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30/01/2012

Politiques industrielles, 1981-2020

Jean Peyrelevade confrontait ses idées à celles de Jean-Pierre Chevènement dans un débat organisé par la chaîne BFM TV peu avant le discours soviétique du président Sarkozy, hier dimanche. Parmi les idées que Peyrelevade défendait, celle d'une lecture de la chronologie de la politique industrielle de notre pays. Il a été l'un des acteurs de cette politique dans les années 1980, en particulier comme directeur de cabinet de Pierre Mauroy à Marignon. Selon lui, l'Allemagne possédait déjà de l'avance sur la France en 1981. Les années 1980 ont vu la France tenter de rester à niveau, se maintenir au contact de la puissance productive allemande. Puis, avec la chute du Mur, l'Allemagne a eu à faire l'effort colossal d'absorber un quart de sa population jouissant d'un PIB par tête de pays sous-développé (ou presque). Alors, dans les années 1990, privée de sa rivale d'émulation, la France s'est un peu abandonnée à elle-même. Au lieu de profiter du boulet qui ralentissait l'Allemagne pour refaire une partie notable de son retard, la France a préféré musarder et se laisser aller, gauche comme droite. Le résultat est connu, nous le vivons en ce moment, et nous avons désormais à mettre les bouchées doubles pour regagner le terrain perdu.


J'avoue que je n'avais pas ce souvenir des années 1980. Au-delà même de la montée continuelle du taux de chômage, cette période me paraissait être celle d'une inaction publique quasi-totale dans l'effort industriel. Il n'y a pas très longtemps que je fais peu à peu mon aggiornamento personnel sur cette époque et que les côtés positifs de l'action de la gauche au gouvernement m'apparaissent, en contrepoint, il faut l'avouer, de l'action gouvernementale de la gauche dans les années 1990. Le patriotisme personnel de François Mitterrand doit probablement être invoqué ici. C'est la qualité la plus indéniable de cet homme, même s'il ne faut sans doute pas oublier le rôle personnel de Jacques Delors, invoqué par Peyrelevade avec une émotion manifeste.


Parmi les côtés positifs, il faut reconnaître que la politique étrangère de Mitterrand a été plutôt bonne, étant donné le contexte. Lorsqu'il a fallu éloigner des convoitises étrangères de Nouvelle-Calédonie, il a su le faire, il a su aussi protéger l'autonomie de la défense française, et s'il n'a pas assez nourri la francophonie, il n'en a pas sabordé le cadre comme d'autres l'ont fait depuis.


L'intention de redresser et restructurer l'industrie française est attestée par Jean Peyrelevade, donnons-lui en acte, après tout, il y a eu des succès dans ce domaine, même si les échecs sont plus nombreux, tout compte fait. Je crois que les échecs sont probablement dus à des questions de méthode. La commission europénne a rejeté certains instruments planificateurs qu'elle a jugés contraires aux traités européens, il aurait donc fallu probablement ruser un peu plus. Et puis, l'économie ne se décrète pas. Le colbertisme excessif, mâtiné d'autres formes d'interventionnisme économique, négligeait que l'économie soit, comme le dit Bayrou ces jours-ci d'une heureuse formule, un "biotope", une chaîne vivante dont il faut avant tout soigner le métabolisme pour libérer les énergies intrinsèques.


Peut-être la faiblesse du modèle venait-elle aussi d'une insuffisance doctrinale. Par esprit colbertiste (ou simplement étatiste), la conception économique dominante de nos élites était en général keynésienne. À ce modèle keynésien, on opposait le modèle friedmanien, d'un côté, et le modèle encore plus monétariste hérité de Hayek de l'autre, avec Raymond Barre qui cumulait les deux profils d'économiste et de politique. Peut-être aurions-nous mieux réussi si nous avions pu ancrer une école économique plus en harmonie avec nos traditions historiques. L'économie est le fait des libéraux. On peut tourner le problème comme on veut, on finit toujours par en revenir là : ils sont les meilleurs. De Gaulle ne s'y était d'ailleurs pas trompé en faisant confiance au tandem Pinay-Rueff en 1959. Mais une fois que l'on a dit cela, on n'a pas tout dit, car il existe plusieurs écoles libérales, et l'école française, ensommeillée depuis deux cents ans, nous ferait probablement donner de meilleurs résultats si nous avions l'intelligence d'en teinter désormais nos politiques publiques (en n'omettant pas que Barre, en neutralisant la monnaie comme instrument conjoncturel, et donc en voulant l'Euro, avait certainement raison, n'oublions pas le succès du Franc Germinal).

Enfin, il faut le reconnaître, notre classe dirigeante penchait spontanément vers ce que Peyrelevade a désigné d'un mot cinglant qui, selon lui, décrit le point commun des partis de gauche d'aujourd'hui : le laxisme.


S'il faut retenir au fond quelques traits de cette politique économique des années 1980, qui, apparemment (suivons le témoignage de l'acteur de premier plan Peyrelevade), nous permettait de rester au contact des Allemands, gardons l'idée des politiques de filières, de la vision à long terme, l'intention historique vertueuse. Ajoutons-y le goût de la liberté, la dynamique du biotope, un réenracinement doctrinal dans des actions qui collent au plus près à notre inconscient collectif, et il ne fait aucun doute que notre agenda 2020 sera tenu.

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26/01/2012

Bayrou, Hadopi, ACTA, les droits d'auteur et internet

Je viens d'entendre sur Le Mouv que François Bayrou abandonne l'idée de la licence globale, qui avait pourtant sa préférence depuis plusieurs années. C'est la démonstration faite par le Parti Pirate des trop grandes fraudes possibles aux clics qui l'a décidé à cet aggiornamento (nom savant d'une mise à jour). En effet, pour la répartition des sommes prélevées par la taxe de licence globale, le nombre de téléchargements d'une œuvre est crucial. Si un habile technicien (internet en regorge) est capable de mettre en place un robot qui va télécharger artificiellement plusieurs milliers de fois le même titre, le mécanisme est trop fragile, trop sujet à la fraude.

Alors, que faire ?

Supprimer Hadopi. Oh je sais que les milieux du cinéma, en particulier, sont farouchement attachés à Hadopi. Mais une institution dont la seule mission est le flicage des internautes pour le compte d'intérêts privés selon une procédure intrusive par toutes ses phases, une telle institution ne peut avoir aucune place dans un pays libre. De mon point de vue, surveiller les internautes et les punir un à un est du même niveau que la pénalisation de l'usage de la drogue : ça a prouvé son inefficacité depuis très longtemps, et ça a des inconvénients considérables, rédhibitoires.

De surcroît, Hadopi est la version expérimentale de ce que préconise le traité ACTA que la commission de Bruxelles vient de signer en outrepassant ses pouvoirs. Au nom de la défense du droit moral, toute barrière des droits humains s'éteint. Tout cela est malsain. Le Parlement européen a émis des réserves sur ce traité, j'espère que Bayrou, une fois élu, refusera de le faire ratifier par le parlement français.

Ensuite, les sites sont connus, il n"y a aucune raison que le développement de plateformes de type Spotify ou Deezer ne vienne pas permettre aux internautes de télécharger des œuvres pour pas cher. Tout le monde s'y retrouvera, à condition toutefois que la diversité des répertoires soit aussi à la hauteur des immenses facultés d'internet.

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20/01/2012

Thierry Crouzet a débranché, il témoigne chez Fayard

Thierry Crouzet a des idées politiques plus que tranchées, il opte pour un localisme sans concession. Pour lui, les seules décisions légitimes sont celles qui se prennent à hauteur d'homme, entre gens du même coin (son coin à lui est dans le Languedoc). Pourtant, il a été parmi les premiers, en France, à se connecter et à participer à l'élan de rapprochement mondial qui s'appelle internet. Il a même théorisé l'aspect politique de l'activité des internautes dans deux essais parus en 2006 : le Peuple des Connecteurs et le Cinquième Pouvoir.

Pionnier du blog de langue française, il a subi voici quelques mois une forme de surmenage qu'on appelle depuis quelque temps un burnout, il s'est retrouvé à l'hôpital. Là, sur son lit d'hôpital, il a tenté machinalement de savoir combien de lecteurs se connectaient à la note qu'il venait de publier sur son blog et subitement, il s'est dit "Ce n'est pas normal", il se découvrait dépendant de son blog, dépendant d'internet. Pour retrouver sa liberté, et pour s'assurer que cela était possible, il a décidé de débrancher et d'en témoigner sur papier avec la complicité de l'un des plus grands éditeurs français, Fayard, l'éditeur du Général de Gaulle.

Hier soir, à la librairie Le Divan, il est venu présenter cet ouvrage à ses amis et à ses lecteurs. Il a convié Sébastien Musset, Vinvin et Christophe Grébert à échanger avec lui et le public autour de son livre. J'y étais.

Crouzet arrive un peu en retard de Canal Plus où il a enregistré une émission qui doit passer aujourd'hui à l'heure du déjeuner. Le choix de ses interlocuteurs du soir est significatif : Crouzet ne croit pas à l'élection de Hollande (qui caracole dans les sondages), Seb Musset, lui, y croit, Vinvin vote pour François Rollin ou pour un moine trappiste, et Christophe Grébert, combattant au cœur du cloaque de la sarkozye, vote Bayrou.

Six ans après ses essais mentionnés plus haut, Crouzet porte un regard désabusé sur internet, les révolutions arabes lui paraissent être des "révolutions pour rien", il a l'impression que l'immensité d'internet le fait s'époumoner pour rien, et que finalement, son utopie s'est diluée, pour ne pas dire plus. Grébert confirme son impression : finalement, internet n'est qu'un moyen, mais quel moyen, on en a vu la puissance notamment au moment de la tentative de nomination de Jean Sarkozy à la tête de l'Epad, à La Défense, où la mobilisation des internautes, notamment par Twitter, a fait reculer le pouvoir politique.

C'est d'ailleurs le constat fait par la salle et par les trois amis de Crouzet : il y a cinq ou six ans, internet était à la remorque des médias. Aujourd'hui, ce sont les médias qui traînent à la remorque d'internet. Et Crouzet témoigne : Mikiane l'a invité à visiter les locaux de France 24 et là, il a vu de ses yeux ce qui pour lui représente le comble de l'horreur dans son domaine : une machine à trier les mots-clefs sur internet en temps réel, qui permet de choisir les sujets qui buzzent pour en parler lors des plages d'info.

- Ils ont des articles tout prêts qui sortent de la machine, s'indigne-t-il.

Et si internet le déçoit, Crouzet a pu vérifier qu'on pouvait vivre sans internet. Très bien. Il a débranché pendant six mois et n'a pas éprouvé de manque. Il est même surpris d'avoir si peu écrit sur son blog depuis qu'il s'est rebranché en septembre.

On parle ensuite des sites qui gagnent de l'argent sur le dos des auteurs, Google, le Huffington Post ("un nom que je ne peux même pas prononcer", grommelle Crouzet), Seb Musset témoigne aussi sur ses relations avec Marianne2.fr.

Crouzet continue en évoquant certains passages de son livre, notamment celui que lui a demandé son éditrice : comment préparer les enfants à internet, comment les armer contre la machine internet. Là, Vinvin intervient en expliquant :

- Internet, c'est comme une rue le soir. Est-ce que vous laissez vos enfants sortir tout seuls le soir ? Pas moi.

Crouzet ajoute qu'il manque des mythes littéraires qui permettent aux gens de s'identifier avec différents comportement sur internet. La salle lui demande alors si, comme dans le monde ancien, il souhaite des héros, ou s'il songe à un storytelling d'internet. Mais si l'idée demeure imprécise, on sent que Crouzet a raison.

En souriant et avec un plaisir amical, il dédicace ensuite son livre pendant que nous bavardons et prolongeons la conversation. Internet n'est déjà plus ce qu'il était. Il lui reste à devenir ce qu'il est.

Aux dires de son éditrice, le livre qui témoigne des six mois débranchés, intime, se lit comme un roman, grâce à la qualité du style de son auteur. Grébert, lui, commente avec une sobriété amicale :

- Crouzet veut devenir un saint.

Il ne reste plus qu'à acheter le livre chez votre libraire, pour 18 Euros. La version numérique reste onéreuse, à presque 14 Euros, mais on nous explique que c'est là le résultat d'un choix général du groupe Hachette. Après tout, ce n'est pas un sacrifice si grand et nul doute que ceux qui ne pourront pas le payer trouveront un moyen de se le faire prêter.

En rentrant de cette soirée, j'apprends que, au lendemain du blackout de l'internet américain contre le projet Sopa, le FBI a fait brusquement fermer le site de téléchargement Megaupload (pourtant enregistré à Hong Kong, hors du territoire américain) et mis en examen plusieurs de ses responsables. Grosse émotion sur internet, les hackers ont aussitôt réagi en bombardant Universal, le site du ministère américain de la justice, la Hadopi française, et tous ces sites sont hors service. La cyberguerre a commencé. Quelle soirée !

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16/01/2012

L'endettement des États nourrit la spéculation internationale

Parmi les échanges qui ont eu lieu samedi à la Maison de la Chimie autour de la campagne de Bayrou, j'ai été frappé par ce qu'a dit l'un des experts conviés à s'exprimer sur le principe du "Produit en France". Il parlait de la sucrhauffe de la spéculation financière internationale, qui est la fois un des symptômes et une des causes de nos difficultés. Il expliquait que pour éviter cette surchauffe, il fallait la priver de carburant. "Or, continuait-il, le carburant de la spéculation, ce sont les liquidités". Il poursuivait en précisant que la façon la plus simple et la plus vertueuse de réduire les liquidités, c'était de diminuer la dette des États. Car faire de la dette, c'est créer de la liquidité.

Voilà qui va surprendre tous les chantres du déficit public et de la dette "vertueuse". Non, la dette de l'État n'est pas vertueuse, elle contribue à l'emballement de la spéculation internationale et, de là, à la pression de la financiarisation sur nos entreprises. Si la spéculation mondiale était moins intenses, les entreprises retrouveraient des marges pour investir, au lieu de les réserver à la rémunération des marchés financiers insatiables.

Conséquence : plutôt que de diminuer la pression fiscale sur les entreprises, ce qu'il faut faire, c'est diminuer le déficit de l'État. Le chemin le plus court d'un point à un autre n'est pas toujours la ligne droite. Réduire la liquidité de l'économie mondiale en réduisant les endettements permettra de ramener la spéculation financière à un niveau plus tolérable pour les entreprises et pour les économies nationales.

Autre conséquence : ceux qui prétendent que la monétisation de la dette est la bonne solution ont entièrement tort, car la monétisation est aussi une création de liquidités, alors qu'il faut réduire la liquidité.

Améliorer la marge des entreprises pour l'investissement en réduisant le déficit et la dette de l'État. CQFD.

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14/01/2012

"Produit en France"

Intéressante journée d'étude à la Maison de la Chimie pour tenter de donner un contenu aux principes du rétablissement de la production française. Les vidéos sont disponibles sur Bayrou.fr et je ne crois pas utile de donner un compte-rendu exhaustif, mais voici quelques idées qui me sont venues aujourd'hui.

"Il y a activité économique à partir du moment où il y a lutte contre la rareté"

J'ignore si cette phrase est de Raymond Barre lui-même, mais elle figure au tout début de son manuel d'économie politique, comme si elle était de lui : "Il y a activité économique à partir du moment où il y a luttre contre la rareté". Ce qui fait des Trente Glorieuses une parenthèse enchantée pour l'Europe et l'Amérique du Nord, c'est l'oubli de la contingence de rareté, l'impression d'abondance et d'inépuisable. Les chocs pétroliers des années 1970 sont venus mettre fin à ce rêve éveillé.

Ce qui est frappant, c'est l'écho de cette phrase d'un économiste renommé, libéral, homme politique aussi, incarnant l'ancien monde (la dernière édition du manuel de Barre date de 1997), dans ce que disent aujourd'hui les écologistes : nous sommes menacés par la pénurie, une pénurie généralisée. La pénurie étant la rareté au superlatif, nous voyons donc que les défis qui se présentent à nous et que nous désignons par le vocable d'écologiques sont en fait rien de moins que les défis économiques de notre époque, ceux de notre génération.

Oui, rareté, pénurie, épuisement des ressources qui ont correspondu au modèle de la révolution industrielle d'abord, au modèle taylorien ensuite. Mais alors que les marchands d'apocalypses referment le cercueil sur nos doigts, les économistes et les scientifiques disent : "cette rareté, cette pénurie, ne sont pas une fatalité, il existe, ou il peut exister, un remède". C'est cela la réflexion économique, et nous y sommes, trouver de nouveaux modèles de production et de consommation qui nous permetttent de surmonter la rareté qui nous menace.

Les atouts français

Dans ce schéma, nous devons considérer notre pays pour ses deux atouts principaux, et nous pouvons revenir aux réflexions de l'ancienne école française : il n'est richesse que d'hommes (et nous en avons), d'un côté, et de l'autre côté, les atouts de notre géographie. Nous disposons de plusieurs milliers de kilomètres linéaires de rivages maritimes. Nous disposons donc d'un gisement colossal d'énergie marine. L'implantation des premières hydrauliennes, en Bretagne, doit permettre de déterminer à terme la durabilité du matériel et son impact environnemental, ce qui aboutira à fixer vite sa rentabilité. Sans doute pourrons-nous produire pour pas cher des mégawatts comme s'il en pleuvait, et non seulement en métropole, mais dans les DOM-TOM qui sont presque tous des îles.

Nous pourrions donc envisager une production d'électricité à trois grands pôles : un nucléaire (à partir du moment où la fusion nucléaire sera au point), un hydraulien et le troisième pourrait ressembler à ce qu'imaginait Joël de Rosnay voici quelques mois, une multitude, une constellation, de petites unités de production mises en réseau entre elles et avec le réseau principal des deux pôles, l'un hydraulien, l'autre nucléaire. Ce qui n'interdit pas, bien entendu, l'éventualité d'installation des délicieuses éoliennes en chistéra démontrées par Marc Lassus tant à l'Université de Rentrée qu'aujourd'hui.

La différenciation du produit

En réalité, ce dont notre pays souffre en ce moment, c'est son anonymat. Rien de plus paradoxal que cet anonymat, car Paris et la France sont toujours synonymes de raffinement, de luxe, de savoir vivre, de terroirs, mais nos produits ne bénéficient pas de notre image. Sans doute n'y a-t-il pas une réflexion suffisante pour l'identification des produits. Et même l'inverse. Par exemple, les gens du XVIe arrondissement de Paris, comme moi, connaissent les deux marques Weston et Smuggler, deux marques fabriquées en France, mais comme elles sont destinées au marché français ... elles se cachent derrière des noms anglo-saxons, ce qui rend difficile l'identification du produit à l'export.

Je ne dis pas qu'il faille ressortir forcément les marques Chambourcy et Gervais, on voit que ce serait assez vite malsain dans l'esprit, mais il ne fait aucun doute que quelque chose de commun doit différencier les produits fabriqués en France proposés au reste du monde, il doit y avoir une différenciation commune si nous voulons être efficaces.

Signalons au passage le chiffre donné aujourd'hui que les principales grandes entreprises françaises "font" 50% de leur chiffre d'affaires à l'export, ce qui explique en partie leur appétit de délocalisation, alors que leurs homologues allemandes continuent en général à produire essentiellement en Allemagne. La difficulté d'exportation concerne surtout les PME et la multitudes des produits les plus notablement réalisés en France.

Différenciation, nous devons être conscients que le label "produit en France', chez nous comme à l'export, est avant tout un éléménet de différenciation du produit, un élément parmi d'autres, et on voit mal pourquoi cette différenciation-là serait interdite. On imagine des produits à double label : "Halal - produit en France" (ou Cacher - produit en France), ou (pourquoi pas ?) "issu du commerce équitable - produit en France".

Cette différenciation est cruciale, car ce dont nos produits souffrent le plus, c'est justement de ce défaut d'image, de ce défaut de différenciation produit collective, aussi bien à l'export que sur notre marché domestique.

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12/01/2012

Stop aux bricolages fiscaux et sociaux

Les comptes de l'année 2011 sont à peu près clos, on sait que le déficit de l'État sera maintenu sous la barre des 100 milliards d'Euros, mais la majorité a tort de se réjouir trop fort de ce résultat, car si l'on compare nos 5,7% de déficit budgétaire accompagnés de moins de 1% de croissance et de 75 milliards de déficit extérieur avec les 1 % de déficit budgétaire, 1% de croissance et 150 milliards d'excédent extérieur allemands, on voit qui a des marges pour améliorer ses points faibles et qui n'en est encore qu'à colmater les brèches au son du sauve-qui-peut.

Logiquement, les propositions émanent donc des candidats à la prochaine présidentielle. À droite, on veut faire glisser les cotisations sociales des entreprises sur la TVA en oubliant que le produit de la TVA dépasse à peine 130 milliards, tandis que l'ensemble des comptes sociaux oscille entre 400 et 500 milliards, il faudrait donc quadrupler au moins la TVA pour financer les budgets sociaux. À gauche, on préfère faire basculer l'IRPP sur la CSG, oubliant que la CSG, contrairement à l'IRPP, n'est pas progressive et qu'il s'agit donc purement et simplement de supprimer la progressivité de l'impôt, ce qui ne ressemble pas à une mesure de gauche, si bien que, pour s'en cacher, on évoque une modulation du quotient familial de l'IRPP qui ferait supporter aux familles (nombreuses en particulier) une double peine.

Tout cela n'est que du bricolage. En fait, ce qu'il faut, c'est d'abord rétablir les comptes publics sur les bases actuelles, jusqu'à un déficit 0, puis remodeler l'ensemble de la fiscalité et des contributions sociales en fonction du meilleur double ratio de justice et d'efficacité économique.

Pour les entreprises, et surtout pour les PME, et encore plus pour les TPE, il faut amplifier d'urgence la simplification des rapports avec l'administration. L'idéal, pour les PME et TPE, c'est la déclaration unique servant à toutes les taxations et cotisations. Un seul formulaire à remplir, un seul guichet, un seul prélèvement. Il appartient ensuite à l'administration de répartir ce prélèvement en fonction des éléments de la déclaration. La logique globale de taxation devrait prendre en compte trois critères : le résultat, l'innovation, le nombre d'employés. Un ratio combinant ces trois facteurs permettrait de dresser un barème de taxation globale décroissante (ou dégressive) à ventiler ensuite entre les différents postes fiscaux et sociaux.

Pour les particuliers, il faut reprendre les masses globales et repartir de 0 pour en répartir la charge au mieux, en tenant compte du fait qu'il est réellement illogique que les entreprises supportent à ce point la protection sociale, et qu'il faut donc profiter de la réforme fiscale globale pour pousser vers de nouvelles répartitions de charges entre les particuliers.

Seule une réforme d'ensemble sera efficace. Stop aux bricolages et bidouillages qui fleurissent en temps de campagne électorale comme les champignons après la pluie, et qui ne font qu'ajouter à la paralysie de notre système enlisé dans les contradictions de ses inspirations.

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10/01/2012

Le triomphe des rentiers ?

Dans notre inconscient collectif, le rentier est le pire de tous les hommes, c'est-à-dire celui qui fait baver d'envie la majorité d'entre nous : celui qui roule en Ferrari, qui joue au golf ou s'envoie en l'air toute la journée, qui ne fait rien, a des domestiques, bref se la coule douce et pète dans la soie. Au fond, si nous voulons vivre sa vie (pas moi), nous la percevons comme mauvaise, immorale, parce que nous croyons plus digne de travailler pour gagner sa vie.

Historiquement, c'est l'homme du XIXe siècle : en 1900, la France compte 5% de rentiers, bourgeois ou aristocrates qui se contentent de percevoir le loyer de leurs terres et qui vivent dans un monde de loisirs, le rentier étant gros consommateur de culture à cette époque-là. Toute l'idée du XXe siècle s'est construite contre lui, je crois que c'est Keynes qui parlait d'euthanasier le rentier. Mais patatras, la crise de 1973 a renversé les valeurs, voyons comment et voyons aussi les conséquences du retour en force du rentier pour aujourdhui et demain.

Le rentier et l'origine de la pensée économique

Il est assez curieux et significatif de constater que la rente est le point commun des deux écoles qui ont, les premières, réfléchi à la définition d'un revenu national : en France, si ma mémoire est bonne, c'est le physiocrate Quesnay qui a, le premier, proposé une ventilation du produit de l'exploitation économique en trois postes : la rente, le salaire et l'investissement (il ne nommait pas les deux dernières notions comme ça, mais c'est à quoi il pensait). Un peu après, en Angleterre, Adam Smith et ses émules préféraient une autre ventilation : la rente, le salaire et le profit. Il est assez significatif, soit dit en passant, que l'école française ait mis l'investissement tellement en exergue. En réalité, Quesnay parle des "avances", c'est-à-dire du capital de départ nécessaire à l'exploitation, donc les outils et les provisions. On reconnaît le goût français de l'épargne dès ce premier écrit de Quesnay. Les Français voient de l'épargne là où les Anglais voient du profit. Mais laissons de côté cet aspect anecdotique pour en revenir à notre rente : elle est, avec le salaire, le point fixe de la réflexion.

Disons tout de suite que sa légitimité pose des quantités de problèmes dès l'origine, les théoriciens anglais déploient des trésors de dialectique pour échafauder des raisonnements qui l'étaient mais, en réalité, ils n'y parviennent qu'à moitié. Suffisamment pour que le XIXe siècle soit, comme je l'ai dit, celui des rentiers. On les voit dans Balzac déposer leur argent et l'inscrire au grand livre de la dette publique, où il est rémunéré, je crois, à hauteur de 3%. Et surtout, la rente, c'est sur la terre qu'elle repose. Il y a un lien secret entre la terre, entre les ressources naturelles, et la rente, parce que la rente n'est pas le fruit du travail, elle n'est pas le fruit de ce qui devient, mais de ce qui est. Depuis des siècles, on paie d'ailleurs ses rentes agricoles tant en numéraire qu'en produits frais. L'effondrement des prix agricoles, vers 1900, va sceller le sort de la rente, va éteindre sa légitimité : avant 1900, on pouvait vivre largement de ses rentes avec quelques dizaines d'hectares. Après 1900, et surtout parès 1918, les châteaux vont progressivement perdre de leur splendeur avec lextinction de leur rente naturelle. L'extinction de la rente a donc un retentissement politique, elle est synonyme d'égalité et de république.

Tout change à partir de 1973

Les rentiers du pétrole

En 1973, on s'en souvient, les pays pétroliers ont décidé de fixer eux-mêmes le prix du pétrole qu'ils nous vendaient en grande quantité. Ce faisant, ils ont définitivement mis fin au modèle taylorien et amorcé la crise qui, depuis lors, ne cesse de s'aggraver pour nous. Pourquoi n'a-t-on pas, cependant, crié à l'injustice, ni au scandale ? C'est qu'il est apparu injuste que les pays dits du nord ne paient pas un juste prix pour les matières premières des pays dits du sud. Il y avait justice à payer un prix équitable. Si j'osais, je dirais que la décision de 1973 a fait du pétrole le premier des produits "équitables". Ce serait vrai si les émirs du pétrole avaient daigné partager leur magot avec leurs peuples, ce qui n'a pas été le cas.

Et l'on a donc vu débouler dans nos pays les émirs et leur suite endiamantée. Au début, ils se sont contentés d'acheter des demeures somptueuses, de s'offrir le luxe le plus tapageur. Et nous n'avons rien dit. Les peuples continuaient à vivre sans le sou, les émirs roulaient carrosse, nous revoyions ce qontre quoi nous avions fait la révolution en 1789, mais nous n'avons rien dit. Nous n'avons pas protesté. Au fond, ils nous ont tenté, et nous avons tous eu envie de devenir rentiers (sauf moi).

Il y a plus de rentiers en France en 2012 qu'en 1789 ou en 1900

La crise de 1973 a eu un effet paradoxal de plus : elle a engendré la retraite à soixante ans. En 1945, lorsque furent créés la plupart des régimes de retraite des vieux (comme on disait), il s'agissait de permettre à ceux qui n'avaient plus la force de gagner leur vie de s'arrêter et de vivre dignement. L'âge de la retraite était alors 70 ans, sauf cas particuliers. Compte tenu de l'âge moyen de la population, les retraités n'étaient pas si nombreux. En 1968 je crois, il est passé à 65 ans, et finalement à 60 ans en 1982. Or en 1982, on avait une espérance de vie moyenne de 70 ans. Donc on établissait un régime où tout le monde devait vivre en principe en rentier (laissons ici les inégalités qui faisaient que les ouvriers profiteraient moins que les autres de ce statut et gardons seulement le raisonnement).

Aujourd'hui, nous avons donc bien plus de 5% de rentiers, puisque nous avons bien plus de 5% de retraités. Les émirs du pétrole ont légitimé le retour des rentiers dans la société occidentale, avec le lot d'inégalité que cet état de fait suppose. Notons qu'il y a des peuples entiers qui sont en fait des peuples rentiers, c'est le cas des Norvégiens qui jouissent du pétrole de la Mer du Nord, comme d'ailleurs les Britanniques (très friands de rentes).

Mais on ne peut pas comparer, évidemment, le sort d'un émir du pétrole avec celui d'un retraité français qui touche 8 ou 900 Euros par mois. Seulement, la retraite jeune d'aujourd'hui est le rêve de nos concitoyens, ils la préparent pendant toute leur carrière. Tout est fait et organisé pour cet instant-là, celui où l'on sera (enfin) à la retraite. Que le travail soit plus créatif et plus intéressant, hum, non, non, pas en France. Il est vrai que nous sommes aussi le pays où la retraite est en fait entre 50 et 55 ans, celui où on jette les gens le plus tôt.

On doit comprendre que je ne veux bien entendu aucun mal aux retraités, mais qu'ils sont le signe de la démobilisation de notre société. Et alors que nous réprouvions profondément le rentier avant d'avoir la perspective de cette retraite durable, nous vivons dans une société où le fait d'être rentier est légitime, puisque nous en serons tous un un jour ou l'autre.

Quant aux émirs, ils deviennent franchement encombrants.

La concentration de l'argent

Quand Peugeot, Ford, Siemens, ou autres, avaient beaucoup de liquidités, ces sociétés en profitaient pour investir beaucoup dans la production. Quand les émirs du pétrole ont commencé à nager vraiement dans les pétrodollars, ils ont commencé par les dépenser fastueusement, comme je l'ai dit, puis ils ont réalisé qu'il fallait en faire quelque chose de plus solide. Ils ont un peu investi chez eux, et ils ont nourri la spéculation internationale. Oui, cette spécualtion n'est pas seulement le fruit des placements des fonds de pensions (retraités encore) des grandes entreprises américaines, elle naît de l'inépuisable flot de liquidités qui s'écoule à jet continu des coffres des émirs, avant même que les Chinois n'en aient aussi des montagnes à placer. Tout cet argent qui n'était pas le fruit du travail s'est donc répandu comme une nuée de vampires sur le travail à travers une spéculation où le financement de l'activité économique (qui est la base de l'activité boursière) n'a presque plus aucune place, comme si le triomphe des rentiers et de l'argent sans cause devait être total et le travail doublement ponctionné. Le pétrole a remplacé le blé, mais la rente a repris son pouvoir absolu.

La concentration des liquidités et le train de vie extravagant des émirs ont aussi légitimé les salaires mirobolants des grands patrons occidentaux ainsi que leurs trains de vies clinquants, de plus en plus délirants. En fin de compte, Keynes avait peut-être raison. Peut-être faudrait-il euthanasier le rentier.

 

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04/01/2012

TVA : le sabotage des finances publiques continue

Sur le papier, la TVA sociale est une bonne idée. Faire payer une partie de la protection sociale par des produits importés, compenser en quelque sorte le dumping social par des mesures fiscales, ça sonne bien. Le fait que Jean Arthuis la défende est le gage de ce bon penchant.Cependant, si dans son principe, cette innovation pourrait avoir du bon, on voit aussi qu'elle revient à faire payer la protection sociale par des gens plus fragiles que ceux qui ont un emploi, les chômeurs par exemple, et qu'on ne peut pas appliquer cette nouvelle TVA soicale sans mesures d'accompagnement ni sans correctifs, faute de quoi elle devient socialement insupportable.

La décision du gouvernement d'imposer cette TVA sociale au galop, en pleine campagne présidentielle, de le faire sans préparation ni accompagnement, de la même façon qu'on a grevé à la fois les finances de l'État et les libertés locales en supprimant la Taxe professionnelle, est forcément suspecte.

Si l'on nous explique que Sarkozy veut se rendre impopulaire, le président courage qui impose des décisions courageuses malgré leur impopularité, on voit que le but de cette mesure n'est donc pas budgétaire, ni économique, mais politicien. Dans la situation dramatique atuelle des finances publiques, une telle attitude est plus que dangereuse, comme l'a justement noté Bayrou (et d'ailleurs Hollande qui s'est prononcé contre tout principe de TVA sociale, ce qui est un peu excessif).

On a supprimé les droits de succession sans compenser cette importante perte de ressources pour l'État, on a opéré de nombreux dégrèvements sans se soucier apparemment de l'impact de ces décisions sur les finances publiques, et à chaque fois, la technique politique a été la même, une forme de démagogie, la vitesse confondue avec la précipitation, et à chaque fois, les finances publiques ont reçu un nouveau coup, et leur déséquilibre s'est amplifié.

Rien que pour ça, la TVA sociale modèle Baroin doit être rejetée, avant même de savoir quelle part des cotisations sociales elle concerne. Car dans la situation critique des finances publiques de la France, les seules innovations acceptables sont celles qui ramènent les comptes publics à l'équilibre, lequel est la condition sine qua non de toute initiative fiscale et financière nouvelle.

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03/01/2012

Trois mots pour 2012

Puisque l'ami Éric m'a tagué, et qu'il est l'un de nos meilleurs de la blogosphère, voici trois mots pour ouvrir l'année 2012 (en dehors des escellents produire, instruire, construire) :

Liberté parce qu'on en manque, comme d'égalité et de fraternité.

Conscience parce que chacun a le droit d'écouter la sienne.

Clémence parce que nous baignons dans une sévérité des poutres contre les pailles, et il faut y ajouter la compassion.

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Une saison qui porte à peindre

Quand je n'écris pas, il m'arrive de peindre (avec une grande modestie). Voici ce que donne la lumière en Bretagne quand le ciel est gris foncé, mais la lumière du soleil parvient à se frayer un chemin pour éclairer des bosquets ou des pelouses, des maisons ou des talus.

Plomelin, décembre '11.jpg

 

 

 

Bonne année à tous, bloavez mad aux Bretons !

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