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18/03/2009

La crise nous soulage-t-elle paradoxalement ?

Le Salon du Livre se termine tout à l'heure, la fréquentation y a été bonne, et en plus, les auteurs présentent de bons chiffres et ont la banane. Alors, quoi ? Les gens se sont remis à lire ? Alors même qu'ils n'ont plus d'argent, qu'ils thésaurisent à tout va en redoutant le chômage, la disette et les cataclysmes ?

Eh oui.

Ils lisent, ils vont au cinéma. Ils se détendent, me direz-vous. C'est vrai, mais pas seulement, ou plutôt, leur besoin de détente n'exprime pas seulement une angoisse : il exprime sans doute un soulagement.

Quand on met les salariés sous la pression du résultat, quand il faut faire du chiffre pour soigner l'image financière de la boîte et son cours de bourse, quand il faut se montrer fringant devant le banquier, on n'ose plus lire, on n'ose plus bouger, sourire, vivre. Mais dès lors que l'ampleur de la crise révèle que tout ce stress ne servait à rien, que c'était un vaste mensonge, eh bien, on se détend réellement, et on retrouve ce qui fait le plaisir de la vie : un bon livre, un cinoche entre potes et un panier de légumes bio.

Voilà, selon moi, la raison de l'embellie des ventes de produits culturels. Mais déjà se profile un lourd nuage à l'horizon, les noms d'Amazon et de Google ont résonné dans le frisson du Salon. Voici en images les conclusions de l'excellente Karine Papillaud sur le Salon :

 

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14/03/2009

Libérez le livre numérique.

L'an dernier, j'assistais à une table ronde qui relatait les balbutiements des premiers livres numériques en France. Deux produits étaient disponibles depuis peu : l'Irex et Bookeen, ce dernier étant un produit de conception française, sauf un élément, l'écran, puisque celui-ci est frabriqué pour tous les acteurs du marché par un seul fabricant, une société taïwanaise. au passage, il est amusant de noter que la Chine, qui a inventé ce qu'on nomme necore l'encre de Chine, reste en pointe de l'encre avec le premier support d'e-ink, d'encre numérique.

Aujourd'hui, nouvelle table ronde.

L'Irex est le plus complet mais aussi le plus onéreux des supports disponibles, mais très tourné vers le journal numérique, l'e-paper. Et Bookeen se proclame le plus implanté, puisque présent dans une quarantaine de pays et plusieurs langues, dont le russe et le chinois.

Sony vient de lancer son propre produit (son "reader") simultanément au Royaume-Uni et en France, puis depuis quelques jours en Allemagne et c'est assez cocasse d'avoir vu cet après-midi, au Salon du Livre où ce sujet était traité, le cofondateur de Bookeen donner des info sur le développement de Sony sur ce marché au représentant de Sony France...

De fait, on sent bien que Bookeen se sent sous pression en raison de l'apparition d'un mastodonte comme Sony sur un marché qui demeure un segment étroit, alors qu'Amazon a déjà développé son propre "reader" (le Kindle) aux États-Unis et qu'on est certain qu'il va l'adapter au français, et qu'Apple numérise des livres à tours de bras, ce qui signifie qu'il va aussi prendre une position sur ce marché. L'indépendant Bookeen résistera-t-il au combat des mammouths ?

Toujours est-il que le marché s'organise autour de deux pôles : les contenus libres, d'une part, et les contenus sous DRM d'autre part.

C'est la société Adobe qui a, apparemment, développé un format plus complet que le pdf, qui permet d'introduire une clef créant le DRM. Les éditeurs ont la possibilité d'y recourir pour une somme qui est présentée comme modique (donc non pénalisante pour les petits éditeurs). Cela étant, dans le cadre du contenu libre, le format pdf est lu par les livres numériques présentés aujourd'hui.

Dans le cadre des contenus sous DRM, il faut cependant préciser que l'interopérabilité des contenus n'est pas encore faite : Amazon a son propre support dont la compatibilité restreinte lui permet de fonctionner sous forme d'exclusivité pour son support. Vous voulez lire le prochain Harry Potter ? Achetez un Amazon Kindle serait la philosophie de cette démarche. On a vu récemment à propos d'Apple et d'Orange que les tribunaux français répugnaient à entrer dans ce genre de logiques, mais il faut savoir que l'appétit de domination des géants envisage sérieusement ce chemin.

Pour contrer la stratégie très monopolistique d'Amazon, les différents supports présents actuellement en France se sont organisés autour de la formule imaginée par Adobe et parrainée par la FNAC. C'est encore la FNAC qui va faire le lobbying pour que la TVA sur le livre numérique rejoigne celle du livre papier, car la première est actuellement à 19,6 %, et la seconde à 5,5 %. Franchement, cette égalisation paraît juste. Pour le moment, le différentiel entre le livre numérique et le livre sur papier n'est que de 10 à 15 %, alors qu'il est de 25 % aux États-Unis. Si la TVA baissait, la correction serait la même. On voit que le lobby du papier se défend, mais étant donnée la pollution occasionnée par cette industrie, on ne voit réellement pas ce qui justifie qu'elle prenne le lecteur en otage.

Les trois produits présentés (hors l'Irex qui est plus tourné vers l'e-paper et des usages plus "pointus", écran réinscriptible etc) sont dans la fourchette de 250 à 300 Euros. Deux seulement sont disponibles en France actuellement : Bookeen (280) et Sony (299), les deux ayant des caractéritiques d'usages forcément assez proches, puisque l'écran provient du même fabricant et que c'est seulement l'ergonomie et l'esthétique qui diffèrent.

Voici une vidéo prise hier où M. Colin présente l'activité de la société 4D Concept, dont la diffusion des Irex et des Bookeen :

 

Qui a peur des contenus collaboratifs en ligne ? (ma vidéo)

Comme l'an dernier, le salon du livre est l'occasion de débattre de ce qui obsède nombre d'éditeurs : le rôle d'Internet. En l'occurrence, il s'agit des dictionnaires et encyclopédies, dont le rôle et l'élboration traditionnels sont fortement contesté, en particulier par Wikipedia.

Deux aspects de la question effraient les tenants de l'économie traditionnelle : les contenus collaboratifs et la gratuité de la connaissance.

Les contenus collaboratifs les inquiètent, parce qu'ils remettent en cause l'ordre selon lequel il y a, d'un côté, ceux qui dispensent le savoir et, de l'autre côté, ceux qui le reçoivent, c'est comme une société où l'aristocratie daigne octroyer le savoir, et le Tiers-État le recevoir. Et cette fonction de détenteur du savoir, de seul détenteur du savoir, permet de le monnayer. Dès lors que le monopole est brisé, que la relation du savoir est bijective, il n'y a plus de monnaie. De là la frayeur qui fait frissonner le monde éditorial.

Cependant, les choses ne sont pas si tranchées que ça. Larousse a trouvé une formule qui combine la subjectivité de l'auteur unique et la rédaction collaborative, en juxtaposant des commentaires aux articles des auteurs qui les signent en ligne. Cette formule est un succès : un million de connexions par mois, trois millions de pages vues. Mais je n'ai pas bien compris si ce que Mme Karoubi, qui s'exprime pour Larousse, nomme le "contenu Larousse" est soumis également aux commentaires des internautes, comme les articles de internautes.

Quoi qu'il en soit, même si Universalis reste campé sur le concept de son encyclopédie qui est comme une gigantesque revue où l'on vient chercher moins de la connaissance brute que la subjectivité d'auteurs prestigieux, le mouvement du monde traditionnel vers le monde nouveau s'esquisse. Même Universalis a un site de contenu, réservé, il est vrai, aux acheteurs d'Universalis junior, ou accessible moyennant finance.

À l'inverse, Universalis se pourlèche les babines du fait qu'en Allemagne, Wikipedia a, paraît-il, décidé de filtrer les contributions et de ne pas les publier avant validation (ce qui lui paraît se rapprocher de la formule de l'encyclopédie traditionnelle) et que, d'autre part, en Allemagne toujours, Wikipedia se prépare à publier sur papier une version de l'encyclopédie en ligne (en quelque sorte un instantané, une photographie à l'instant t du contenu), ce qui lui paraît, là encore, rapprocher le nouveau modèle de l'ancien. M. Moatti, pour Wikimedia, confirme qu'un sembable projet d'édition est à l'étude en France.

Le débat s'ouvre alors sur la notion d'état de la connaissance "fixé". C'est l'utilité en effet de cette publication, dans la mesure où Wikipedia est un mouvement perpétuel, prendre une photographie de cette masse à un instant t du mouvement est pertinent et sans rapport avec l'édition traditionnelle. Cela étant, je me demande qui va acheter ça, à part peut-être des bibliothèques et les auteurs de contenus. S'agira-t-il de la première encyclopédie à compte d'auteur ?

Celui qui a le mieux compris ce qui se passe est Alain Rey, la vidéo le montre très bien. Il l'a compris, mais cela ne signifie pas forcément qu'il en soit entièrement rassuré, puisque le collaboratif anonyme est la négation de l'expertise, et qu'il est lui-même un très grand expert. L'articulation entre les deux formules reste à trouver. Il pense que l'ouverture des contenus aux commentaires (dont il est preneur) est la meilleure piste pour le contact entre l'expert et le collaboratif. Il a mis du contenu "Le Robert" en ligne selon ce modèle.

Il a aussi bien intégré la culture de la gratuité comme un fait, un point de non-retour.

À l'inverse, on sent, au Salon comme ailleurs, que le monde ancien est en train de se mobiliser pour matraquer le bon peuple avec l'idée que la gratuité, ce n'est pas possible. Ce sera certainement l'antienne des semaines et des mois qui, viennent, on va nous le chanter sur tous les tons, en écho avec le stupide et liberticide projet Hadopi.

Voici la vidéo de quelques moments du débat de vendredi 13 après-midi au Salon du Livre :

 

13/03/2009

Merci.

Avant de passer demain en mode Salon du Livre jusqu'à mercredi, je souhaite remercier les trois sources qui m'ont apporté le plus de lecteurs (et de loin !) dans les dernières semaines : wikio, Authueil et Intox2007.

00:36 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : blog, authueil, intox2007, wikio, salon du livre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

19/03/2008

Clôture du Salon du Livre : où sont les mioches ?

Pour ce dernier jour du Salon du Livre, j'ai suivi deux tables rondes, l'une sur l'informatique comme outil pédagogique, l'autre sur les nouveautés et perspectives du numérique ludique, blogs d'enfants, communauté des lapins Nabaztag, institution nommée CUBE, et magazine Almanak adossé à un site dédié ouvert aux seuls abonnés.

Curieusement, ces deux tables rondes, calibrées pour intéresser des enfants, ne les ont pas attirés. Je dis curieusement mais en fait, il semble qu'il y ait eu moins d'enfants cette année que les précédentes. Il faudrait donc voir un rééquilibrage, les adultes se pressant en pus grand nombre qu'avant (c'est ce que disent les statistiques) mais les enfants en moindre. Et tout aussi curieusement (mais est-ce un hasard ?), la nouvelle disposition du salon correspond à cet équilibre nouveau : jusqu'ici, pour accéder aux stands de la littérature générale, il fallait traverser un maquis, un glacis, composé de petits stands, valeureux mais besogneux, de modestes maisons d'éditions, et de périodiques littéraires, puis une seconde rangée, faite de stands d'acteurs institutionnels, ministères en particulier. Si on y ajoutait l'envahissante cohorte des carrés des centre régionaux du livre parrainant des maisons d'édition locales, la littérature générale se trouvait effacée, noyée, ensevelie, alors que c'est elle qui doit servir de moteur à l'ensemble.

Le nouveau dispositif met la littérature générale en pointe, en exergue, en fait une vitrine. Il est trop tôt pour parler de réussite, il faudra encore une ou deux éditions du Salon pour en juger, mais le signe paraît favorable.

À l'heure du bilan, j'ai envie d'énumérer des "choses vues" comme dirait Victor Hugo : des couvertures de livres ("Comment draguer une militante pendant une réunion politique" fait partie des incontournables que tout adhérent du MoDem devrait recevoir avec sa carte orange), des scènes comme une conférence de trois importantes (ou plutôt se pensant telles) jeunes femmes sur le stand d'une radio, formant une sorte d'anti-phrase des Trois Grâces, qu'on aurait eu envie de surnommer les Trois Pimbêches ou les Trois Pétasses ; le vote pour le prix France Télévisions sur le stand éponyme, les cookies au chocolat blanc de la boutique là-bas à gauche, le direct de Morandini le vendredi, juste après celui de Jacques Pradel, sur Europe 1, les deux directs simultanés, presque en continu, de France Inter et France Culture, sorte de refuge ultime du service public et de la noble culture du livre roi ; les journalistes de Médiapart se relayant pour tenir le stand de leur publication, Sylvain Bourmeau tout anxieux hier, Jade Lyngaard toute disponible aujourd'hui, avec ce chiffre de 4 000 abonnés franchi pendant la durée du Salon, l'absence des Musulmans qui sont pourtant la large majorité des francophones aujourd'hui, un blogueur de BD expliquant avec modestie qu'il ne sait pas très bien déterminer la fréquentation de son blog, l'un de ses compteurs indiquant 20 000 visiteurs uniques par jour, l'autre 35 000 (ça rend modeste quand on en a 300), des jolies filles un peu partout, tenant des stands, ou hôtesses (parfois mal élevées mais ne comptez pas sur moi pour dénoncer) ; ma première incursion, au bout de huit ans, sur le stand du Syndicat National de l'Édition (SNE), qui m'a donné envie d'y faire adhérer ma modeste société, la maraude dans les stands alléchants d'Albin Michel, de Gallimard ou de Grasset, les petits éditeurs courageux défendant leurs oeuvres avec une patience manifeste et blasée, les périodiques faisant dans l'institutionnel placide et distrait, les chaînes de télévision moins présentes depuis deux ans (exit par exemple l'enregistrement de l'émission de PPDA pour LCi sous les yeux des passants du Salon), les livres électroniques exposés sous des bulles de plexiglas, les auteurs qu'on croise comme d'habitude et qu'on finit par ne plus remarquer... les chenilles d'élèves de CM2 comme des petits canards suivant Mme l'institutrice (la maîtresse ?), les conférences savantes au bar des sciences ou les conciliabules au bar tout court ; les bouteilles de bordeaux qu'on débouche vers midi et demi ; les gens qui s'asseyent par terre adossés aux cimaises des stands pour croquer leurs sandwichs de pain suédois ; l'entrée des VIP et des professionnels bloquée samedi après-midi pour d'obscures (et tues) raisons de sécurité, Aznavour qu'on fait passer quand même quand l'actrice Mireille Perrier et des écrivains dont je préfère taire le nom de peur d'éclabousser le salon, restent bloqués dehors, comme d'ailleurs la psy Caroline Thompson (que je retrouve vieillie, semblant liftée et le cheveu de couleur trop artificielle - qu'elle était belle quand nous avions treize ans !), comme aussi Jean-François Kahn que cependant une très joie jeune femme du très efficace stand de Plon ne tarde pas à secourir ; le généreux éditeur Florent Massot, le cheveu toujours en bataille et l'oreille scotchée à son téléphone portable ; l'expo du "Chat" de Gelluck où tout le monde se bidonne devant une mappemonde en forme de tête de chat, devant une machine à écrire dont les touches portent des signes faits avec les mains ("une machine à écrire pour sourds-muets") ou devant des toiles ornées de dessins hilarants et glaçants à la fois, Xavier Darcos ferraillant avec des gamins de douze ans dans un test de connaissances sur le stand du ministère de l'Éducation, bref, presque une semaine de vie quotidienne en mode "salon" (et encore : j'ai raté la fin du samedi et le dimanche entier) ; et l'envie un peu périlleuse (compte-tenu de mes propres publications) d'y avoir mon propre stand.

L'an prochain, le pays à l'honneur sera le Mexique.

Caramba !

Cuacua come kiki ? demanderait Averell Dalton.

Ah oui, j'oubliais : un quart de la surface du salon est désormais dédié à la BD. Un peu trop pour le nouveau public ? Peut-être.

Une dernière chose : le salon n'est pas équipé de WiFi et c'est très regrettable, car nous étions plusieurs à avoir envie d'y faire du live-blogging ou du blog en direct.

Et aussi : l'an prochain, il faudra que je trouve le moyen d'y amener Quitterie Delmas.

18/03/2008

Vive le livre numérique !

Ayant constaté que la sélection d'un de mes articles relatant des déclarations de Quitterie Delmas hier par l'édition de 8 heures de Cozop avait fait faire un bond colossal à mes statistiques, je suis parti pour le Salon du Livre tout enjoué que les engagements de Quitterie intéressent à ce point les internautes. En arrivant, j'ai pu saluer Joseph Macé-Scaron, dont j'ai parlé hier, et que j'ai félicité pour la nouvelle maquette du Magazine Littéraire.
 
Le temps d'avaler un sandwich au rôti de boeuf, et me voici devant une table ronde dans le village "nouvelles technologies" du Salon.
 
Trois intervenants sont là pour présenter leurs produits.
 
Le premier, Bookeen, fait passer le sien dans le public et, pour la première fois de ma vie, je peux "feuilleter" un livre numérique écrit à l'encre électronique. C'est fascinant, je suis enthousiaste. Je suis persuadé qu'il y aura un avenir considérable pour cette technologie. Le représentant de Bookeen signale qu'une seule et même société est pour le moment détentrice de la technologie de l'encre numérique et que tous les produits sont articulés autour du même module livré par cette source. Cette vérité (qui n'est pas contestée par les autres) lui permet de souligner que son "Cy-book" est le moins cher : 350 €. Il est actuellement diffusé en Italie (et pourtant, c'est un produit "français") et débute en France.
 
C'est un instrument très sophistiqué, mais basique. Le suivant, Iliad, est fabriqué par la société 4Dconcept, il incarne déjà une évolution suivante : connexion WiFi, et surtout capacité pour l'utilisateur d'écrire sur l'écran. On a alors véritablement une forme phénoménale de ce qui, dans notre enfance, s'appelait une "ardoise magique". La polyvalence de ce produit le rend précurseur, on s'en doute. Mais son prix est encore prohibitif : 650 €. Il est par exemple l'un des supports de l'e-paper des Échos que j'ai signalé hier.
 
Quelqu'un sort d'une poche la génération suivante, encore interdite en France : le "Kindle" d'Amazon.com. Il ajoute un clavier à l'écran et se présente comme un véritable petit PC portable. Si je comprends bien ce qui est dit ou suggéré, c'est la FNAC qui a fait bloquer l'entrée de ce produit en attendant de sortir le sien.
 
Il faut dire que l'enjeu est immense : il s'agit du catalogue d'ouvrages numérisés accessible. On rejoint tous les débats qui courent depuis des mois sur les immenses mouvements de numérisation qui agitent les commentateurs autour de Google par exemple, ou de la BNF.
 
On rejoint aussi ce que j'ai entendu lors de la table ronde sur les libraires : sur les supports Cy-Book et Iliad, on peut d'ores et déjà télécharger des livres chez certains libraires. Ce mouvement s'accélérera en 2009, après la sortie de Kindle et de son concurrent de la FNAC.
 
Deuxième débat pour moi de la journée : les auteurs. Trois intervenants se succèdent à la tribune : Lulu.com, manuscrit.com et la SGDL (Société des Gens de Lettre).
 
Lulu.com est une société américaine dotée d'une antenne européenne à Londres. C'est une invention formidable pour la liberté : finis le filtre de l'éditeur et la dictature du tirage. Un éditeur édite un auteur pour la qualité de son livre, mais aussi pour son statut médiatique, sa capacité de vendre de nombreux exemplaires. Avec Lulu.com, il n'y a plus de seuil d'accès : un auteur existe dès le premier livre vendu. Il m'arrive souvent de rencontrer des documents adaptés à un marché de quelques dizaines d'exemplaires (voire cent ou deux cents grand maximum) et, dans les conditions ordinaires, leur édition n'est pas envisageable : un imprimeur ne peut faire face à deux cents exemplaires à un tarif compétitif. Avec Lulu.com, le tarif est accessible ; qui plus est, on peut débuter avec un ou cinq exemplaires : l'investissement initial n'existe plus. C'est une révolution de la microédition, et de l'édition tout court. Dommage qu'aucun acteur français ne s'en soit emparé.
 
Lemanuscrit.com est une maison d'édition plus classique, mais basée sur Internet et livrant des oeuvres sous forme numérique ou sur papier. Il lui est arrivé une fois de tirer (et vendre) un ouvrage à 15 000 exemplaires, ce qui couronne huit ans d'efforts et laisse présager un avenir plus lumineux encore.
 
La SGDL, elle, est un acteur historique du droit d'auteur, puisqu'elle a été fondée en 1838 par Victor Hugo et Balzac. Son représentant insiste sur la protection des auteurs et signale à Lulu.com qu'ils ne font pas assez d'efforts pour inciter leurs auteurs à respecter les règles du dépôt légal. Il indique que ce dépôt n'est pas une punition, mais un réel instrument de postérité pour les auteurs : c'est par le dépôt légal des "Chants de Maldoror", par exemple, qu'a été sauvée l'oeuvre de Lautréamont, car c'est l'unique exemplaire qui fut retrouvé après son décès et qui servit aux éditions suivantes.
 
Étant donné que pour lemansucrit.com comme pour Lulu.com, il existe une faculté de n'acheter les ouvrages que sous forme de fichiers numériques, je me fais la réflexion, en repartant, que la BNF doit se doter d'une formule de dépôt légal de fichiers numériques, au lieu que ce soit toujours sous forme de livres imprimés, même si un volume tiré par Lulu ne coûte pas plus de 5 €.
 
La jeune femme (Karine Papillaud) qui présentait les premiers débats du village numérique a disparu, remplacée par un homme à voix. On y a perdu en charme et gagné en humour.
 
Demain, c'est le dernier jour du salon, celui des enfants. Les textes par lesquels j'ai rendu compte de ce que j'y ai vu ne sont pas ceux que mes lecteurs ont le plus lus. Cependant, je suis heureux et fier de les avoir faits, car ce qui caractérise un journaliste est qu'il devient le témoin des événements de son époque. En témoignant sur le Salon, j'ai rempli ma fonction autoproclamée de journaliste citoyen. 

17/03/2008

Salon du Livre : la journée des professionnels.

Le lundi est la journée que le salon du Livre réserve traditionnelllement aux professionnels, bibliothécaires, libraires, voire prof. Pour certains éditeurs chevronnés c'est encore le moment de travailler un réseau de terrain qui peut rester précieux pour des ouvrages que les gros diffuseurs absorbent mal. Il n'y a pas si longtemps, Berger et Fasquelle faisaient là encore leur apparition la plus remarquée au salon sur leur stand Grasset, toutes voiles dehors pour leurs correspondants. Bien dans la tradition, le longiligne Nora était là ce matin quand je suis passé dire bonjour (on a eu la gentillesse de m'y offrir un verre du jus d'un fruit exotique orange).
 
Plus loin, j'ai croisé le jovial Jacques Clément, de chez Coop Breizh, qui m'a tout de même confié ses soucis dus au fort tassement du marché du disque, qui représente une consistante proportion de leur chiffre d'affaires. 
 
J'ai assisté cet après-midi à l'une encore des tables rondes sur l'économie du livre et le numérique. Elle était intitulée "Les libraires doivent-ils avoir peur du numérique ?" et, à en juger par l'épaisse foule de libraires qui débordait largement l'espace de la conférence, il y a bien une partie d'entre eux qui se demande s'il faut avoir peur.
 
Excellent exposé d'un personnage (est-il celui de Numilog ?) pour cerner le sujet et le distinguer en plusieurs branches : la vente par Internet et l'édition numérique notamment, cette dernière partie lui paraissant plus menaçante mais éloignée dans le temps.
 
Sur le commerce en ligne, phrases rassurantes pour expliquer qu'il plafonne, selon ce qu'on a observé, à 15% du marché en général.
 
Un représentant de "Google recherche de livres" est là pour expliquer qu'il ne faut pas avoir peur de lui et que d'ailleurs Google s'emploie à rendre bien des services aux libraires.
 
Un libraire trsè en pointe définit l'avenir et se montre confiant en relevant que la mutation du commerce des livres permettra d'inverser la tendance qui, jusqu'ici, voulait que les libraires occupassent toujours plus d'espace ; il ajoute que la profession va changer et que ce qui sauvera le métier, c'est tout l'ensemble de services rendus aux lecteurs et aux autres.
 
C'est sur cet excellent postulat que je m'éloigne, appelé par une voix familière.
 
Avant de partir, je passe saluer Jean-Louis Hue au Magazine Littéraire mais ... il n'y est plus : le magazine, autrefois dirigé par Nicky Fasquelle, a quitté la rue de Texel où il avait rejoint un groupe, et a fini par rallier, avec ce groupe, les locaux du Point et l'avenue du Maine.
 
Goddam ! comme dirait Figaro. On m'a tout caché pendant que je m'occupais d'autre chose.
 
Et le plus drôle, c'est qu'il a désormais pour directeur de la rédaction Joseph Macé-Scaron, qui faisait partie de l'équipe des jeunes du CDS présidée par Éric Azière dans les années 1980 (et que j'ai lu plus récemment dans "Marianne"). Décidément, le monde rétrécit. 

Salon du Livre : le débat sur le numérique continue.

Samedi matin, j'ai réussi à capter une grande partie d'un débat où il était question du modèle gratuit et du modèle payant. S'y trouvaient David Dufresne, de Médiapart (un peu tendu avant l'ouverture du site qui a eu lieu hier), Pierre Haski, cofondateur de Rue89 (qui a expliqué que son site ne vivait ni de la pub ni des clics, mais de prestations annexes de services), Philippe Thureau-Dangin, de Courrier International, et un représentant des Échos.
 
Ce dernier est arrivé avec un e-paper, Les Échos sur support numérique portable, un produit encore très coûteux, mais qu'il a très bien vendu, et qui permet d'avoir son journal électronique chaque jour. Il regrettait qu'aucun éditeur ne se soit joint à l'initiative, car cela aurait fait baisser le coût unitaire. Et il a raison : l'édition "grand public" doit se tourner vers les produits innovants à forte marge pour restaurer sa situation économique difficile. C'est ce que j'écrivais l'an dernier et je le pense plus que jamais.
 
Dufresne a présenté Médiapart et l'idée qu'ils ont eue pour organiser une articulation entre gratuit et payant. Il a signalé que Médiapart serait gratuit pendant quelques semaines.
 
Haski a défendu le modèle gratuit, tout en expliquant que la comptabilité des clics restait fragile pour envisager une rentabilité, puisqu'il lui a fallu s'inspirer de la fondation Mozilla pour définir un éqilibre économique.
 
Je n'ai pas entendu ce qu'a dit Thureau-Dangin mais je signale un intéressant article de sa publication.
 
Et ce matin, un très intéressant exposé sur la communauté Couperin.org, qui rassemble des chercheurs et des entités de recherche autour de partage et de commercialisation. 

14/03/2008

Le salon du Livre s'entr'ouvre au numérique.

Depuis que Sarkozy est devenu président, on est fliqué partout. On pourrait s'attendre à ce qu'au salon du Livre de Paris, événement plutôt anodin du point de vue politique et gangstérien, on trouve un havre de liberté. Hélas, avec l'invitation d'honneur de l'État d'Israël, le salon est devenu un bunker, avec contrôles renforcés et longues files d'attente à l'entrée.
 
Pourtant, aux dires d'un blogueur amusé dont je parlerai dans un instant, le salon est resté hier après-midi ouvert à tous les vents et sans le moindre contrôle... pendant plusieurs heures... N'ilmporte quoi, donc, comme d'habitude.
 
Cependant, j'y viens toujours avec la gourmandise d'un gamin qu'on lâche dans une confiserie, les yeux écarquillés devant tous ces trésors qu'on nomme livres.
 
Cette année, outre une réorganisation spatiale et un relookage que je trouve heureux l'une comme l'autre, l'événement est l'irruption du numérique : une web TV disponible sur le site du salon et un cycle de conférences sur les différents aspects de l'évolution de l'édition vers le numérique.
 
J'ai assisté aujourd'hui à deux débats.
 
Le premier, en fin de matinée, rassemblait quatre blogueurs autour d'une jeune femme d'Arte. J'ignore l'identité de l'un des blogueurs. Le second est le spécialiste français du livre numérique, il porte un nom italien et, après avoir longtemps tenu un blog sur le roman japonais, se cantonne désormais à un blog lié à son activité professionnelle (lassé d'un blog lui coûtait un temps considérable sans lui rapporter rien). La troisième est une sorte de Quitterie Delmas de droite de la blogosphère littéraire, prénommée Florence, très mondaine, qui s'enorgueillit de 4000 visiteurs par jour sur son blog personnel, qu'elle cumule avec un blog professsionnel qui est destiné à un travail d'amélioration de logiciels avec les blogueurs utilisateurs. Le quatrième prénommé Gilles (je pense que son patronyme est Cohen-Solal) est le blogueur des éditions Héloïse d'Ormesson. Il a 300 lecteurs par jour, beaucoup moins donc, et qui laissent très peu de commentaires, ce qui ne dépayse personne.
 
Il défend la culture Internet tout en avouant n'y comprendre rien, ne pas savoir inclure un lien dans un texte, bref, ne pas être du sérail, mais il veut croire dans l'esprit. Il note cependant que Guy Birenbaum, qui a publié le livre du blogueur vedette Ron l'Infirmier, n'a vendu que 2000 exemplaires du livre, ce qui est un tout petit chiffre dans l'édition, alors qu'il était une grande vedette de la blogosphère. Lui-même avoue cependant dire exactement ce qu'il pense sans se retenir sur le blog et espère qu'ainsi une forme de critique libre peut progresser et faire progresser un marché de l'édition dévoré par la cavalerie budgétaire et la corruption. Hélas, la Quitterie de droite lance que, selon elle, la blogosphère littéraire est très corrompue aussi. C'est donc sans espoir, se lamente le blogueur.
 
Avant ce premier débat, j'avais assisté en direct et d'une façon apparemment transparente, aux trois derniers tours de scrutin du prix Essai France Télévisions, décerné à "Une enfance algérienne" (piquant, une année où, en raison de l'invitation de l'État d'Israël, la plupart des écrivains et éditeurs venus du monde musulman sont absents, ce que je regrette, autant d'ailleurs que le tri sélectif d'auteurs israéliens par les autorités de ce pays dénoncé par Haaretz, j'ajoute que j'ai beaucoup d'estime pour Shimon Peres, militant infatigable de la paix équitable).
 
Le deuxième débat, l'après-midi, était beaucoup moins directement littéraire, mais posait d'une façon beaucoup plus crue la question des évolutions technologiques et de l'avenir de l'économie de l'édition.
 
Trois intervenants seulement autour de la même jeune femme : Serge Delloye, représentant Hachette et le Guide du Routard (je crois que c'est un parent de la fille d'Ingrid Betancourt), un inconnu qui a proclamé ne pas exister et n'avoir pas d'autre interlocuteur que des médias spéciaux (il a présenté un logiciel étonnant qui permet de sonoriser un texte mot à mot), et un autre inconnu chargé de vanter les nouveautés technologiques (pas toutes inintéressantes d'ailleurs) de la méthode Assimil.
 
Le point de rencontre des trois était le tourisme. Une représentante des guides Gallimard s'était d'ailleurs placée dans le public pour pouvoir débiter son contre-couplet en temps opportun.
 
Delloye défend le guide papier, estimant que dans de nombreuses circonstances, il sera soit plus complet soit plus facile à transporter et à utiliser qu'un modèle numérique. Je lui ai concédé que je crois comme lui que le livre papier, d'une manière générale, va conserver une place.
 
Mais j'ai été désagréablement surpris de constater que la conférence s'est transformée en plaidoyer contre le modèle gratuit, en mise en cause du téléchargement au nom de logiques économiques. Et je dois dire qu'en fin de compte, c'est sans doute le point faible de l'entr'ouverture du salon au numérique : prendre le modèle gratuit comme un adversaire frontal. Comme un symbole, le stand de Médiapart est accolé à l'espace où ont lieu les conférences sur le numérique.
 
Je ne veux aucun mal à Médiapart (soutenu par Quitterie Delmas), mais cliver en pro- et contre le modèle gratuit ne rend service à personne.
 
J'ai tenté de défendre l'articulation des deux modèles, mais on ne m'a pas donné la parole. Je le fais donc ici :
 
Dans "Notre-Dame de Paris" de Victor Hugo, il y a un long passage intitulé "Ceci tuera cela". Il s'agit de dire que le livre tuera la fonction pédagogique du monument religieux. De dait, c'est arrivé, mais le monument a perduré, puisque cette fonction n'était qu'un accessoire de sa vocation.
 
De la même façon, on disait que la télévision tuerait le cinéma. Ce n'est pas arrivé. Un certain type de films a disparu, le cinéma a perdu des parts de marché, mais il existe fort.
 
Et ainsi de suite.
 
C'est pourquoi je ne crois pas que le modèle gratuit détruira le modèle payant, même la fraude ne détruira rien. En vérité, tout continuera d'exister, de se superposer, de se juxtaposer, chaque chose trouvant sa fonction. C'est bien là que je crois que Delloye a raison de défendre la pérennité de ses guides papier bien que l'on dise que, désormais, 60% des gens se renseignent sur Internet pour leurs activités touristiques.
 
Et donc il est ridicule que le modèle payant cherche à écraser le modèle gratuit comme je l'ai entendu vouloir cet après-midi.
 
Et voilà, je suis reparti pour pouvoir écouter Quitterie Delmas à la radio.