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21/12/2009

Différentiel de TVA sur le livre entre la France et la Belgique : aïe.

En France, le livre (à juste titre à mon avis) est considéré comme un bien de première nécessité, et donc taxé à 5,5 %. Entre nous soit dit, vu le rôle joué par Internet en matière éducative, le  taux réduit de TVA devrait lui être appliqué aussi. Ce n'est pas le sujet de mon article d'aujourd'hui. En France, donc, c'est l'ensemble de la filière livre qui est taxé à 5,5 % : quand je fais imprimer un livre, je paie 5,5 % de TVA. Ce taux n'est pas uniforme pour l'imprimerie, puisque si je fais imprimer un livret publicitaire, je paierai 19,6 % de TVA,la pub étant tout sauf nécessaire.

En Belgique, le taux appliqué à la fabrication et à la vente diffère : à la fabrication, il se monte à 21 % ; à la vente, à 6 %. Et ça change tout.

Ainsi, lorsque je fais imprimer 300 gros livres pour 12000 Euros, vais-je payer autour de 2400 Euros de TVA en plus en Belgique. Si je vends ces livres 250 Euros pièce sans intermédiaire, je percevrai environ 20 Euros (c'est schématique) par livre. Pour récupérer mes 2400 Euros de TVA versée, il faudra donc que je vende vite 120 exemplaires sur 300.

En France, en sus des mêmes 12000 Euros, je vais payer un peu plus de 600 Euros de TVA. Si je vends mes livres dans les mêmes conditions 250 Euros, percevant environ 20 Euros pièce, il me suffira de vendre 30 exemplaires pour couvrir la TVA versée à l'imprimeur.

On voit donc que le modèle belge de TVA sur le livre pousse l'éditeur à vendre plus et plus vite, tandis que le modèle français permet à l'éditeur de petites collections de suivre son chemin sans subir le même effet de stock. Il y a cependant d'autres règles qui peuvent entraver cet appétit pour les faibles tirages et l'écoulement lent des stocks, mais ces règles sont remédiables.

Je ne suis pas en mesure de détermner si ce dispositif belge de TVA a un effet sur les coûts de fabrication, un effet à la baisse. En revanche, on peut imaginer que son effet sur les prix hors taxe soit massif, puisque l'éditeur, pour retrouver son degré de risque malgré l'effet très pénalisant de la TVA, aura besoin de frais de fabrication hors taxe moins élevés. Je puis témoigner que le devis hors taxe de mon éditeur français (qui n'est déjà pas cher par rapport à un précédent, de l'ordre de 25 %) est encore 25 % plus élevé que celui de mon imprimeur belge. Évidemment, cette différence est en partie compensée par le surcroît de TVA en Belgique, il se trouve cependant que cette TVA, je dois en faire l'avance, mais qu'elle me sera entièrement remboursée. À l'arrivée, je vais bénéficier à la fois des prix bas suscités par l'organisation belge de la TVA et de la faible pression exercée sur mes activités par le système français de TVA. Comme entrepreneur, je ne peux que m'en réjouir, mais est-ce juste ? Sans doute pas, c'est pourquoi (je suis coincé pour cet exemplaire-ci dont l'économie est maintenant verrouillée) j'ai entrepris de modifier mon organisation de production dès mes prochaines parutions. cela ne siginifiera pas forcément que je ne recourrai pas aux travaux belges, ar cet imprimeur travaille bien, mais que je m'organiserai autrement.

Au passage, je signale que la question de l'application du taux réduit de TVA au livre numérique continue à être débattue.

26/11/2009

Dorothy de Warzée, droits d'auteur, numérisation, réédition sur papier.

Le nom de Dorothy de Warzée ne vous dit sans doute rien. Cette femme a été l'auteure d'un seul livre, "Peeps into Persia", paru en 1913 chez Hurst et Blackett, un éditeur londonien. À l'époque, ce livre est passé plutôt inaperçu, tiré à peu d'exemplaires. Depuis ce temps, et jusqu'en 2008, il n'avait jamais été réédité. Mais avec le temps, et avec l'intérêt qui a grandi sur l'Iran (enconre dénommé Perse en 1913), il est devenu un document, une sorte de classique introuvable, qui a fait qu'en 2008, Kessinger publishing en a fait ce qu'on nomme un "reprint", c'est-à-dire un fac-similé. Dans le même temps, l'université de Californie à Los Angeles, mieux connue sous le sigle UCLA, l'a mis en ligne dans le projet Archive.org (j'ouvre une fenêtre de lecture en bas de cet article), très bien numérisé (bien mieux que par Google, soit dit en passant).

Pourquoi j'en parle ? Il se trouve que Dorothy de Warzée est mon arrière-grand-mère, qu'elle est morte en 1963, et que son ouvrage n'est pas dans le domaine public, ce qui ouvre évidemment des perspectives sur le fait que les ayants-droits n'aient jamais été consultés sur les opérations de réédition, ni de numérisation...

Commençons par le commencement.

Dorothy de Warzée, née Davis

Dorothy de Warzée, qui s'intitule "baroness" (baronne) d'Hermalle, est née Dorothy Davis en janvier 1880 à Marylebone, un district de Londres, fille d'un avocat, James Davis. Celui-ci, peu d'années plus tard, fit un pari avec un journaliste et devint ainsi un librettiste d'opérette très renommé, Owen Hall, et pour ceux qui ne savent pas ce qu'est un librettiste d'opérette, je précise que c'est celui qui écrit les lvrets, les textes, des opérettes. Owen Hall était l'un des librettistes les plus en vue à Londres vers 1900, et il faut comparer ce métier avec celui des scénaristes de cinéma à succès d'aujourd'hui : c'était très rémunérateur et très glorieux. Owen Hall se ruinait de temps à autre avec son écurie de courses de chevaux, mais il se refaisait aussitôt avec une nouvelle opérette.

En 1902, la famille passe ses vacances sur la Côte d'Azur, en France. On joue au tennis. Il y a là un couple de Belges. Lui est "directeur des jeux de la reine (des Belges) à Spa", c'est-à-dire qu'il dirige le casino de Spa. La couronne belge l'a nommé à ce poste parce que ça lui interdisait de jouer au casino, et qu'il avait tendance à se ruiner au casino... La femme de ce directeur, nommé Léon le Maire, est née Noémi de Warzée d'Hermalle, fills du baron de Warzée d'Hermalle.

Sans entrer dans trop de détails, disons que la famille de Warzée remonte à Païen de Warzée qui fut compagnon de Godefroi de Bouillon lors de la première croisade, en 1096. Le château de Warzée laisse de vagues ruines quelque part dans le Brabant wallon, je crois. Une branche cadette de ces Warzée s'est installée à Liège vers la fin du XIIIe siècle sous le patronyme Payen de Warzée. À la fin du XVe, elle a abandonné Payen pour ne garder que de Warzée, s'établissant à Huy, une ville alors prospère. Au XVIIIe siècle, deux branches se sont formées. L'aîné de l'aînée était bâtonnier de l'ordre des avocats de Liège en 1789. Ses descendants ont été créés barons de Warzée d'Hermalle par le roi des Pays-Bas, titre confirmé par le roi des Belges lorsque la Belgique a fait sécession en 1831. Le père de Noémie de Warzée d'Hermalle était l'avant-dernier baron, il était un peu excentrique et dilapida sa fortune, ne laissant qu'un dernier baron et Noémi. Le dernier baron fit ce qu'on nomme une adoption simple pour transmettre son patronyme aux fils de sa sœur. Les fils en question se prénommaient Léon et Willy, Willy le Maire de Warzée d'Hermalle fut souventes fois champion de Belgique de tennis (un peu plus que selon la notice wikipedia) et même finaliste en double à Wimbledon en 1918.

Femme de diplomate

Dorothy trouva Léon le Maire de Warzée d'Hermalle séduisant, il fumait le cigare, jouait au poker et pratiquait un humour assez caustique. Elle se laissa donc enlever, on ne sait pas pourquoi les parents ne voulaient pas de cette union, sans doute pour des raisons religieuses. Bref, Dorothy et Léon se marièrent rapidement, puis Léon passa un concours de la fonction publique belge du roi Léopold II et devint consul de Belgique. Le couple alla à Lima, au Pérou, où ma grand-mère est née en 1903, puis revint en Méditerranée (je crois que c'est là qu'est né leur fils Guy, père de l'acteur Michel de Warzée), puis une première fois à Téhéran, dans le pays qu'on appelait encore la Perse, où la Belgique avait obtenu de nombreux marchés publics.

De là, ils allèrent pour quelques mois à Sofia, en Bulgarie. C'est alors qu'on apprit que Léopold II était mort. Léon, Dorothy et leurs enfants revinrent précipitamment à Bruxelles : Léopold II ne voulait pas développer le corps diplomatique de son pays, il se souciait d'économie et ne travaillait que le corps consulaire. Avec sa mort, le corps diplomatique allait pouvoir reprendre de l'étoffe, et Léon tenait à y entrer. Il consacra donc six mois à Bruxelles à préparer le concours, qu'il réussit haut la main. Il repartit aussitôt pour Téhéran dans le corps diplomatique, je pense qu'il devait être premier secrétaire de la légation, à moins qu'il n'ait été directement ministre (c'est-à-dire ambassadeur) de Belgique à Téhéran.

C'est ce second voyage surtout qui a inspiré "Peeps into Persia", le livre de Dorothy.

Le couple Warzée (par commodité et pour répondre au vœu du dernier baron de Warzée d'Hermalle, on utilisait son nom, comme aujourd'hui Galouzeau de Villepin est appelé Villepin dans la vie courante) passa trois ans supplémentaires à Téhéran, de 1910 à 1913, ce qui lui en faisait cinq en tout. Lorsque parut "Peeps into Persia", en 1913, Dorothy ne put rentrer faire la promotion du livre à Londres : son mari venait d'être nommé ministre de Belgique auprès de l'empereur du Japon. Les Warzée remontèrent jusqu'à Moscou, où ils prirent le Transsibérien qui les mena jusqu'à la côte pacifique de l'Asie, en fait jusqu'à la Mer du Japon, qu'ils traversèrent en bateau.

Ils passèrent huit ans au Japon, de 1913 à 1921, notamment toute la Première Guerre Mondiale pendant laquelle Léon ne reçut plus son traitement et vécut un peu de son poker. Contemporain de ma grand-mère, le jeune Hiro Hito, qui fit plus tard trembler l'Amérique pendant la Seconde Guerre Mondiale, fut alors son camarade de jeux...

Du Japon, les Warzée allèrent à Washington pour une conférence importante, puis à Cuba où l'activité principale était le poker, ce qui réjouit Léon. Enfin, pour la première fois depuis douze ans, ils revirent l'Europe. Léon avait été fait baron le Maire de Warzée d'Hermalle par le roi Albert Ier. Signalons au passage que lorsqu'elle s'intitule baronne, en 1913, Dorothy anticipe un peu sur les événements. Licence poétique...

Le dernier poste de Léon fut Pékin. Les Warzée y arrivèrent en 1923 et y demeurèrent jusqu'à la mort de Léon, en poste, en 1931. Dorothy mena alors une vie de veuve itinérante, courant le monde, allant chez des cousins ou chez des amis. Ayant quelque ascendance juive, elle s'éloigna d'Europe autant qu'elle le put pendant la Seconde Guerre Mondiale, qu'elle passa en Afrique du Sud. Elle est morte à Nice en septembre 1963.

Les Davis

Elle avait une nombreuse famille dans les arts au Royaume Uni : l'une des sœurs de son père, Julia, était devenue romancière sous le pseudonyme de Frank Danby, de qui sont nés Gilbert Frankau, Ronald Frankau et même Pamela Frankau (fille de Ronald).

Hyman Davis, père d'Owen Hall (et donc grand-père de Dorothy, avait été circoncis sous le nom de Haim HaLevi. Il avait débuté comme peintre puis, ayant enlevé sa femme (une tradition familiale), il avait dû se trouver une occupation plus rémunératrice, s'était d'abord installé à Dublin, puis était revenu à Londres, où il avait été l'un des tout premiers photographes. La National Portrait Gallery, de Londres, conserve des portraits photographiques réalisé par lui à cette époque, parmi lesquels on remarque des chanteurs d'opéra qui, peut-être, ont contribué à l'essor d'Owen Hall.

Curieusement, Hyman et sa femme Bella avaient confié l'éducation de leurs enfants à une nurse à domicile qui n'était autre que Mme Lafargue, la fille de ... Karl Marx.

Encore plus curieusement, cette éducation n'avait pas empêché le jeune James Davis qui n'était pas encore Owen Hall de s'enrôler dans le Parti Conservateur, et d'y être même investi pour des législatives auxquelles il renonça d'ailleurs à se présenter. Par compensation, Owen Hall était ami du paria Oscar Wilde et de quelques autres artistes moins conservateurs...

La question juridique

Une directive européenne a unifié le principe de la durée de la protection des droits patrimoniaux des ayants-droits, à 70 ans après le décès de l'auteur. Comme on le sait, des tentatives récentes ont voulu porter cette durée à 100 ans, ce qui reviendrait en pratique à cantonner le domaine public aux œuvres passées dans la postérité. Il y a par exemple moins de cent ans que Proust est mort, comme Apollinaire. Dans le domaine phonographique, 100 ans reviendrait à annihiler purement et simplement tout domaine public. Dans la peinture, Monet, mort en 1926, rentrerait dans le champ de l'exploitation patrimoniale dont il est sorti depuis longtemps, ce qui ferait sortir des œuvres des années 1860 (!) du domaine public. On croit rêver. Si un lecteur a la gentillesse de placer un lien pour préciser où en est cette question de la durée, il en sera remercié.

Selon le droit actuel, l'œuvre modeste de Dorothy de Warzée est protégée jusqu'en 2033, ce qui n'est déjà pas mal, son livre étant paru en 1913.

Les ayants-droits sont ma mère, sa sœur, quelques-uns de leurs neveux et nièces, et leurs trois cousins germains belges. C'est évidemment beaucoup de monde pour de maigres droits d'auteur.

Il n'est évidemment envisageable pour personne d'interdire ni la diffusion gratuite du livre sur Internet (c'est un document en soi, un texte un peu dispersé mais charmant, oscillant entre les considérations ethnographiques, les potins mondains, le shopping minutieux, et diverses autres perspectives), ni sa réédition, au contraire, c'est merveilleux que ce texte trouve une vie si longtemps après être paru et oublié.

Au passage, je signale le projet Archive.org, qui semble être une alternative assez efficace à la numérisation par Google, non sans défaut cependant.

Alors ? que faire ? rien ? ou devons-nous, par respect pour notre aïeule, manifester notre existence ? Je le crois.

 

11/11/2007

11 novembre : la mort des nations.

Avant les nations, il y avait les républiques maritimes : Venise, les Pays-Bas. Bien sûr, il y avait aussi la France et ses hordes de chevaliers, mais la richesse et la puissance de l'argent se trouvaient dans le camp des marins.
 
Venise put financer une croisade et utiliser la puissance franque. Les Pays-Bas régnèrent sur les mers durant presque deux siècles, du début du XVIe jusqu'à la fin du XVIIe. Au temps de Colbert, les Pays-Bas contrôlaient encore 80% de la flotte européenne au long-cours.
 
Le temps des nations, qui naquit avec son contrepoint parfait, le siècle des Lumières, effaça la surpuissance de ces petits États pour la rendre aux grandes entités humaines, forts territoires, populations nombreuses. La nation française fut la première à se cristalliser, un peu plus à l'étroit que son histoire, puisqu'elle abandonna le Piémont au sud-est (qui n'a jamais fait partie de la France mais où toute culture est longtemps restée française) et plusieurs pays au nord : Brabant, Hainaut, Liège et Hesbaie. La question de la nation allemande fut posée à partir de 1806 lorsque Napoléon commit l'erreur de détruire la vieille Allemagne, celle de Charlemagne, celle des Othon, celle des Habsbourg, pour la remplacer par une vaste interrogation qui aboutit à Bismarck. D'autres nations se formèrent, une par une. Cependant, l'idéal de nation était mort le 11 novembre 1918.
 
La fin de la guerre de 14-18 fut en effet la chute du masque : la nation n'était que l'alibi de l'intérêt de quelques-uns et non la sublimation de l'intérêt de tous. La guerre de 14-18, sans autre idéologie que la nation, aboutit, par l'intensité de l'horreur qu'elle imposa aux peuples, à tuer le fantasme national. La France, pionnière nation de l'ère moderne, se trouvait aux avant-postes de cette découverte des limites de sa propre invention : il n'y a pas de générosité dans le principe national, il n'y a que de l'égoïsme.
 
D'autres se laissèrent encore prendre au jeu, notamment les retardataires de la construction nationale, mais l'idéologie, nouvelle maladie des peuples, nouvel alibi de l'intérêt de quelques-uns déguisé en intérêt de tous, s'y était mêlée. L'horreur fut plus grande encore, au sommet de l'abomination, à travers les extravagants massacres des Japonais en Chine dans les années 1930, les effroyables purges staliniennes, et bien sûr l'immense tragédie de la Shoah. De ces atrocités, la nation ne ressuscita pas.
 
On parlait alors, après la guerre de 39-45 (Georges Bidault) des frontières comme des "cicatrices de l'Europe". L'Europe n'était plus dupe, elle ne se laisserait plus avoir au jeu des guerres intestines. Elle s'organisait et pénétrait dans un corridor métanational qui devait aboutir, espérait-on, à une sage et pacifique fédération, il est vrai soudée par l'ennemi commun, le communisme, ou plutôt le despotisme soviétique.
 
Elle appliquait en quelque sorte la devise de la Belgique : "L'union fait la force".
 
De fait, si l'on ne fait plus la guerre, si les nations ne rivalisent plus sur les champs de bataille, si les guerres ne font plus rage ailleurs que sur les marchés économiques, l'outil de l'État-nation perd sa pertinence.
 
Et alors ? Que se passe-t-il ?
 
Eh bien, dans ce monde dans lequel nous vivons, dans ce monde globalisé, interconnecté, fluide comme l'électricité, grésillant en permanence du murmure de l'Internet, on voit renaître ce qui a précédé les nations.
 
C'est ainsi que les Pays-Bas se découvrent de nouveaux orgueils. C'est ainsi que la Belgique souffre. C'est ainsi que peut-être, demain, elle mourra.
 
Car les Flamands ont soif de puissance et rejettent la faiblesse des Wallons. Ils traitent ceux-ci de parasites.
 
Grave erreur, devraient-ils savoir, car en vérité, si les Wallons sont faibles, c'est parce qu'eux Flamands sont forts. Qu'ils se séparent de leurs faibles, qu'ils perdent leur faire-valoir, et ils deviendront le faible d'un plus fort.
 
En revanche, pour les Wallons, ce pourrait être l'occasion d'un nouveau départ.
 
Je devrais donc me réjouir, moi dont la grand-mère était liégeoise, de cette chance donnée à la "communauté française de Belgique" par l'égoïsme balourd des électeurs flamands. Mais non, je ne m'en réjouis pas.
 
La Belgique est un pays attachant, Flamands et Wallons se ressemblent bien plus qu'on ne le croit. Il n'y a peut-être pas de nation belge, c'est possible. Après tout, leur État est né d'une scission des Pays-Bas en 1831 et, sans le veto de l'Angleterre, tous seraient devenus français. Dans une certaine mesure, leur pays est un accident de l'Histoire, une erreur, une coquille de typographe, une rature, une anomalie absurde, et cependant, puisque les nations ne sont plus l'alpha et l'oméga de l'organisation humaine, puisque nous n'en sommes plus dupes, la Belgique peut bien vivre aussi, claudicant sur sa double culture.
 
Mais non, les Flamands (les Néerlandophones, comme on dit parfois pour prendre un ton plus compétent) sont tentés par la solitude, par l'orgueilleuse puissance des petits États laborieux et ingénieux que permet la chute de l'idée nationale. Puisque les nations ne servent plus à rien, ils veulent se replier sur la leur. Oh, elle n'est pas bien grande, elle ne faisait pas le poids dans la guerre de tranchée, dans la bataille de la fonte et du fer, mais dans la paix, dans un monde de marchands, elle vit comme un poisson dans l'eau.
 
C'est ce qu'ils croient.
 
Et pourtant, "l'union fait la force". 

04:20 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : belgique, 14-18, histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook