Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« 2015-08 | Page d'accueil | 2015-11 »

28/09/2015

Le général de Gaulle était-il raciste ?

L'eurodéputée Nadine Morano, tête de liste de la droite dans la région Alsace-Champagne-Lorraine, a énoncé deux assertions polémiques samedi soir lors de l'émission de Laurent Ruquier "On n'est pas couché".

Première assertion : "La France est un pays de race blanche", ce qui s'oppose à la perspective d'une "France musulmane" à l'éventualité de laquelle Mme Morano se refuse. Race blanche, cela signifierait donc chrétien. Cela me rappelle un morceau parmi les meilleurs du dialogue de "Rabbi Jacob" : "Bien blanc, et catholique comme tout le monde". L'assertion de Mme Morano relève donc de la façon dont on exprimait les préjugés racistes il y a plus de quarante ans. Et tant pis pour les Albanais et pour la majorité des Bosniaques, qui sont tout à fait blancs au sens où Mme Morano l'entend, et cependant musulmans. Pour ceux-là, sans doute, il y aura des HLM très bien à Bergen-Belsen ou à Auschwitz, puisque, n'ayant pas le droit de devenir français selon elle, ils n'ont non plus pas celui de rester européens, les Européens étant entièrement assimilés les uns aux autres par l'heureux principe de la construction européenne.

Encore faudrait-il que ce mot de "race blanche" ait un sens. La langue et la science ont évolué depuis plusieurs décennies. Dans les années 1950, quelqu'un d'aussi peu susceptible d'être taxé de racisme que Pierre Mendès France, lorsqu'il vantait son lait offert à boire à la cantine à tous les petits écoliers scolarisés, n'hésitait pas à parler de "l'amélioration de la race" à propos de ces enfants mieux nourris qu'avant. Le mot race acceptait plusieurs sens plus ou moins voisins, et c'est bien en niant le programme eugéniste et raciste d'Adolf Hitler que les constituants de 1958 ont inscrit le mot race dans la Constitution de la Ve République, pour aussitôt le verrouiller par un définitif "sans distinction de race". Ce texte, que le général de Gaulle a inspiré et adopté, souligne que la France ne fait pas le tri entre ses enfants en fonction des attributs en général associés à la race, comme la couleur de peau.

Mais aujourd'hui, nous n'exprimons plus ces différences ainsi. Il n'y a qu'une race humaine. Il y a certes des différences entre les humains, voire entre les groupes d'humains, mais le degré élevé de différence entre les humains induit par le mot race a disparu du vocabulaire des scientifiques et de la tête de ceux de nos concitoyens qui, jouissant de plus d'un neurone, ne méritent pas que des humoristes soulignent leur nullité par des substantifs aussi explicites que mérités.

7779641056_guy-bedos-et-nadine-morano-au-tribunal-correctionnel-de-nancy-le-7-septembre.jpg

Deuxième assertion : "le général de Gaulle le disait". Ah ? il le disait ? Enfin, soyons précis, il l'a dit ou, encore plus précis, il l'a peut-être dit. La citation qui fait croire à Mme Morano qu'elle est autorisée à proférer des âneries est tirée d'un livre où Alain Peyrefitte relate une conversation où, en 1959, le général de Gaulle lui aurait précisé sa pensée raciale : "C'est bien qu'il y ait des Français aux yeux bridés, des Français noirs, mais cela ne doit pas devenir la majorité, la France est un pays peuplé d'Européens de race blanche, de racine grecque et romaine et judéo-chrétienne". Ouf, le général de Gaulle n'aurait pas rouvert les chambres à gaz, c'est déjà cela.

Maintenant, Peyrefitte a-t-il entendu ce qu'il voulait entendre ? A-t-il transcrit les propos du Général comme ils lui plaisaient ? Les a-t-il purement et simplement inventés ? Qui peut le savoir ? Il s'agissait d'une conversation privée.

Rappelons qu'à cette époque, de Gaulle se préparait à libérer l'Afrique francophone de son statut colonial et qu'il se battait contre les extrémistes qui voulaient garder une Algérie française avec deux statuts citoyens distincts, l'un pour les "Européens" (y compris les juifs d'origine locale depuis le décret Crémieux), l'autre pour les "Indigènes". La citation prêtée par Peyrefitte à de Gaulle justifiait le retour de la France à elle-même, à son parcours de vieille nation enfin libérée des oripeaux déformants du colonialisme, ce qui est une façon d'interpréter ce que de Gaulle a dit pendant la guerre de 1939-45 dans son fameux discours de Dakar où il promettait l'émancipation à l'Afrique, la fin du statut colonial.

Et il est vrai que l'un des arguments employés par les fantassins du gaullisme contre le principe de l'Algérie française rejoint subrepticement les propos de Mme Morano : que ferions-nous d'une Algérie française introduisant 40 millions de Musulmans dans le jeu politique et social français ? L'argument utilisé alors dans un sens l'est maintenant dans l'autre. Or cet argument a-t-il jamais été utilisé par de Gaulle ? Tout cela ne serait-il qu'une sorte de "légende urbaine" flottant autour du gaullisme et à laquelle de Gaulle lui-même fût étranger ? Peut-être.

Comment interpréter la répression très violente des mouvements sociaux de Guadeloupe dans les années 1960, sous l'autorité du Général ? Répression raciale ? Retour d'esprit colonial ? Ou réaction à des mouvements que le vieux chef d'État jugeait inspirés par l'étranger et par la CIA ? Qui peut en juger ? N'est-ce pas là le mystère définitivement opaque de l'esprit humain ?

Seulement voilà, il n'y a pas que la citation de Peyrefitte, il y en a d'autres que l'on prête au Général, comme celle où il réfute l'idée d'habiter un jour "Colombey les Deux Mosquées". Est-elle plus vraie ou plus fausse que l'autre ? Je l'ignore. Je n'ai pas connu de Gaulle. Mais ce que je sais est qu'il y a un mouvement profond et actif de propagation de ces affirmations pour ancrer le fantôme du Général dans l'islamophobie la plus primaire. On lit très régulièrement des messages, diffusés sur internet, qui accréditent peu à peu, par la méthode de la distillation, cette idée d'un Général se méfiant de l'islam et redoutant de le voir s'imposer en France. Rumeur innocente, bien entendu, et dont l'effet politique est tout aussi innocent, cela va de soi.

Or il y a un moment-clé dans le deuxième mandat présidentiel de de Gaulle, c'est 1967. Ce moment-clé, c'est sa réaction à la "guerre des Six Jours". On s'en souvient, le Général qualifia alors Israël de "peuple d'élite, dominateur et sûr de lui". Sur la suite des événements et de la stratégie gaullienne, les interprétations varient. Les chevènementistes, tout récemment, ont donné leur lecture des faits : le Général condamnait l'occupation de la Cisjordanie par Israël, qui lui paraissait conduire nécessairement à des exactions et à des formes d'abus que nous avons tous, en effet, constatés depuis en particulier la seconde Intifada. De l'autre côté, il y avait, parmi ceux qui revendiquaient le plus fort l'étiquette de gaulliste, un courant lié intimement à Israël, qu'incarnait Charles Pasqua. Peu avant sa mort, Pasqua a rappelé que, le jour de la mort de de Gaulle, il se trouvait en Israël.

L'assertion de Mme Morano, et peut-être avant elle la citation énoncée par Peyrefitte, appartiennent à cette aile farouchement pro-israélienne de la mouvance gaulliste, une aile de faucon liée aux plus faucons de l'État d'Israël, à ceux qui souhaitent un "choc des civilisations" où la puissance des armées occidentales ouvrirait une nouvelle Croisade contre toute forme d'islam.

Son but est donc simple et clair : agiter le fantasme de la peur de l'islam pour susciter des réflexes de haine enclenchant l'engrenage de la violence. Rien que pour cela, Mme Morano devrait être exclue de tout parti se réclamant de la République Française.

24/09/2015

2e registre d'État-civil : encore un coup contre les magistrats ?

Le projet de loi intitulé "pour une justice du XXIe siècle" introduit sans doute de bonnes réformes, mais il en est une qui entre indubitablement dans la catégorie des fausses bonnes idées, comme le démontre le bon article ici : il s'agit de la suppression du deuxième registre d'État-civil dans les mairies qui adoptent une méthode informatisée de gérer l'État-civil. On le comprend, il s'agit d'inciter les mairies à adopter cette méthode en la valorisant comme signe de modernité, en faire en quelque sorte un must.

Seulement voilà : il y a une chose que tous les usagers de l'informatique connaissent : c'est le principe de la sauvegarde. J'ai maintenant plusieurs disques durs externes sur lesquels je sauvegarde les milliers de photos de documents que je prends chaque année pour mes livres historiques. Pour un service d'État-civil, à long terme, le registre sur papier constitue cette sauvegarde. Et conserver cette sauvegarde sur le même site que l'original informatique revient évidemment à diviser par deux l'efficacité de la sauvegarde. Mes aïeux sont originaires vers 1650 d'une localité ardennaise nommé Sery. Lors de la guerre de 1914-18, l'un des deux exemplaires des registres paroissiaux d'état-civil fut entièrement détruit. Il remontait à 1601. Celui qui reste ne commence qu'en 1723. Bien heureux qu'il en reste un, sinon, à la recherche de mes racines, je n'aurais plus rien du tout.

Vous allez me dire : y'a qu'à envoyer tout cela dans le cloud, mais chacun sait désormais que, pour toutes les informations sensibles, internet est une passoire, aussi vulnérable à l'altération des données qu'à leur destruction pure et simple. Le changement de format et la consignation sur papier offre des garanties supérieures, d'autant plus qu'elle se fait en double. Or quoi de plus sensible que l'État-civil ? Qu'est-ce qui doit être plus protégé que l'état des personnes ? Rien, surtout à une époque où l'on a érigé l'usurpation d'identité en délit correctionnel lourdement puni.

FRAD09_4E3307_0004_lightbox.jpg

Et enfin, il ne faut pas négliger un aspect plus politique de l'affaire : le deuxième registre est déposé depuis 1667 au greffe du tribunal local (sous l'Ancien Régime, c'était le présidial, aujourd'hui c'est le Tribunal de Grande Instance ou TGI). Cela n'a pas été décidé par hasard : les communes gèrent l'état-civil par délégation de l'État. Le maire n'est en rien gardien du droit et de l'état des personnes, il n'en est que le dépositaire. Celui qui, en revanche, est gardien de l'état des personnes, de leur identité, de leur nationalité, c'est le président du TGI. Or le pouvoir politique, l'actuel comme le précédent, ne cesse de rogner les prérogatives de la Justice, tout en intervenant d'ailleurs sans cesse auprès d'elle. Pour beaucoup de nos responsables politiques, le seul bon juge est le juge qui obéit au doigt et à l'œil. Supprimer le deuxième registre, c'est déchoir encore un peu le magistrat, avant de transférer probablement ses responsabilités à une instance tenue par la pieuvre mortifère des énarques. Plus encore que la remise en cause d'une institution pluriséculaire qui fonctionne bien, c'est ce nouveau coup de canif à l'institution judiciaire qui est inacceptable.

15:13 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : justice, état-civil, sery, internet, mairie, tgi, présidial | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

13/09/2015

L'illusion des frontières

L'Allemagne a fermé ses frontières avec l'Autriche, l'Italie ferme les siennes, il semble que l'édifice des accords de Schengen s'effondre. Soyons rassuré : grâce à cela, grâce au confort retrouvé de nos vieilles frontières, nous serons en paix. Nous échapperons à l'envahisseur du Tiers-Monde. Alleluiah ! Foutaises.

 Que signifient les frontières ? Elles sont synonymes d'égoïsme satisfait, et de l'illusion du moi qui est bien contre le toi qui es mal. Elles symbolisent le repli sur soi, la haine frileuse, l'arrogance, la férocité casanière. Elles incarnent aussi un âge d'or, celui d'avant la mondialisation. Une époque si merveilleuse que, grâce à ces frontières restaurées, n'en doutons pas, nous revivrons les plus belles pages de notre Histoire : avec elles, nous pourrons refaire 1914 et 1940, nous pourrons de nouveau nous griser de l'ivresse si bucolique des charniers humains, inhumains.

Nous protégeront-elles au moins de ce que nous redoutons ? Arrêteront-elles ces hordes d'envahisseurs venus du Moyen Orient et d'Afrique ? Si nous le croyons, voyons ce qui se passe sur le Rio Grande aux États-Unis, voyons si les Mexicains et les autres Latino-Américains sont stoppés par les murs de béton, les gigamètres de barbelés, les patrouilles de milices armées, et nous aurons notre réponse.

Non, fermer les frontières, détruire Schengen (dans le silence assourdissant de la Commission de Bruxelles), cela ne nous prémunira de rien de ce que nous craignons. Cela créera une pénurie de passage, une prohibition, et comme toutes les pénuries et comme toutes les prohibitions, cela ne profitera qu'aux mafias qui s'engraissent déjà en suçant la sève âcre de la misère.

mafia-dans-le-monde.png

Soyons hardis. Je crois d'ailleurs que l'Allemagne le sait et qu'elle poursuivra son effort, n'en déplaise aux esprits perdus qui espèrent la fin de Schengen. Organisons l'arrivée des réfugiés, débrouillons-nous, et accélérons le dépérissement financier de l'EI pour que des armées locales en viennent à bout et que nous sachions enfin ce qui se passe vraiment sur les sentiers de l'exil.

(Source de l'image ici)

22:21 | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

07/09/2015

Réfugiés : l'impasse syrienne

Une photo bouleversante a soulevé une vague légitime d'émotion dans le monde et a imposé à tous le principe de l'accueil des Syriens qui fuient leur pays vers l'Europe. La confusion de vocabulaire qui entoure leur fuite montre toute la douloureuse ambiguïté de la situation : tantôt on parle de migrants, tantôt de réfugiés. C'est qu'à l'instar des Arméniens de l'après 1915, il semble que les Syriens évadés ne puissent cultiver aucun espoir de rentrer jamais chez eux. L'avenir syrien est bloqué. Ce blocage est d'ailleurs l'un des terreaux sur lesquels prospère l'organisation État Islamique.

Rappelons-nous la dernière campagne présidentielle française et la vague d'indignation qu'avait soulevée chez nous la photo du Bachar El Assad reçu avec cordialité par Nicolas Sarkozy à l'Élysée à Paris. Étant donné l'atmosphère sanglante et atroce qui entoure le régime syrien, il était logique, et conforme aux promesses implicites de la campagne, que la France fasse tout ce qu'elle peut pour faire tomber M. Assad. De là la décision de bombarder Damas.

Mais il y avait eu l'erreur libyenne commise par la précédente majorité et il parut tout à coup que nous allions faire à Damas la même faute historique que celle qui a été commise à Tripoli. Puis les autorités russes manifestèrent leur volonté intraitable de conserver leur base militaire en Syrie, qui était le meilleur garant de l'avenir du régime de M. Assad.

Du coup, si Assad ne pouvait tomber, il fallait se concentrer sur son principal adversaire, l'EI, dont les exactions, en particulier contre les minorités religieuses, se multipliaient.

Aujourd'hui, nous en sommes là : impossibilité de faire tomber Assad, nécessité d'abattre l'EI, alliance avec les Kurdes et attitude plus qu'ambiguë de la Turquie. Pour la Turquie, la présence russe à sa frontière sud est un échec historique multiséculaire, et la perspective d'une indépendance kurde représenterait un retour en arrière par rapport au conflit de 1921-22 que la toute jeune république kémaliste emporta contre les Occidentaux.

On retrouve décidément "l'Orient compliqué" dont parlait de Gaulle.

Il ne fait pas de doute que nous viendrons à bout de l'EI. Cela se fera avec patience, en asséchant d'abord une à une ses sources de financement. Ce qu'il faudrait bombarder, ce sont ses installations pétrolières, soit dit en passant. Une fois le fruit mûr, il faudra le cueillir.

Mais nous ne pouvons franchir deux lignes jaunes : la première serait que les Occidentaux interviennent eux-mêmes sur le terrain, car cela reviendrait à rouvrir la question coloniale et envenimerait le conflit pour au moins des décennies, la deuxième serait de se montrer trop gourmand. M. Assad a gagné, hélas, le droit au maintien pour une génération.

Crac_des_chevaliers_syria.jpg

Et de ce fait, il est évident que nous ne pourrons pas renvoyer en Syrie des gens qui risqueraient d'y être massacrés et torturés par un régime qui n'est, objectivement, pas acceptable. La confusion sémantique entre réfugiés et migrants a donc tout son sens, elle traduit la réalité. À l'instar des Arméniens d'autrefois, ces réfugiés syriens, chrétiens ou non, sont bel et bien des migrants.

(photo : merci Wikipedia)

03/09/2015

Agriculture : vivre et travailler au pays

Au lendemain des grands rassemblements des "Bonnets Rouges", notamment à Carhaix, j'observais que si l'on voulait faire bouger les pouvoirs publics, il ne servait à rien d'assembler 50000 personnes à Carhaix, car il n'y a que ce qui bloque Paris qui fasse réagir Paris. Les tracteurs sont en route. Tant mieux, mais encore faut-il qu'ils marchent pour des objectifs compréhensibles et clairs. On en est loin.

On en est loin, d'abord, parce que la mobilisation des "Bonnets Rouges" était authentiquement transversale : elle emmenait toute la Société dans ses cortèges. Ici, nous avons essentiellement des agriculteurs, on n'entend guère parler encore d'artisans, pourtant annoncés par ailleurs. Cette agrégation de paysans et d'artisans contre les charges sociales et fiscales renvoie directement au mouvement poujadiste des années 1950, ce qui donne l'impression qu'il ne se veut pas constructif et économique, mais au contraire politique et polémique.

De ce fait, sa sincérité est difficile à évaluer, de même que le degré de soutien à lui accorder. Car enfin, les producteurs se sentent toujours écrasés par les charges, et parfois c'est vrai, parfois ça ne l'est pas, mais le discours perdure, à toutes les époques, et ce ne sont pas forcément les plus étranglés qui crient le plus fort.

Il faut donc sérier les questions, en fonction de ce que nous avons entendu ces derniers mois.

Premièrement, s'il existe vraiment une concurrence déloyale, qu'attendent les organisations agricoles pour attraire leurs concurrents déloyaux devant la juridiction européenne ? Cela paraît être la première démarche à faire, avant même de mettre en jeu des mécanismes politiques.

Deuxièmement, si des producteurs sont victimes de l'embargo contre la Russie, il appartient à l'État de compenser les manques à gagner et les pertes de marché, et comme il s'agit d'une décision européenne, il appartient à la Commission, et à elle seule, d'organiser les compensations du déséquilibre des marchés consécutif à l'embargo. Le gouvernement français doit saisir la Commission à cet effet.

Troisièmement, si la sortie des mécanismes européens de quotas laitiers et de soutien à la filière avicole pénalise plus certains pays que d'autres, il faut comprendre pourquoi et, pour la France, puisque la majorité précédente ne l'a pas fait, il faut se donner le temps de rebâtir la filière, ce qui ne semble pas avoir été fait.

Quatrièmement, il y a des collections de normes dont la France a le secret et dont le seul but est de satisfaire la vanité de fonctionnaires de rang médiocre. Ces normes doivent être supprimées, dans l'agriculture comme ailleurs. Mais c'est aussi grâce à la qualité des normes de notre lait que Carhaix a emporté le marché chinois. Et il y a une contrepartie évidente à un ensemble de normes : ce sont les labels, qui ouvrent la voie à un meilleur prix pour un meilleur produit. Menés par des brigands sans éthique vendus (par exemple) aux marchands d'OGM, nos agriculteurs doivent comprendre que l'avenir de la marque France passe par la valorisation du terroir, future mine d'or. Songeons au miracle économique du Pata Negra. Nous avons des kyrielles de produits comparables à développer. La France, jardin de l'Europe, jouit de la meilleure palette de climats et de terrains, et il serait absurde de gâcher tout cela en se comparant à des pays qui font de la viande avec du charbon et du pétrole.

kubota-renouvelle-ses-tracteurs-agricoles-de-la-serie-m.jpg

Enfin, et c'est sur ce point que les agriculteurs reçoivent le plein appui de la population, il faut que Paris cesse de penser les régions en termes de statistiques, pour se rappeler que les gens ne vivent pas de chiffres, mais de journées réparties en vingt-quatre heures, pas plus, et que le développement passe par les transports, et qu'une concurrence loyale passe par une organisation des services publics jusqu'aux tripes de la Société, par un équilibrage des territoires, qu'il en faut partout, au plus près, et non seulement entre la plaine Monceau et le faubourg Saint-Honoré. Les Français qui vivent là où ils vivent, là où leurs pères vivaient, ont le droit de souhaiter vivre, travailler et même décider, au pays.

08:28 | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook