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01/03/2008

Non à l'aéroport de Notre-Dame des Landes.

Le nouvel aéroport censé desservir le grand ouest reçoit ces jours-ci sa déclaration d'utilité publique. Corinne Lepage a exprimé des doutes sur la viabilité économique du projet et les Bretons craignent, les uns (en Loire-Atlantique) d'importants inconvénients pour l'environnement et le cadre de vie, les autres (dans les villes desservies par d'autres aéroports) une détérioration de leur desserte, qui aurait des conséquences économiques notables dans une région tournée à la fois vers l'export et vers le tourisme.
 
Non au grand aéroport. 

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29/02/2008

Combrit (Finistère) : moins de 3500 habitants, trois listes.


Pourquoi parle-t-on si peu de la Bretagne dans la blogosphère MoDem ?
 
Combrit est une assez petite commune du sud du Finistère, entre Pont-l'Abbé (ville rendue célèbre par son rejeton, le trader Kerviel) et Bénodet (station balnéaire). Au Moyen Âge, sa situation stratégique, entre les deux modestes embouchures de l'Odet (rivière de Quimper) et de la rivère de Pont-l'Abbé, lui conférait une importance stratégique et c'était une paroisse très peuplée pour l'époque. On la surnommait "Morbihan finistérien" au début du XIXe siècle en raison d'un réseau d'îlots partagés avec les communes voisines et d'une zone de marais salants par où les marins, suivant un chenal, décollaient vers la pêche. Depuis les temps romains, on y séchait et salait le poisson. Il y avait aussi une activité de relais du commerce hauturier vers Quimper, au moyen de barges plates qui remontaient l'Odet avec les marchandises venues de loin.
 
Lorsque le port de Lorient fut créé (sous le règne de Louis XIV), le site de Combrit faillit être retenu en lieu et place de Ploemeur sur quoi le nouveau port a été implanté. 
 
Les marais ont été asséchés dans le courant du XIXe par l'édification d'une digue qui a créé un polder. Celui-ci est demeuré presque vierge de constructions et forme un joli paysage pour accéder par la dune à une très vaste plage de sable blanc où j'ai fait une quantité considérable de châteaux de sable dans mon enfance.
 
Tout cela est menacé par le réchauffement climatique et la montée des eaux.
 
La commune forme presque une presqu'île : au sud, un peu à l'ouest et à l'est, elle est bordée par la mer. À l'est, par la mer et la rivière Odet, dont une vaste boucle longe presque toute la rive nord de la commune. C'est sur ce rivage nord que mes ancêtres maternels ont jeté l'ancre en 1827. Deux de mes ascendants ont été maires de la commune, l'un de 1875 à 1885 (maire nommé), l'autre de 1926 à 1946 (maire élu).
 
L'actuel maire de Combrit a usé ses fonds de culotte à l'école du bourg en même temps que ma mère et qu'une partie de ses colistiers. Depuis ce temps lointain (la guerre de 1939-45), issu d'un milieu modeste, il a bénéficié de l'ascenseur social, a fait de brillantes études et occupé d'importantes fonctions dans le secteur agro-alimentaire.
 
Avant d'entrer en campagne, et alors que Sarkozy n'avait pas encore commencé à baisser dans les sondages, il a rendu sa carte de l'UMP pour protester contre la politique du présicule.
 
Il a composé une liste avec des gens venus de tous les horizons politiques, sur leur expérience et sur leurs compétences. Le représentant du MoDem figure sur cette liste. C'est un prof, avéré bretonnant, catho, dont l'épouse est cousine de la moitié de la commune.
 
Face à lui, il y a une liste de gauche (Combrit vote toujours à droite sans ambiguïté, sauf une fois, en 1977 pour se débarrasser d'un fou) et une liste conduite par l'ex-première adjointe qui apparemment n'a guère goûté d'être écartée.
 
La commune a certainement déjà dépassé 3500 habitants, car plusieurs lotissements importants ont vu le jour ces dernières années. La nouvelle population est citadine, fauchée, et exigeante en termes d'équipements publics. Il y a une articulation en cours entre ces nouveaux venus et les Combritois de plus vieille souche et de tradition rurale.
 
Une autre caractéristique de la commune est sa bipolarité urbaine. Car outre le bourg central, Combrit a le port de Sainte-Marine. J'ai dit déjà la vocation de pêche et de fret de ce port.
 
Les habitants de Sainte-Marine se sentent mal aimés et brimés par le bourg central, à tort en fait car ils ne sont pas traités d'une façon inique, au contraire, Sainte-Marine est peu peuplée l'hiver et bénéficie des installations destinées aux plaisanciers qui s'y agglutinent l'été autour des pontons. Pour matérialiser l'importance du pôle plaisancier, la commune, depuis quelques années, est officiellement dénommée "Combrit-Sainte-Marine".
 
L'atout-maître de Combrit est sa superbe plage. La zone artisanale se développe encore modestement à côté du bourg et un conflit clochemerlesque, en retardant de trois ans l'édification d'une nouvelle station d'épuration, a également gêné le développement local.
 
Combrit a été raccordé tôt à l'ADSL et possède son site Internet.
 
Le principal enjeu de la mandature prochaine sera l'intégration des nouveaux habitants et la gestion d'une tension nouvelle aussi : Combrit est pour partie devenu commune de la grande banlieue quimpéroise ; il va falloir  combiner cette réalité avec  l'identité locale, rurale et maritime. C'est une tâche considérable.
 
Le maire a eu l'intelligence de faire classer l'anse de la rivière en espace Natura 2000, ce qui permettra de sauvegarder une part de l'atmosphère. Il faut dire que cette anse est un plan d'eau relais pour certains oiseaux de passage.
 
Si vous passez par là, allez donc voir : le matin, quand une vague brume traîne sur l'eau, entre les arbres, c'est somptueux. Vive la Bretagne. 

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27/01/2008

Pont-l'Abbé, ville de Jérôme Kerviel.

Au moment où la baudruche de l'Arsène Lupin des banques paraît se dégonfler et où l'on commence à nous expliquer que le trader a tout simplement perdu très gros au jeu boursier subprimes, j'ai envie de parler de sa ville, sur laquelle j'ai publié deux ouvrages.
 
Tout d'abord, dès que j'ai entendu le nom de Kerviel, j'ai su qu'il était de mon coin, car c'est un patronyme typique de là-bas. Il y a des noms passe-partout, comme Martin ou Dupont, il y en a d'autres qui ont des racines solides, c'est le cas de Kerviel, à Pont-l'Abbé et dans ma commune bretonne, Combrit.
 
Pont-l'Abbé est l'une des rares communes finistériennes à avoir conservé un morceau significatif de château-fort digne de ce nom. Il faut dire que l'on parlait, dès le XVe siècle, de la "ville et château de Pont-l'Abbé".
 
De fait, il est probable que Pont-l'Abbé relève de la catégorie assez fermée des villes-châteaux fondées au XIe siècle. En écrivant ces mots, je ne formule en aucun cas une vérité admise, mais une hypothèse.
 
Il s'agit d'enceintes fortifiées assez vastes dans lesquelles les habitants se regroupaient dans des maisons. On retrouve le village gaulois d'Astérix et, mutatis mutandis, celui que j'ai très modestement contribué à fouiller dans le quartier quimpérois du Braden en 1984, qui datait de la fin du IIe siècle avant Jésus-Christ (vers 110 en fait) et qui était en effet gaulois.
 
Disons que les Armoricains, dans les temps effrayants ou sombres, ont eu le réflexe de se masser dans des agglomérations solidement défendues. C'est le cas au IIe sicèle avant JC comme dans toute la Gaule, c'est encore le cas à la fin de l'empire romain, c'est enfin le cas après le long traumatisme des raids puis des occupations danoises et normandes des IXe et Xe siècle.
 
Au Xie siècle, un grand souverain, Alain Barbetorte, reconstruit la Bretagne. Il bat un par un les féodaux et unifie un certain nombre de règles. Sous son impulsion, de nouvelles institutions voient le jour, dont ces villes-châteaux, toutes à peu près de même ampleur. On trouve en Cornouaille Quimper restaurée, Châteaulin, Conq (Concarneau), Rostrenen et quelques autres, bref, une par châtellenie ducale, dont plusieurs vont être inféodées, comme Pont-l'Abbé.
 
Cependant, je ne crois pas que le nom de cette ville ait été dès l'origine Pont-l'Abbé. Au XIe siècle, elle est confiée à un abbé membre de la parentèle des comtes de Cornouaille, qui me semble avoir été marié et ancêtre d'une lignée qui s'est éteinte vers 1200 dans une quenouille d'où est sortie la lignée proprement dite des sires de Pont-l'Abbé.
 
Quoiqu'il en soit, les seigneurs de Pont-l'Abbé vont avoir une fâcheuse tendance à choisir toujours le mauvais camp. En 1222, ils sont parmi les battus de la révolte contre le duc Pierre Mauclerc. En 1364, ils sont parmi les battus dans le camp "français" lors de la bataille d'Auray où s'est décidée l'issue de la longue guerre de succession où s'est disputé l'avenir de la Bretagne.
 
Malgré ce coûteux défaut, les sires de Pont-l'Abbé sont de puissants personnages à l'échelle de la Basse-Bretagne, les premiers de toute la Cornouaille lors des assemblées féodales bretonnes.
 
C'est au XVe siècle que se situe leur apogée : un même seigneur règne alors pendant plus de cinquante ans, fait un mariage remarquable avec la fille d'un compagnon de Jeanne d'Arc, et devient incontournable à la cour du duc de Bretagne. Il est cependant vendu au roi de France. Ca n'empêche pas son fils de mourir (apparemment dans le camp breton) lors de la terrible bataille de Saint-Aubin-du-Cormier où s'est éteinte l'indépendance bretonne, en 1488.
 
Ensuite, la seigneurie va d'une lignée à l'autre, au gré des héritages.
 
Elle passe entre les mains de protestants. Un seigneur de Pont-l'Abbé est défenestré à Paris le jour de la Saint-Barthélémy en 1572.
 
D'héritier en héritier, elle finit par être vendue à un personnage obscur, puis revendue à un petit-fils d'enrichi malouin. Le fils de celui-ci est celui des seigneurs (devenus "barons") de Pont-l'Abbé à faire la plus belle carrière : il épouse la fille du principal collaborateur du roi Louis XVI. Jean Baude, baron de Pont-l'Abbé, s'unit en 1777 avec la fille de Marc-Antoine Thierry, baron de Ville d'Avray (près Paris), premier valet de chambre du roi.
 
Il est officier dans l'armée du roi, commande un régiment à Valenciennes, lorsqu'éclate la Révolution. En 1791, il devient le numéro deux de la garde constitutionnelle du roi. Son beau-père est victime des massacres de septembre en 1792, lui-même s'exile et disparaît. On ne sait pas bien où ni quand il meurt. Ses enfants ne laisseront guère plus de traces, ils sont ruinés et ne bénéficieront guère des largesses de la Restauration.
 
La ville de Pont-l'Abbé, depuis le Moyen Âge, est enclose d'une enceinte en bois. D'aussi loin que la mémoire remonte (et jusqu'à aujourd'hui), il s'y tient marché le jeudi. Le château est fortifié à l'intérieur même de la ville, au bord d'un vaste étang nourri par les eaux de l'océan, Une muraille de forme patatoïde, cernée de douves, protège une chapelle, des bâtiments fonctionnels et une autre muraille, plus basse, quadrangulaire, avec quatre tours d'angle et un long corps de logis, qui est la résidence du seigneur.
 
Avant la Révolution, on peut découper Pont-l'Abbé en deux : d'un côté, rive droite, la ville bourgeoise. De l'autre, rive gauche, le faubourg de Lambour, d'où naissent les turbulences politiques. J'ai publié une correspondance, échelonnée de 1783 à 1792, qui montre ces réalités politiques d'alors et qui prouve que, plusieurs années avant la Révolution, des réseaux très actifs sont en place et poussent contre ce qui reste des principes féodaux, préparent en somme la Révolution.
 
Après la disparition de la baronnie, la ville s'enfonce dans l'anonymat et la grisaille. Un carrier commence à débiter le château dans les années 1830 et il faut une intervention énergique des pouvoirs publics, alertés par les amis de Prosper Mérimée (dans la foulée de la vogue du Moyen Âge lancée par les Romantiques), pour sauver ce qui en reste : une grosse tour flanquée d'une plus mince, le corps de logis agrandi au XVIIIe siècle, la base d'une autre grosse tour, une partie des douves. Le reste a déjà disparu.
 
Pont-l'Abbé, quoique port, a toujours eu une vocation terrienne : avant la Révolution, on y négociait les céréales. La région se développant ensuite autour de la pêche, Pont-l'Abbé s'est adapté. Puis, au XIXe siècle, on y a implanté une usine d'iode extraite du goémon ramassé sur les plages.
 
Politiquement, Pont-l'Abbé a la réputation d'être instable. J'ai lu que depuis la seconde guerre mondiale au moins, un seul maire y a fait deux mandats successifs : le centriste (CDS) Jolivet. Il faut donc croire, ce qui n'est pas évident, que cette ville est centriste dans l'âme. Elle ne supporte en tout cas ni d'être gouvernée par la droite, ni d'être gouvernée par la gauche, puisque dès qu'elle a l'une, elle ne pense qu'à s'en débarrasser, fût-ce pour l'autre.
 
Hélas, le MoDem n'y présente pas de liste aux élections municipales. C'est un travers de notre jeune parti : il est clivé. Localement, les adhérents du MoDem sont du centre droit ou du centre gauche avant d'être du MoDem. C'est pourquoi, d'après Ouest-France, ils ne sont pas parvenus à se mettre d'accord pour la constitution d'une liste : ceux du centre droit voulaient qu'au second tour on s'alliât avec l'UMP du maire Mavic, ceux du centre gauche préféraient l'alliance avec la gauche. Panser ce genre de plaies sera l'un des objectifs majeurs des mois qui viennent. Il faudra aussi faire passer l'idée qu'une alliance de second tour se passe plutôt entre les deux tours qu'avant le premier.
 
Le leader local du MoDem est Michel Canévet, le sympathique maire de Plonéour-Lanvern, commune voisine de Pont-l'Abbé, âgé de 44 ans, conseiller général. Il était en position de se maintenir au second tour en juin dernier aux législatives mais, arrivé troisième, il a suivi les conseils donnés avant l'élection en se retirant sans consigne de vote. Nombre d'électeurs ont regretté ce choix, estimant qu'il aurait été élu par le report de tous les petits candidats. Bayrou est arrivé en tête dans plusieurs communes de sa circonscription.
 
L'UMP, elle, lui reproche son absence de consigne de vote (il a pourtant indiqué qu'"à titre personnel" il voterait pour la députée UMP sortante, Hélène Tanguy).
 
Il y aura donc un stupide affrontement bipolaire à POnt-l'Abbé et, sans doute, une alternance de plus. 

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20/01/2008

Comment j'ai commencé à publier la Réformation de 1426.

La Réformation des Fouages de 1426 est un recensement de tous les chefs de famille bretons qui a eu lieu à l'initiative du duc "souverain" de la Bretagne dans les années 1426 et suivantes. Cette liste des foyers bretons avait (travers déjà français) un but fiscal, mais aussi un but militaire : ceux qui ne payaient pas l'impôt, s'ils n'étaient pas pauvres, étaient nobles. Pour les nobles, il y avait là l'occasion de préciser la nature de leurs terres et ce qui recevait le label "noble" entrait dans la portion du patrimoine qui devait être partagée noblement : deux tiers pour l'aîné, le troisième à partager équitablement entre les autres héritiers.
 
On imagine que ce document a été soigneusement conservé, qu'on en a fait des copies au moins partielles au XVIIe siècle et que, enfin, la révolution en a détruit la majeure partie, dans l'intention certes louable d'effacer une preuve des privilèges abolis, mais avec l'inconvénient de supprimer la trace majeure du peuple breton de cette époque.
 
Quoiqu'il en soit, ce document fleuve (200 000 chefs de familles répartis dans des dizaines de milliers de lieux-dits et des centaines de paroisses) est connu depuis l'origine par tous ceux qui ont écrit et réfléchi sur l'histoire de la Bretagne. Les collections des moines historiens de l'abbaye dite des "Blancs-Manteaux", à Paris, en contenaient au moins deux transcriptions détaillées (mais sans les contribuables roturiers), d'autres relevés ont été faits à diverses époques, en particulier celui connu sous le nom de leur propriétaire ancien, le chevalier de Boisgélin, détenu par la bibliothèque municipale de Saint-Brieuc et on en trouve des bribes à peu près partout.
 
Or fin 1995, je venais d'être élu adjoint au maire du XVIe arrondissement et ce mandat amusait un peu la société locale de mon coin breton, si bien qu'on cherchait à m'y rencontrer et que donc, comme je suis d'un naturel poli, on m'y rencontrait. On vit très vite que ce qui m'intéressait dans la vie, outre la littérature, était l'histoire. Et on me fit dîner avec des voisins que je connaissais un peu depuis une dizaine d'années.
 
Le mari, fort sympathique et un peu rêveur propriétaire d'un château digne de Walt Disney bâti par un émule de Viollet-le-Duc vers 1900, m'annonça qu'il possédait, plein son grenier, des masses de documents illisibles, car écrits en arabe.
 
En arabe ?
 
Voilà qui était étonnant. Le lendemain même, je montais avec précaution les marches vermoulues de ce manoir humide et déjà abîmé et je pénétrais dans le grenier en question.
 
Un foutoir innommable. Des parchemins partout, par terre, sur une table, dans des valises, sur des étagères, en vrac, dans tous les sens et de toutes les tailles.
 
Je consacrai près d'un mois (en plusieurs séjours) à trier tout ça et à faire des piles par commune (ou par paroisse ou trève à l'époque), isolant au passage tous les documents strictement familiaux : contrats de mariages, partages successoraux, minus de rachat (inventaires de successions) et autres diverses pièces qui illustraient la vie des nobles aux temps anciens.
 
Le fonds, particulièrement riche, regroupait l'historique de trois lignées cornouaillaises principales. Il s'échelonnait de la fin du XIVe siècle à la Révolution (et même au XIXe siècle pour les domaines demeurés aux héritiers).
 
L'été suivant, je passai des journées entières à empiler des pages de notes que je prenais en déchiffrant ces précieux grimoires. Je suis un paléographe autodidacte mais (sans fausse modestie) efficace.
 
Rentré à Paris, j'entrepris d'identifier les personnages dont il était question. Car sur les trois troncs principaux se greffaient des poussières de lignées de plus en plus ténues à mesure que l'on remontait dans le temps. Tel nobliau du XVe siècle fit un beau mariage local en épousant l'héritière (la "quenouille") d'une concentration de plusieurs terres opulentes et locales, chacune apportée par une lignée alors notable mais tombée dans l'oubli depuis ... six cents ans ...
 
Six cents ans, c'est à peu près le temps qui sépare l'empereur romain Domitien de Charlemagne, ou bien Hugues Capet d'Henri IV. C'est une période énorme. Et donc les noms que je trouvais ne figuraient plus nulle part depuis très longtemps, même la mémoire collective les avait effacés de ses tablettes. Ces gens étaient dans le néant.
 
Or comme la Bretagne partage avec la seule Gascogne la particularité sociologique d'avoir compté, sous l'Ancien Régime, plus de 5% de sa population qui était noble (pour une proportion ailleurs égale à 0,5% en général), un gros travailleur du XIXe siècle a eu l'idée de composer un "nobiliaire et armorial de Bretagne" ne comportant pas moins de 6000 patronymes. Je comparai donc ma liste avec sa recension et vis, avec d'abord effroi, puis avec gourmandise, qu'il ignorait absolument tout de la plupart des personnages dont il était question dans le fonds.
 
Poussant la curiosité, je trouvai assez vite l'existence de la Réformation de 1426. Mais pour la Cornouaille, il n'en existait que peu de fractions originales, on travaillait sur des transcriptions partielles du XVIIe siècle. Grâce à mes documents, je m'aperçus assez vite que ces transcriptions étaient erronnées, très fautives. J'établis donc une version solide.
 
Une fois cet effort accompli pour le quart de la Cornouaille historique couvert par le fonds du grenier, je ne pouvais décemment pas laisser le reste du territoire dans l'état navrant que je devinais. Je trouvai donc des sources, notamment publiques, et fis ailleurs ce que j'avais fait chez moi.
 
Puis comme je disposais d'une montagne d'une cinquantaine de classeurs de notes, je trouvai logique d'adjoindre une notice sur chacune des familles.
 
Sur les 530 notices sur des familles nobles de la Cornouaille médiévale, l'armorial breton de référence n'en connaissait que 240 ; d'un coup, je faisais plus que doubler le connu.
 
Je ne pouvais décemment non plus garder tout ça pour moi. C'est ainsi que je décidai de publier le premier tome de la Réformation, en adjoignant d'ailleurs des cahiers de blasons (ou plutôt d'écus) en couleur, 360 blasons là où l'armorial n'en connaissait que 240 à peine.
 
Et je travaille au quatrième tome de cette publication, que j'espère faire paraître en mars ou avril.

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10/01/2008

Faites-vous plaisir et sauvez Diwan.

Je relaie une initiative de Breizhmag en faveur des écoles Diwan.

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31/12/2007

L'air breton.

On ne parle que des élections municipales, par ici. Voilà bien ce qui fait bouger les gens : le carrefour, les poubelles, le PLU, l'installation des enfants sur un terrain du bourg, la transmission des générations.
 
Je parlais l'autre jour d'Ambroise Guellec, ancien secrétaire d'État centriste passé à l'UMP. Il vient d'annoncer qu'à 67 ans, il était temps pour lui de prendre sa retraite et il souhaite bon vent à une équipe fort rajeunie et renouvelée pour les municipales de Pouldreuzic. Chapeau l'artiste. D'autres devraient bien en prendre de la graine.
 
J'ai parlé aussi ici de Raymond Barre : il était pour le mandat unique non renouvelable, partant du principe que c'est pour se faire réélire que les élus les mieux intentionnés s'abandonnent à de lourds compromis qui finissent souvent en compromissions.
 
Pas à pas, les équipes de candidatures se publient. L'extrême gauche est en avance en général. Mais le MoDem a fourni de nombreuses précisions. Quant à l'UMP, la stabilité prime chez eux, sauf donc chez le vieil Ambroise.
 
L'oncle d'Ambroise Guellec, l'abbé Guellec, fut recteur de la paroisse de Combrit, où je me trouve, durant une douzaine d'années, du début des années 1970 à celui des années 1980. C'était un poste très éminent dans la hiérarchie catholique locale. Il avait donc droit à d'autres prêtres pour le seconder aux fêtes carillonnées.
 
Il aimait que les cérémonies fussent savoureuses et colorées, il choisissait, parmi le catalogue fourni par l'évêché, des chants sonores et enlevés et menait lui-même ses ouailles dans le cantique. Il avait une allure de chanoine, les joues pleines, le teint épicé, le sourcil broussailleux et l'oeil mobile. Tout le contraire d'un contemplatif.
 
À la fin de son mandat ordinaire de douze ans, il crut pouvoir s'incruster (ce qui aurait d'ailleurs plu à ses paroissiens) mais il alla un peu loin dans sa campagne en refusant de sonner la cloche de l'église paroissial lorsque le maire d'alors (à vrai dire peu sympathique et élu par malentendu pour débarrasser la commune de son prédécesseur qui passait pour un fou mégalomane qui rêvait d'implanter un second La Baule sur notre dune sauvage), venu du PSU au PS, fut élu conseiller général. L'évêché le transféra dans une petite paroisse pour le rappeler à son devoir d'humilité et il finit sa carrière dans un presbytère mité et miteux.
 
Trois ans plus tard, son neveu devenait cependant député du coin. Le neveu en question ressemble à l'Ankou, ce long personnage qui passe en Bretagne pour faucher les âmes des morts. Et autant l'oncle abbé avait le visage rondouillard et le geste truculent, autant le député paraissait austère et grave.
 
Le neveu d'Ambroise Guellec, Jean, a fait partie du cabinet de Bayrou à l'Éducation nationale au milieu des années 1990. C'était alors un compagnon chaleureux et créatif, il aurait volontiers participé à l'aventure des municipales parisiennes en 2001 mais ni lui ni moi n'avons réussi alors à convaincre les autorités de feue l'UDF de se lancer dans l'entreprise d'une liste autonome.
 
Depuis ce temps, Jean Guellec a fait partie des grosses têtes du commissariat au Plan, aujourd'hui supprimé. Puis il a fondé une famille, ce qui est toujours une bonne idée. La dernière fois que ke l'ai vu était la dernière élection interne parisienne de feue l'UDF.

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26/10/2007

Histoires de vin, de taxes et de chevaliers bretons du Moyen Âge.

"Il doit passer autant de vin par le corps des Bretons que d'eau sous leurs ponts, car c'est avec cela que l'on paye nos états" (comprenez l'administration de la Bretagne), écrivait la cruelle marquise de Sévigné. Elle parlait de la taxe connue sous le nom de "devoirs", assez juteuse en effet : un mien ancêtre, directeur des devoirs de Bretagne et installé à Vannes, dut se retirer d'un bal pour soustraire sa très (trop) jeune et jolie épouse aux appétits du comte d'Artois, frère de Louis XVI. Il n'avait pas la vocation d'un Pompadour, mais on voit bien quel était son statut.
 
Plus tôt, dans le Moyen Âge, on parlait surtout de "billot", et encore plus tôt de "vinagium", une taxe que l'on trouve un peu partout, même hors de Bretagne. Les témoins d'une enquête de 1235 sur le Penthièvre jurèrent qu'elle n'avait nunquam (jamais) été perçue en Bretagne, contrairement à la taxe sur les pêcheries. Et cependant, en 1223, parmi les droits restitués à la chapellenie de Saint-Tudy (en Loctudy, à la pointe sud de l'ouest de la Bretagne), figurait, expressément réclamé par les moines goulus, le "vinagium" du port de Pont-l'Abbé (le vin était il est vrai débarqué à l'île Tudy, juste sous leur nez, très en aval de Pont-l'Abbé, avant d'être remonté par des barques plates jusqu'en ville). Donc on ne le percevait pas en Bretagne, sauf... En vérité, les droits de brefs (passeports), de bris (épaves), de pêcheries (poissons), de sécheries (salaison) et quelques autres, ainsi donc que le "vinagium" firent sans doute partie des droits que le duc Alain Barbetorte concéda parfois à ses feudataires pour se les attacher au moment de sa remise en ordre du duché, dans la première moitié du XIe siècle.
 
Il dut y avoir des flottements dans cette disposition juridique et fiscale, mais il faut croire qu'elle demeurait juteuse car en 1365, dans le dispositif fiscal par lequel le duc Jean de Montfort réorganisa à son tour son administration (et dans lequel figurait le fouage qui allait s'avérer vite décisif), il y eut une taxe sur le vin, un "billot".
 
Aussitôt, les seigneurs se manifestèrent. Alors bien sûr, ils furent exemptés de la nouvelle taxe. En Cornouaille, l'accord est sanctionné par un consentement solennel des cinq principaux seigneurs (dont celui de Pont-l'Abbé qui avait promis de restituer mais s'était gardé de s'exécuter) en 1365.
 
Dès lors, les feuilles de comptes des receveurs du duc de Bretagne sont émaillées des listes de nobles qui importaient des fûts entiers de vin : pipe (presque une demi-tonne) ou tonneau !
 
Et l'on voit en 1426 un noble que les enquêteurs du recensement que je publie qualifient de "fol", "se disant chevalier", qui, ayant importé non moins de quatre tonneaux de vin de Gascogne, est soupçonné d'en faire commerce. Quatre tonneaux, tout de même, c'est beaucoup. Mais la cour ducale trancha : il était noble. Son exemption demeura.
 
On aurait pu s'étonner aussi de l'incroyable soif de certains personnages : en février 1394, Bernard de Kerourcuff, sénéchal de cette partie de la Bretagne qui se nomme le Léon, exporta 3 tonneaux de blé par le port de Portsal en Ploudalmézeau ; le mois suivant, il ne reçut pas moins de quatre tonneaux de vin. Quelle soif ! Non loin de là, à Saint-Mathieu de Finistère (alias de Fine Poterne) dès le mois suivant, il reçut encore deux tonneaux de vin !
 
Il faut l'avouer, beaucoup de nobles, en Léon, sont soupçonnés d'avoir commercé et, dans cette partie de la Bretagne, nombreux sont les nobles modestes que les enquêteurs de 1426 notent vendre "pain, vin et foin au détail", ce qui ressemble fortement au métier d'aubergiste.
 
Le plus extravagant surgit à Morlaix en 1384 : là, le seigneur de Trogoff importe, d'un coup, six tonneaux de vin. On s'alarme. Il se défend : c'est pour sa garnison.
 
Mais quelle garnison ? Son château a été rasé en 1356 et pas encore reconstruit... Tant pis, il doit bien en avoir une : le receveur ferme les yeux. Vive le bon vin.
 
Une prochaine fois, je parlerai de ces marchands de Portsall qui se plaignirent à l'amiral de Bretagne : on leur avait dérobé toute leur cargaison à la livraison en Espagne ! La Bretagne, le Moyen Âge, quoi... 

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03/10/2007

Breizh atao ... avec Nantes !

On s'est beaucoup ému, la semaine dernière, en Bretagne, des rumeurs concernant la réforme de la carte judiciaire. En effet, il est question de briser le dernier lien institutionnel qui unit encore Nantes à la Bretagne historique, en détachant les causes du TGI de Nantes du ressort d'appel de Rennes.
 
On a entendu par exemple l'excellent bâtonnier de Rennes, Me Bouessel du Bourg, rappeler ce fait historique et ajouter que le but de la réforme étant les économies budgétaires, toute modification du ressort actuel se solderait par un surcoût de 50 millions d'Euros, contreproductif donc. Et les avocats ont manifesté samedi devant le parlement de Bretagne qui a incarné l'autonomie bretonne durant toute la fin de l'Ancien Régime.
 
Il faut dire que, si Nantes n'a jamais été une ville bretonnante, toute la rive maritime de la Loire-Atlantique au nord de la Loire appartient à la Bretagne bretonnante : le Croisic, Pornic, sont des noms incontestablement bretons et on parlait encore le breton dans les îles proches du littoral voici quelques décennies. Par conséquent, il est évident que Nantes et la Loire-Atlantique font partie de la Bretagne au sens le plus fort du terme. Et le comté de Nantes a été rattaché à cette terre il y a plus de mille ans.
 
Pour conclure, rappelons que c'est l'infâme gouvernement de collaboration qui, durant la seconde guerre mondiale, a détaché Nantes de la Bretagne pour punir les Bretons trop tournés vers la Résistance. Il serait scandaleux que ce qui devrait figurer parmi les titres de gloire de la Bretagne, la résistance au nazisme, aboutisse à une amputation honteuse, alors même que les voix favorables au rattachement pur et simple de la Loire-Atlantique à la Bretagne sont de plus en plus nombreuses.
 
Je dois tempérer mon indignation car, pour dire la vérité, je ne crois pas une seconde que ce drame arrivera : le fils de Claude Guéant est désormais suppléant de Loïc Bouvard, député du Morbihan, et il est devenu membre du cabinet de Rachida Dati, garde des sceaux. Je n'imagine pas une seconde qu'il donne une telle aide à ses ennemis locaux en massacrant la Bretagne. Par conséquent, je crois que les choses resteront en l'état et tant mieux, à la fois pour les finances publiques et pour l'avenir, qui doit permettre le rattachment de Nantes à la Bretagne.
 
N'oublions pas que toutes les archives de la Bretagne ducale sont déposées aux ... archives départementales de la Loire-Atlantique.

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14/07/2007

Des nouvelles des chats

Bonne nouvelle dans mon gynécée : ça pouponne.

Là.
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Là.
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Et là.
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Avec le soleil, les plus petits chatons s’aventurent dans l’herbe. Un jour prochain, ils viendront manger avec les autres.
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Si vous avez des noms, n’hésitez pas à m’en donner.

En bas, le long de la rivière, les arbres tombés de l’ouragan de 1987 sont de plus en plus couverts d’algues.
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La maison voisine a été rachetée par des Néerlandais. Il paraît que leur gouvernement subventionne massivement leurs achats immobiliers à l’étranger, même en Europe. Cette mesure ne me semble guère conforme à l’esprit de la construction européenne. Mais ce ne sont pas des voisins encombrants.
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07/07/2007

Le découvreur oublié de l’Australie était breton.

Louis XVI adorait parrainer des expéditions d’exploration maritime. Il y consacrait un fort budget qui donne l’occasion de rappeler que son règne est l’une des deux périodes de l’Histoire où la France disposa de la première flotte de guerre du monde.

Parmi les capitaines dont le nom survit, on connaît bien entendu Kerguélen, celui qui a donné son nom à l’archipel de l’océan Indien où la Marine nationale entretient l’une de ses bases les plus méridionales et les plus excentrées.

Ce Kerguélen, originaire de Quimper, était par ailleurs un franc-maçon engagé dans la loge quimpéroise où il retrouvait la plupart des officiers de justice locaux et une bonne part de la noblesse, surtout des cadets.

Parmi ses lieutenants liés à ce double milieu maçonnique et quimpérois figurait un personnage absolument méconnu dont le patronyme avait pourtant toutes les qualités pour inspirer Dumas : Alleno de Saint-Alouarn.

Ce Saint-Alouarn, particulièrement obstiné, poursuivit une exploration jusqu’à une terre jusque-là inconnue, qui ne recevrait que plus tard le nom d’Australie.

Pour tout savoir sur lui, on peut lire un bel album rédigé par son descendant Tudgual de Kerros (qui ne s’attarde guère sur ses préférences philosophiques) aux éditions “Les Portes du Large“, une parfaite lecture de vacances.

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28/06/2007

Réforme de la carte judiciaire : préserver la vraie Bretagne ?

Le gouvernement a lancé une réforme de la carte judiciaire pour, officiellement, rationnaliser l'implantation des juridictions de façon à faire des économies.
 
On pourrait objecter que la justice de France a moins besoin d'économies que d'indépendances et de moyens supplémentaires, tant il semble que notre pays soit à la traîne des grandes démocraties sur ce point comme sur d'autres.
 
Il m'a seulement paru utile de rappeler au passage que la Bretagne historique est encore le cadre de la cour d'appel de Rennes qui englobe, comme je viens de le signaler, la Loire-Atlantique.
 
En voici la carte issue du site gouvernemental dédié à la réforme de la justice :
 
http://www.carte-judiciaire.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10352&ssrubrique=10390 réforme
 
Toucher à ce ressort juridictionnel d'appel au moment où les voix sont de plus en plus nombreuses en Loire-Atlantique pour demander le rattachement de ce département à la région administrative et politique de Bretagne serait un très grave coup porté aux Bretons et à leur unité.

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17/06/2007

Au moins une bonne nouvelle aujourd'hui : c'est la Saint Hervé.

Curieux comme, même si l'on n'est pas obsédé par la chose religieuse, il arrive qu'on prête attention au saint du jour. Notion bourgeoise qui crée de la chaleur humaine au bureau ou à la cafète.
 
Saint Hervé (on dit Houarn en général en langue bretonne historique, ce qui signifie également "fer" ; si j'osais un calembour - il faut bien se faire sourire en ce jour de deuil - je lancerais "le dire c'est bien, le fer c'est mieux", OK je me tais) est un savant personnage qui vécut dans la période la moins bien connue de l'Histoire bretonne, les VIe et VIIe siècles, ce que les Anglo-Saxons nomment les "dark ages", les "âges sombres", qui sont aussi l'époque du roi (mythique ?) Arthur.
 
Je trouve qu'aujourd'hui, évoquer les "âges sombres" a quelque chose de pertinent. Question d'humeur.
 
Hervé étudia, selon certains auteurs, à Paris, sur la montagne Sainte-Geneviève. On note cependant que la Sorbonne n'existait pas. Peut-être fit-il son apprentissage en Irland ou dans le Pays de Galles.
 
Toujours est-il que, à force de ne pas allumer la lumière dans les "âges sombres", il devint aveugle (OK, je me tais). Bon, il devint aveugle et, barde renommé, vécut en ermite.
 
Il est, pour ceux qui y croient, le saint patron des poètes, et c'est une joie pour moi d'être le saint patron des poètes ... car Saint Hervé, c'est moi !! (OK, je me tais tout à fait). 

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28/05/2007

Pour ceux que cela intéresse : l'ost de Bretagne au XIIIe siècle.

L’ost est une troupe composée des vassaux d’un seigneur.

Une liste récapitulant la totalité d’une assemblée de cette troupe est évidemment un précieux renseignement.

J’ai découvert en publiant l’Histoire de Bretagne de Bertrand d’Argentré dans sa version censurée en 1582 que la liste des vassaux du duc qui ont souscrit à la fondation de la ville ducale de Saint-Aubin du Cormier, en 1225, présentait d’étranges similitudes avec celle dite de l’ost de 1294, maintes fois commentée.

Voici quelques-unes des analyses que j’ai faites :
(en bas de page les images présentant les deux listes)

    La colonne de gauche (fondation de Saint-Aubin) est dans l’ordre donné par d’Argentré (entremêlé d’éventuelles nuances de la liste telle que Dom Morice la publie d’après un vidimus du XVe siècle, Pr. I. 854). On voit du premier oeil la symétrie et donc le caractère féodal de la liste de 1225 qui, par bien des côtés, apparaît comme la première montre connue des vassaux ducaux toutes baillies confondues et non seulement comme une liste de témoins fondée sur le bon vouloir et les affinités de chacun.
    Le chiffre qui accompagne les vassaux de 1294 est celui du nombre de chevaliers qu’ils déclarent devoir. On remarque aussitôt la densité des vassaux à 2 chevaliers dans la colonne de gauche. Ce sont surtout les grands qui sont comptés. Ceux que l’on voit moindres émanent surtout des baillies de Rennes et de Ploërmel et Broérec, qui sont toutes proches de Ploërmel et de Saint-Aubin-du-Cormier.
    En Cornouaille, cette surreprésentation des grands est encore plus nette : il y a en 1294 quatre vassaux qui doivent 2 chevaliers chacun : deux ramages de Poher (Kergorlay et Rostrenen), Pont-l’Abbé (qui en ajoute 1 pour Goarlot en Kernével près Quimperlé), et Fouesnant. La similitude de prénom pourrait donner à penser qu’Henri sénéchal de Cornouaille (on sait par ailleurs qu’il se nomme Henri Bernard) pourrait être un Fouesnant. Pour le reste, les deux Poher sont en 1225 Pierre fils de Hamelin de Poher et son frère Tanguy. On sait que le prénom Pierre est courant aussi bien chez Kergorlay que chez Rostrenen et Tanguy est un prénom que l’on rencontre chez Kergorlay. On a donc bien en 1225 la même liste que celles des grands de 1294. L’anomalie est seulement Le Faou, qui semble bien plus éminent en 1225 qu’en 1294, mais on verra à propos de l’héraldique qu’il y a fort à parier sur une mutation profonde de son fief entre ces deux dates. Pont-l’Abbé et Fouesnant surveillent l’Odet qui est l’accès le plus vulnérable de Quimper. Kergorlay et Rostrenen sont placés sur les deux routes les plus naturelles de Carhaix. Rien pour Crozon, Châteaulin, Douarnenez, sinon Le Faou : il est évident que la composition du contingent de Cornouaille a été déterminée à l’époque où les comtes locaux ont un château inexpugnable à Châteaulin : deux pour Quimper, deux pour Carhaix, ils sont eux-mêmes le deuxième (avec Le Faou) pour l’espace ouest-nord-ouest de leur comté.
    On constate des anomalies : Olivier de Tinténiac paraît en 1225 sous Rennes, ce qui est logique, mais en 1294 seulement sous Broérec du fait de son fief de la Rochemoisan dont l’importance est évidente ; R. de Melecia vient en 1225 sous les couleurs de Ploërmel et Raoul de Malesse en 1294 sous celles de Rennes ; on pourrait y voir une dualité d’implantation qui se retrouve au XVe siècle, mais la liste de Dom Morice fait la correction d’elle-même ; Sylvestre de la Bouteillerie qui relève de l’évêque de Dol et dont le fief est situé en Combourg dans le diocèse de Saint-Malo entre Rennes et Dol, est compté en 1294 dans la baillie de Ploërmel, or on trouve dès le début du XIe siècle Rigaud le Bouteiller, certainement son ancêtre, témoin avec Ginguené évêque-archevêque de Dol de la restauration de l’abbaye de Saint-Méen, au beau milieu du Porhoet et très près de Ploërmel. Plus intrigante est a priori la présence de R. de Montfort en 1225 sous Rennes et en 1294 sous Ploërmel, mais la seigneurie de Montfort relève au fiscal de la châtellenie de Rennes au XVe siècle encore et Gaël est plus proche de Ploërmel. Donc rien d’inexplicable.
    L’énumération de 1225 comme celle de 1294 commence par les Rennais : de toute évidence, le schéma féodal général est mis en place dans la première moitié du XIe siècle par le duc Alain, de la maison de Rennes. En 1225, ce sont même des représentants des deux ramages de Rennes (Vitré et La Guerche) mentionnés par d’Argentré et tous deux antérieurs à 1050 qui mènent la troupe. Si l’on ne peut affirmer avec le même aplomb que d’Argentré que Rennes est depuis toujours la capitale de la Bretagne, force est de constater qu’en ce qui touche la féodalité, Rennes est à la fois le centre et la prééminence du duché, alors même que les Cornouaille ont régné bien plus longtemps (et surtout postérieurement) que les descendants des comtes de Rennes. Le système reste sur la lancée de sa fondation.
    On voit beaucoup de Dinan sous Rennes en 1225, et plutôt en Penthièvre en 1294. C’est là notamment question de frontière et l’on doit se souvenir qu’en 1225, la querelle du bail de Penthièvre est toute fraîche. Par conséquent, il faut à la fois affirmer le pouvoir ducal (donc Rennes pour la raison dite ci-dessus) et minimiser le Penthièvre confisqué. Au cas où. À moins qu’il n’y ait trace d’une distribution contemporaine du partage ducal qui a vu naître le Penthièvre, mais il manque des indices en ce sens. La dernière hypothèse serait que les Dinan sont sous Rennes en 1225 et s’y retrouvent sous la forme de quelques-uns des 10 chevaliers de l’évêque de Dol de 1294. L’attribution de Courréon aux Dinan a sûrement joué un rôle dans la bascule.
    Du reste, la répartition entre baillies de Penthièvre et de Tréguier a été difficile à faire dans la colonne de d’Argentré. Et si la baillie de Tréguier se révélait postérieure à 1225 ?
    Bien entendu, le fait que le groupe de 1225 commence par le premier vassal de la baillie de Tréguier de 1294 (Avaugour) puis par le premier de celle de Penthièvre à la même date (Coiron, Coronan ou Coréon ?) milite dans ce sens. O. Tournemine se dédouble ensuite en 2 chevaliers en Penthièvre et 2 autres en Tréguier. Eudon d’Argenton est un Breton de fraîche date, un Français, on trouve son patronyme cité à propos de Dol en 1213 et de Dinan en 1250, mais en Trégor encore (donc dans l’orbite d’Avaugour) en 1426 et son prénom, très "Penthièvre" suggère qu’il est le fruit d’une alliance Argenton-Penthièvre ; et Eudon, fils de Merien ou de Morvan, pourrait bien appartenir à la très ancienne maison du Cosquer qui, implantée sous Tréguier, porte en toute simplicité pour armes les emblèmes de l’évêché de Léon, ce qui renvoie aux conflits frontaliers évoqués plus haut datant du XIe siècle. L’absence du vicomte de Tonquédec de la liste de 1225 laisse perplexe ; cette seigneurie pourrait être déjà à l’époque entre les mains de Coetmen, à qui elle est venue par alliance. Mais peut-être l’un des personnages désignés comme "fils de" est-il en fait le dernier de Tonquédec.
    La division de l’ancien Penthièvre en deux baillies répond à la réalité du fief et le fait que Corron (ou Cour-Éon ? On verrait là Cor-Ouan plutôt que Coronan, et en 1294 Courr-Éun, il s’agirait de la Cour d’Eudon, fondateur du Penthièvre), premier cité de la portion Penthièvre, soit confié à Dinan qui a prouvé son soutien indéfectible aux autorités les plus fortes (Plantagenêt en 1160, Mauclerc durant la guerre du bail en 1220) et les plus centrales - sinon toujours les plus légitimes - donne à penser qu’on a voulu ancrer avec détermination les territoires annexés au pouvoir ducal. De là sans doute le transfert des Dinan du groupe rennais de 1225 vers celui de Penthièvre : la fidélité au duc.
    Quant à l’évêque de Dol dont l’inféodation faisait l’objet de la guerre des années 1030 entre Rennes et Penthièvre, on le voit solidement implanté sous Rennes : il précise même que les 10 chevaliers qu’il déclare devoir sont à acheminer par lui jusqu’à Rennes même ; on ne peut être plus clair.
    Il n’est pas indifférent de considérer le début de chaque groupe dans la version de 1225.
    Rennes : Vitré puis La Guerche ; Nantes : Ancenis puis Derval ; Ploërmel et Broérec : Montauban puis Rohan ; Penthièvre et Tréguier : Avaugour puis "Couréon" ; Cornouaille : le sénéchal (en lieu du comte ?) puis Poher ; Léon : Léon puis Léon. Vitré et La Guerche sont ramages de Rennes, Montauban et Rohan sont ramages de Porhoet, Avaugour est Penthièvre, Poher (dans cette forme vicomtale) paraît ramage de Cornouaille, Léon est Léon. On voit donc avec précision la logique se dessiner et il faut bien qu’Ancenis et même Derval soient ramages (agnatiques ?) de Nantes. De même, "Couréon" qui est à Dinan en 1294 se présente comme un ramage de Penthièvre. Quant au sénéchal de Cornouaille, son cas est plus complexe car son titre le destine peut-être à représenter le comte devenu duc ; du reste, son patronyme Bernard n’exprime aucune caractéristique certaine et on doit peut-être deviner Gourin, Poher ou Fouesnant sous son masque. L’absence d’un représentant du comte de Nantes combinée à l’éventuelle substitution du sénéchal au chef cornouaillais traduit-elle le fait que l’ost a été conçu à l’époque où le comte de Cornouaille l’était aussi de Nantes (faute de quoi un comte de Nantes aurait sans doute reçu lui aussi un sénéchal pour tenir sa place) ? Peut-être.

 

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