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04/01/2016

Mes vœux par Victor Hugo

En guise de vœux, un texte un peu amer de Victor Hugo qui décrit assez bien la médiocratie que nous subissons : c'est extrait de "Melancholia" dans les Contemplations. Le poème débute par "Un homme de génie apparaît" et, plus loin :

 

Il apporte une idée au siècle qui l’attend ;
Il fait son œuvre ; il veut des choses nécessaires,
Agrandir les esprits, amoindrir les misères ;
Heureux, dans ses travaux dont les cieux sont témoins,
Si l’on pense un peu plus, si l’on souffre un peu moins !
Il vient. — Certe, on va le couronner ! — On le hue !
Scribes, savants, rhéteurs, les salons, la cohue,
Ceux qui n’ignorent rien, ceux qui doutent de tout,
Ceux qui flattent le roi, ceux qui flattent l’égout,
Tous hurlent à la fois et font un bruit sinistre,
On le siffle. Si c’est un poète, il entend
Ce chœur : « Absurde ! faux ! monstrueux ! révoltant ! »
Lui, cependant, tandis qu’on bave sur sa palme,
Debout, les bras croisés, le front levé, l’œil calme,
Il contemple, serein, l’idéal et le beau ;
Il rêve : et, par moments, il secoue un flambeau
Qui, sous ses pieds, dans l’ombre, éblouissant la haine,
Éclaire tout à coup le fond de l’âme humaine ;
Ou, ministre, il prodigue et ses nuits et ses jours ;
Orateur, il entasse efforts, travaux, discours ;
Il marche, il lutte ! Hélas ! l’injure ardente et triste,
À chaque pas qu’il fait se transforme et persiste.

(....)

Il va semant la gloire, il recueille l’affront.
Le progrès est son but, le bien est sa boussole ;
Pilote, sur l’avant du navire il s’isole ;
Tout marin, pour dompter les vents et les courants,
Met tour à tour le cap sur des points différents,
Et, pour mieux arriver, dévie en apparence ;
Il fait de même ; aussi blâme et cris ; l’ignorance
Sait tout, dénonce tout : il allait vers le nord,
Il avait tort ; il va vers le sud, il a tort ;
Si le temps devient noir, que de rage et de joie !
Cependant, sous le faix sa tête à la fin ploie,
L’âge vient, il couvait un mal profond et lent,
Il meurt. L’envie alors, ce démon vigilant,
Accourt, le reconnaît, lui ferme la paupière,
Prend soin de le clouer de ses mains dans la bière,
Se penche, écoute, épie en cette sombre nuit
S’il est vraiment bien mort, s’il ne fait pas de bruit,
S’il ne peut plus savoir de quel nom on le nomme,
Et, s’essuyant les yeux, dit : « C’était un grand homme ! ».

victor+hugo.jpg

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17/11/2015

Daech : dissimulation du vrai débat

Après les attentats de vendredi soir et l'extraordinaire envol de compliments fleuris adressé de partout à la France et à son mode de vie, à la carte postale pourtant élimée dont raffolent les Anglo-Saxons, est venu le temps de l'action. Action militaire sur le terrain, modeste, et grand effet de théâtre dans le décor monarchique de Versailles, à deux pas de la Salle du Jeu de Paumes où le parlement français est né un beau jour de 1789 par la voix tonitruante de Mirabeau défiant "la pointe des baïonnettes" au nom de "la volonté du peuple". Du peuple auquel, hélas, on a menti aujourd'hui.

Dans un long premier temps, j'ai été tenté de m'indigner contre la folle idée développée longuement par Badinguet, pardon, par le président de la République, d'inscrire dans la constitution la gifle infligée à ce qui fut le premier résultat du premier parlement élu de France : la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen d'août 1789, qui organise que l'on ne peut être détenu sans motif légal. Cette DDH encombre nos énarques qui ne détestent qu'une corporation au monde : celle des juges, dont ils s'emploient à rogner sans cesse les prérogatives. Et donc ils s'appuient sur l'animosité spontanée des policiers contre les juges pour faire réclamer par les premiers que l'on bâillonne les seconds, ce qu'eux, énarques, s'empressent de faire, cédant à une prière émanée de ce qu'ils nomment la base, alors même que l'excellent travail complémentaire des juges et des policiers offre toutes les garanties utiles. J'étais tenté, donc, de m'indigner de cette infamie juridique.

Je m'énervais déjà, a fortiori, sur la déchéance de nationalité française pour les binationaux coupables de terrorisme. Notez bien que la plupart de nos récents terroristes sont morts sur le fait de leur forfait, et que cette mesure annoncée à grands coups de clairon, pourrait concerner deux ou trois personnes à chaque fois, et encore, alors qu'elle stigmatise des centaines de milliers de Français innocents, nés en France, parfois de parents eux-mêmes français, élevés en France, ne parlant que le Français, ayant des enfants français, dont elle fait, par son principe même, des sous-nationaux, des Français en sursis, en marge, des semi-métèques, des bougnoules qui feraient mieux de rembarquer pour leur autre pays. Oui, on croit rêver : les jeunes issus de l'immigration qui ont le cœur pour Daech l'ont souvent parce qu'ils ont l'impression de ne pas être des citoyens à part entière, qu'il n'y en a (idée fausse) que pour les "Gaulois" et pour les "juifs" alors qu'eux, "musulmans", ne sont bons qu'aux gémonies de la République, ils crèvent de cette pensée amère, et l'on ne trouve rien de plus intelligent à répondre à leur angoisse, à ces enfants de France, dont parfois les grands-pères (harkis par exemple) ne sont pas devenus français, selon l'expression de 1918, "par le sang reçu", mais "par le sang versé", ou dont les aïeux servaient sous les bombes au Mont-Cassin pendant que d'autres, bons Français naturellement, s'enrichissaient en vendant aux Boches au Marché Noir, à ces enfants-là qui, à tort à mon avis, se sentent rejetés par la Société française, de leur répondre "Finalement, vous avez raison, vous n'êtes pas de vrais Français, vous en vouliez la preuve, le principe de la déchéance de la nationalité vous la donne". Le comble de l'ignominie atteint sous les ors de Versailles en invoquant les Mânes, non pas de Victor Hugo, ils n'auraient pas osé, la honte de leur forfait les en a retenus, non, les Mânes de Clemenceau qui n'a pas trié les pioupious de 1917 par couleur de peau et qui disait, lui, en 1918 "Les soldats de la France, pendant des siècles soldats de Dieu, sont devenus les soldats de l'humanité". Pauvre vieux Georges qu'on enterre sous le sang de compliments trompeurs.

Toute cette bile m'avait déjà fortement abîmé le tempérament, et je m'énervais, et je rageais sur mon clavier, quand m'est venue sous les yeux la carte du conflit en Syrie. Quand je dis "carte du conflit", je devrais plutôt dire "carte du marché". Car que voit-on, juste au milieu de l'aire géographique contrôlée par Daech ? Les champs de pétrole. Autour des champs de pétrole, les raffineries mobiles que nos avions devraient bombarder sans relâche et qu'ils n'ont jamais même effleurées d'une minuscule bombinette. Et autour des raffineries ? Le marché au pétrole. Et là, tout est devenu clair.

Personne, en fait, c'était très bien dit dans un article en français du New-York Times d'aujourd'hui, personne, ni dans la région, ni ailleurs, ne souhaite vraiment l'élimination de Daech : Daech arrange Assad, les Russes, les chiites irakiens et iraniens, les pétromonarchies, le pouvoir israélien pour qui le seul bon Arabe est un Arabe mort, même les Kurdes, et les Turcs qui détestent et redoutent les Kurdes, et même Washington qui balance ses bombes au jugé en feignant d'attendre la décantation politique, oui, tout le monde. Donc Daech vit peinard sur son tas de pétrole.

Le blanchiment de l'argent de Daech se fait à Londres

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Peinard, oui, sauf que des milliers de Syriens et d'Irakiens sont morts, que 11 millions de Syriens sont poussés hors de chez eux, que des hommes, des femmes, des enfants, meurent chaque jour en traversant la Méditerranée, et que, maintenant, à Paris, un cortège de cadavres se mue en un cortège de fantômes.

Car Daech a payé les armes qui ont tué nos amis, nos voisins, avec l'argent du pétrole. Or qui achète le pétrole de Daech ? Il y a, d'abord, de petits mafieux, principalement turcs (il doit bien y avoir quelques libanais aussi, il y a toujours des Libanais sur tous les marchés). Et à qui ces petits mafieux et ces marchands locaux vendent-ils le pétrole ? Qui "blanchit" le pactole de Daech ? C'est le marché, ce sont les traders qui sont basés... où, déjà ? à Londres, là, de l'autre côté de la Manche.

Et donc, s'il faut résumer en vérité la situation en Syrie, elle est toute différente de ce que l'on nous assène à longueurs de journée : c'est le pillage du pétrole syrien par de petits mafieux, principalement turcs, pour le compte de traders britanniques et des grandes compagnies pétrolières mondiales. Cherchez l'argent.

Nos morts du Bataclan et du Carillon, nous croyons qu'ils sont morts par la faute du fanatisme irako-syrien, du wahhabisme, du salafisme, mais non, rien de tout cela, ou si peu : en réalité, ils sont morts par la cupidité de traders basés à Londres et pour les actionnaires de BP, d'Exxon et de Total, donc entre autres pour enrichir l'État français qui, cependant, n'a pas assez d'argent pour bombarder Daech à bon escient. Rhhoooo quel dommage. Ça fait des morts en France.

Alors, toute cette pantomime, tout ce Congrès convoqué à la va-vite, tout ce décorum, tous ces grands maux, tous ces grands pleurs, toute cette guimauve et toute cette haine de gamins de banlieue qui sont loin d'être tous innocents, très loin, mais dont la grande majorité ne mérite aucune opprobre de cette sorte, tout cela, c'était juste pour que, sur le coup de la colère, pendant que l'événement tragique lui braque les yeux sur Daech, le peuple ne se pose pas les bonnes questions. L'union nationale, ce n'était même pas "interdit de critiquer" mais "interdit de se poser les bonnes questions". Les bonnes questions dont la première est, toujours et invariablement : à qui profite le crime ? À qui profite le crime de Paris ? Le glas de Notre-Dame a sonné 129 fois et, comme disait Hemingway, "ne te demande pas pour qui sonne le glas : il sonne toujours pour toi".

Voilà la vérité : personne ne terminera cette guerre en Syrie tant qu'il y restera un centilitre de pétrole pour les actionnaires des grandes compagnies pétrolières. Et toutes les victimes du terrorisme, à Paris ou ailleurs, en paieront le prix, et des centaines de milliers de gamins dont les grands-parents étaient musulmans mais qui, eux, n'ont pas d'autre religion que la vie, paieront aussi, eux que la haine ordinaire d'une classe politique déshonorée poussera vers une prétendue patrie ancestrale qui n'est qu'un mythe.

Alors c'est moi qui citerai Victor Hugo (Les Contemplations) :

"Il fallait un vautour à nos morts, il le fut.

Il fit, travailleur âpre et toujours à l'affût,

Suer à nos malheurs des châteaux et des rentes.

Moscou emplit ses prés de meules odorantes.

Pour lui, pour que cet homme ait des fleurs, des charmilles,

Des parcs dans Paris même ouvrant leurs larges grilles,

Des jardins où l'on voie le cygne errer dans l'eau,

Un million joyeux sortit de Waterloo.

Si bien que du désastre il a fait sa victoire,

Et que pour la manger, et la tordre, et la boire,

Ce Shylock, avec le sabre de Blucher,

A coupé sur la France une livre de chair.

Or de vous deux c'est toi qu'on hait, lui qu'on vénère,

Vieillard, tu n'es qu'un gueux, et ce millionnaire,

C'est l'honnête homme. Allons, debout, et chapeau bas !"

Allons, Messieurs, Hollande, Sarkozy, et tous les autres, vous ne valez même pas la merde pour vous chier dessus.

06/11/2009

Mes trois premiers billets.

Éric me tague dans une chaîne sur les trois premiers billets publiés sur nos blogs, c'est une occasion de faire un historique, un de plus...

Quitterie, fin 2006 et début 2007, animait la blogosphère d'un fort militantisme pour l'esprit d'Internet. Captivé par ses lignes, et découvrant l'Internet politique dont je n'étais pas consommateur jusque-là, tout absorbé par mes publications historiques et ayant nettement décroché de l'activisme politique.

Mon premier billet, le 9 janvier 2007, porte un constat très objectif dans son titre : "c'est le début". J'y examine l'impression que fait d'avoir ouvert cette page de communication et de découvrir les joies narcissiques du bloc-notes public quotidien. C'est un billet très émerveillé et tâtonnant.

Mon deuxième billet affiche un titre programmatique qui est une citation de Victor Hugo, l'une de celles que je continue à préférer, l'une des plus vraies sur le devoir de toute personne qui détient un savoir ou un pouvoir : "Agrandir les esprits, amoindrir les misères". C'est l'occasion d'une présentation personnelle que je reconnais avoir été alors un peu trop longue, mais vraie.

Mon troisième billet, le surlendemain du premier, explique mon intention initiale de parler beaucoup de littérature sur mon blog, ce que j'ai finalement moins fait que de cinéma, et surtout de politique, la vie est mal faite, mais en vérité, j'ai depuis ouvert un autre site très intermittent où j'ai repris les articles culturels de mon blog, et où j'enfile les documents historiques bretons avec l'idée de développer un blog strictement culturel, et par ailleurs, jusqu'au funeste retrait de Quitterie, c'est elle, Quitterie, qui a été mon meilleur sujet, et je ne regrette pas ce choix.

Je tague l'ami FLN (Frédéric Lefebvre-Naré, un Démocrate Sans Frontière), parce qu'il m'a cité récemment et que j'en profite pour signaler que je lis son blog avec beaucoup de profit.

04/12/2008

Pour les incrédules.

L'histoire commence dans l'hiver 1829-1830 : en février, on joue pour la première fois Hernani de Victor Hugo. C'est ce qu'on a nommé la bataille d'Hernani, une représentation homérique où les générations de la société et des arts se sont affrontées violemment pendant que les acteurs, malgré le brouhaha, créaient la pièce qui sonnait la charge du théâtre romantique contre les vestiges du classicisme empesé.

À la fin du deuxième acte, un éditeur (je crois que c'était Gosselin), parvient à s'introduire dans la loge de Victor Hugo. Il demande à celui-ci :

- Voulez-vous écrire un roman ?

- Euh oui... répond Hugo qui n'avait plus que cinquante francs de l'époque en caisse pour nourrir sa femme et leurs quatre enfants.

- Eh bien, signez là.

Il tend un contrat, que Hugo signe.

Alors, l'éditeur s'éponge le front en disant :

- Je suis bien chanceux d'être parvenu ici maintenant, j'avais peur d'être obligé de vous proposer le double si j'attendais la fin du quatrième acte.

Ce roman que Victor Hugo devait écrire, c'était Notre-Dame de Paris, qui lui trottait dans la tête depuis quelque temps et pour lequel il avait souvent visité la cathédrale avec un chanoine un peu sulfureux (qui fut d'ailleurs limogé peu après).

Tout heureux, Hugo empocha l'avance versée par l'éditeur, puis retourna à ses occupations ordinaires.

Les mois passaient.

L'éditeur s'impatientait.

Hugo ne travaillait pas : comme il était à la mode, il allait de salon en salon, de soirée en soirée, il faisait le paon.

Alors finalement, l'éditeur lui fixa un ultimatum : il fallait que le roman fût terminé pour la fin de l'année.

Atterré, Hugo constata l'étendue du désastre, tout ce qu'il fallait encore rédiger, c'était impossible. Mais c'était un énorme travailleur, doté d'une capacité de concentration colossale et d'une volonté de fer. Il changea tout. Il commença par enfermer tous ses plus beaux costumes dans un placard qu'il ferma à clef et dont il perdit aussitôt délibérément la clef. Puis il s'installa dans son bureau, dont les fenêtres ouvraient sur le jardin clos de sa maison, et enfin il ferma la porte du bureau à clef et jeta la clef par la fenêtre, dans le jardin où elle fut ramassée. Ainsi put-on le nourrir aux heures des repas, tout en maintenant la porte close, refermée.

Et pendant des mois, il travailla.

Quelques semaines après le début de son effort, la révolution éclata (celle de 1830). Ca pétaradait dans tous les sens, les balles sifflaient à ses oreilles. Il dut changer de bureau, mais ne modifia pas ses dispositions. Il y resta non seulement jusqu'à la fin de l'année, mais au-delà : l'éditeur, voyant qu'il travaillait, lui accorda évidemment un sursis et eut raison.

De là est né "Notre-Dame de Paris", l'un des chefs-d'oeuvres intemporels du roman français, que j'adore.

Alors voilà, je ne suis pas Victor Hugo et mon livre est un modeste document d'histoire médiévale bretonne, mon éditeur ne m'a pas fixé d'ultimatum, mais mon banquier si, ou aurait dû, et croyez-moi, sérieusement, il faut que je travaille.

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22/03/2008

Vaincu, proscrit, mais debout.

C'est l'heure de relire les écrits d'exil de Victor Hugo : le voici vaincu, paria, contraint de fuir comme avant lui les rois, par la Belgique, pourchassé de là au Luxembourg, puis dans l'une des îles anglo-normandes, puis dans l'autre, et là, achetant une maison, il devient vassal de la reine Victoria, et comme tout vassal, un homme libre, insusceptible d'être expulsé.
 
"Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là !"
 
Debout, campé sur son rocher, le front dans la tempête, l'oeil dans le vague, le pied ferme, Victor Hugo affronte l'exil.
 
Très vite, du fond de son refuge, il lance des flammèches pour blesser le tyran, "Napoléon le petit". Il fait passer ses textes dans des bustes de Napoléon III importés de l'étranger, vaste pied de nez. Il hurle, il enrage, il exalte la liberté, le souvenir de l'oncle destiné à salir celui du neveu. Il clame bientôt la république. La république invincible, éternelle, maternelle aussi, forte et tendre, la république pour retrouver la France, la vraie.
 
On finit par l'amnistier. Mais il n'a pas demandé l'aumône : s'il revient en France, ce sera seulement après que le tyran sera tombé.
 
"Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là".
 
Et finalement, par une sotte erreur, l'empire tombe et Victor Hugo rentre.
 
"Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là". Une phrase à relire les soirs de doute. 

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12/12/2007

Pourquoi Victor Hugo a-t-il fini par plaire à tout le monde ?

Devenir consensuel est le drame que redoute tout auteur, car c'est le toboggan irrémédiable vers l'oubli, au mieux prestigieux, au pire indifférent. Victor Hugo en est-il arrivé là ? Est-il tombé à ce point ? Non, je ne crois pas. Et pourtant, il plaît un peu à tout le monde, ou du moins il est rare qu'il dérange ceux à qui il ne parle plus.
 
Qu'est-il donc arrivé ? Que s'est-il passé ?
 
L'effet seulement du temps ? Le rabotage du rabâchage scolaire ? A-t-on trop appris "Mes deux filles" à l'âge de sept ans et "Les Djinns" à celui de douze ? Victor Hugo finit-il par se confondre avec l'ensemble de l'architecture institutionnelle de notre société ? Est-il finalement l'article 0, écrit à l'encre sympathique, de notre consitution ? Peut-être.
 
Est-il en fin de compte victime de son succès ?
 
Trop fort, Victor Hugo ?
 
Disons en tout cas qu'il y a, dans son oeuvre, de quoi plaire à tout le monde : les catholiques adorent ses premiers recueils et même encore les "Rayons et les ombres", véritable joyau de technique poétique où la métaphysique sage, presque vignyesque, se glisse par longues flâneries, et ils retrouvent même matière à contentement dans l'étrange et tardif recueil inachevé, époustouflant par éclairs, "La fin de Satan" ; les autres déistes goûtent la "bouche d'ombre" des "Contemplations", certains passages des "Travailleurs de la mer" voire de "93", ou même de "le légende des siècles" ; les anticléricaux raffolent du sulfureux Claude Frollo de "Notre-Dame de Paris" et ne voient dans le Monseigneur Myriel des "Misérables" qu'une dénonciation de la richesse de l'Église sans d'ailleurs examiner que débarrassée de ses dorures sulpiciennes, l'Église redevient tolérable (malgré lui) par le grand homme ; les conservateurs l'apprécient parce qu'il appartient au passé ; les progressistes, parce qu'il a voulu l'avenir ; les vieux, parce qu'il leur rappelle leur enfance ; les enfants parce qu'il est rythmé ; les anar parce qu'il a été chanté par Brassens (ah, la "légende de la nonne !") ; les humanistes parce qu'il a défendu inlassablement l'être humain contre la machine sociale ; les révolutionnaires parce qu'il a été indulgent pour les Communards ; les francs-maçons parce qu'il défendait la conscience ; les utopistes parce qu'il ne s'est jamais résigné... Bref, tout le monde, à un moment ou un autre, a l'occasion d'un coup de foudre pour Victor Hugo.
 
Et pourtant, que lit-on de lui ?
 
Les poèmes étudiés en classe ("la rose et l'infante" : "tout en ce monde est aux princes, hors le vent", "les Djinns" : "Murs, Villes, Port, Tout dort...", et quelques autres), les extraits du Lagarde et Michard ou équivalents, les pièces des classiques Hachette ou équivalents.
 
Qui lit encore Victor Hugo à l'âge adulte à part Jean-François Kahn et moi? 

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