, donc il faut rembourser la pub, bref c'est plus que contrariant pour la World Company.

Or au lieu de réserver le palais Omnisport de Bercy pour certaines retransmissions du tournoi (ce qui coûterait peu), voilà que Roland Garros a inventé de vouloir s'adjuger un stade municipal. Même pas comme Jean Bouin qui, depuis sa création, est concédé à un club de sports. Non, un vrai stade municipal, géré en régie, et qui sert lui aussi pour les scolaires et les associatifs : le stade Georges Hébert, juste en face du lycée La Fontaine.

On croit rêver.

Il s'agit d'y édifier un stade de 15000 places, couvert, devant servir ... quinze jours par an. Le comble du scandale.

Il est évident que ce projet trop absurde ne verra pas le jour, et que Roland Garros se contentera d'implanter une installation provisoire, démontable, à l'entrée du Bois de Boulogne, et une forme de toiture sur le court central.

Mais ces investissements ne feront que reculer l'échéance : au nom de la kermesse, au nom des programmes télévisés, il faudra, tôt ou tard, que Roland Garros se trouve une autre implantation, plus au large.

Hélas, ce n'est pas ce qu'a sérieusement voulu dire Jean Gachassain, président de la Fédération Française de Tennis, lorsqu'il a lancé que Roland Garros allait s'installer près d'Eurodisney ou près d'un hypothétique nouveau circuit de Formule 1 (grrr) à Sarcelles.

Il y a une part de sens dans la première idée : le Roland Garros nouveau doit disposer d'une importante infrastructure de transport et d'hébergement hôtelier, deux atouts que présente en effet Eurodisney. Mais on peut être sceptique pour l'aspect hôtelier : durant la quinzaine de Roland Garros, les principaux joueurs du circuit ATP résident dans les palaces parisiens. On les voit mal s'exiler à Eurodisney...

Et de toutes façons, il est évident que Gachassain a joué la provocation, peut-être pour faire pression pour son court de 15000 places, en tous cas pour éviter une hausse de la redevance que la FFT verse à la Ville de Paris pour l'utilisation de Roland Garros, qui paraît en effet modeste, puisqu'elle ne s'élève qu'à 1,5 million d'Euros par an, alors que le tournoi rapporte des dizaines de millions d'Euros à la FFT chaque année.

Le départ inéluctable de Roland Garros sera l'occasion de la véritable redistribution des cartes dans le quartier. Que fera-t-on des hectares de terre battue et des immenses courts en béton ? Voilà la grande question.

D'ici là, la Ville de Paris tente de promouvoir une candidature pour l'Euro de football 2016. Elle aurait tort de ne miser que sur ses propres forces, et il est évident que cette candidature doit être portée à l'échelle de l'agglomération parisienne tout entière, ce qui évitera de nouvelles emprises foncières sur des espaces verts.

Quant à notre quartier, entre la porte d'Auteuil et la porte de Saint-Cloud, il doit retrouver sa vocation d'espace vert et sportif. Je pense que le projet de Jean Bouin va devenir vite un "bâton merdeux" pour la municipalité, qui ne pourra le mener à bien. Le seul inconvénient de la disparition de ce projet est que, probablement, elle entraînera celle de la rénovation de la piscine Molitor qui en est en fait l'accessoire. Et on sera reparti pour un tour de fermeture, des années d'enfants sans piscine.

Il reste qu'on peut (et doit) se demander pourquoi Delanoë met un tel acharnement à s'aliéner la sympathie des écologistes.

J'ajoute qu'on m'a demandé sur place une prise de position formelle du MoDem parisien, moi qui n'y suis plus guère.

Décidément, ils sont incorrigibles, ces politiques de l'ancienne manière. Vivement qu'ils prennent leur retraite, comme dit Quitterie.

17/09/2009

Paris - Jean Bouin : la vérité apparaît.

La découverte de la vérité m'a amené à faire cette vidéo où je l'explique.

Je donnerai mes conclusions définitives et complètes sur l'affaire Jean Bouin demain.