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09/11/2008

Prendre le plus con et en faire un président des États-Unis.

Le fait que George W Bush ait été président des États-Unis est un espoir pour tous ceux dont le Q.I. ne dépasse pas 80, mais c'est un signe de profonde dégénérescence pour la démocratie américaine. On a du mal à imaginer que les Américains aient pu élire (il est vrai qu'ils ne l'ont pas fait) et a fortiori réélire ce personnage à la tête de leur État fédéral. Voici une vidéo postée par Bakchich qui condense le meilleur du pire du bientôt ex-président de la première puissance mondiale.

 

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08/11/2008

Le sujet de l'élection présidentielle américaine était bien l'égalité.

J'ai mis en regard, mercredi, la carte du vote de la veille et celle de la guerre de Sécession, qui coïncidaient étroitement. Il se trouve que le sujet idéologique central de la guerre de Sécession était le principe d'égalité : interdire l'esclavage, c'est reconnaître que, comme le dit notre "déclaration des droits de l'homme et du citoyen" de 1789, "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits".

Il se trouve que, dans le siècle qui a suivi la guerre de Sécession, les états sécessionnistes du Sud ont cultivé une identité politique complexe sous l'étiquette démocrate, parce que Lincoln, qui les avait vaincus, était républicain, et que, dans les années 1980, ces états démocrates sont devenus républicains, comme ils sont aujourd'hui, parce qu'ils trouvaient dans la doctrine néoconservatrice une inspiration tournée vers l'inégalité, ce "principe d'inégalité croissante" dont Bayrou a beaucoup parlé ces derniers mois, qui faisait écho à leur nostalgie de l'esclavage et de la supériorité blanche.

L'inégalité était donc la colonne vertébrale qui liait les différentes branches du néoconservatisme et qui permettait à celui-ci de tenir debout en s'appuyant sur un lot de valeurs ultramoralisatrices, toutes compatibles avec l'idée inégalitaire.

En présentant un homme qui n'était pas tout à fait blanc, les démocrates ont fait un choix qui, en fait, quoi que l'on pense de l'homme (et on en pense a priori du bien), rendait son élection nécessaire en révélant les soubassements idéologiques de ses adversaires. Les néoconservateurs se retrouvaient à nu.

Obama ne devait pas seulement gagner parce qu'il était le premier non-blanc in abstracto, mais parce que la société américaine a fait une bonne fois pour toutes les choix de l'égalité de principe de tous les humains. Depuis trente ans, les républicains lénifiaient leur propension à la régression philosophique, la candidature d'Obama les a obligés à appeler un chat un chat, et l'égalité a gagné.

Et parce qu'il s'agissait d'un principe majeur, l'un de ceux qui font tenir toute une société, tout un monde, c'est une réponse historique qui a été donnée, rappelant avec clarté la véritable seconde naissance des États-Unis qu'a été la guerre de Sécession, comme la carte le montre.

C'est une leçon valable en France aussi, la phrase de la Déclaration de 1789 que j'ai rappelée au début de cette note, la première du texte de 1789, aligne d'emblée les deux premiers mots-clefs de notre identité collective : liberté, égalité. deux principes qui doivent nous servir de boussole.

Nous y avons ajouté depuis lors le beau mot de fraternité qui doit être indissociable des deux autres, non pas qu'il soit comme eux un principe (la fraternité ne se décrète pas, ne s'institutionnalise pas), mais parce que sans lui, la liberté et l'égalité sont deux tyrannies symétriques. La fraternité, c'est la part de choix personnel, la part de conscience, qui donne son sens à l'ensemble. Ce n'est pas un principe, c'est à peine une valeur : c'est un élan.

29/10/2008

Regards sur le financement de la campagne présidentielle américaine.

On apprend, par le site Open Secrets, que, en plein cataclysme financier et économique, l'actuelle campagne présidentielle américaine est la plus onéreuse qui ait jamais existé. Il faudra bien qu'une telle indécence trouve son terme.

Quoi qu'il en soit, observer le détail des recettes de l'un et l'autre candidats n'est pas inintéressant, bien qu'en principe les entreprises n'aient pas le droit de contribuer aux campagnes, interdiction qui est paraît-il détournée par le fait que ce sont les employés des entreprises qui contribuent à leur place. On imagine alors les observateurs pointant le nom des contributeurs des candidats et menant l'enquête pour déterminer leur entreprise et, ainsi, révéler les subventions cachées des grands groupes aux candidats. Il y a, là encore, quelque chose de choquant et qui omet que le donateur agisse selon sa propre conscience plutôt que par ordre.

Mais poursuivons l'examen.

Le site Open Secrets note que, selon lui, l'industrie pétrolière finance à hauteur de 24 millions de dollars, la campagne, trois quarts pour McCain, un quart pour Obama (soit environ 18 millions pour l'un et 6 millions pour l'autre), tandis que les industries liées à l'environnement, qui ne donnent que 2 millions en tout, se portent à 92 % sur Obama, ce qui ne laisse guère plus de 150 000 dollars pour McCain, presque rien. Rien d'étonnant à cela, mais il faut constater que le poids du pétrole est tel que la part très minoritaire d'Obama pèse quand même deux fois plus lourd pour lui que son quasi-monopole dans l'environnement.

Le site du "Point" a relevé une liste de donateurs favorables à Obama où l'on trouve beaucoup de financiers et d'universités prestigieuses, sans établir le pendant des mêmes donateurs pour McCain, ce qui paraît de mauvaise méthode, car la page consacrée à ce sujet est bien plus prolixe, elle met d'ailleurs clairement en valeur l'énorme injustice subie par les autres candidats.

N'oublions pas, en effet, que, comme nous le rappelait récemment Quitterie Delmas, il n'y a pas moins de 17 candidats à la présidentielle américaine, dont 15 dont on n'entend pour ainsi dire jamais parler, ce qui est scandaleux.

Cette précision apportée, il va de soi que je me réjouirai, si elle se confirme dans les urnes, de la victoire d'Obama.

11/09/2008

Une Amérique pour la paix.

Les démocrates français ont été troublés dans leur soutien affectueux à Barack Obama lorsqu'ils se sont aperçus que le président Sarkozèbre se targuait aussi de son amitié déjà éternelle pour ledit Obama.

Pour dire la vérité, ledit Obama, lorsqu'il vint à Paris dans le courant de sa tournée européenne, avait l'air plutôt perplexe en considérant notre présicule : d'un côté, il lui reconnaissait d'être bien informé, de l'autre... comment dire ? Il avait l'air un peu perplexe.

En vérité, le fantasme kennedyen, que j'ai déjà diagnostiqué en Sarkozy, trouve une évidente expression dans sa recherche de lien avec Obama et, par ailleurs, François Bayrou ayant une vocation naturelle à se rapprocher d'Obama, occuper le terrain a un sens pour notre adversaire. C'est au nom de la même logique que celui-ci a recruté Kouchner, Bockel, Jouyet et quelques autres dans son gouvernement.

Ne nous laissons donc pas troubler par un épiphénomène et considérons la situation américaine dans sa réalité entière : il y a des différences notables entre le tandem Obama-Biden et le duo McCain-Palin, contrairement à ce qu'on commence à entendre ou lire ici ou là. Ces différences sont au-delà du machinal débat républicains-démocrates.

En effet, sur les valeurs, l'arrivée de Sarah Palin dans l'équipe de campagne de McCain a matérialisé le choix de celui-ci de se référer aux idées les plus rétrogades et les plus aberrantes qui courent aux États-Unis, qui sont désormais le principal handicap de ce pays : Sarah Palin est favorable à la thèse créationniste, c'est tout dire...

Du reste, elle est également favorable à l'exploitation du sous-sol de l'Alaska, en particulier du pétrole, et si l'on peut accorder à elle et à son candidat-président un réel engagement contre les dépenses publiques inutiles et contre la corruption, il faut immédiatement tempérer ces bonnes notes en soulignant qu'ils sont tous deux soutenus ardemment par l'industrie pétrolière, dont l'ardeur corruptrice et manipulatrice est bien connue.

En vérité, le duo McCain-Palin est bien la continuité pure et simple de l'administration Bush : une coloration idéologique forte et dangereuse, l'obédience du lobby pétrolier, le parti de la guerre (on flingue d'abord et on discute après, la politique de l'inspecteur Harry en somme).

Face à cela, Obama est celui qui veut développer les énergies renouvelables, rétablir le pays, renoncer aux guerres inutiles. Faites votre choix.

En vérité, il n'est pas absolument certain qu'Obama puisse faire mieux que McCain, mais d'une part, on peut imaginer qu'il ne fera pas pire et, d'autre part, on peut avoir confiance qu'au moins il essaiera de faire mieux.

Personnellement, cela me suffit pour conserver ma préférence nette à Obama.

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23/03/2008

Amérique - Chine : la guerre financière au plus fort.

Le dollar a plongé, pourrait avoir touché le fond (mais pas à mon avis), le système financier américain suffoque et titube, secouant avec lui d'autres organisations bancaires, notamment en Europe.
 
Les bourses ont plongé aussi. Voici que la bourse de Changhaï, symbole du nouveau modèle chinois, a perdu un tiers de sa capitalisation. Un tiers, un tiers de son éventuelle liquidité carbonisé, atomisé, effacé, des milliards et des milliards, par dizaines, par centaines, cramés.
 
Et les observateurs s'interrogent : les Chinois vont-ils vendre ? Vont-ils vendre leurs bons du Trésor américain ? Les États-Unis vont-ils ainsi pouvoir racheter à vil prix ce qu'ils ont vendu au prix fort ? et ainsi alléger considérablement leur dette extérieure comme ils l'ont fait jadis avec les Japonais ?
 
Pas sûr.
 
Et d'ailleurs, si les Chinois vendaient aujourd'hui, qui serait le mieux à même de racheter leurs créances sur l'État américain ? Le système financier américain ? Peut-être. Les fonds souverains arabes ? Sûrement. Et, à la marge, les Européens et les Russes. Rien que des amis bienveillants.
 
L'Amérique est donc à la croisée des chemins : son indépendance budgétaire, financière, fiscale et monétaire est devenue un leurre. Elle l'a perdue comme tous les autres pays.
 
Quand s'en apercevra-t-elle ? 

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29/01/2008

Gouverner.

Depuis des années, les États-Unis maintiennent la croissance de leur PIB grâce à l'ampleur de leur déficit budgétaire. Le drame du 11 septembre est arrivé alors que l'économie américaine traversait un trou d'air, l'élan des années 1990 s'était essoufflé, la bulle Internet avait crevé comme un abcès, le ralentissement de l'activité devenait menaçant. D'une certaine manière, ce fut donc une aubaine de "devoir" aller faire la guerre, d'abord en Afghanistan, puis en Irak.
 
Il est bien évident que l'analyse de l'accaparement des ressources pétrolières est une explication un peu courte de l'expédition et de l'occupation irakiennes. Si l'on en croit le rapport des agences de renseignement américaine, la guerre d'Irak a surtout eu pour but de dissuader l'Iran de poursuivre son programme d'armement nucléaire et, de ce point de vue (l'un des rares), ce fut un succès. Pour combien de temps ? Nul ne peut le dire.
 
Quoiqu'il en soit, l'affaire fut aussi l'occasion de donner un énorme coup de pied dans la fourmilière du Proche et Moyen Orient, d'installer l'idée qu'un ordre nouveau devenait inévitable.
 
Hélas, sur ce dernier point, l'analyse américaine fut sans doute un peu courte : elle restait dans la vision des années 1990 où, après la chute du Mur et l'éclatement de l'Union Soviétique, les États-Unis, vainqueurs de la Guerre froide, se présentaient comme l'unique puissance d'envergure mondiale. Dans les années 2000, l'événement n'est plus le conflit entre Européens et descendants d'Européens qu'était finalement la Guerre froide, mais l'émergence de puissances dont l'avenir s'annonce colossal : la Chine, l'Inde, dans une moindre mesure le Brésil, vastes États, généreusement peuplés, qui entrent dans la course au profit et au développement puis, bien entendu, à la puissance. Donc exit le Nouvel ordre mondial.
 
En revanche, les dépenses massives d'armements ont réussi, un long temps, à doper la croissance. Durant plusieurs années, avec un déficit budgétaire abyssal, l'Amérique a pu retrouver un niveau de croissance satisfaisant. Bien sûr, les esprits chagrins observaient que durant toute cette période, le déficit budgétaire était supérieur à la croissance : quand celle-ci se montait à 4%, lui s'élevait jusqu'à 5 voire 6% du PIB, l'échelle étant la même. Autrement dit, pour chaque point de croissance, il y avait en plus au moins un quart de point de destruction de richesse par l'État, la croissance devenait fictive, le déficit n'étant comblé que par une importation massive de produits manufacturés (droits de douane) ou de capitaux.
 
Il est résulté de cette fiction que, comme d'habitude, le gouvernement américain a fait tourner la planche à billets. Jusqu'au vertige. À un point tel que les pays bénéficiaires, ceux dont la croissance était nourrie par une vraie production soit de matières premières, soit de biens manufacturés, se sont effrayés et ont entrepris de stocker des devises au cas où. Des devises ? Ce fut l'Euro. On vendit donc des dollars pour acheter des Euros, ce qui redoubla l'effet de vertige du moulinet de planche à billets américaine.
 
En bout de course, le billet vert ne vaut plus grand chose ; selon l'expression que Courteline utlisait à propos de la société de son temps, il tient debout "parce qu'il en a pris l'habitude". Le déficit budgétaire américain n'a cessé de se creuser au même rythme que les tombes des soldats morts en Irak, il est colossal, fou, mais il ne parvient plus à soutenir la croissance, on parle de récession américaine. Et alors, comme un flambeur devenu fou devant une roulette enragée, le président des États-Unis fait tapis et jette encore 1% de PIB de déficit dans les flammes. Pour rien sans doute : on n'arrête pas la mer avec les mains. La Banque fédérale baisse les taux, dans l'espoir de redresser le cours de l'immobilier, de rendre de la liquidité à l'économie. La maison brûle. Qui éteindra l'incendie ? Qui redressera la gouvernance des États-Unis ?
 
Car c'est bien dans le champ de la gouvernance que le défaut se situe. L'administration Bush, avec son cortège d'affaires sulfureuses, de scandales financiers, de prises illégales d'intérêts, de prévarications diverses, de contrats publics réservés "aux copains et aux coquins" (une expression inventée par Mitterrand dans les années 1960), reste aussi celle qui a le plus dogmatiquement appliqué les principes néoconservateurs : déséquilibrer la puissance publique, faire plonger les comptes, supprimer des impôts et, symétriquement, des instruments d'action sociale. Comme le dit le personnage interprété par Louis de Funès dans "La folie des grandeurs" de Gérard Oury, "les riches, c'est fait pour être très riches, les pauvres pour être très pauvres". C'est la conception d'un puritanisme qui se croit religieux et qui règne Outre-Atlantique.
 
En France, évidemment, on regarde tout ça avec goguenardise : l'Amérique va mal ? Oh ... quel dommage ... (larmes de crocodiles).
 
Seulement des défauts, nous en avons nous aussi, et combien !
 
Par exemple, l'un des aspects de l'affaire de la Société Générale est de donner l'occasion de toucher du doigt la persistance d'un vieux mal français :le tout-État.
 
Daniel Bouton, président de la Société Générale, n'est pas un banquier. Ca vous étonne, que je dise ça ? Eh bien, j'insiste : ce n'est pas un banquier. Non, non, ce patron de banque n'est pas un banquier : c'est un inspecteur des Finances de l'État qui a pantouflé. Sa carrière est typique : membre du cabinet du ministre du Budget Alain Juppé, il devient directeur du Budget de l'État, poste auquel il est maintenu lors de l'alternance en 1988 par le nouveau premier ministre, Michel Rocard, et demeure en place jusqu'au départ de Rocard en 1991. Six ans plus tard, il prend la tête de la Société Générale.
 
C'est donc un de ces hybrides dont la France a le secret : un tiers politique (la partitocratie est plus feutrée en France qu'en Italie, mais réelle), un tiers fonctionnaire (les réseaux des grandes écoles !) et un tiers financier (dans une économie largement administrée par l'État, donc dépendante à la fois des politiques et des fonctionnaires, la boucle est bouclée). Ses commettants ne sont donc pas ses actionnaires, mais le complexe politico-administratif. De là la difficulté d'accepter sa démission, car c'est tout l'édifice qui se bouscule avec lui.
 
Alors disons ce qu'il faut dire et qui est valable partout, même en Amérique, même en France : du point de vue économique et comptable, il n'y a pas dix façons de gérer l'État, il n'y en a même pas deux, il n'y en a qu'une : la gestion prudentielle. Comme celle-ci est glaciale, il faut y ajouter la seule vertu qui ait un sens en politique une fois admise l'honnêteté prudentielle : la générosité. Et enfin, parce que nous n'avons pour le moment en tout cas qu'une seule planète à notre disposition, il faut s'imposer les critères du développement durable.
 
Et ces préceptes de gouvernance, qui ne sont pas exclusifs de l'idée d'une économie encore plus sociale et solidaire, sont valables aussi pour les collectivités locales.
 
C'est sur quoi je souhaite donc conclure : nos collectivités sont très mal gérées, n'importe comment, soit au nom de dogmes politiques discutables, soit par incurie ou incompétence, soit par prévarication, elles ont une situation financière désastreuse (les communes, en moyenne s'améliorent cependant un peu, mais c'est au prix d'une flambée de l'endettement des structures intercommunales). Le MoDem pourrait peut-être tenter de jouer là le rôle d'avertisseur qu'il a joué pour la présidentielle, au cours de la campagne municipale et cantonale. Chiche ?

28/01/2008

L'argent.

Pouvoir d'achat, subprimes, ruines boursières, plus que jamais l'argent étale sa toute-puissance sur nos écrans d'ordinateurs. Miroir aux alouettes, nerf de toutes les guerres, arme de tous les pouvoirs, but et instrument, l'argent cristallise nos rêves les plus désespérés comme les plus fanatiques. Il est tout, il peut tout. Comme le dit si bien Victor Hugo, il "produit la richesse en créant la misère".
 
Il n'a pas d'odeur, mais il a une logique et plus que toute autre, cette logique est implacable, incontournable, inexorable. Pour y satisfaire, on jette chaque jour des milliers de gens à la rue, on démantèle des entreprises sidérurgiques rentables, on pollue, on dévaste, on déforeste, on meurtrit, on contamine. On écrase. On pille.
 
Dans la profondeur de l'Afrique, des enfants sont payés quelques centimes pour extraire des cailloux qui, dès leur première vente, prendront le nom de "pierres précieuses", fileront à travers la jungle ou la forêt, le désert puis l'océan, qui jusqu'à Bangkok, qui jusqu'à Amsterdam, pour finir taillées et montées au cou d'une grosse dame ou, pire encore, au collier du chien acariâtre de la grosse dame aigre, en ayant volé sur un tapis de billets de banque.
 
Pour de l'uranium et du pétrole, des milliers d'enfants meurent au Darfour. Pour des diamants, des milliers d'enfants meurent au Congo. Pour des lignes comptables de multinationales, des milliers d'arbres tombent chaque jour au Brésil. Pour du pétrole, on fait fondre la glace du pôle et on prend le risque de tuer des centaines de milliers de pauvres gens, partout dans le monde, noyés par la montée des eaux, privés de leur terre cultivable. Pour je ne sais quelle folie, on a desséché une mer intérieure entière en Sibérie, creusant un immense désert dans une région fertile. Folie des hommes. Folie de l'argent.
 
Pour le confort de quelques-uns, on spolie, on bafoue, on humilie, on dépouille. On tue. On ne fait pas d'omelettes sans casser des oeufs.
 
Et les pauvres, sans cesse appauvris, pleurent et meurent. Et quand dans cette boue sanglante, dans cette misère lépreuse, dans ce monde brutal, une voix s'élève pour dire "l'argent pour tous", alors toutes les mains se tendent, tout le monde vient, accourt, rampe s'il le faut, écrase son voisin encore plus pauvre que soi, bouscule, se précipite et tend les mains pour la manne.
 
Lorsque je me trouvais en Haïti pour la dernière fois, l'été 2002, l'ex-père Aristide, un prêtre salésien défroqué et marié depuis qu'il était président du pays, avait lancé un vibrant appel à son peuple pour que les gens placent leur argent dans une chaîne de mini-banques pour très pauvres.
 
Il faut imaginer ce qu'est Haïti, depuis des décennies l'un des cinq pays les plus pauvres du monde. Il faut y être allé pour comprendre ce que signifiaient les mots du président qui devait tout aux pauvres : dans ces banques de quartier, nées de nulle part, on promettait des intérêts des comptes courants tout à fait mirobolants : 10% par mois, 15%, 50%, n'importe quoi. Et les pauvres, ces gens qui vivent dans la rue, qui vendent sur les trottoirs, qui n'ont rien, ne valent rien, ne peuvent rien, on tiré de leur absence de poches chacun quelques misérables billets de banque, souvent reçus d'un parent expatrié. En quelques mois, le système collecta l'équivalent de 80 millions de dollars américains, soit nettement plus de 10% du PIB annuel du pays.
 
Et bien entendu, ce n'était qu'une escroquerie, d'un type bien connu : on rémunère les premiers placements avec l'argent de la seconde vague et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on ait asséché les liquidités potentielles. Alors, on met la clef sous la porte et personne ne retrouve plus sa mise de fond initiale, tout le monde est grugé, ruiné.
 
Et c'est le président des pauvres lui-même qui les avait lancés dans cette ténébreuse et monstrueuse affaire.
 
Quelques mois plus tard, il était renversé.
 
Aux États-Unis, dans un but peut-être louable, quelqu'un a eu l'idée de proposer à des quasi-SDF d'avoir enfin, et pour toujours, un toit, des murs à eux, une demeure, un pignon sur la rue, une vie, une vraie, à crédit.
 
Quel crédit !
 
Puis on a fait des paniers de créances de ces pauvres gens, de ces misérables à qui on a vendu un rêve qui devient cauchemar, ces créances, qui ne sont que du vent, sont devenues du rêve puis du cauchemar pour des gens plus riches, des morceaux de titres cotés en bourse, une goutte d'eau dans l'océan des placements financiers du monde, tout en réseau. Puis crac, la vérité est apparue : les pauvres sont pauvres, ils ne peuvent faire face ni à la hausse des taux ni même aux remboursements. Patatras. On ne sait pas bien combien va coûter ce cauchemar aux établissements financiers américains : selon les sources sérieuses, la fourchette évolue entre 400 milliards de dollars et des milliers de milliards (on croit rêver : des milliers de milliards !) de dollars.
 
Mais ceux qui ont créé le système ne s'en vont pas, ne perdent rien, tout juste un accroc de quelques semaines dans leur carrière. Ils balaient le revers de leur veston de tweed et, un peu contrariés, vont passer l'après-midi à jouer au golf, pour tenter d'oublier... ces petits tracas.
 
Quand Nicolas Sarkozy a dit "je serai le président du pouvoir d'achat", il n'a rien fait d'autre qu'Aristide, rien d'autre que les marchands de subprimes. Les électeurs du peuple, qui ont voté pour lui, s'apprêtent à le lui signifier avec colère. Il a menti. Et son mensonge ne profite qu'à des Lagardère, des Bouygues, des Dassault, des Bolloré, qui roulent carrosse en Ferrari et dînent à la table du roi président à Versailles l'Élysée, avant de passer leurs nuits dans la soie avec des top-modèles. On a pris l'argent des pauvres pour le donner à des milliardaires qui en ont déjà trop.
 
Sarkozy avait oublié de terminer sa phrase, son slogan de campagne, je la complète : "travailler plus pour gagner plus", certes, mais pour gagner plus "de misère".
 
"...qui produit la richesse en créant la misère".
 
Et vient l'affaire de la Société Générale.
 
Là, on atteint des sommets : 5 milliards d'Euros de pertes pour un seul établissement financier, dix fois le PIB d'Haïti, cinq millions de mois de SMIC, quatre cent mille ans de SMIC, la carrière entière de dix mille smicards, en une seule journée.
 
Pourquoi ? Parce qu'on a grugé, au fin fond de l'Arkansas, une famille de pauvres gens, en leur faisant miroiter une maison, un foyer, une vie meilleure. Les pauvres deux fois victimes, deux fois volés. Car qu'on le veuille ou non, le Bigouden Jérôme Kerviel n'est pas le vrai coupable de l'affaire : le vrai coupable, c'est la logique spéculative. Miser de l'argent comme aux courses, il faut bien que parfois, ça se termine mal.
 
Il jouait à la hausse. Sans l'aval de ses supérieurs ? Peut-être. L'enquête le dira. Peut-être.
 
Le scénario d'un trader qui végète dans l'ombre et qui, tel un savant fou, croit qu'il peut devenir l'inventeur génial d'une stratégie spéculative impériale, ce n'est pas totalement impossible, après tout. Pas totalement.
 
Vous me direz : après tout, dans l'affaire, c'est une banque et ses actionnaires, qui perdent. Tant pis pour eux, ils se referont une prochaine fois, ou bien ils échangeront leur Ferrari contre une Porsche.
 
Peut-être.
 
Mais ... comment dire ? Je n'y crois pas : pour récupérer leur mise de fond, les puissances financières vont trouver d'autres pigeons, c'est tout. 
 
Et si par hasard c'est la Société Générale elle-même qui a conduit de folles spéculations qu'elle fait endosser à un trader compréhensif, bientôt dédommagé en Suisse ou à Nassau, on s'en doute, eh bien, la vérité ne se fera jamais jour, le drame creusé dans la chair des pauvres restera impuni et la danse des milliards au rythme des misères reprendra. Deux fois plus fort, deux fois plus désespérée.
 
Et nous, qu'est-ce qu'on fait ?