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28/05/2020

Qu'à cela ne tienne, Claude

La génération 1968 est décidément frappée par le coronavirus : Henri Weber à gauche, Patrick Devedjian à droite et Claude Goasguen au centre.

Au centre ? Quand on lit les commentaires de la presse, on ne voit nulle part le long passage qu'il fit par le centre et qui forgea, quoi qu'on en pense, son identité politique. Il est vrai que son côté centriste ne se voyait guère, qu'il ne s'entendait pas plus, mais il serait faux de ne pas le distinguer dans la brume des arguties et méandres politiques de sa vie. Selon l'expression qu'il aimait employer, "en réalité" il y avait bien un Claude Goasguen du centre, pensant le centre, voulant le centre et se réclamant du centre, fût-ce avec une grande gueule. Parlez-en à Bernard Stasi si vous croisez son fantôme par un soir de pleine lune. Parlez-en à François Bayrou.

Bon, reconnaissons-le, l'image d'Occident lui a toujours collé à la peau. J'ai connu Claude Goasguen en 1983. Il venait d'être élu conseiller de Paris dans le XIVe arrondissement sous la houlette d'Eugène Claudius-Petit. "Claudius", comme nous l'appelions en employant son surnom de résistance. Le grand Claudius, avec ses yeux de félin, sa moustache épineuse, sa coiffure au carré et ses énervements sanguins.

Claude Goasguen avait été le suppléant de Claudius aux élections législatives de 1978 dans ce même XIVe arrondissement. Il y avait alors trente circonscriptions législatives à Paris. En dehors du ton vif et de la volonté de foudroyer, on se demandait ce qu'il pouvait y avoir de commun entre le vieux résistant et le jeune loup au profil d'aigle et aux cheveux qui hésitaient entre le blond et le gris cendré.

Point commun ? Peut-être Georges Bidault. Claudius avait succédé à Bidault comme député de la Loire et Goasguen avait fait ses premières armes politiques en militant pour l'Algérie française, ce moment où Bidault s'est perdu pour l'Histoire. Bidault, homme d'extraordinaire culture, de haute vision politique, successeur de Jean Moulin à la tête de la résistance intérieure en 1943. Bidault déjà gaullosceptique en 1944 quand, sortant d'une réunion du conseil des ministres présidée par le Général, lorsque son ami Teitgen, admiratif du grand homme de Londres, murmurait "Comment peut-on dire tant de choses avec si peu de mots ?", lui répliquait d'un ton cinglant : "Lucifer était le plus beau des anges". Bidault qui fut à peu près le seul éditorialiste politique à protester contre les accords funestes de Munich et qui fut résistant si tôt que de Gaulle refusa qu'on lui retire sa distinction de Compagnon de la Libération en 1961. Bidault, donc, dont l'ombre vivante planait encore parfois sur le respectable parti auquel j'ai adhéré en 1981 et qui se nommait le Centre des Démocrates Sociaux (CDS), le parti dont Claude Goasguen était membre aussi à cette époque.

Mes amis, plus à gauche dans ce mouvement, me disaient de Claude : "Méfie-toi, c'est le diable, il a commencé à Occident". De fait, il m'arrivait de bavarder avec "le" jeune que Goasguen avait casé dans le bureau exécutif des jeunes du CDS (les JDS) de Paris en 1983, alors présidés par Éric Azière qui est aujourd'hui président du groupe UDI-MoDem au conseil de Paris. Ce jeune homme goasguénien (pas Éric Azière, pour ceux qui lisent trop vite mes papiers), qui avait à peu près mon âge et dont le crâne n'était pas tout à fait rasé (mais presque) était le fils d'un des vice-présidents du CNPF (le MEDEF d'alors).

Il venait du PFN (Parti des Forces Nouvelles), un groupuscule que le FN n'était pas encore parvenu à absorber. Il me confiait, mi-figue mi-raisin, désignant Claude : "Il m'a dit que je devais arrêter mes conneries", ce qui signifiait arrêter de militer chez les zinzins pour passer à une action réaliste et respectable.

Nous avons vu quelquefois ce soldat perdu de l'extrême droite au début de notre modeste action, puis moins, puis plus du tout. Mais il y en avait d'autres (dont il vaut mieux oublier les noms) et l'on disait que Goasguen se spécialisait dans le recyclage des jeunes issus de l'extrême droite. Il incarnait par ailleurs déjà l'aile chiraquienne du CDS et Chirac, piloté par Pasqua, était à la recherche d'une formule reaganienne à défendre en France face à Mitterrand et à Barre. C'était consonant avec le ton volontiers imprécateur et cassant du jeune Goasguen. Bref, à tout cela, je préférais le livre au titre claironnant de Bernard Stasi : "L'immigration, une chance pour la France".

Par ailleurs, ce CDS ne s'était jamais remis d'une profonde fracture qui l'avait divisé en 1969 : Alain Poher, président du Sénat et président de la république par intérim, avait défendu ses chances à la présidentielle destinée à pourvoir à la succession du général de Gaulle démissionnaire. Mais son parti, le Centre Démocrate, avait vu la plupart de ses députés se défiler et refuser de soutenir sa candidature. Emmenés par Jacques Duhamel, ils avaient préféré se porter sur celle de Pompidou.

Un jour, j'ai demandé à Bernard Stasi pourquoi ils avaient fait cela. Il m'a répondu :

"Poher n'avait pas la carrure d'un président de la république".

Pompidou ayant gagné assez largement au second tour contre le valeureux Poher, une scission avait découpé le parti du perdant présidé par Jean Lecanuet. À côté du CD, il y avait désormais le CDP (Centre Démocratie et Progrès), dont faisaient parti les futurs ténors du CDS, notamment Bernard Stasi et Jacques Barrot, mais aussi Claudius. Si j'osais, je rappellerais que c'est le directeur de cabinet de Bidault qui, en 1944, avait présenté Pompidou à de Gaulle. Mais il y eut aussi en 1969 l'arrivée au pouvoir de Chaban-Delmas qui rebattait les cartes.

Quoi qu'il en soit, Goasguen apparut dans ce même CDP, la fraction du centre qui appartenait à la majorité présidentielle pompidolienne. Le groupe Union Centriste du Sénat regroupait deux partis politiques, l'un dans la majorité, l'autre dehors, tout en soutenant le président du Sénat, issu de ses rangs, lequel s'opposait avec force à la même majorité présidentielle et parlementaire. Clarté politique à la française, certes, mais en 1974, les deux partis avaient dû se ressouder sous l'autorité de Jean Lecanuet et les bureaux exécutifs des mouvements de jeunes de ces deux partis s'étaient naturellement rapprochés l'un de l'autre en vue d'une fusion.

Dans le bureau des jeunes du CDP figurait un historien du droit aux dents longues, âgé de 29 ans : notre Claude Goasguen. Son président était l'un des fils du sénateur Cluzel. Ils rejoignirent le nouveau mouvement de jeunes, dénommé JDS, alors présidé par François Bordry, frère de l'un des plus proches collaborateurs d'Alain Poher. Le CD entendait s'assurer tous les postes de pilotage du nouveau parti fusionné : il avait perdu en 1969, mais il avait gagné en 1974.

Les militants issus de l'ancien Centre Démocrate considéraient avec une forme d'hostilité ceux qui venaient du CDP, qu'ils tenaient pour traîtres depuis 1969. Ils disaient "nous avions les militants, eux les cadres", sous-entendant que les cadres, pour sauver leur mise, étaient allés à la soupe, un comportement dont les militants ont en général horreur. Mes amis dans ce CDS venaient pour la plupart du CD et non du CDP, j'adoptais volontiers leurs vues, aimant alors l'orgueilleuse intransigeance de l'esprit militant et n'ayant pas d'idée de carrière en tête.

Tout ceci me conduisait à ne pas prendre contact avec Claude Goasguen, malgré ses origines bretonnes.

Je passe sur les années qui suivirent, qui furent déchirées par la guerre picrocholine des géants du centrisme parisien. La collusion des deux jeunes issus du CDP contre le vieux CD finit par s'emparer de l'immense gouvernail de la multitudineuse fédération parisienne du CDS. On parle de foules dignes de rassemblements du PC chinois à l'époque de Mao. Bref, Claude Goasguen s'était rapproché de Jean-Charles de Vincenti, neveu de Jacques Barrot, et leur alliance avait pris la tête du CDS parisien. Il fallut encore quelques années pour que le plus mordant, Goasguen, parvienne à éliminer son allié devenu rival.

Cela se fit à l'occasion de la campagne présidentielle de 1995. Élu de Paris XVe, Vincenti avait choisi Balladur, qui régnait sur ce XVe, cependant que Goasguen optait pour Chirac qui tenait le reste de Paris. J'avais d'abord éprouvé de l'intérêt pour la candidature de Balladur. Une anecdote m'y avait incité : Balladur faisait partie de la même promotion de l'ENA qu'un frère de mon père qui est mort d'un cancer pendant qu'il y étudiait, longtemps avant ma naissance, et je me demandais si Balladur avait des souvenirs de cet oncle inconnu. Et puis, j'approuvais son engagement de ne pas être candidat à la présidentielle.......... Bref, contre tous mes choix des quinze années précédentes, j'ai choisi Chirac. Un ami m'a fait rencontrer Goasguen en privé fin 1993. Claude m'a dit : "conseiller de Paris, je ne peux pas, mais adjoint au maire je peux". J'ai bredouillé je ne sais quoi sans me rendre compte que je venais de signer la première moitié du pacte qui allait me conduire à devenir en 1995 adjont au marie du XVIe arrondissement de Paris.

Dans un premier temps, j'oubliai Claude : je fis offre de service pour la campagne européenne qui se lançait avec Dominique Baudis et Hélène Carrière d'Encausse. Il y avait deux directeurs de campagne : Jean-Luc Moudenc (aujourd'hui maire de Toulouse) pour Dominique Baudis et Jean-Pierre Raffarin pour Mme Carrère d'Encausse. François Bordry se désista alors qu'il devait diriger l'équipe chargée de répondre au courrier reçu par la liste à son QG établi rue barthélémy dans le VIIe arrondissement. Moudenc m'offrit le poste. Je l'avais aidé à prendre la présidence des JDS peu d'années plus tôt, il m'en remerciait. Je me trouvai donc bombardé chef d'une petite équipe dans cette campagne qui ne fut pas très longue mais où j'eus la joie de retrouver Bernard Stasi. L'équipe se composait de deux assistantes parlementaires venues du Sénat, très sérieuses, et nous pûmes refermer notre bureau la veille du scrutin avec la satisfaction de n'avoir laissé aucun courrier sans réponse complète.

Juste dans la foulée se déroula la campagne présidentielle qui, à l'intérieur du CDS, devait pourvoir à la succession de Pierre Méhaignerie, qui le dirigeait depuis 1982. On me demanda de composer les réponses au courrier des militants que recevait l'équipe de campagne de Bayrou, que je soutenais face à Bernard Bosson. J'avais été reçu par François avec une vingtaine d'autres jeunes cadres, il nous avait demandé :

"Pour qui voterez-vous à la présidentielle l'an prochain ?"

Un à un, tous les autres répondaient "Balladur", les dix-neuf autres ; parlant le dernier, je dis "non, désolé, moi, c'est Chirac". Et Bayrou, très à l'aise, me fit le petit discours qui annonçait déjà, sept ans à l'avance, "si nous pensons tous la même chose, c'est que nous ne pensons plus rien". Je fus recruté (bénévole) cadre dans son équipe de campagne.

Éric Azière et Marielle de Sarnez me confièrent une pile de discours déjà prononcés par Bayrou en me signalant les habitudes et particularités rhétoriques du candidat (j'ai encore une cassette VHS de cette campagne si ça intéresse quelqu'un). Pendant les longues décades de la campagne interne, je passai environ trois fois par semaine prendre les courriers reçus et remettre les réponses proposées, que je composais en faisant des collages savants des discours du candidat.

Nous avons gagné cette campagne. La veille du vote, dans un tout petit bureau alors que je bavardais avec je ne sais qui, je vis entrer un Bayrou fourbu, le cheveu en bataille et l'œil brillant, proclamant : "Jamais Bosson ne pourra monter si haut". Et c'était vrai, il prononça un discours qui nous parut éblouissant et qui disait ce que nous espérions depuis longtemps, sur ce parti allant de Balladur à Jacques Delors, et que Delors salua aussitôt chez Anne Sinclair. Et le lendemain du vote, dans le même bureau, un poulain de Stasi, JPF, me lança : "un bureau ici ou à la mairie du XVIe ?" Je n'avais pas compris qu'il s'agissait d'une proposition ferme. Je répondis machinalement "à la mairie", qui représentait, c'est vrai, ma préférence d'alors. Aujourd'hui, je regrette de n'avoir pas connu l'atmosphère spéciale d'un cabinet ministériel.

Bref, qui disait élu à Paris disait rencontrer Claude. Je le vis donc dans son bureau d'adjoint de Chirac à la mairie de Paris. Ce n'était pas un adjoint sectoriel, il s'occupait des relations internationales, ce qui, selon ses propres dires, consistait surtout à aller pêcher au gros en Afrique. Il avait déjà sa collaboratrice fidèle, Annie Buhl, que j'ai retrouvée ensuite pendant vingt ans à ses côtés.

Claude m'envoya au RPR local, Gérard Leban, et je pris ma place modestement dans l'équipe de terrain chiraquienne du XVIe arrondissement. À ce moment-là, il pleuvait des cordes gelées et Chirac végétait à 10 ou 12 % dans les sondages. Le départ de campagne ne me rebuta pourtant pas. Je découvrais avec intérêt les méthodes du parti qui gardait, de ce point de vue, les traditions de son époque gaulliste. L'efficacité d'une organisation rodée et disciplinée. Quand un meeting de campagne de Chirac s'annonçait pour 18 heures, à 17 heures 59 la salle était pleine, à 18 heures les portes étaient fermées et les retardataires n'avaient à s'en prendre qu'à eux-mêmes. On était loin du joyeux bordel qu'a toujours été le centre sous ses diverses formes.

Chirac ayant gagné, Goasguen fut désigné ministre de quelque chose. Il avait pris tout l'arrière du bâtiment du ministère de l'Intérieur et certaines directions centrales clefs de ce ministère clef. Il s'en montrait satisfait mais regrettait de n'avoir pas obtenu plus. Moins de xi mois plus tard, il se voyait débarqué en même temps que les "jupettes". Je l'ai longtemps entendu maudire Juppé par la suite. Le débarquement avait un côté mesquin : au bout de six mois d'exercice, les anciens ministres bénéficiaient de certaines prérogatives. N'ayant pas tenu cette durée pleine, Goasuen perdait ces avantages. Par ailleurs, un macho méditerranéen comme lui trouvait humiliant d'entrer dans la cohorte de ces femmes congédiées en même temps que lui et qu'on a surnommées "juppettes". Enfin, n'étant plus ministre, il n'était pas encore parlementaire.

Ce fut l'époque où je le vis le plus souvent. Il nous conviait dans son bureau, en groupe ou en détail, j'étais adjoint au maire du XVIe, il m'entendait parfois avec d'autres élus ; j'avais trente ans, il m'écoutait parfois avec d'autres jeunes plus jeunes. Il parlait peu et testait seulement des arguments qu'il utilisait ensuite dans ses tribunes publiques, au conseil de Paris ou lors des réunions du parti.

En public, il avait une technique oratoire simple : il énonçait ce que ses adversaires disaient (selon lui) et renversait sa phrase avec un tonnant "en réalité" derrière lequel il dénonçait des intentions ou des actions qu'il condamnait ou combattait. Il parlait rarement pour approuver.

En 1997, au moment de la dissolution idiote, je fus de ceux qu'il interrogea. Je lui répondis "Pour toi, ça ira, mais quelle connerie !" Pendant cette courte campagne, il me raconta comment il venait faire les gros bras avec les soutiens de l'Algérie française dans ce même quartier dans les années 1960. Il me parla du général Stehlin, élu dès 1968 dans le XVIe nord, et qui avait été un ami de mon grand-père.

Il fut enfin élu député contre Georges Mesmin qui tenait le siège du XVIe sud depuis 1973.

Vers cette époque, il changea de chef de cabinet. Il se rapprochait de Philippe Douste-Blazy qui poussait contre Bayrou à l'intérieur du parti (devenu entretemps Force démocrate). son nouveau bras droit se nommait Thierry Solère. Celui-ci entendait prendre le plus possible d'autorité sur son patron, c'est logique. Je vis donc moins Claude. Solère me consultait de temps à autre. Par exemple, il me demanda si je croyais qu'un téléphone portable permettrait à Claude d'éviter les écoutes des barbouzes. J'étais à la fois incompétent et sceptique, je le lui dis.

En 1998, René Monory, malade, dut quitter la présidence du Sénat où il avait succédé à Poher. Le RPR s'empara de la présidence de la Haute Assemblée. De ce fait, l'UDF avait vécu. Les libéraux la quittèrent sous la houlette de Madelin et se rapprochèrent de Chirac, cependant que Bayrou conservait une UDF réduite. J'eus à choisir. Je me trouvais dans mon bureau à la mairie du XVIe lorsque Solère me téléphona. Je lui indiquai que si j'avais voulu adhérer au RPR, cela aurait été fait depuis longtemps et que le parti de Madelin me semblait être l'antichambre du RPR à court terme. Une heure plus tard, Claude m'appela en personne. Mais il se contentait de dodeliner comme dans une pagnolade. Il ne trouvait pas d'argument, je crois. Il n'osait pas me proposer une promotion ou quelque chose de consistant. Je n'aurais d'ailleurs rien accepté à ce moment-là.

Trois jours plus tard, ce fut Bernard Stasi qui tenta de me convaincre au cours d'un dîner à la "Poule au pot", restaurant près du siège de Force Démocrate (aujourd'hui du MoDem).

Ce fut donc la fin de quatre années de rapprochement et je n'ai pas de jugement à porter sur ce que Claude a fait depuis.

En 2008; je ne sais pourquoi, j'ai eu envie de me rendre à la mairie du XVIe pour assister à l'élection du maire. Pierre-Christian Taittinger espérait un quatrième mandat, mais Claude lui avait savonné la planche. Désigné par les électeurs, Taittinger fut battu par les élus. Or il avait fait exactement la même chose à son prédécesseur à la mairie, Mesmin, le même que Goasguen avait ensuite battu aux législatives. Sans vergogne, Goasguen se vantait de venger un centriste et de rendre enfin la mairie à un centriste. Ça me semblait excessif. Avec beaucoup de dignité, Taittinger quitta la salle. Seul.

Je n'ai revu Goasguen qu'une fois de près. Il avait demandé à mon frère (sculpteur) d'exposer quelques œuvres à la mairie du XVIe, je crois que c'était en 2011. Nous avons bavardé. pour la corpulence, il ressemblait à Abraracourcix. Moi aussi. Je le sentais sceptique sur l'avenir de Sarkozy, alors président, qu'il soutenait pourtant. Il n'y avait plus de contentieux entre nous, s'il y en avait jamais eu. Il avait ce regard un peu de côté, ce sourire large et mordant. Il me répéta : "Non, pas Occident, mais la Corpo de droit, ce n'était pas si loin, mais ce n'était pas la même chose". Nous n'avions tout de même pas les mêmes valeurs, mais qu'à cela ne tienne : au-delà des idées, le souvenir de beaucoup de bons moments en privé, libre, où il ne disait jamais rien ni de médiocre, ni de stupide. Il y avait chez lui un désir de hauteur qui, à mon avis, n'a jamais été satisfait, et une envie de peser en bien sur le destin de son pays.

Pour nous, Bretons, il faut lui rendre hommage sur un point : avec François Bayrou, lorsque celui-ci était ministre de l'Éducation nationale, il a beaucoup travaillé pour l'amélioration du sort fait par l'administration aux écoles Diwan. Cela ne s'oublie pas.

19:41 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : goasguen, politique, cds, bayrou | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

04/12/2009

Assemblée générale du collectif Jean Bouin : la vidéo.

En principe, les cossus du 16e et les prolos du 18e ont des intérêts antagonistes du point de vue des décisions politiques : les travaux qui sont faits ici ne le sont pas là, les équipements qui profitent au 16e manquent évidemment au 18e et réciproquement (euh, plus rarement). Le projet de nouveau stade Jean Bouin accomplit l'exploit rare de nuire autant aux habitants du 16e qu'à ceux du 18e.

L'argent que la Ville de Paris veut dépenser pour la démolition du stade Jean Bouin et sa reconstruction sur de nouveaux plans (ce qui révolte les habitants du 16e) est celui qui permettrait de prolonger le tramway jusqu'à la porte d'Asnières (que les habitants du 18e attendent comme le Messie). Non seulement ces travaux sont superfétatoires dans le 16e, mais ils créent un manque terrible dans le 18e.

Rarement, on aura pu dire à ce point qu'épargner un inconvénient aux beaux quartiers peut avoir un tel avantage pour les quartiers plus pauvres. Delanoë a réussi à inventer la convergence des classes.

C'est pourquoi il est juste que la mobilisation contre ce projet soit transversale, qu'elle joigne des élus verts à ceux de l'oppositon municipale. Cependant, je ne partage pas l'opinion de Sylvain Garel, élu vert qui incarne ce rapprochement, (opinion qu'il développe sur la vidéo que je joins ici) quant à l'effet du premier tour des élections régionales. Il vante sa boutique, c'est normal, l'argument est de bonne guerre, mais je crois que les choses sont plus compliquées. Mais si je ne partage pas son opinion sur le calcul politique, je souhaite vivement que l'argent prévu pour Jean Bouin soit finalement affecté au prolongement du tramway jusqu'à la porte d'Asnières.

Pour le reste de cette assemblée générale, je crois que les images parlent d'elles-mêmes.

Sport 2.0, année zéro.

Le remarquable cours magistral donné par Claude Goasguen sur le thème "le sport et l'argent" en surprendra plus d'un, notamment parmi ceux de mes lecteurs qui voient en lui surtout un ancien du réseau Occident accoutumé des positions plus "libérales" au sens droitier de ce terme. Que Goasguen prenne le temps d'expliquer que le déferlement de l'argent dans le sport pose des problèmes à "notre conception des choses" , comme il dit (c'est-à-dire à notre éthique), en surprendra plus d'un, et son exposé mérite d'être vu, car la prophétie qu'il fait est aussi redoutable que réaliste.

Le sport, en France, passe à un stade 2.0. On renonce enfin à la tartufferie du sport à la fois associatif et professionnel, pour reconnaître enfin que le sport professionnel n'est qu'une activité commerciale parmi d'autres. C'est une révolution éthique dans le statut juridique, qui rejoint une réalité déjà très consolidée.

Et bien entendu, le bail emphythéotique de 60 ans que Delanoë prépare actuellement pour Colony Capital au Parc des Princes sera impossible, grossièrement illégal. J'ai même l'impression qu'un arrêt du Conseil d'État interdit les concessions supérieures à quinze ou vingt ans. En tout cas, il faudra une procédure de mise en concurrence et un appel d'offres en bonne et due forme.

Cette victoire éthique n'est pas sans revers : quand on verra un milliardaire russe soumissionner pour la concession du Parc des Princes, on mesurera évidemment toutes les conséquences de la reconnaissance du caractère purement commercial du sport professionnel. Personnellement, je suis d'opinion que, puisque cette activité est commerciale, on ne lui concède plus le domaine public, qu'elle s'adresse à l'immobilier privé, et que le domaine public serve à l'accès public et aux structures associatives. Ce serait de meilleure méthode. Et pour un équipement comme le Parc des Princes, de façon à éviter de se retrouver envahis par la mafia russe, je crois qu'il serait sage qu'il fût désormais géré en régie et loué palier par palier en fonction des activités, ce qui permettrait d'y jouer à la fois le football et le rugby.

Parmi les deux ou trois autres réflexions qui me viennent au sujet de cette vidéo, il y a celle que la défense de Lagardère, qui s'étonne d'être appelé en responsabilité pénale par la justice, n'étant pas lui-même le concessionnaire de Jean Bouin, ressemble fort à une tartufferie, vu que le nom de Lagardère figure bien partout dans le stade dont il est le sponsor de référence, ayant succédé dans ce titre à la Société Générale dont le CASG, club père de Paris - Jean Bouin, était une pure et simple émanation initiale.

Collusion entre Laporte et Colony Capital ?

Une dernière remarque sur ce qui me semble être le scénario de gestation du projet Jean Bouin : l'homme-clef du projet, c'est Bernard Laporte. C'est lui qui, une fois ministre, a mobilisé les services de l'État sur une dilatation du projet initial. Ce parrainage de l'État n'apparaît nulle part jusqu'ici, mais on le voit bien dans ce que révèle Sylvain Garel sur cette vidéo : quand il demande le transfert des fonds de Jean Bouin vers le tramway, on lui répond à la Ville de Paris que "l'État ne va pas dépenser de l'argent pour le tramway", ce qui siginifie clairement qu'il est prévu que l'État pèse financièrement sur le projet de Jean Bouin. Cette décision a évidemment été prise quand Laporte était ministre des sports.

Le contenu du projet suggère qu'elle a été prise en concertation avec le voisin de Jean Bouin, Colony Capital. Il y a là comme une forme d'association. Et si j'étais le Stade Français (le club omnisport père de la section rugby), je me ferais des soucis, car le stade Géo André, siège du Stade, jouxte le Parc des Princes, et une collusion de Colony Capital et de Laporte devenu maître du Stade Français rugby pourrait préluder à une OPA inamicale sur Géo André, du type de celle que Lagardère a faite à la Croix-Catelan.

Enfin, si Laporte est le personnage-clef de l'affaire, sur fond de succession de Guazzini qui se met en retrait, il serait intéressant de connaître l'opinion du rival de Laporte pour la succession de Guazzini, qui n'est autre que l'ancien international Fabien Galthier.

 

03/12/2009

Scoop : le sport pro est illégal au Parc des Princes, à Jean Bouin et à Roland Garros.

Avant de détailler le scoop annoncé dans le titre du présent article, et avant de livrer dans un prochain la vidéo de la soirée passée au stade Jean Bouin, à Paris, pour conférer des derniers développements de l'affaire de la reconstruction contestée dudit stade, un mot de la soirée et de l'after sympathique passé au clubhouse de Jean Bouin avec notamment deux des organisatrices.

De l'ensemble de cette soirée, je dois dire que je dégage une opinion un peu différente, ou plus nuancée, que celle que j'ai eue jusqu'ici. Dans cette affaire, la précipitation extrême que Bertrand Delanoë a voulu imposer au cours naturel des choses est le signe d'une anomalie. Il est possible que, comme la rumeur l'affirme, Max Guazzini, en difficulté financière, souhaite se retirer purement et simplement, et que Delanoë veuille l'aider dans ce projet de retraite. L'aide consisterait ici à accélérer les événements (à les brusquer, pour tout dire) plutôt que dans le contenu du projet nouveau pour le stade Jean Bouin.

Sur le contenu du projet, il est possible que les choses soient complexes. On dit que l'entourage de Guazzini se déchirerait sur sa succession prochaine. Il ne serait pas étonnant que cette division soit la cause de l'évolution du projet de modernisation du stade vers sa disproportion actuelle.

Le manque de savoir-vivre du projet est tel qu'il faut constater qu'il ne ressemble en rien à Delanoë, ni d'ailleurs (mais pour d'autres raisons) à Anne Hidalgo. Il y a un tel manque d'intelligence dans la grossièreté du concept de nouveau Jean Bouin, qu'il faut y voir la patte d'un esprit retors, mais sommaire. Je ne parle pas de l'architecte, mais de celui qui a rédigé la feuille de route de l'architecte et dont Delanoë a endossé les vues.

L'une des heureuses conclusions de la soirée est que la démolition, qui est censée préluder à la reconstruction, ne pourra être faite avant au mieux le début de l'été. En vérité, étant donné que les conclusions du commissaire-enquêteur contraignent l'architecte à amender sérieusement son projet, je crois que l'urgence se dilue de jour en jour, ce qui va permettre à la justice d'instrumenter sereinement dans une affaire qui prend des allures de dossier gigogne : il y a, d'un côté, la question de la validité de la concession attribuée de gré à gré en 2004 à Paris - Jean Bouin Team Lagardère, et de l'autre la question de l'avenir de Jean Bouin, aussi bien pour les travaux que pour l'attribution ultérieure du site.

Au pénal, une enquête de trois ans

Pour ce qui est du premier dossier, le favoritisme est présumé sur deux éléments, l'un de fait, l'autre de droit. De droit, l'obligation de recourir à un marché public lorsqu'il y a délégation de service public. Si l'on s'en tenait à cet aspect de la question, Delanoë pourrait plaider la bonne foi. Malheureusemement pour lui, il a un adversaire extraordinaire, qui était présent ce soir et que nous avons découvert. Cet adversaire, c'est M. Picart.

M. Picart est une forte tête avec une faconde parfaitement méditerranéenne et un acharnement de vrai teigneux. Il gère une société de tennis et, d'après ce qu'il a indiqué, il lui est arrivé de prendre des concessions de stades dans certaines localités, pour lesquelles il a recouru à la formation d'un très grand juriste, le regretté doyen Vedel. C'est lui qui a obtenu du tribunal administratif l'annulation de la convention de 2004.

Il se trouve qu'à cette époque, il avait manifesté publiquement et directement son intention de concourir pour l'attribution du stade Jean Bouin, c'est l'élément de fait : il y avait un concurrent réel pour Lagardère en 2004. Je dois dire que c'est une erreur de ne pas l'avoir laissé concourir. J'avais le même genre de réactions quand je voyais Bayrou verrouiller les candidatures de la base à certains postes : c'était ridicule, et un tel signe de faiblesse que cela en disait long sur la piètre idée qu'il avait de ses propres forces.

Toujours est-il que Delanoë a préféré faire sa concession de gré à gré. Grave erreur. Ce sont les petites erreurs qui ont parfois les pires conséquences.

Car M. Picart, en inépuisable teigneux, a indiqué ce soir avoir eu maille judiciaire à partir avec Éric Raoult et quelques autres, à propos d'une subvention, voici une quinzaine d'années, et avoir obtenu non moins de 2,5 millions de Francs de l'époque de dommages-intérêts. Il est de ces natures que rien n'arrête, qui n'ont aucune limite ni aucune faiblesse du moment qu'elles se sentent dans leur bon droit. M. Picart ira donc jusqu'au bout.

Logiquement, il s'est porté partie civile dans l'enquête au pénal. Il révèle que l'enquête de la brigade financière dure depuis trois ans et qu'elle repose sur un énorme dossier. Il a obtenu photocopie intégrale de ce dossier, qui, dit-il, lui a été facturée ... 800 Euros. 800 Euros de photocopies, cela doit faire en effet une belle pile.

Cela étant, j'ai encore des dossiers de travaux que j'ai rapportés pour les stades du 16e devant le conseil d'arrondissement, et il arrive facilement qu'un seul rapport fasse cent pages. Trois ans d'enquête en couvrent peut-être des milliers.

Le commissaire-enquêteur complique la tâche de l'architecte

Sur les travaux, les info sont multiples, nouvelles ou non. L'essentiel est que le rapport du commissaire-enquêteur (dont Delanoë s'est engagé à suivre les conclusions) comporte des remarques qui affectent aussi bien le contenu du projet que sa chronologie. Il a en effet demandé que soit abaissée la hauteur maximale du nouveau stade du côté de Boulogne-Billancourt, à proximité du site Le Corbusier. Je signale au passage que progresse l'idée d'englober tout ce quartier dans un périmètre de protection architecturale liée aux utopies urbaines et en particulier à l'œuvre du Corbusier.

Il y a aussi une nette difficulté de circulation (donc de sécurité) dans la rue Nungesser et Coli, limitrophe de Boulogne, donc du même côté, qui va certainement poser des problèmes architecturaux. Enfin, certaines remarques ont eu pour effet de retarder les travaux préparatoires de la démolition, ce qui repousse celle-ci au mieux (façon de parler) au début de l'été, comme je l'ai dit. Espérons qu'elle n'aura jamais lieu.

On verra dans la vidéo un grand moment oratoire de Claude Goasguen relatant la tenue d'une réunion de la commission chargée de plancher sur l'avenir de l'attrubtion de Jean Bouin. Quelque chose de très haut en couleur.

Pour l'aspect politique, l'instrumentalisation des Verts par l'UMP pour affaiblir la gauche est manifeste. À vrai dire, si la gauche défendait des projets plus raisonnables, elle prêterait moins le flanc à ce type de manœuvres. Le report du "nouveau Jean Bouin" au-delà des élections régionales conduit naturellement le Vert Sylvain Garel, présent ce soir comme lors des réunions précédentes, à suggérer que si le score d'Anne Hidalgo est faible aux régionales à Paris, Delanoë aura moins de possibilités d'imposer les absurdes tours dont il veut enceindre Paris, et quelques autres trouvailles ubuesques, comme Jean Bouin. C'est vrai, mais le vote vert n'est pas le seul à avoir cet effet, et Claude Goasguen ne s'est pas rengorgé pour signaler que le vote UMP aurait le même effet, c'est donc que le vote vert l'arrange, on a bien compris pourquoi.

Mais je dois dire que si cette collusion me dérange, je suis obligé de reconnaître que la présence de Garel dans l'affaire a eu un effet de dépolarisation très fructueux pour notre résistance. D'une manière ou d'une autre, cet effet heureux doit trouver sa récompense.

Pour le reste, notons que Delanoë ne montre encore aucun signe d'ouverture sur le dossier Jean Bouin, au contraire, et c'est dommage, car personnellement, je verrais d'un bon œil une solution qui lui permette de sortir de l'affaire la tête haute sans avoir démoli ni Jean Bouin (la tribune historique et les bâtiments des années 1920-30) ni l'usage scolaire qui n'est ni recasé ni recasable.

Le scoop

Il est temps d'en venir au scoop annoncé : dans son discours énergique, Claude Goasguen a fait une belle envolée pour expliquer que c'est tout une conception du monde qui était désormais en jeu, la pression du sport professionnel ne cessant de se renforcer sur nos sociétés. D'un côté les scolaires, de l'autre le sport fric, deux mondes qui s'affrontent, deux façons d'envisager l'existence. Si mes images sont réussies, ce sera un bon moment de vidéo, où j'ai trouvé le meilleur Goasguen, un Goasguen humaniste qui se fait trop rare.

Au milieu de ces développements, il a invoqué une décision du conseil d'état qui, si elle est bien telle qu'il l'a décrite (il est docteur dans une discipline juridique, tout de même), va tout changer dans les relations entre les collectivités et les équipes sportives professionnelles : désormais, il ne s'agit plus de traiter ces équipes comme des entités associatives, mais comme des sociétés commerciales. C'est vrai que le sport fric est une activité commerciale, il y aurait là un effort de sincérité juridique extrêmement appréciable.

Seulement voilà : ainsi que je l'ai expliqué dans une précédente note, l'acte de Napoléon III qui a créé ce quartier y a interdit toute activité commerciale. Dès lors que le sport professionnel est considéré comme une activité commerciale, il y est donc interdit, c'est-à-dire qu'il est interdit au Parc des Princes, à Jean Bouin, et même à Roland Garros. Quod erat demonstrandum.

22/11/2009

Paris - Jean Bouin : Delanoë récuse mal le favoritisme.

Je pensais n'avoir plus à écrire sur le stade Jean Bouin, situé à Paris XVIe, mon quartier, ce n'est pas le centre du monde, et je crois que les intéressés disposent des arguments juridiques suffisants pour faire capoter le projet grotesque soutenu par Bertrand Delanoë, maire de Paris.

Mais il se trouve que celui-ci devrait être bientôt mis en examen pour abus de biens sociaux, prise illégale d'intérêt, en somme favoritisme. C'est donc l'occasion de récapituler les différents aspects de l'affaire et de réagir aux récents propos en défense tenus par Delanoë au micro de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1.

L'historique

Le stade Jean Bouin a été construit dans la foulée des Jeux Olympiques de Paris qui avaient eu lieu en 1924 sur l'ancien glacis des fortifications de l'ouest parisien. Jean Bouin avait été  avant 1914 un athlète du CASG Paris, club qui, dès l'origine en 1925, fut concessionnaire de l'équipement qui portait le nom de son athlète. Le CASG était à l'origine une émanation de la Société Générale (Club Athlétique de la Société Générale, avant d'être rebaptisé en 1919 Club Athlétique des Sports Généraux) et la Société Générale fut le sponsor du club jusqu'au début des années 2000, soit pendant un siècle. Le groupe Lagardère remplaça alors la Société Générale "à la tête du club" comme le formule très justement la notice Wikipedia.

La tribune édifiée en 1925 le fut par un grand architecte de l'époque, Lucien Pollet, le même qui construira ensuite la piscine Molitor voisine. On y trouve avec logique les anneaux olympiques dans la structure même de l'édifice qui se place dans le projet général des utopies urbaines et qui est une œuvre rare qui mériterait d'être classée monument historique en lien avec la piscine Molitor.

Autour du stade, le quartier est homogène des années 1920-1930, comptant de nombreux logements qui appartiennent à la Ville de Paris, à vocation sociale, articulés autour de deux lycées et de deux écoles primaires, le tout formant un ensemble cohérent. Il y avait à l'origine quatre autres stades utilisables par le quartier : Roland Garros, le parc des Princes, le fond des Princes, et Géo André, site originel du Stade Français. Ce dernier a été fortement écorné par le creusement du boulevard périphérique, qui a conduit à la construction d'un vaste bâtiment où se coudoient bureaux, commerces et gymnases du Stade Français. Le Parc des Princes originel a lui aussi été démoli à la fin des années 1960 pour laisser place à la construction actuelle, une structure de béton qui n'est pas sans poser de problèmes de solidité.

Jusqu'aux années 1980 le stade Jean Bouin vit sa vie avec son club résident. Ses sections sont le hockey sur gazon, le rugby, le tennis et bien sûr l'athlétisme. Il s'agit donc de ce qu'on nomme un "club omnisport".

Mais à la suite du bétonnage de Géo André et du Parc des Princes, la pression des promoteurs commença à s'exercer dès la fin des années 1970. On vit circuler dans les années 1980 un projet qui visait à remplacer le stade Jean Bouin et la piscine Molitor par un complexe immobilier de très grande ampleur, à deux pas de Roland Garros et du champ de course d'Auteuil, donc avec beaucoup d'argent à la clef. Les élus et les habitants de cette partie de Paris résistèrent alors rudement aux appétits de la municipalité parisienne de droite, et obtinrent en 1990 l'inscription partielle de la piscine Molitor à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. De ce fait, le projet immobilier était caduc. Jean Bouin pouvait respirer. Pas pour longtemps.

Le tournant de 1992 : l'arrivée de Max Guazzini

La section rugby du CASG crut pouvoir se lancer dans le haut niveau, sous l'impulsion de son président de l'époque. Ce fut un échec terrible qui entraîna la CASG dans la déconfiture financière, au point de mettre son avenir en danger. Jean Bouin redevenait vulnérable. C'est alors qu'apparut Max Guazzini, cofondateur de la radio et du groupe NRJ. Seuls les connaisseurs savaient qu'il avait été le collaborateur de Bertrand Delanoë et que ce dernier avait ensuite été le "commissaire politique" du Parti Socialiste dans le groupe NRJ, les liens entre eux n'étaient pas seulement amicaux, mais de véritables liens d'intérêt.

Guazzini, très talentueux, expansif, avait décidé d'accélérer le passage du rugby français au professionnalisme. Il assuma cette tâche en prenant le contrôle d'une nouvelle structure commune au CASG et au Stade Français, qui jouerait au stade Jean Bouin. En apparence, Jean Bouin était sauvé, mais c'était en ayant perdu une part de son indépendance. Se sentant menacé par l'impérialisme du Stade Français, le CASG rapprocha alors ses autres sections de celles du Racing Club de France (RCF) pour faire contre-poids au Stade Français, ces deux clubs étant opposés par une rivalité quasi-ancestrale.

Dès son arrivée à Jean Bouin, Guazzini s'y sentit à l'étroit. Il demanda plusieurs fois la suppression de la piste d'athlétisme qui enserre le terrain de rugby. Lorsque j'étais adjoint au maire en charge des sports, je me suis opposé à cette annexion, la piste d'athlétisme étant indispensable aux très nombreux scolaires de l'enseignement public qui fréquentent le stade. Il obtint aussi de jouer plusieurs matchs par an au Parc des Princes tout voisin. Il fit bituminer un terrain jusque-là dévolu au volley des scolaires pour un parking, et une allée sableuse qui longe la fameuse tribune Pollet.

Les choses en étaient là lorsque j'ai quitté les fonctions d'adjoint au maire du XVIe chargé des sports en 2001.

L'arrivée de Lagardère

Il m'a été donné de rencontrer Arnaud Lagardère une fois lorsque j'étais adjoint au maire : son fils apprenait le karaté dans un club du quartier, j'avais l'habitude d'assister à la fête de fin d'année du club, au stade Pierre de Coubertin, et cette année-là, Lagardère était là avec sa femme (une jolie ex-mannequin des années 1980), voulant faire la fête pour son fils qui était heureux de la fête de son club. Jean-Luc Lagardère était encore vivant, Arnaud n'était que l'héritier. C'est moi qui ai passé la médaille du club au cou de l'enfant, Arnaud Lagardère rigolait chaleureusement et me glissa, en montrant sa caméra vidéo : "Je vous ai dans la boîte".

L'arrivée de Lagardère à Jean Bouin coïncide à peu près avec la mort de son père (victime d'une opération à la clinique du sport dont les responsables viennent d'ailleurs d'être lourdement condamnés pour leurs déficiences) et avec sa prise des rênes du groupe Lagardère, en 2003. C'était aussi le temps de la préparation de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques (JO) de 2012. Arnaud Lagardère se montrait l'un des soutiens les plus solides de cette candidature, comme il soutenait Delanoë, devenu maire de Paris en 2001. En devenant le sponsor du club, il en devenait le patron de fait. Et d'ailleurs, c'est après cette époque qu'ont été implantés les affreux Algéco qui défigurent le stade et qui portent le fanion "Team Lagardère".

La candidature pour les JO de 2012 avait rouvert la boîte de Pandore de l'avenir de Jean Bouin. On y trouvait un projet de modernisation du stade qui ouvrait des incertitudes mais qui, en aucun cas, n'aboutissait à la démolition de la tribune historique ni à l'expulsion définitive des scolaires. Le renouvellement de la concession du stade Jean Bouin s'est fait pendant la procédure de candidature, et on peut légitimement se demander si l'arrivée de Lagardère à Jean Bouin n'a pas été une forme de contrepartie que Delanoë lui aurait donnée pour le soutien de la candidature de la Ville aux JO, ce qui correspondrait en effet à une logique de favoritisme.

Après l'échec de la candidature, Lagardère entreprit de développer un projet absolument faramineux pour le stade qui lui était dévolu : il s'agissait d'une sorte de dôme géant, un POPB (Palais Omnisport de Paris-Bercy) dédié au tennis, à l'ouest de Paris, comme le POPB est à l'est. La réaction des riverains et des élus fut extrêmement virulente, le projet tomba, mais le mal était fait : désormais, l'avenir du stade Jean Bouin devenait incertain.

Le projet actuel et ses péripéties

On revint donc à l'hypothèse d'une modernisation du stade de rugby actuel, qui protégeait à la fois les éléments architecturaux et l'usage scolaire. La nomination de Bernard Laporte au gouvernement, à l'automne 2007, changea encore une fois la donne : Laporte était le patron sportif historique du Stade Français sous Guazzini, c'est lui qui avait réussi à reformer à Paris la ligne mythique du pack de Bègles qui avait propulsé le Stade dans l'élite. Proche de Guazzini qui était plus qu'un ami pour Delanoë, Laporte se retrouvait parmi les favoris de Sarkozy. Le pont entre la droite et la gauche naissait à leur profit, commun à Guazzini et à Lagardère.

C'est sans doute ainsi qu'est née l'idée de dépecer définitivement le stade Jean Bouin.

En effet, le projet actuel coupe le stade en deux moitiés : au sud, le rugby dans un stade privatif ; au nord, des courts de tennis et un gymnase, dévolus officiellement à Paris - Jean Bouin, et officieusement au Team Lagardère. Le stade Jean Bouin était victime d'un Yalta, victimes devenaient le hockey, l'athlétisme, et surtout des milliers de scolaires pour lesquels on imaginait un très vague et lointain déplacement dans des terrains qui seraient créés au milieu du champ de course d'Auteuil (à pied, c'est très loin, alors que Jean Bouin est au pied de deux des trois lycées concernés), alors même que le champ de courses n'appartient pas à la Ville, mais à l'État.

On ne sait pas bien pourquoi, à ce yalta sportif qui est une bérésina scolaire, s'ajoutent 7500 mètres carrés de commerces, qui n'ont aucun rapport avec l'ensemble.

Le tout atteint le budget minimal de 150 millions d'Euros, mais les spécialistes parlent de 200 millions, voire de 300 millions, ce qui, dans un contexte de pénurie fiscale et de suppression de la Taxe Professionnelle, semble encore plus absurde.

Fin 2008, il devint évident que la concession de Jean Bouin allait poser des problèmes juridiques, et la municipalité parisienne préféra la casser unilatéralement au cours d'un vote épique du conseil de Paris. Trop tard : le tribunal administratif de Paris l'annulait en mars suivant au motif de l'absence d'appel d'offres, et cette annulation ouvrait automatiquement la procédure pénale de favoritisme. Delanoë fut convoqué discrètement par la Brigade financière en juillet, et on apprend qu'il est de nouveau convoqué pour le 2 décembre prochain, dans la perspective d'être mis en examen.

Entre-temps, 7000 personnes ont défilé à Jean Bouin pour protester contre la démolition du stade, où l'on remarquait les représentants des municipalités du XVIe arrondissement et de Boulogne-Billancourt, des deux fédérations de parents d'élèves (PEEP et FCPE pourtant réputée proche de la gauche), des syndicats d'enseignants d'EPS, de la fédération française de hockey sur gazon, et de plusieurs partis politiques, parfois même membres de la majorité municipale : UMP, Nouveau Centre, MoDem, Verts. La section du PCF du XIVe arrondissement s'est même prononcée officiellement pour que le stade Charléty devienne le stade de référence du rugby parisien, et non Jean Bouin.

Les derniers arguments de Delanoë

Lors de l'interview d'aujourd'hui, Delanoë a développé une défense en plusieurs aspects.

- il n'y a pas eu de favoritisme.

arguments :

1) la concession du stade Jean Bouin de gré à gré a été votée à l'unanimité en 2004. Si Delanoë a su trouver les arguments pour convaincre tout le monde à l'époque, on voit mal en quoi cela l'exonérerait d'un favoritisme. Il faut se rappeler que, lorsqu'il a aidé Lagardère à prendre le contrôle du RCF à la Croix-Catelan, c'est au moyen d'un appel d'offres qu'il l'a fait. Dès lors, si l'appel d'offres a permis l'arrivée de Lagardère ici et si l'absence d'appel d'offres a permis son arrivée là, on est en droit de s'interroger sur la sincérité des procédures employées, et donc sur l'éventualité d'un favoritisme.

2) la concession a fait l'objet du contrôle de légalité par le préfet. L'inefficacité du contrôle de légalité est l'un des points faibles de la décentralisation depuis 1982, ce contrôle n'empêche pas l'annulation d'un très grand nombre d'actes publics chaque année, ni l'ouverture de procédures judiciaires annexes.

3) la chambré régionale des comptes a avalisé la concession. Est-elle chargée d'un contrôle de légalité ? Non : c'est le préfet. Il lui arrive de soulever des lièvres, mais ce n'est pas systématique. Son métier est la comptabilité publique.

- la Ville a besoin d'un stade entièrement consacré au rugby et n'a pas d'alternative

Delanoë explique au passage qu'"un de ses prédécesseurs" a construit à Charléty non pas un stade de rugby, mais un stade d'athlétisme. Le prédécesseur en question, c'est Chirac. Et non, il n'a pas construit un stade d'athlétisme : il a construit un stade pour le Paris Université Club (PUC), qui est un club omnisport comme Jean Bouin et qui, à l'époque, jouait dans l'élite du rugby...

La Ville pourrait très bien faire jouer en alternance au Parc des Princes football et rugby. On m'a parlé d'une solution technique très satisfaisante employée au stade de Cardiff au Pays de Galles, qui permet de refaire entièrement le terrain à chaque occasion, et qui n'est pas plus coûteuse que l'entretien normal.

Par ailleurs, si Delanoë acceptait de considérer que Paris, ce n'est pas seulement la ville réfugiée derrière son périph, mais bien l'agglomération parisienne, l'alternative existerait immédiatement. Il faut souligner qu'il existe déjà deux grands stades sous-utilisés en Île de France : le Stade de France, et Charléty.

- le stade Jean Bouin n'a plus de concessionnaire, il y aura appel d'offres pour sa prochaine attribution

Mais ça, c'est une forme d'aveu.

Et il faudrait le dire aux gens qui soutiennent le projet de reconstruction du stade et Guazzini : car il est évident que celui-ci n'a aucune garantie de poursuivre là ses activités...

J'irais même jusqu'à dire qu'il est évident que Guazzini ne sera pas le prochain bénéficiaire de la concession du stade Jean Bouin, non plus que Lagardère qui a pourtant dopé (si j'ose dire - c'est un mot qu'on ne prononce jamais dans les tribunes d'honneur des clubs, on se demande pourquoi...) l'équipe du RCF pour la propulser dans l'élite.

Comme je l'ai souligné dans l'une des vidéos que j'ai consacrées à ce sujet, celui qui va évidemment tirer les marrons du feu à Jean Bouin, c'est Colony Capital, concessionnaire du Parc des Princes, et dont le métier est justement l'immobilier, et en particulier l'immobilier commercial ! Voici cette vidéo et le lien avec mes précédents articles et vidéos sur ce sujet : surtout, et et .

La destruction de la tribune historique du stade Jean Bouin serait une grande perte pour nos monuments historiques, et la mise à l'écart de milliers d'élèves qu'on se propose de transbahuter en autocar dans les embouteillages parisiens pendant un nombre d'années indéterminé serait un signal extrêmement funeste donné à notre avenir : le sacrifice des scolaires au sport fric (où la triche est la règle comme Henry l'a montré) serait tout simplement un scandale.

Le Collectif Jean Bouin appelle à un nouveau rassemblement sur place le 2 décembre à 19 heures.

24/10/2009

Les réactions du Crédit Agricole et d'autres lecteurs de mon blog.

Suis-je enfin devenu un vrai blogueur ?

Il y trente-trois mois que j'ai ouvert ce blog, c'était en janvier 2007, à l'image de Quitterie, dans une fièvre de découverte du poids de l'Internet dans le débat public et dans la circulation de l'information. Depuis sa création, mon blog m'a ressemblé : éclectique, inégal, éparpillé, mais en même temps dédié, parfois bavard, parfois elliptique, mélangeant les réminiscences et les commentaires, et découvrant peu à peu, étape par étape, ce qui pouvait devenir son vrai ton, son vrai sujet.

Brassens disait à un jeune chanteur : "Tu verras, au début, tu ne pourras parler que de toi, et puis ..."

Les événements récents me donnent à penser que la première phase est terminée, ce qui ne signifie d'ailleurs pas que je vais cesser de parler de moi, mais que la portée de mon blog va changer. C'est pourquoi je suis heureux d'être définitivement débarrassé de l'étiquette militante.

En fait, mon blog est désormais lu par ceux qu'il concerne.

Le Crédit Agricole demande une sorte de droit de réponse.

Dans mon article de mercredi soir, j'évoquais le véritable cas d'école que constituait l'amas de frais bancaires qui s'était abattu sur moi dans le dernier trimestre, et en particulier en septembre. Pour mémoire, je rappelle que j'ai subi, ce mois-là, pour des dépenses par carte bancaire de 1381 Euros le montant extravagant de 496 Euros de "frais d'opérations sur compte débiteur". Ces 500 Euros (ou presque) ont dû représenter au moins 60 % de la position débitrice moyenne du compte ce mois-là. Or 60 % en un mois, multplié par douze, ne font pas moins de 720 % de frais, un TEG (taux effectif global) de 720 % par an, plus de trente fois le taux dit de "l'usure" (pour mémoire, la définitiion de l'usure et de l'usurier par Wikipedia).

Il se trouve que le directeur de l'agence de Pont-l'Abbé, concernée, a lu cette note sur mon blog.

Voilà, ç'aurait pu ne jamais arriver, ma note aurait pu glisser aux oubliettes, "vox clamans in deserto", mais l'impact a été presque rapide : cet après-midi, après que la position du compte est redevenue positive, un homme se présentant comme le directeur de l'agence m'a téléphoné sur mon portable. J'étais au cinéma, mais le film n'était pas fameux (je n'en parlerai donc pas), j'ai donc discuté avec M. le directeur.

Il me disait "c'est vrai, j'ai vérifié, vos chiffres sont exacts, mais je trouve qu'il aurait été plus honnête que vous précisiez que nous vous en avons rendu 190 Euros".

Mes chiffres sont exacts, pas les siens : ce sont 196,64 Euros qui m'ont été restitués. Je ne savais pas à quoi correspondait la ligne comptable "remboursement sur facturation" que j'avais trouvée en consultant mon compte sur Internet. J'ai cru que c'était un trop-perçu d'une note d'électricité. Rien ne m'avait informé de cette remise gracieuse bancaire, alors même que j'ai opté pour l'utilisation de la fonction Internet de mon compte, et que je sais que mon agence a mon adresse mail, la demoiselle SG qui surveillait mon compte récemment encore a eu l'amabilité de répondre à l'un des mails que je lui ai adressés et qui, de fait, nécessitait réponse, ce qui n'est pas toujours le cas.

Quoi qu'il en soit, on peut déplorer que M. le directeur n'ait pas noté qu'Internet est là, justement, pour permettre le débat public et les droits de réponse en direct : que n'a-t-il déposé un commentaire sur mon blog ?

Je reprends donc mon calcul en lui donnant acte des 196,64 Euros restitués. Il ne reste, si j'ose dire, en septembre, "que" 300 Euros de frais sur des dépenses de 1381 Euros, et sur une position débitrice moyenne qui doit tourner autour de 700 ou 800 Euros. Par rapport aux dépenses, les frais se montent encore à plus de 20 %. Par rapport à la dette, ils ne tournent plus "que" autour de 40 %, ce qui, rapporté à douze mois, atteint le niveau de "seulement" 480 %, guère plus d'une vingtaine de fois le taux de l'usure. Quel progrès !

M. le directeur me signalait aussi qu'il aurait été possible à la banque de rejeter les dépenses émises par ma carte bancaire. C'est vrai, mais avec un taux de vingt fois l'usure, pourquoi l'aurait-elle fait, puisqu'elle me savait solvable ? Si elle avait été de bonne foi, elle m'aurait proposé ce qu'on nomme une "convention de découvert" provisoire, plafonnant les frais.

Enfin, M. le directeur, en porte-parole zélé de son organisation, m'indiqua que ces frais figuraient en toutes lettres dans le règlement de la banque. Ah, le règlement ! Courteline, à moi ! le règlement...

Quand les règlements sont stupides ou illégaux, faut-il les appliquer ? Euh, ben oui, M'sieur, dit le simple ou le paresseux.

Mais non.

Il y a quelque part dans les lois de l'État français l'obligation pour les agents publics de désobéir à un ordre manifestement illégal. En vérité, cette obligation pèse sur tous les salariés, chacun étant un citoyen en plus d'un employé.

Or à 720 % de TEG, on a jugé à Pont-l'Abbé que le règlement devait être illégal, mais pas à 480 %. Dommage.

Allons, me direz-vous, ce règlement est-il si illégal que cela ? Eh bien, j'ai découvert avec amusement que, mercredi, les "grands esprits" s'étaient "rencontrés" comme on dit, on lit sur le site 20 minutes :

«Leurs taux frôle l'usure». Marie-Jeanne Husset, directrice de «60 millions de consommateurs» demande des comptes aux banques françaises.

Le même jour, le "Canard Enchaîné" expliquait à la une : "les banques gagnent plus en prêtant moins".

Hélas, l'affaire du fils à papa a tout effacé ce jour-là, et l'utile campagne contre les taux usuraires pratiqués par les banques est tombée aux oubliettes. Dommage.

Et maintenant, interrogez autour de vous : est-ce que votre banque n'aurait pas subitement été plus coulante sur les chèques et les cartes sans provision ? Ce micro-trottoir vous enseignera rapidement : bien sûr que oui, les banques ont laissé filer pour prélever plus de frais et, ainsi, rembourser plus vite l'État. Malin. Sauf que... et si les gens suivent la jurisprudence de la Cour de Cassation et réclament les frais trop perçus ? Crrrrrac. Imaginez que vous réclamiez tous les frais perçus par votre banque, qui dépassent le taux de l'usure, sur les trois dernières années. Eh bien, vous feriez un touché-coulé, bien pire que la crise financière de l'an dernier.

Voilà qui, sans doute, justifiait un contre-feu puissant et le désistement de Junior, fils du président de la République Bananière Française, de sa fumeuse candidature à la présidence de l'EPAD.

Le stade Jean Bouin vivra

Deuxième occasion qui m'a permis de toucher du doigt que mon blog avait changé de nature (en fait, chronologiquement, c'était avant, mais peu importe) : la matinée de dimanche où, au stade Jean Bouin, nous avons manifesté contre Ubu-Delanoë qui veut chasser les scolaires pour faire du fric.

Lorsque je suis arrivé au stade, l'adjoint au maire du 16e chargé des sports, Yves Hervouet des Forges, m'a prié de monter dans la tribune, parmi les élus et les invités d'honneur. "Merci de ce que tu as fait avec ton blog". Je trouvais un peu surréaliste d'être ainsi accueilli non pas par Yves que je connais depuis longtemps et que je tutoie chaleureusement, mais par l'UMP, puisque sur mon blog, je dénonce la collusion de la municipalité de gauche parisienne et d'hommes d'affaires proches du pouvoir sarkozyste.

La surprise fut encore plus grande quelques instants plus tard, lorsque je me fus assis : mon voisin de gauche se présenta à moi et, lorsque je commençai à répondre "je suis l'ancien adj...", je n'eus pas le temps de terminer ce mot : "C'est vous qui avez fait les vidéos !", et je vis que tout le monde avait vu mes vidéos, et lu mon blog. C'était étonnant : la droite affectait de n'y voir que les attaques contre Delanoë sans prendre la mesure de ce que j'accusais, mais c'était surtout la première fois que je mesurais en direct l'impact d'un blog, et surtout de mon blog. Je dois reconnaître que c'était excitant.

Je vis d'ailleurs monter dans la tribune Serge Federbusch, animateur du site Delanopolis, et désormais proche de la Gauche Moderne, donc du pouvoir sarkozyste, qui était lui aussi très chaleureux. Sa note que je mets en lien me réconcilierait plutôt avec Delanoë en me brouillant avec Delanopolis, et rend encore moins compréhensible l'attitude de la municipalité à Jean Bouin, car en définitive, il s'agit là de favoriser la promotion privée (ailleurs brimée par Delanoë si l'on en croit Federbusch) au détriment des scolaires de l'enseignement public.

Quoi qu'il en soit, il y a eu un déclic dans cet océan de louanges et d'affection : c'est quand j'ai sorti ma caméra vidéo de ma poche et commencé à filmer ce que je voyais autour de moi. Par réflexe, j'étais redevenu blogueur. Il fallut un petit moment pour que ma caméra fût remarquée, mais dès qu'elle le fut, il y eut subitement une effervescence, on repoussa des gens dans la tribune, il fallait faire de la place pour les gens portant des écharpes, bref, j'étais moins bienvenu (c'est si effrayant, une caméra d'Internet...).

Alors, sagement, j'ai offert de quitter la tribune et je suis redescendu sur la piste, avec les autres caméras et les autres appareils de photo, dans mon camp.

Blogueur ? Journaliste ?

Encore quelque temps avant la matinée de Jean Bouin, j'étais allé à Bayeux pour le prix Bayeux - Calvados du correspondant de guerre. Il se trouve que le président était cette année un de mes cousins, Patrick Chauvel, vétéran de ce métier dangereux qu'il exerce depuis quarante ans, depuis le Viêtnam.

Patrick est une légende dans son métier, originellement celui de photographe de guerre, il a obtenu le prix américain qui est juste en deçà du Pulitzer, voici déjà une trentaine d'années. Je me souviens de ses retours du Liban, au début de la guerre, en 1975-76, il racontait cette guerre folle où les gens, rentrant du bureau, sortaient une kalachnikoff d'un placard et entreprenaient de se tirer dessus entre voisins de palier, puis d'un immeuble à l'autre. Le nom magique de cette époque était l'hôtel Commodore où étaient rassemblés les correspondants de guerre, et lorsque quinze ans plus tard, j'ai été raccompagné du mariage du Libanais Antoine Basbous par le journaliste Olivier Mazerolle, celui-ci parlait encore de cet hôtel Commodore, avec une étrange nostalgie. Entre-temps, j'étais moi-même allé au Liban dans une année dangereuse, en 1986.

Patrick, donc, présidait cette année le festival, un festival malin, puisque Bayeux est un théâtre de guerre (le Débarquement en 1944), et puisqu'y est conservé l'un des tout premiers reportages de guerre : la Tapisserie de Bayeux, qui relate la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066. Jean-Léonce Dupont, sénateur (Nouveau Centre) du Calvados et ancien maire de Bayeux, créateur du prix, est d'ailleurs, paraît-il, un ancien prof.

Il y a déjà longtemps que j'entends Patrick et ses collègues se plaindre à juste titre que leur métier n'est pas considéré, qu'une photo de guerre, si exceptionnelle soit-elle, n'atteindra jamais le millième de la valeur de celle du cul d'une starlette du moment attrapée par un paparazzi. Mais après des décennies de difficultés, la crise est forcément à un paroxysme, en raison de la crise qui frappe la presse et les médias.

Je l'interroge donc (en pestant de n'avoir pas ma caméra avec moi et en regrettant de n'avoir pas l'excellent Éric pour surenchérir sur mes questions) sur l'émergence de l'Internet, sur l'effondrement de la presse dite traditionnelle. Et Patrick, qui à vrai dire a croisé des dangers bien plus épouvantables que la chute de la presse dans sa vie (blessé plusieurs fois, notamment au Cambodge en 1973 et laissé pour mort à Panama en 1989), me répond que les nouvelles technologies ne changent pas le fond du métier. "Bien sûr, la presse a un tournant serré à négocier, certains ne s'en relèveront pas, mais..." mais l'info continuera, parce que les journalistes sont là pour témoigner.

Je n'ai pas encore lu, à ce moment-là, l'article signalé par le même Éric aujourd'hui sur l'évolution de la nature des blogueurs aux États-Unis, paradoxal contre-point de la note d'Éric aujourd'hui sur le surclassement des blogueurs par les twitters (j'ai un autre cousin twitter en vue, mais sous pseudo, chhttt).

Au passage, avec les journalistes de guerre, on voit pourquoi l'occident ne peut pas gagner la guerre en Afghanistan : il y faudrait au moins un million d'hommes sur le terrain, et encore : le soldat américain, avec ses trente kilos de barda, auxquels s'ajoutent son casque et divers accessoires, ne peut pas rivaliser avec les bergers afghans, tireurs d'élite, connaissant le terrain mieux encore que leur poche, et bénéficiant partout de caches. Ces bergers tuent un homme à 400 mètres avec un vieux fusil (sans lunette) qu'ils enfouissent aussitôt dans le sable, avant de s'éloigner au milieu du bêlement de leur troupeau. Pendant ce temps, les compagnons du soldat tué avisent la hiérarchie qui, plusieurs heures plus tard, envoie mille hommes sur le terrain, des hélicoptères, parfois bombarde à tort et à travers, cependant que le berger est déjà loin, au calme, insaisissable, innombrable.

Et aujourd'hui, puisque je suis peu à peu gagné par la logique et les réflexes du blogueur, je dois avouer que ces témoignages de journalistes, ces réflexions sur l'évolution de l'information, sur la place des blogueurs dont certains, à force d'en vivre, peuvent être qualifiés de journalistes, me semblent prendre un poids et un sens plus grands.

C'est vrai, au fond, qu'un blog est un média, un vrai. Et je commence seulement à découvrir la perspective du mien.

18/10/2009

Paris - Jean Bouin : forte mobilisation.

Plus de 6000 personnes sont venues ce matin au stade Jean Bouin, à Paris 16e, affirmer leur volonté de voir épargnées les installations actuelles du stade Jean Bouin et leur souhait que soit limitée l'extension du terrain de rugby à une rénovation déjà lourde, puisque chiffrée à 40 millions d'Euros. EDIT : article et photos (dont une de moi) par le site Paris 16 info.

Je devrais donner dans les prochaines semaines une vidéo plus détaillée, un parent d'élève disposant d'une caméra et d'une expérience meilleures que les miennes m'a accompagné et nous avons pu interviewer déjà le représentant des Verts Sylvain Garel, le maire de Boulogne-Billancourt Pierre-Christophe Baguet, le président des associations sportives du XVIe (EDIT : l'intéressé m'a demandé de rectifier son titre ce que je fais bien volontiers, vu ses éminentes fonctions municipales où je l'ai précédé : il est adjoint au maire du XVIe chargé des sports) Yves Hervouet des Forges, la présidente du MoDem de Boulogne Jeanne Defranoux (j'ai aussi pu rencontrer le blogueur Sylvain Canet, ex-tête de liste MoDem de Boulogne), et rendez-vous a été pris avec Claude Goasguen pour une interview plus au calme.

Sur le fond, la détermination de la municipalité de Boulogne à invoquer l'interdiction de commerce faite par le texte de Napoléon III détachant ce quartier du Bois de Boulogne m'a rassuré : la juridiction administrative a déjà consacré cette disposition dans le droit positif, les 7500 m2 de commerces devraient donc être rendus impossibles. De ce fait, à mon avis, le projet tombera. Affaire à suivre. Avec un certain culot, la municipalité parisienne présente les commerces comme le moyen de financer ce projet faramineux. Étant donné que leur construction représente à elle seule 50 millions d'Euros, on voit que l'aplomb sarkozyste fait des émules (ah, les fils à papa !).

Par ailleurs, on m'a signalé que le PCF du 14e arrondissement demandait (bien que l'adjoint au maire de Paris en charge du dossier soit lui aussi communiste) à ce que Charléty devienne le stade officiel du rugby parisien. Voici un excellent article du site La Voix du 14e, et la position officielle du PCF local. La majorité se lézarde donc de plus en plus sur ce sujet où l'entêtement de la municipalité parisienne est invraisemblable.

Enfin, à propos du MoDem encore, on m'a signalé qu'on ne comprenait pas bien comment Marielle de Sarnez, lors du vote de la motion présentée par les Verts parisiens, n'avait pas trouvé le moyen de donner un pouvoir, si elle ne pouvait être présente elle-même.

En attendant la vidéo en préparation, voici queques images d'ambiance :

 


PS : J'apprends par Générations engagées le décès de Francis Muguet qui, contre Hadopi, avait proposé un "mécénat global" sur lequel Quitterie avait attiré notre attention. Il disait d'ailleurs grand bien de Quitterie.

04/09/2009

"No pasaran" et le stade Jean Bouin.

Soirée thénatique, c'et imparable : de 7 à 9 à la mairie du XVIe arrondissement pour débattre de l'avenir du stade Jean Bouin (et accessoirement de l'hippodrome d'Auteuil, dans le Bois de Boulogne). De 10 heures à minuit aux Champs-Élysées devant le film "No pasaran". Deux points communs pour cette soirée thématique : le rugby, et l'apparition d'un supposé progrès dans un paysage calme.

L'histoire du stade Jean Bouin

Je ne vous infligerai pas le calvaire d'un historique remontant aux calendes celtiques, mais tout de même : la paroisse primitive englobant Boulogne, le Bois, Auteuil et Passy, se nommait, au temps de Clovis et un peu après, "Nemetum". Est-ce un mot franc, un mot romain ? Non, c'est un mot gaulois : le nemeton est le bois sacré des temps druidiques. Ce Bois était tellement sacré que, deux mille ans plus tard, il en reste un grand bout, irréductibe, le Bois de Boulogne.

Dans les années 1850, Napoléon III, l'empereur bling-bling, écouta l'idée de génie d'un de ses conseillers qui voulut faire un nouveau quartier, ultra-snob, qui serait pris sur le Bois de Boulogne. Ce quartier s'appellerait (on se croirait dans Astérix),  non pas le Domaine des Dieux, mais le quartier des Princes. De ce quartier est né le Parc des Princes, par exemple, qui a succédé à un autre stade qui avait une vocation fort différente. Dans ce quartier des Princes, selon le décret bling-bling, on ne pouvait faire commerce, et on devait faire du sport. Là furent implantées les Serres d'Auteuil dont je vous recommande la visite florale, et progressivement une série d'équipements sportifs implantés notamment sur l'espace gagné par la démolition des anciennes fortifications de Paris. Il y eut le Parc des Princes, le stade du Fond des Princes, et puis deux fleurons : Roland Garros et Jean Bouin, dont le dispositif fut complété par une piscine d'architecture très inspirée pour son époque (les années 1920) : la piscine Molitor. Je pourrais d'ailleurs y ajouter Géo André, stade originel du Stade Français (club omnisport dont le rugby est la vitrine), et même le stade Pierre de Coubertin, qui est en fait un monument regroupant des gymnases, célèbre pour l'escrime et le judo.

Jean Bouin a encore sa tribune d'honneur datée de 1925, une rareté que les projets de la municipalité parisienne promettent aux dents d'acier des bulldozers, alors qu'on devrait la classer.

Jean Bouin a eu son heure de gloire, il y a très longtemps. Puis progressivement, au même rythme que d'un côté le vieux Parc des Princes dédié au cyclisme subissait l'éclatante métamorphose qui l'a changé et temple de béton, et que de l'autre côté Roland Garros devenait l'une des références mondiales du tennis à grand spectacle (dévorant même le stade du Fond des Princes), la piscine Molitor s'assoupissait comme une Belle au Bois (de Boulogne) Dormant, et Jean Bouin se ramollissait en stade de quartier, oublié entre les deux géants.

Dans les années 1980, il était même si assoupi qu'un promoteur eut l'idée de raser lui et la piscine, et de bâtir des immeubles de quinze étages. Les druides ont dû se retourner dans leur tombe. La démolition de la piscine Molitor était imminente lorsque Jack Lang, par pure malice, pour casser les pieds de Chirac alors maire de Paris, eut la bonne idée de faire classer une partie de la piscine par son ministère de la Culture. La piscine était sauvée, mais depuis, elle est au piquet, l'administration municipale de Paris lui en veut. L'ancien directeur des Sports de la Ville m'a dit en 1995 : "Moi vivant, jamais la piscine Molitor ne sera restaurée". Elle n'a pas bougé depuis malgré les promesses de Delanoë.

De son côté, Jean Bouin a traversé une période de turbulence au début des années 1990 : un entrepreneur voyait grand pour l'équipe de rugby du Club Athlétique des Sports Généraux (CASG), la structure associative alors résidente du stade. Il fit beaucoup, mais récolta un désastre financier, qui mit l'existence même du CASG (et donc de Jean Bouin) en péril. C'est alors qu'apparut un chevalier blanc : Max Guazzini, cofondateur de la radio NRJ et propriétaire de 5 % du groupe, ce qui alors devait faire quelques centaines de millions de Francs. Guazzini proposait d'absorber la section rugby du CASG et son gouffre financier dans une nouvelle structure, paritaire avec le Stade Français. L'équipe s'appellerait Stade Français - CASG, elle jouerait à Jean Bouin. Guazzini injectait 15 millions de son argent et apportait son savoir-faire.

L'histoire est connue : en trois saisons, l'équipe atteignit l'élite, sous l'impulsion notamment de son entraîneur Bernard Laporte (dont l'image n'était pas aussi sulfureuse alors qu'elle l'est aujourd'hui). Puis ce fut le sommet, les boucliers de Brennus (encore un Gaulois) en chapelet, puis les calendriers érotiques et le maillot rose de meilleurs grimpeurs du rugby mondial, par la face Nord.

Lorsque j'étais élu chargé des sports dans ce quartier, l'aventure de Guazzini m'était sympathique, j'allais souvent à Jean Bouin soutenir l'équipe. J'y croisais des journalistes sportifs, des gens des médias, du fric, et Pascal Nègre. Je n'ai jamais réussi à y faire venir Bayrou pour un match Paris-Pau.

Dès ce temps, Guazzini se trouvait à l'étroit dans son terrain herbeux, il rêvait de plus grands espaces, débordait sur le Parc des Princes, et louchait sur les parties du stade qui ne lui étaient pas dévolues.

Il faut dire que, comme stade de quartier, Jean Bouin est crucial : il y a un stade purement municipal (pour le moment) juste à côté, et les deux doivent suffire à environ 6000 élèves du secondaire public, plus les centaines d'adhérents des sections athlétisme, football, basket, hand, et hockey sur gazon (très nombreuse à Jean Bouin, l'un des rares stades parisiens à pratiquer encore ce sport). Cette situation incontournable a retenu longtemps la municipalité parisienne de succomber aux instances du grand Max.

Fin 2006, on m'a parlé d'un projet dit "Paris 2012", dans le cadre de la candidature de Paris aux Jeux Olypiques (JO) de 2012. Il s'agissait de construire une tribune nouvelle, ou de surélever celle qui existait du côté de Boulogne (l'une des rues qui bordent le stade est frontalière de la ville de Boulogne-Billancourt). Mouais. c'était encore du béton, mais de toutes façons, il va bien falloir moderniser un peu Jean Bouin qui, il est vrai, est vétuste. En contre-partie, on proposait d'ouvrir enfin l'espace central de l'hippodrome d'Auteuil pour y implanter des terrains de sport. La contrepartie était valable. Quand on me demanda mon opinion, j'indiquai qu'on pouvait voter le projet, ce qu'ont fait, je crois, les élus UDF (ou la plupart d'entre eux, même Bariani concerné de près) en février 2007.

Apparemment, dès la fin 2007, le loup était sorti de la bergerie, et le projet actuel commençait à circuler. Il faut dire qu'entre-temps, Laporte, proche de Guazzini, avait été nommé au gouvernement... Guazzini parvenait à mettre en synergie, à son profit, la droite et la gauche.

Sur le papier, c'est séduisant : un stade hi-tech, éclairé grâce à des panneaux solaires, utilisant l'eau de pluie pour arroser le gazon, et construit avec des matériaux peu carbonés. Seulement voilà : ce stade "fait" 20000 places. À côté du Parc des Princes, c'est comme une réplique en miniature de l'épouvante. Et surtout : exit les scolaires, place aux vrais sportis, ceux qui sont là pour éclabousser l'écran d'une gifle de paillettes et pour faire du fric, du vrai. Et bien entendu, revoilà notre promoteur, un peu plus modeste, qui veut implanter des tas de boutiques dans le nouveau stade, petit colosse.

En somme, on dépense au moins 150 millions d'Euros (trois fois le montant nécessaire à la restauration de la piscine Molitor, 150 ou 200 fois de quoi construire une crèche dans le XIIIe ou dans le XIXe) pour évacuer du sport scolaire et associatif et le remplacer par du sport bling-bling.

Et tout ça, par une municipalité de gauche.

Un cauchemar.

Anne Hidalgo et son adjoint aux sports ont mal défendu, ce soir, un dossier qui n'est pas défendable autrement qu'en exprimant ce qu'ils ont fait : la haine des gens du XVIe, une haine stupide et aveugle, qui ignore complètement la réalité sociologique de l'arrondissement, notamment du sud. Certes, je ne dirai pas que le XVIe soit un quartier déshérité, mais si l'on y voit une population d'environ 150000 habitants, dont environ 20 % votent à gauche, on ne sera pas loin de considérer que les 6000 gamins du secondaire public sont ceux dont les parents votent pour Delanoë, et qui n'ont pas de solution de rechange à la disparition d'un équipement de quartier comme Jean Bouin.

Et d'ailleurs, les prof d'EPS (j'ai cru d'abord qu'ils étaient prof de PS et je ne comprenais pas) étaient là, ce soir, fous de rage, véhéments : personne ne les a consultés, ni eux ni les chefs d'établissements. "Nous travaillons avec  le rectorat, seul compétent, puisque c'est lui qui attribue les créneaux horaires dans les stades", plaidait Hidalgo. "C'est faux ! hurlaient les prof d'EPS, personne n'est consulté ! Il n'y a rien au rectorat !"

La seule compensation proposée est gorgée d'arrière-pensées politiques honteuses : si les terrains de sport (qui doivent accueillir les activités devenues impossibles à Jean Bouin) ne se font pas à l'hippodrome d'Auteuil, ce sera la-faute-à-la-droite, puisque c'est la droite qui gouverne et que l'hippodrome est à l'État. Certes, c'est politiquement satisfaisant, de pouvoir dire c'est-la-faute-à-l'autre, mais en attendant, qu'est-ce qu'on fait des 6000 gamins qui n'ont pas de stade ?

6000 gamins qu'on va promener en autocar, pendant au moins 3 ans, dans des stades du XVe (l'arrondissement qu'Hidalgo n'a pas gagné en refusant de s'allier avec le MoDem) ou peut-être du XVIIe. À raison de 35 jeunes par autocar, ça fait environ 170 rotations par semaine, 170 allers et 170 retours, dans les embouteillages, dans la pollution, et produisant de la pollution. Une réussite. Et si le champ de courses traîne, ce sera pour des années, des années, des années... des années... des années... 170 allers, 170 retours par semaine, 700 par mois.

Depuis vingt ans que la piscine Molitor a fermé, les enfants des écoles primaires publiques du XVIe n'ont plus que 40 % des créneaux horaires de piscine nécessaires. Des générations entières ne sont jamais allées à la piscine de toute leur scolarité primaire. Tout ça parce que des connards de politique trouvent ça marrant de pouvoir dire c'est-la-faute-à-l'autre. Et j'invite ceux qui croient que les écoles publiques du XVIe sont des annexes du Jockey-Club à faire la sortie des écoles, pour comprendre la sottise de leurs préjugés.

Or concernant le champ de course supposé servir d'espace sportif de rechange, on a des raisons d'être sceptique : les procédures de décision sont infiniment lourdes le concernant, parce qu'il appartient à l'État, qu'il implique quatre ministères différents (chacun avec son esprit de clocher), que la Ville de Paris en est en partie concessionnaire (ou l'était jusqu'en 1999), que le concessionnaire (France Galop) ne pense qu'au fric, et que tout cela a fait que, de 1999 à 2006, l'exploitation des champs de course du Bois de Boulogne n'avait plus aucun support juridique : de 1999 à 2001, le gouvernement de gauche ne voulait pas s'entendre avec la Ville de Paris de droite. De 2001 à 2002, c'était trop court, et de 2002 à 2006, c'était le gouvernement de droite qui ne voulait plus s'entendre avec la Ville de Paris de gauche, la roue avait tourné. Ubu roi. Kafka. Enfin, il a fallu toute la savante diplomatie de Rothschild, nouveau patron de France Galop, pour parvenir à faire sortir les champs de courses de la gestion de fait dans laquelle ils traînaient depuis des années parce que nanana la droite ne travaille jamais avec la gauche et réciproquement, car c'est beaucoup plus satisfaisant de pouvoir dire que c'est-la-faute-à-l'autre.

Donc, en résumé, on a un stade un peu vétuste qui mériterait un toilettage (pour pas cher), on a un président de club sportif qui veut faire dépenser au moins 150 millions d'Euros (d'aucuns disent 200 millions) à la Ville de Paris pour un stade où son équipe jouera ... huit ou dix fois par an ... Hein ? 200 millions d'Euros, les scolaires à la rue, pour un stade où on va jouer huit ou dix fois par an ?????

Pincez-moi. On a une municipalité de gauche, à Paris ?

Et qu'ont-ils de génial à dire pour leur défense, les politiques promoteurs de ce projet génial ? C'est que dans tout le XIXe arrondissement, il y a en tout et pour tout 3 grands terrains de sport. Trois. Diable, c'est vrai, ce n'est pas beaucoup, c'est un chiffre honteux, on voit qu'ils sont au pouvoir depuis huit ans et qu'ils ont massivement investi pour que l'Est parisien rattrape son retard sur l'Ouest... Hum. Donc, pan dans la gueule, vilains petits bourgeois du XVIe (je crois avoir assez démontré que ce n'étaient pas les bourgeois du XVIe qui allaient trinquer, mais les autres), vous qui avez plus de terrains que les autres, on vous les sucre et on les donne à n'importe qui qui va y faire du pognon. En somme, il ne s'agit pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais de déshabiller Pierre pour n'habiller personne. De déshabiller Pierre pour déshabiller Pierre.

Du temps où je m'en occupais, la création d'un terrain de football coûtait environ 1,5 million de Francs, soit 230000 Euros. J'ai cessé en 2001, mettons que les prix aient fortement augmenté depuis, allez, disons 400000 Euros. 200 millions d'Euros, ce sont 500 terrains de football que la municipalité pourrait créer dans les quartiers qui en manquent. 500 terrains de football. Mais non, il est plus urgent de punir les nantis du XVIe (qui votent si mal) en leur ôtant les terrains qu'ils ont. Na.

C'est bête à pleurer, à manger du foin.

Enfin, cerise sur le gâteau, Mme Hidalgo a failli nous faire pleurer (d'émotion et d'attendrissement, cette fois-là), en nous expliquant que la construction de ce nouveau stade allait créer des centaines d'emplois dans le bâtiment.

C'est là qu'on rejoint la seconde partie de notre soirée thématique :

"No pasaran"

L'histoire de "No pasaran", vous la connaissez, nous la connaissons, nous l'avons vue à la télé, lue dans la presse, quand nous regardions encore la télé et lisions encore la presse. C'est celle des Pyrénées, de la Vallée d'Aspe, des constructions d'autoroutes et de la réintroduction des ours.

Voici un paysan pyrénéen, 40 ans, toujours puceau (comme dit un autre film), mais un artiste du jambon (mmh j'ai eu une furieuse envie de dévorer un jambon de montagne en sortant du cinéma). Son député-maire est tout fier d'annoncer que sa belle vallée va accueillir le progrès, une autoroute, l'axe européen E38. Fini le bon air. Mais il ne va pas se laisser faire, notre jambonneur, il va faire appel à une éco-terroriste (Rossy de Palma échappée de la grande époque d'Almodovar, une virtuose du coup de poing au service de l'environnement, fort critique contre les écologistes qu'elle accuse d'être plus attachés à leurs éco qu'à autre chose) et, bref, le film est très drôle, quelques clichés, beaucoup d'idées tout à fait idiotes et délectables.

Et l'argument est connu : l'autoroute, c'est le progrès. Mais est-ce le seul progrès possible ?

Et en apparence, la construction du nouveau stade, ce sont des emplois, c'est le progrès, le sport de haut niveau, à Jean Bouin, c'est le progrès, ce beau stade tout bardé de certificats de développement durable, c'est le progrès. Ouais, sauf que, en fait, on pourrait s'en passer, on n'en a pas besoin, il y a déjà deux grands stades sous-utilisés en Île de France : le Stade de France et Charléty (à Paris XIIIe). Pourquoi construire un stade de plus quand on n'utilise pas ceux qu'on a ?

Et pourquoi cette autoroute saloperait-elle la Vallée d'Aspe quand on pourrait faire autrement, développer d'autres moyens de transport ? Alors, "no pasaran", le cri des communistes espagnols d'autrefois, traduction du fin mot des poilus de Verdun : "Ils ne passeront pas".

06/12/2008

La rumeur.

Cette note fait suite à la précédente sur les médias.

En ouvrant aujourd'hui l'hebdomadaire "Marianne", j'y ai trouvé un entrefilet selon lequel Claude Goasguen estimait que le débat sur la nomination du président de France Télévision était un faux débat, puisque Sarkozy allait nommer quelqu'un de gauche à la tête de France Télévisions.

De gauche ?

Évidemment, si c'est Claude Allègre...

Plus sérieusement : info ou intox ?

Goasguen est maître ès rumeurs. Dans le XVIe par exemple, il a passé toute sa campagne municipale à faire courir le bruit que le maire sortant, Taittinger, serait maintenu, ce qui finalement n'a pas été le cas lors du vote du conseil d'arrondissement qui a élu... Goasguen.

Donc... info ou intox ?

On imagine aisément qu'avec une telle intox, une partie de la gauche ait pu être démobilisée, a fortiori si c'est une info. Finalement, la note de Quitterie Delmas pourrait bien être plus subtile qu'il n'y paraît.

15:20 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : médias, ps, ump, goasguen, marianne | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

20/09/2008

Paris 16e : la fête contre l'environnement.

Les forains sont des gens coriaces. Ils versent toujours leur redevance d'utilisation des espaces publics (en diazines de milliers d'Euros) en espèces et ne se déplacent jamais sans armes. Campion, patron des forains français, avait la réputation d'être très proche de Jacques Chirac.

À la fin de l'époque Chirac, c'est-à-dire au début des années 1990, deux maires d'arrondissement UDF tentèrent de lutter contre l'implantation de fête foraine sur leurs pelouses. Le premier était le vieux Paul Pernin, dont la pelouse de Reuilly, dans le XIIe, était chaque année dévastée. Le deuxième, Pierre-Christian Taittinger, voulait protéger la pelouse de la Muette, dans le XVIe.

Pour Pernin, les choses n'allèrent pas sans difficultés : il y eut une vague d'attentats à la bombe artisanale de petit format, localisée dans son arrondissement, durant de longs mois. En 1995, le vieux passa la mairie à son fils Jean-François (qui la perdit d'ailleurs en 2001).

Taittinger, lui, réussit à repousser la "Fête à Neu-Neu" à un autre endroit, plus loin, sur un site moins gênant.

En effet, la pelouse de la Muette est un poumon et un lieu de promenade pour les habitants du XVIe arrondissement. Vous me direz "quelle importance ? le 16e est un arrondissement de riches, qui d'ailleurs vote à 80 % Sarkozy". C'est vrai, sauf que l'éventail social des (environ) 150 000 habitants de l'arrondissement est bien plus ouvert qu'il n'y paraît et, le week-end, les familles et les gamins fauchés trouvent là un lieu de repos et de distraction gratuit, on y pique-nique, on y joue au ballon, bref c'est un parc où la pelouse est ouverte au jeu.

Or il faut savoir qu'une fête foraine est une dévastation profonde pour une terre : elle écrase l'herbe par le piétinement et par l'implantation des attractions. Il suffit de s'y promener quelques minutes (je l'ai fait) pour se rendre compte que la fête foraine, du point de vue de l'herbe, c'est Attila.

Écraser l'herbe juste avant l'automne signifie qu'elle ne repoussera pas avant l'hiver, que la pelouse sera par conséquent inutilisable et que, s'il fait beau un week-end, les gens devront prendre un moyen de transport et aller s'aérer ailleurs.

Plus encore : non seulement l'herbe est écrasée, mais en plus la terre est battue, elle devient dure, l'eau de l'automne et de l'hiver, nécessaire à la nappe phréatique et aux racines des arbres, ne pourra pas pénétrer le sol, elle glissera en surface jusqu'aux évacuations, elle s'en ira vers les égouts. Ce sera un engrenage néfaste à la végétation et au sous-sol.

Plus encore : l'ensemble de la pelouse n'est pas exploité par la fête foraine. Si l'espace utilisé est fermé à l'usage public (ce qui paraît raisonnable) pour être (aux frais de la Ville de Paris, merci les forains) retourné puis réensemencé, le reste de la pelouse sera suremployé pendant l'hiver et abordera le printemps dans le même état de dévastation que l'autre, ce qui contraindra à le fermer durant toute cette période, ce qui obligera à surutiliser la partie fraîchement rouverte, qui sera assez vite dans un état navrant.

La seule consolation, c'est que ce cycle aboutit nécessairement à ce que la fête au Bois suivante, au même endroit se passe dans la GADOUE.

Ca leur apprendra.

Par ailleurs, je signale qu'un certain nombre d'attraction sont visiblement vétustes et dangereuses.

Je souhaite donc que le Mouvement Démocrate, la liste que nous élirons samedi prochain, prenne fermement position pour que la Fête au Bois regagne l'emplacement qui avait été dévolu à la Fête à Neu-Neu.

13/04/2008

Un souvenir (de plus) en passant.

La scène se passe à Perpignan, sur le campus, lors de l'Université d'Été des Jeunes Démocrates, dans l'été 1997. J'étais à l'époque proche de Claude Goasguen en même temps que de Bayrou, et je me trouvais souvent à des conversations qu'ils avaient en marge de l'Université d'Été. J'ai par exemple raconté voici quelques mois la soirée de la mort de la princesse de Galles, fin août, que j'avais passée avec Bayrou, Goasguen (alors tout frais député), Jean-Pierre Frémont (alors très proche de Bayrou, et sa femme travaille toujours pour le groupe UC-UDF au Sénat), Henri Plagnol (passé à l'UMP en 1998 ou en 2002, je ne sais plus) et Hervé Marseille (maire de Meudon passé au Nouveau Centre), les cinq susdits jouant au poker et tentant de m'entraîner dans leur partie, mais je ne joue jamais d'argent...
 
Bref, un peu plus tôt dans l'une des sept journées de l'Université d'Été, Bayrou était venu s'asseoir à la table où Goasguen, quelques-uns de ses proches et moi sirotions des boissons diverses et peu alcoolisées.
 
Bayrou s'installe, chaleureux et, comme Goasguen est un juriste, s'engage une conversation libre sur les réformes institutionnelles. J'imagine que Bayrou méditait déjà sur son programme pour l'élection présidentielle de 2002.
 
Et Bayrou, avec énergie, défend le quinquennat. Goasguen acquiesce prudemment.
 
Mais je dis à Bayrou : si l'on fait le quinquennat et si l'on jumelle les élections présidentielle et législatives, ce sera pour supprimer l'hypothèse de la cohabitation (il faut se rappeler que, moins de six mois plus tôt, Jospin a été élu premier ministre de la troisième cohabitation). Or cela signifie supprimer en fait, sinon en droit, le droit de dissolution et, par contrecoup, la responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée, puisque la dissolution est supposée résoudre les conflits entre l'exécutif et le législatif. Du moment qu'on fige le calendrier, on supprime tout instrument qui puisse bouleverser celui-ci.
 
Or cela ne peut qu'aboutir à un régime purement présidentiel qui, en l'abscence d'un contrepouvoir (puisque l'Assemblée Nationale est nécessairement élue sur la même dynamique que le président), est en fait un pouvoir absolu.
 
Pour éviter que le quinquennat n'aboutisse à cette impasse, il faut instaurer la séparation stricte des pouvoirs et restaurer le parlement en le faisant élire à la proportionnelle intégrale. Car un exécutif doté de prérogatives propres (le pouvoir réglementaire autonome, élargi par rapport à ses contours actuels) peut gouverner sans majorité stable, le parlement ayant pour fonction non de le soutenir pour diriger l'État, mais de le contrôler dans l'exercice des responsabilités publiques et de rédiger la loi.
 
Et comme corollaire, il faut un vrai pouvoir judiciaire capable de contrôler l'exécutif dans le cadre du pouvoir réglementaire autonome.
 
Revenir à la théorie de Montesquieu, en quelque sorte.
 
Bayrou, qui n'est pas technicien du droit, n'avait pas intégré l'ensemble de ce que je lui disais ; il y vient peu à peu.
 
Quant à Goasguen, et c'est l'objet de cette note, il vient de déclarer : "Le quinquennat a déséquilibré la Ve République. Il est urgent de réformer les institutions et de rétablir la souveraineté parlementaire". CQFD.
 
Je crois que j'aimerais que ce sujet soit traité lors d'un prochain café démocrate de notre Quitterie Delmas. 

14:52 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : politique, udf, bayrou, goasguen, ump, sarkozy, parlement | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

29/03/2008

Claude Goasguen, UMP, nouveau maire de Paris 16e : "le débat droite-gauche n'est plus pertinent dans les municipalités".

Coup de théâtre à la mairie du XVIe : la rumeur qui voulait que Claude Goasguen ne soit pas intéressé par la mairie est démentie. Pierre-Christian Taittinger ne s'est pas représenté. Il a fait ses adieux sous un tonnerre d'applaudissement en exprimant sa "considération" pour le MoDem et en arborant une superbe cravate orange. La rumeur veut qu'il se rapproche du MoDem, ainsi que Valérie Sachs, élue conseillère de Paris sur la liste de droite après avoir été cadidate MoDem aux législatives de juin.
 
Dans un silence glacial, sans le moindre applaudissement, Claude Goasguen a été élu maire par 27 voix sur 39 (7 nuls, 1 Taittinger qui ne se présentait pas, 4 Mano PS).
 
Il a ensuite fait une courte allocution pour fixer les grandes orientations du travail municipal : les dossiers de l'arrondissement, le Grand-Paris, l'identité du XVIe. Il a annoncé qu'il ferait un débat d'étape annuel devant les habitants de l'arrondissement. Et toujours pas un applaudissement.
 
Pour finir, il a rendu hommage à son prédécesseur et conclu en demandant qu'il soit applaudi. C'est là qu'il a enfin été applaudi avec lui.
 
Ce n'est pas si grave, avais-je envie de lui dire : Taittinger, maire depuis 19 ans, est forcément regretté. Personnellement, j'ai beaucoup apprécié de travailler avec lui, c'était un excellent maire, mais il faut savoir passer la main, me semble-t-il, et je suis certain qu'il va trouver de nouveaux sujets d'utilité. À Goasguen de se rendre populaire, maintenant, il a sa chance.
 
Lors de l'élection des adjoints, un climat plus tendu a régné : Goasguen ne savait pas que certains des conseillers d'arrondissements n'avaient pas été prévenus qu'ils ne seraient pas adjoints au maire (il n'y en a que 14 ; en fait, sur 30 élus, 11 sont conseillers de Paris et 13 adjoints au maire d'arrondissement - la première adjointe, Danièle Giazzi, est également conseillère de Paris). Il a donc interrompu la séance pour indiquer à trois personnes le verdict.
 
Au passage et pour tous les candidats : si vous vous demandez si vous êtes "sur la liste", c'est en général que vous n'y êtes pas. Ceux qui y sont le savent, on leur demande toutes sortes de documents, ils participent à des conciliabules préparatoires. Si vous n'avez rien de tout ça à proximité d'un vote, c'est que vous n'y êtes pas, sachez-le et cessez de gamberger.
 
Une fois les choses mises au point, Claude a rouvert la séance. Sans grande dignité, Caroline Kovarsky, l'une des évincées, a regretté qu'on n'ait pas tenu la promesse qui lui avait été faite. Avec plus de franchise que de dignité, Claude lui a présenté ses excuses et l'a invitée à venir dans son bureau pour en discuter.
 
Puis la liste des quatorze adjoints a été élue par 27 voix.
 
Et la séance a été levée.
 
Pendant la dernière partie des débats, j'ai pu fournir quelques indications à Béatrice Jérôme, journaliste au "Monde" (ma deuxième du "Monde" cette semaine après Patrick Roger). Elle m'a donné ses impressions de la campagne présidentielle, qui rejoignaient trait pour trait celles de Patrick Roger, ce qui réjouira Quitterie Delmas sur qui elle a par ailleurs fait un papier pendant ladite campagne).
 
Et voilà. Que dire ?
 
En privé (ou devant de petites assemblées dont certains témoins me l'ont rapporté), dans les derniers jours, Claude Goasguen ne s'est pas privé de dire toute l'estime qu'il avait pour François Bayrou et tout l'agacement que lui provoquait Marielle de Sarnez. J'ai l'impression que la vie politique réserve encore bien des surprises. D'un côté Taittinger qui louche vers le MoDem, de l'autre Goasguen qui encense Bayrou, décidément, que reste-t-il de l'UMP ? 

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25/03/2008

Claude Goasguen à l'assaut de l'UMP de Paris.

Claude Goasguen a conduit la liste qui a emporté le XVIe arrondissement dès les premier tour lors des récentes municipales. Sans doute Pierre-Christian Taittinger n'aura-t-il aucune peine à se faire réélire maire de son arrondissement lors de la séance de samedi 29.
 
Entre les deux tours, Claude Goasguen a exprimé le souhait que François Bayrou soit élu à Pau et il a bien fait. Au-delà des aléas de la vie politique, les deux hommes peuvent se rappeler qu'à la fin des années 1970, ils ont incarné la génération montante de l'UDF, ils étaient même très copains.
 
Claude Goasguen, je le connais bien. J'ai beaucoup travaillé avec lui, c'est un vrai politicien, dans toute l'acception du terme. Ce qu'il dit a toujours de la densité et il mérite qu'on lui prête l'oreille.
 
Il est né en 1945, dans le Midi, je crois. Son père, d'origine bretonne, y était installé. Claude dit de lui que c'était un "moko", un Breton installé sur la Méditerranée. Il y a un peu de sang corse de son côté maternel. Il s'en servit longtemps lorsque les Corses dominaient la vie politique parisienne. Il en souffrit en revanche quand, ministre délégué du gouvernement Juppé en 1995, il recevait des coups de fil de Corses qui menaçaient ses cousins insulaires lorsqu'il disait du mal des Corses ou lorsque ses fonctions le conduisaient à mettre en péril un intérêt corse.
 
Il rigolait quand même en expliquant que quand Jacques Dominati (alors premier adjoint au maire - corse aussi - de Paris Tiberi) se mettait en colère contre quelqu'un, il le menaçait en langue corse de le "pendre par les couilles à la grille de l'Hôtel de Ville". C'était fleuri, en somme.
 
Claude Goasguen a étudié le droit dans les années 1960 à la même université que moi (vingt ans plus tard) : Paris II - Assas. Mais alors que je me suis bien gardé d'y frayer avec l'extrême droite qui y a toujours tenu table ouverte (le GUD et même la section locale de l'UNI y ont succédé à une section de l'UNEF dont Jean-Marie Le Pen - autre Breton - avait assumé la présidence un peu plus tôt), lui il a fait partie des créateurs d'un groupe, "Occident", qui a marqué son époque. Outre lui, on y trouvait entre autres François d'Orcival, Alain Madelin, Gérard Longuet, Hervé Novelli et Patrick Devedjian.
 
Il y avait chez eux la recherche d'une fidélité à l'Algérie française et une batterie de référence d'une extrême droite particulièrement virulente.
 
C'est à la fin de cette époque que, selon ce qu'il m'a confié, Claude Goasguen se mobilisait avec d'autres réseaux d'Algérie française ou de droite dure anti-gaulliste pour venir coller les affiches du général Stehlin, ancien chef d'état-major général de l'armée de l'Air et candidat centriste dans la circonscription du nord du XVIe arrondissement, une circonscription d'ailleurs gagnée par ledit Stehlin en 1967.
 
J'avoue que j'ignore comment de là Goasguen est venu dans les réseaux de la moitié du centre qui était inféodée au gaullisme (et donc opposée audit général Stehlin) à cette époque. Il s'agissait du Centre Démocratie et Progrès, qui fusionna avec le Centre Démocrate (où était Bayrou) en 1976 pour former le Centre des Démocrates Sociaux (CDS).
 
Docteur en histoire du droit, Goasguen était devenu enseignant à l'université. Il devint en 1978 le suppléant d'Eugène Claudius-Petit, candidat UDF (CDS) aux législatives dans le XIVe arrondissement de Paris. La densité de Bretons dans cet arrondissement proche de la gare Montparnasse a sûrement joué pour sa suppléance, mais le rapprochement avec Claudius pourrait surprendre.
 
Eugène Claudius-Petit est un très grand résistant, qui s'engagea à l'UDSR (comme Mitterrand) juste après la guerre. C'est lui l'inventeur de la célèbre "loi de 1948", destinée à décourager la spéculation immobilière et à protéger les petits locataires. Il fut vriament proche politiquement, dit-on, à une certaine époque, de Georges Bidault, qu'il avait connu dans la Résistance et qui était élu du même département que lui : la Loire. C'est peut-être le nom de Georges Bidault, proscrit au temps de l'OAS et insoumis de l'Algérie française, qui a fait le lien entre Claudius-Petit et Goasguen.
 
Quoiqu'il en soit, lors des municipales de 1983, c'est tout naturellement que Claude Goasguen se trouva sur la liste d'union de l'UDF et du RPR (conduite par un RPR d'origine démocrate-chrétienne) dans le XIVe arrondissement, et élu conseiller de Paris. De là, il ne cessa de se rapprocher de Jacques Chirac.
 
C'est vers cette époque ou un peu avant que j'ai fait sa connaissance. Il était bien moins empâté qu'aujourd'hui, un long type, un peu ténébreux, le cheveu déjà grisonnant, le profil aigu et le verbe incisif. Un aigle. Lors des réunions du conseil départmental du CDS, il marquait une grande déférence à Claudius, lequel s'exprimait sur un ton véhément, plein de tonnerre. Un peu de ce tonnerre se retrouvait dans les phrases de Goasguen, mais alors que Claudius était un vrai sanguin, Giasguen était déjà un cérébral. Il tenait un petit bout de papier sur lequel il avait noté trois idées en écoutant le débat, et en faisait sa propre synthèse avec élégance et mordant, sans jamais empiéter sur les prérogatives de Claudius dont il était le pupille en quelque sorte.
 
En 1986, il l'élection législative avait lieu à la proportionnelle. Une aubaine pour tout un tas de gens qui avaient du mal à s'implanter dans une circonscription et qui trouvaient l'occasion de devenir parlementaires sur une logique d'apparatchiks. Goasguen fut placé sur la liste des parachutables. L'histoire est comique en soi, il faut l'entendre la raconter, c'est cocasse. Elle se termine par une bérézina totale : Lecanuet l'envoie dans les Ardennes en lui jurant que les Ardenais sont ravis de l'avoir pour député.
 
Or pas du tout : il arrive là-bas, on l'y attend avec des fusils. Il repart par le premier train. C'est le candidat local qui est élu député.
 
Le voici donc de plus en plus parisien et de plus en plus proche de Chirac. En 1988, il accepte de prendre la suppléance de Jacques Toubon, chiraquien s'il en fut, dans la circonscription qui est à cheval sur les XIIIe et XIVe arrondissements (celle où Quitterie Delmas aurait dû se présenter en juin). Il y sera de nouveau suppléant de 1993 à 1997.
 
Dans la décennie qui court du milieu des années 1980 au milieu des années 1990, Goasguen est à ce point proche de Chirac que celui-ci l'envoie régulièrement en Afrique. Claude raffole de la pêche au gros.
 
Il poursuit aussi sa carrière universitaire. Il a réussi à se faire élire doyen de l'université de Paris XIII Villetaneuse en s'alliant (paraît-il) avec les communistes contre un autre candidat de droite. Puis il entre au cabinet de René Monory, président du Sénat, en 1992, et celui-ci le nomme directeur du Centre National d'Enseignement à Distance (CNED), ce qui lui vaut rang de recteur d'académie. Il me semble qu'un peu plus tard, Bayrou est allé jusqu'à le nommer inspecteur général de l'Éducation Nationale, un corps où il a nommé également Yves Pozzo di Borgo qui y avait encore moins de titre (personne n'est parfait).
 
Je commence à travailler avec Claude Goasguen courant 1994 : la candidature de Balladur à la présidence de la république ne me convient pas, trop réac, bien trop réac. Comme le disait Jean-Luc Moudenc (depuis lors ex-maire de Toulouse) à cette époque : l'un (Chirac) était plus autoritaire, l'autre (Balladur) plus conservateur. Monory, Barre et Giscard avaient formé une coalition anti-Balladur avec Chirac.
 
Je fus reçu dans le bureau de Goasguen à l'Hôtel de Ville en 1994 juste après Florence Autret (encore une Bretonne) qui est aujourd'hui journaliste spécialisée dans les questions européennes à Bruxelles.
 
Je n'y venais pas seul. Je laissai parler celui qui m'accompagnait, puis Claude dit quelques mots et nous vîmes assez vite ce qui pouvait servir de base à un contrat. Je deviendrais adjoint au maire du XVIe arrondissement de Paris, il prendrait la fédération centriste de Paris, nous ferions gagner Bayrou dans le CDS et Chirac à la présidentielle et Claude deviendrait ministre.
 
La totalité de ce programme se réalisa, jusque dans ses moindres détails : c'est un homme de parole. Il ne parle pas à la légère et quand il prend un engagement, on peut s'y tenir. Il devint donc président du CDS (puis Force Démocrate, FD) de Paris, ministre délégué dans le gouvernement Juppé, et je devins adjoint au maire du XVIe arrondissement, puis (de mon propre chef) président des jeunes de Paris, chargé d'assumer la tranisition de la formule CDS vers la formule FD.
 
Au bout d'un peu moins de six mois, il fut éjecté du gouvernement Juppé à qui il conserva longtemps une rancune féroce, d'autant plus virulente qu'il avait été viré en même temps que le contingent féminin et décoratif du gouvernement, celles que la presse a surnommé les "juppettes". Être traité comme une promotion canapé qu'on licencie, c'était insoutenable. De fait, ce remaniement fut une erreur qui coûta cher à Juppé à l'époque. Les plaies sont pansées heureusement.
 
Quoiqu'il en soit, nos derniers efforts communs datent de 1997.
 
Claude voulait prendre la circonscription du XVIe sud, tenue depuis 1973 par le bougon centriste Georges Mesmin. Je passe sur les événements qui ont conduit à l'éviction de Mesmin que Claude défit en 1997, lors de l'élection consécutive à la calamiteuse dissolution Chirac.
 
J'étais son vice-président de FD Paris, membre du conseil national et du conseil départemental de l'UDF ancienne manière. Tout roulait. Mais au fond, il désapprouvait l'émergence de Bayrou tandis que je m'en réjouissais. Il avait à choisir entre sa fidélité à Chirac et son amitié pour Bayrou, il renonçait à l'amitié. D'autant plus que Bayrou s'était rapproché, dans son ministère, de tous ces gens issus de 1968 que Goasguen avait combattus sur les bancs d'étudiant au temps d'Occident. Ca devenait culturel.
 
En 1998, Goasguen partit avec les madelinistes, une première étape vers le RPR qui allait devenir l'UMP.
 
Je n'avais pas de reproche à lui faire : nous avions passé un contrat, chacun avait respecté ses engagements, nous étions quittes.
 
Le soir où il partit, il m'appela pour me demander de le suivre chez Madelin. Ca signifiait se satisfaire de l'alliance avec Le Pen. Je demandai à réfléchir, il savait très bien que cela signifiait que c'était inacceptable pour moi.
 
Et le voici dix ans plus tard.
 
Il n'est pas redevenu ministre. Il a le souffle un peu plus court, il vieillit comme tout le monde. Il a voulu se présenter à la mairie de Paris. 2008, c'était sans doute sa dernière chance : en 2014, il approchera des 70 ans. On n'a pas voulu de lui.
 
Je l'ai vu, l'an dernier, lors d'une séance du conseil de Paris. Panafieu, déjà désignée, s'y exprimait dans son rôle de future challenger du maire. Elle était pathétique, pitoyable. Et pendant qu'elle pataugeait, juste sous son nez Goasguen vissait et dévissait son stylo pour la désarçonner. Dur.
 
Aujourd'hui, Goujon ne s'est sorti de l'élection municipale que grâce au refus de Delanoë de s'allier avec le MoDem. Il est un président de l'UMP de Paris très affaibli. Panafieu vient de se retirer du conseil de Paris. En somme, un nouvel espace s'ouvre pour Claude Goasguen qui, en exprimant le voeu que la fédération UMP de Paris s'émancipe des structures nationales, a appelé les chiraquiens de l'UMP à se rassembler. Le voici en conquête. Affaire à suivre.

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10/03/2008

Paris 16e : la fin d'une époque.

Le score du MoDem dans le 16e arrondissement de Paris est historiquement bas. Jamais, en plus de quarante ans, le courant démocrate n'est tombé à un niveau aussi faible dans ce quartier parisien. Depuis la victoire du général Stehlin dans la circonscription du 16e nord en 1967, le courant démocrate s'y était constamment maintenu à un rang élevé, gagnant les municipales de 1971 et 1977, gagnant les deux législatives de 1968 et 1973 et l'une encore en 1978, concluant ensuite un accord systématique (et sans doute néfaste) avec le RPR jusqu'en 2001. Dans les années 2000, il existait au-delà de 15%. À partir des législatives, il a dévissé pour atteindre les 8,6% de Jean Peyrelevade lors des municipales d'hier.
 
Il faudra y réfléchir.

17/02/2008

XVIe arrondissement de Paris : portrait de groupe.

Quelques mots sur l'équipe qui dirige le XVIe arrondissement de Paris depuis 1989. Je rappelle que le candidat du MoDem est ici Jean Peyrelevade, qui a une image de sérieux et d'efficacité.
 
En 1989, l'UDF de Paris, conduite par le "libéral" Jacques Dominati (aujourd'hui sénateur en fin de carrière), avait décidé de faire liste commune avec le RPR d'alors. C'était la deuxième fois de suite, puisqu'en 1983 (début de la politisation nationale des municipales), dans le cadre de ce qui se voulait une reconquête contre la victoire socialiste de 1981, liste commune avait déjà été présentée, conduite par Georges Mesmin, député de la plus peuplée des deux circonscriptions de l'arrondissement, celle du sud ; la négociation avait été en 1983 que Mesmin (étiqueté centriste CDS) deviendrait maire et c'était la première fois que les équipes centristes et RPR se retrouvaient sur la même liste alors qu'elles avaient toujours été concurrentes depuis le succès centriste de 1971.
 
En 1983, Jacques Chirac avait besoin des centristes. C'était moins le cas en 1989 : il venait de devancer Raymond Barre de plus de dix points à la présidentielle de 1988 dans l'arrondissement. Il présenta donc un marché simple à Georges Mesmin, maire sortant : le RPR occuperait la tête de liste et Mesmin serait réélu maire. Mesmin ne l'entendit pas de cette oreille : il voulait la tête de liste et la mairie. Chirac, voyant qu'il ne cédait pas, le laissa prendre la tête de liste. Mais lorsque le conseil d'arrondissement se réunit pour élire son maire, ce fut Pierre-Christian Taittinger qui sortit du chapeau.
 
Taittinger était étiqueté UDF, tendance libérale plutôt que centriste, mais il avait été UDR (gaulliste) et sous-ministre de quelque chose. En 1971, il ne figurait pas sur la liste des centristes et réformateurs, mais sur celle du pouvoir.
 
Il était élu à Paris depuis ... 1953. Seul "trou" dans son emploi du temps d'élu : la période 1971-1977. En 1977, il avait rejoint Giscard et était redevenu élu sur la liste UDF qui avait devancé le RPR (à l'époque, il n'y avait pas eu de fusion de liste au 2e tour, mais désistement pur et simple).
 
Taittinger, membre de la famille des célèbres champagnes, est né dans le XVIe arrondissement, rue Chardon-Lagache, à deux pas de la maison de retraite médicalisée de Sainte-Perrine. Son père, Pierre Taittinger, avait été une des figures du conseil de Paris de l'entre-deux-guerres, très forte personnalité, mais il était le président de ce conseil de Paris en 1943 et c'est lui qui avait reçu Hitler lors de la visite du chef du IIIe Reich à Paris.
 
En 1953, Pierre-Christian Taittinger avait assemblé un premier groupe de jeunes influents, liés aux milieux d'affaires, et, reprenant une partie des réseaux de son père, s'était fait élire.
 
En 1989, c'était donc un élu très expérimenté, ayant passé la soixantaine, ancien président du conseil municipal de Paris, ancien ministre, ayant des intérêts croisés avec la puissante Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris (CCIP). C'est par exemple à son groupe qu'appartenait l'hôtel Concorde-Lafayette, porte Maillot, bâti sur le Palais des Congrès qui appartient à la CCIP.
 
Je l'avais rencontré deux fois. La première était à sept heures et demi du matin, gare Saint-Lazare, en mars 1988 : il nous avait accompagnés pour la distribution de tracts lors de la campagne présidentielle de Raymond Barre. La deuxième fois était pour une réunion associative champenoise de Paris (de mon côté paternel, j'ai de solides attaches champenoises) qui avait eu lieu à la mairie du XVIe.
 
Taittinger, pour devenir maire, avait fait alliance avec une partie de l'équipe de Georges Mesmin. Il conserva sa cheffe de cabinet et plusieurs de ses adjoints, à l'exception de Guy Flesselles, qui était aussi le suppléant de Mesmin et qui, depuis, a conduit sa propre liste en 2001 jusqu'autour de 10%.
 
Parmi les adjoints, le plus important, politiquement et techniquement, était Pierre Bolotte. Ancien préfet de région, formé à la coloniale (école de la France d'Outremer), ancien membre du cabinet du MRP Georges Bidault sous la IVe république et secrétaire général de la préfecture d'Alger en 1958, il avait une longue expérience des choses de l'administration et avait la délégation stratégique des finances et de l'urbanisme.
 
L'autre élue utile était Anne Béranger, grande ordonatrice des animations de la mairie, qui passa avec aisance de Mesmin à Taittinger et qui, m'a-t-on dit, est morte très diminuée voici peu d'années.
 
Taittinger est un homme charmant, excellent orateur (on dit qu'il obtint un classement remarquable lors du concours oratoire de la conférence des avocats quelque part vers l'époque des dinosaures), capable dans la même phrase de plaire à un centriste et à un extrémiste, à un Américain et à un soviétique, bref, à tout et son contraire. C'est d'abord une marque d'éducation. Mais c'est aussi un besoin irrépressible de susciter l'empathie, sans lequel sans doute il vaut mieux ne pas faire de politique.
 
Il prononce plus d'allocutions qu'il n'y a de jours dans l'année, sans compter ses discours de mariages (il en célèbre encore beaucoup), il est partout, il connaît tout le monde, il a une mémoire étonnante. Je l'ai vu, lorsque j'étais son adjoint, se précipiter vers un de mes cousins qui me rendait visite à la mairie et qui avait été témoin d'un mariage célébré par Taittinger deux ans plus tôt. Il ne l'avait pas revu depuis, mais l'avait reconnu tout de suite. Un abattage prodigieux, donc.
 
Il passe ses journées à arpenter son arrondissement et rentre les poches pleines de post-it sur d'innombrables sollicitations. Il dit toujours oui et son équipe doit ensuite s'arracher les cheveux pour trouver le moyen de respecter les engagements qu'il a pris.
 
Evelyne Montastier, qui dirige son cabinet, est d'une rare efficacité, un carnet d'adresse kilométrique, une réactivité d'élite.
 
En somme, une excellente équipe de terrain.
 
Le premier premier adjoint de Pierre-Christian Taittinger, de 1989 à 1995, fut Gérard Leban, un gaulliste casse-croûte, capable d'obéir à toutes les évolutions de l'appareil de son parti, un bon second couteau, veillant de près (d'aucuns disent d'un peu trop près) sur les commerçants, ayant sa propre feuille politique qu'il fait distribuer dans les halls d'immeubles, tenant permanence rue de l'Annonciation, et dirigeant avec calme et discrétion l'appareil UMP local qui, en fait, gère la municipalité.
 
Gérard Leban est plus qu'utilement secondé par son épouse, liée à la conférence Saint-Vincent de Paul.
 
De 1995 à 2001, Leban était adjoint au maire de Paris et laissa le poste de premier adjoint à Danièle Giazzi dont je parlerai dans un instant. Il reprit sa délégation en 2001 et se retire, ayant passé les soixante-quinze ans, cette année.
 
Danièle Giazzi, que je viens de mentionner, a longtemps été une femme très courue. Je ne m'apesantirai pas sur les nombreuses rumeurs qui la concernent. Elle est la suppléante de Claude Goasguen dans le XVIe sud et a été conduite à celui-ci par Gérard Leban. Lorsqu'elle était première adjointe, une rivalité inexpiable l'opposait à la cheffe du cabinet du maire, une de ces rivalités féminines qui font pleuvoir des éclairs sur la tête des hommes.
 
On dit qu'un jour, dans une colère homérique, Danièle Giazzi laissa Gérard Leban terrassé par une attaque.
 
À la fin de la mandature qui s'achève, Leban a commencé à passer la main. Il a choisi, pour se décharger progressivement de ses délégations, Laurence Dreyfus, militante obéissante comme lui, fille d'une ancienne collaboratrice de Leban et petite-fille, selon eux, du chauffeur du général de Gaulle.
 
L'autre homme-clef, très lié à Évelyne Montastier, est Pierre Gaboriau. Il était à la gare Saint-Lazare le même matin de mars 1988. Je l'ai vu plusieurs fois pendant la campagne de Barre. Il n'avait pas trente ans alors, il était déjà expert-comptable.
 
Il a succédé au radical Jean-Loup Morlé à la présidence de l'Office Municipal des Sports (OMS) qui, à la mairie de l'arrondissement, regroupe les principales associations sportives du XVIe. Adjoint au maire chargé des sports en 1989, il bénéficia en 1991, en cours de mandat, du retrait de la centriste de choc Solange Marchal (la femme qui a fait échouer le projet chiraquien d'ensembles immobiliers colossaux porte Maillot), qui lui a permis de devenir conseiller de Paris.
 
En 1995, il était donc conseiller de Paris, adjoint au maire du XVIe arrondissement chargé de la jeunesse et des sports et président de l'OMS. Il me laissa la délégation de la jeunesse et des sports, mais pas la présidence de l'OMS qui formait sa base électorale. Il était élevé au rang d'adjoint au maire de Paris.
 
Il revint prendre ma place en 2001.
 
Élu de terrain, il a été candidat en solitaire aux environs de 10% lors d'une élection, et il est respecté. Il a depuis plusieurs années repris l'une des feuilles institutionnelles du XVIe, ce qui a accru sa notoriété.
 
De notoriété générale, on lui prête une rivalité avec Goasguen au sein de l'UMP locale, liée à celle qui oppose Bernard Debré, député de la circonscription du nord du XVIe, au même Goasguen. Cette rivalité existait déjà entre Georges Mesmin et l'autre député UDF du XVIe d'alors, Gilbert Gantier, qui s'est retiré après trente ans de mandat. Sans doute est-il inévitable que chacun des deux députés tente de tirer la couverture à lui.
 
La force de cette équipe est triple : un maire qui bénéficie, malgré son grand âge, d'une bonne image, un électorat entièrement polarisé, un appareil très discipliné mais en mutation.
 
Aux dernières législatives, le MoDem est arrivé devant le PS dans le XVIe. La poussée actuelle de l'électorat de gauche devrait avoir ici un impact plus limité qu'ailleurs. Jean Peyrelevade, compte tenu de sa grande notoriété et de sa bonne image, devrait être élu conseiller de Paris, donc obtenir au moins 12%.