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28/02/2007

Vigny quand même.

Cet Alfred n'est pas mon préféré. Je trouve beaucoup de déchet chez Vigny et des formules parfois trop plates, comme "J'ai mis sur le cimier du gentilhomme une plume qui n'est pas sans beauté". Je cite de mémoire et j'écorche, mais cette "plume qui n'est pas sans beauté" est sutout disgracieuse.

Bien sûr, c'est joli

"Jetons l'oeuvre à la mer, la mer des multitudes :
Dieu la prendra du doigt pour la conduire au port."

La mer des multitudes, on se croirait dans Homère. Le rythme est élégant.

Cela dit, Vigny est assez peu poète : il se marie par intérêt, mal d'ailleurs, car son choix tourne au fiasco, la fortune espérée s'évapore et le calcul s'avère maladroit.

Il passe au milieu de la génération de 1830 sans se déboutonner, toujours un peu protestant collet-monté, un peu militaire. Puis, quand l'étoile romantique pâlit, il fait comme les acteurs en semi-retraite aujourd'hui : il s'installe en province. On le voit alors à Paris de temps à autre. Il fait sa tournée, reçoit en son salon, pérore, publie, puis, satisfait de son accueil, repart pour sa calme province.

Vraiment, on n'a jamais réussi à me convaincre de Vigny. Et vous ?

23:55 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : écriture, littérature | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

6e république : demain la constituante ?

Article publié sur AgoraVox, grand site de débat citoyen :

Les sondages, on le sait, et AgoraVox s’en fait l’écho, montrent une montée nette des intentions de vote pour François Bayrou. Il est donc temps d’ouvrir quelques-uns de ses projets pour en examiner le contenu.

Parmi ceux-ci figure, au premier rang, une réforme en profondeur des institutions qui ne peut aboutir qu’à une Sixième République. Ce thème, jadis défendu par le trublion Arnaud Montebourg, a été repris voici près d’un an par les centristes, dont en particulier Jean-Christophe Lagarde, député-maire de Drancy, et Marielle de Sarnez, directrice de campagne du candidat Bayrou.

Difficile d’imaginer quand et comment cette réforme verra le jour : il ne peut être question d’un coup d’Etat qui convoquerait une constituante ou un référendum avant les élections législatives. Il faudra donc au nouveau président, s’il est élu, gagner d’abord une majorité à l’Assemblée nationale.

La suite là :

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=19981

10:45 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : présidentielle | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Libre, l'Histoire ?

Voici un texte que je viens de publier sur le blog de So que j'ai ajouté en référence parmi les "blogs à lire" :

Le lien entre l'historiograhie et le pouvoir politique n'a pas de commencement.

Grégoire de Tours, qui écrit bien avant Charlemagne, fait une chronique historique pour fonder les prétentions politiques des rois mérovingiens. Au plus ancien Moyen Âge.

Et je réédite bientôt une Histoire de Bretagne publiée pour la première fois au XVIe siècle et censurée alors parce qu'elle développait les thèmes de l'historiographie officielle bretonne qui heurtaient de front ceux de la même historiographie officielle "française" ou parisienne.

Par conséquent, dire une vision de l'Histoire est toujours un acte politique et on a toujours censuré au nom d'une histoire officielle.

Toujours, sauf au XXe siècle. Le progrès fut alors énoncé : chacun était libre de décider soi-même la vision de l'Histoire qu'il choisissait.

Or voici que les vieilles tendances inquisitoriales, les vieux démons de la pensée, refont surface : l'historien, voire le citoyen, avait conquis une liberté, on la lui retire. C'est bien entendu le législateur qui doit dire ce qui est historique et ce qui ne l'est pas. C'est le législateur qui doit qualifier les événements et, le cas échéant, attribuer une conséquence judiciaire à sa qualification.

On est donc revenu au Moyen Âge, Torquemada danse sur la tombe de Victor Hugo, et tout le monde s'en félicite.

Ici comme ailleurs, il faut le dire et le répéter : la liberté d'expression est une liberté publique. Tout texte spécial qui la codifie est attentatoire à sa substance même. Elle ne peut faire l'objet de décisions judiciaires que sur des principes généraux et seul le juge de droit commun doit pouvoir en connaître.

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27/02/2007

La BNF sans murs.

J'ai évoqué il y a peu l'ancien site de la Bibliothèque nationale, rue de Richelieu. Disons quelques mots sur celui qui a remplacé les magasins et les salles de lecture consacrés aux imprimés et aux périodiques.

Le monument du quai Mauriac est bien connu, ses grands livres de verre ouverts sur le ciel changeant de Paris, aussi. Tout le monde a vu des images des arbres transplantés adultes au milieu du complexe et des escaliers de bois exotique qui se prolongent par une plateforme qui enceint et surplombe la cour arborée.

Ces lattes deviennent spongieuses et sont très glissantes par temps de pluie. N'étant pas d'un naturel très adroit, il m'est arrivé plusieurs fois de m'y retrouver allongé de tout mon long sur le dos.

Cet inconvénient a été pallié pour une partie d'entre elles par des incrustations antidérapantes.

Une fois traversé ce piège sans encombre, on atteint l'un des deux trottoirs roulants (l'un à l'est, l'autre à l'ouest, ils ne roulent d'ailleurs plus pour descendre et on les a revêtus d'un tapis antidérapant) qui mènent au premier palier de contrôle, celui où sont établies les cartes de lecteurs, celui aussi où l'on doit laisser manteau, sac, affaire diverses, pour ne conserver que le minimum enfermé dans un cartable de plastique translucide.

On franchit ensuite une borne, puis deux longs escaliers roulants nous font atterrir au fond du bâtiment, au niveau des arbres et de la cour. On montre encore patte blanche, on peut sélectionner une place si l'on a oublié de le faire, et enfin s'ouvre la lourde porte métallique qui, grâce à une coursive, donne sur le chemin de ronde vitré qui cerne la cour et qu'enceignent les différentes salles de lecture, ou plutôt les portions successives de la salle de lecture désignées chacune par une lettre majuscule. À chaque lettre correspond une spécialité. En général, je suis en L, en histoire si je ne me trompe.

La BNF a été victime de la réduction du temps de travail et se sent périodiquement menacée par des compressions budgétaires. Il se trouve que ses personnels sont souvent contractuels. Lorsqu'il a fallu appliquer la règle des trente cinq heures à cet établissement, il aurait fallu, pour maintenir le nombre de postes, augmenter le nombre d'heures travaillées, c'est logique, et donc augmenter le budget des rémunérations. Or ce n'est pas du tout la tendance. On a donc fermé certains postes, jusque dans les salles de lecture.

On trouve ainsi tout un guichet désaffecté, fermé comme par des rubans de plastique. Tel est aussi le cas de locaux de photocopies, dont le nombre a été drastiquement diminué.

Les lecteurs, eux, sont fort nombreux et il arrive souvent que je doive émigrer dans des cases exotiques.

Mes recherches passent souvent par des classiques de mon domaine. Le microfilm ou la microfiche remplacent alors les ouvrages qu'une consultation trop fréquente fatigue.

Pour les consulter, des cabines sont comme suspendues en couloirs au-dessus de la salle. On y accède par des ascenseurs. L'atmosphère y est feutrée. Si on veut, on peut y faire soi-même ses tirages sur papier, ce qui repose. Mais pas question de photographier.

D'autres de ces classiques sont particulièrement rares. On les conserve à part dans un magasin qui se nomme la Réserve. On doit obtenir une autorisation spéciale pour les consulter.

La salle de la réserve forme un autre entresol. On y monte par un seul ascenseur. La porte vitrée est verrouillée par un lecteur de carte magnétique. Un étroit guichet contrôle de nouveau la patte blanche. Juste en dessous, des casiers sont destinés aux mallettes de plastique translucide.

On demande un livre par un coupon de papier jaune. Il est apporté directement à la place qu'on vous a indiquée. Comme aux manuscrits, rue de Richelieu, il faut souvent le déposer sur des boudins de velours. On allume une lampe et la précieuse lecture commence.

La salle de la réserve ferme à dix-huit heures, le reste un peu plus tard. Quand on sort, il peut encore faire jour. Depuis quelques mois, on a alors la possibilité de traverser la Seine par deux curieuses passerelles dédiées à Sartre et Beauvoir. Si l'on part dans l'autre sens, vers le RER souterrain, on longera le luxueux et créatif complexe cinématographique implanté là.

Personnellement, je sors souvent tôt, ce qui me permet de rentrer à pied par les berges, croisant l'air étonné des touristes.

Encore une journée de travail terminée. Enfin libre.

20:25 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : écriture, littérature | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

26/02/2007

Stendhal, l'égaré de 1830.

Stendhal est plus que le doyen de la génération de 1830 : né en 1783, il est plus proche par l'âge de Châteaubriand (1768) que de Balzac (1799) ou d'Hugo. Par son style aussi, il s'éloigne du groupe. Il donne au romantisme la sécheresse du ton et le réalisme du contenu, deux ingrédients plutôt classiques.

Plus encore que de Lamartine, peut-être est-ce de lui qu'Hugo aurait dû dire qu'il était "le plus classique des romantiques".

C'est aussi, avec Balzac, celui qui a eu les relations les plus compliquées avec les femmes : il entre en extase quand on lui confie deux jeunes demoiselles pour écouter ses bavardages, une extase telle qu'il parvient à leur dicter en trois semaines un roman haletant, mais il est incapable de savoir par quel bout prendre George Sand ou tout autre rendez-vous arrangé du Paris littéraire, fût-ce dans dans l'alcôve.

Personnage faible sans doute, inhibé, il a peu produit et sa carrière a commencé à l'âge où celle des autres se termine : son roman "Le Rouge et le Noir" est un succès en 1830 ; il a quarante-sept ans. Douze ans et une "Chartreuse de Parme" plus tard, il meurt.

Sa vie de garçon, il la partage avec Mérimée, plus jeune que lui d'une vingtaine d'années tout de même. Ensemble, ils savourent les nuits parisiennes quand Stendhal est à Paris. C'est alors la fête, la ribouldingue. On les imagine courant de maison en maison, de cabaret en souper fin.

Mérimée est consommateur de jolies femmes, il rompt avec elles quand elles se marient avec des préfets, il les goûte comme des friandises, il leur donne autant d'efforts qu'il le peut, c'est un amant honnête. Quand il voyage en province pour ses activités administratives, il déguste les spécialités locales dans les bordels. C'est un homme au fond sans états d'âme.

C'est lui qui organise l'entrevue intime de George Sand et de Stendhal. Ce dernier y vient frétillant, mais repart sur un fiasco ; on lui avait dit qu'Aurore Dupin était difficile au plaisir, il s'était vanté, il doit en rabattre.

Et finalement, quand Stendhal meurt avec les succès paradoxaux de ses romans, c'est Mérimée qui impose ceux-ci à la postérité.

Il faut dire qu'il n'a pas de chance, Mérimée : depuis 1830, il aime une jolie veuve espagnole, la comtesse de Montijo. Ils se voient sur la côte basque et partagent des moments aussi brûlants que fougueux.

Tout va d'ailleurs bien jusqu'au jour où la fille de la comtesse devient... Eugénie de Montijo, impératrice des Français, après avoir fait un chantage au mariage au petit empereur Napoléon III.

Alors, à peine relevée de sa nuit de noces, Eugénie se précipite chez l'amant de sa mère (Freud au secours), à qui elle intime l'ordre d'accepter un titre de sénateur de l'empire.

Or Mérimée est totalement (on n'ose dire fervent chez cet homme poli) républicain. Il tente de refuser. On lui dit "avec nous ou contre nous". Il capitule.

Et voilà comment le régime le plus ultra-cagot du XIXe siècle va consacrer beaucoup d'efforts à faire la promotion de l'un des auteurs les plus anti-papistes de l'époque : Stendhal.

Décidément, Henri Beyle n'aura jamais rien pu faire comme tout le monde.

Libre ?

19:40 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : écriture, littérature | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Deuxième pensée nocturne.

Parmi mes ascendants, je compte un dénommé Jean-Baptiste Lanjuinais, cousin germain de Jean-Demis Lanjuinais. Ce dernier fut l'un des fondateurs du club breton en 1789 et le principal rédacteur de la constitution civile du clergé.

La fille de ce Jean-Baptiste Lanjuinais épousa un négociant, mon ancêtre par les femmes. Leur cousin Paul Lanjuinais offrit à ce couple l'un des exemplaires des oeuvres complètes de son père le grand Lanjuinais, en quatre volumes, qu'il fit éditer au XIXe siècle.

Or mon arrière-grand-mère, descendante de ce couple, eut une idée étrange lorsqu'elle rédigea son testament : religieuse au point d'être qualifiée de superstitieuse, elle demandait à être revêtue de l'habit de Saint François sur son lit de mort (ce qui ne fut pas fait) mais elle éprouva aussi le besoin surprenant de mentionner les "oeuvres complètes du chanoine Lanjuinais" comme devant être conservées avec soin.

Or il n'existe qu'un chanoine Lanjuinais : un oncle de Jean-Denis Lanjuinais, qui fut chassé de l'Église, se réfugia en Suisse et se fit calviniste... Il n'a jamais écrit que quelques pamphlets, ses oeuvres tiendraient dans un opuscule et personne n'a jamais songé à les éditer.

Pour le reste, les oeuvres de Lanjuinais, ce sont celles ... de Jean-Denis Lanjuinais. Un homme que les pieuses punaises de 1905 (comme apparemment mon arrière-grand-mère) auraient jeté au feu sans remords.

Rédigeant son testament, elle mentait.

Elle mentait devant l'Église qu'elle semblait flatter par ailleurs. De quoi faire réfléchir.

Je n'ai jamais réussi à élucider cette énigme. Mon père, qui a postulé un jour au Grand Orient (j'ignore s'il y a été admis, je dois l'avouer, mais il a conservé la pelure de sa lettre et moi après lui) considérait sa grand-mère comme une grenouille de bénitier. Il n'avait pas lu son testament avec autant de soin que moi.

De temps à autre, je contemple la reliure bleue des quatre volumes, puis je me replonge dans la prose du dénommé Lanjuinais et je me dis : quel temps gagné, quel temps gagné, si on pouvait se passer totalement de Dieu... Libre.

02:05 | Lien permanent | Commentaires (10) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Une pensée du milieu de la nuit.

Objectivement, si l'on pouvait se passer totalement de Dieu, ce serait un gain de temps formidable.

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25/02/2007

Libres de se taire ?

Reparlons du malheur. Le malheur des gens, le malheur qui les a faits voter contre le système à 55 % aux élections européennes.

Rappelons d'abord que ce sont les recettes du passé qui ont fait le malheur du présent.

Et constatons : on nous explique que la gauche se requinque, que les malheureux qui dorment sous les ponts, sans doute, n'attendaient que de voir Jospin figurer dans les dorures de la tribune pour voter socialiste. Que la France va bien, puisque 56% des gens se disposent à voter pour le système selon le dernier sondage en vogue, 28% pour chacun des deux faux camps complices depuis 25 ans.

La France va bien ?

De qui se moque-t-on ?

En 2006, hors produits pétroliers le PIB marchand de la France est en récession. En récession. En 2007, la consommation des ménages pique toujours du nez.

La France va bien ?

Où donc ?

Aux restos du coeur, dans la rue qui grelotte ?

Où voit-on que la France va bien ? Par quels symptômes ?

Aucun.

On ne voit que le malheur qui dure et le pays qui s'enfonce et la classe politique qui n'en finit pas de se rassembler dans de faux clivages pour poser ses vieux emplâtres sur les jambes de bois qui se multiplient.

Les recettes du passé : Jospin n'a gagné en 1997 que grâce à des triangulaires arbitrées par Le Pen. Le même Jospin a perdu en 2002, devancé par le même Le Pen. Et ça ne fait réfléchir personne ?

Oh si, dit la gauche : si nous avons perdu en 2002, ce n'est pas parce que nous n'avions pas le bon programme, mais parce que nous étions dispersés et parce que notre candidat n'exprimait pas assez de compassion.

Stratégie donc de la gauche : on reprend le même programme, on se rassemble et on devient gluant de compassion. Ca, c'est le résumé de la campagne du Parti Socialiste la semaine dernière.

Ils prennent vraiment les gens pour des imbéciles.

Ce qui a fait perdre la gauche, c'est ce qu'elle ne veut (et ne peut) pas changer : son programme. Car l'autre nom de son programme c'est "les recettes du passé" et l'autre nom des recettes du passé c'est "les malheurs du présent". Voilà pourquoi la gauche ne peut pas gagner, pas plus que la droite : parce qu'ils sont coresponsables du drame que les gens vivent.

Drame : les pavillons de banlieue dont la valeur diminue parce que l'environnement sociologique se détériore : voisinage, insécurité, pollution, miroir des médias, valeur qui baisse mais impôts qui montent, surtout là où la gauche règne.

Drame : partout, le logement dont le coût renchérit, dont les impôts, là aussi, augmentent, et alors qu'on ne fait rien contre la pénurie de logements sociaux, surtout là où la droite égoïste règne et où les logements dits sociaux sont surtout destinés aux copains.

Drame : la pauvreté qui augmente, les gamins qui, comme dans l'Italie des années 1960 deviennent chiffonniers et démontent des appareils usagés jetés sur on ne sait quel décharge ou au bord d'on ne sait quelle route.

Drame : les gens dont les bras sont le seul instrument de travail et à qui l'on dit qu'en France, bientôt, on ne travaillera plus qu'avec son cerveau.

Drame : le petit patron qui croule sous les charges et qui ne s'en sort plus.

Drame : la corruption qui gangrène une société autrefois digne et où chacun sait aujourd'hui que si l'on n'est pas le plus vénéneux, le plus magouilleur, le plus pourri, on n'a aucune chance de gagner.

Drame : la France à genoux, immobile, vaincue par elle-même.

Drame : les puissants qui triomphent et les humbles qui n'ont plus que le droit de se taire, sauf s'ils élèvent la voix pour acclamer les puissants. Les puissants qui trônent sur le charnier. Comme disait Victor Hugo : "Et sur le pâle amas des cris et des douleurs, le festin qui flamboie".

Drame : le crime permanent contre l'intelligence, la campagne électorale à coups de sensations destinées à masquer la réalité du drame lui-même.

Drame : le silence sur le drame. Le silence volontaire, délibéré, assassin.

Drame : la confiscation des médias, l'appropriation des biens publics, l'injustice militante des deux ex-grands partis que les Français vont détruire parce qu'ils sont aussi coupables l'un que l'autre. L'injustice au quotidien que l'on subit rageur parce qu'on n'a pas de recours parce que toutes les institutions sont confisquées par la collusion des deux grands partis.

Drame : le désastre des finances locales.

Drame : le monde qui grandit, la France qui rétrécit.

Et c'est la France qui connaît le drame, qui en sait le contenu et la cause, c'est cette France là qui a hurlé d'une seule voix NON !! au référendum européen de 2005.

Non au régime des captieux et des factieux. Non aux deux pseudo-camps dont on a vu dans toutes les affaires de corruption qu'ils se partageaient le magot.

Non à l'impuissance publique mise au service des coquins.

Non au régime des faibles agenouillés devant les puissants.

Non au régime tout court.

Non à cette cinquième république qui n'a plus de république que le nom et dont le surnom est partout "bananière".

Ils ont voté contre tout ça, eux, les victimes du drame. Et aujourd'hui, demain, ils se tairaient ? Qui peut y croire ? Pas moi, en tout cas.

Oh, on fait tout pour confisquer leurs votes après avoir confisqué leur patrimoine dit public et mis leur malheur au service de la prospérité de quelques-uns : on empêche les "petits" candidats d'obtenir les signatures des maires.

Disons au passage qu'il est scandaleux qu'un candidat soit aussi ministre de l'intérieur et qu'il est parfaitement significatif que ce ministre attende la date-butoir des signatures pour se retirer : on voit bien à quoi il utilise sa fonction.

Disons aussi qu'il est scandaleux qu'on ait pu en pleine campagne électorale augmenter le plafond des dépenses autorisées pour la campagne. Pourquoi ne pas dire tout de suite que le candidat du pouvoir en place, qui déjà utilise les moyens de l'État aux fins de sa campagne, a le droit de dépenser autant qu'il veut ? Ce serait plus sincère, au moins. On pourrait en juger. Les Français ne se laisseront pas faire.

On confisque aussi leurs votes par des machines pipées. Comment se fait-il que le passage de Santini chez Sarko ait coïncidé, dit-on, avec l'achat par sa ville des machines de vote électronique ? Y aurait-il donc un lien de causalité ? Mais alors, ces machines, sont-elles fiables et sincères ?

Qui peut le croire ?

Les Français ne se laisseront pas faire, et comme voter pour les extrêmes ne sert à rien et revient donc à voter pour le drame, comme voter pour Sarko-Ségo revient aussi à voter pour le drame, ils voteront contre le drame.

C'est avec eux que, chaque jour qui passe, je suis de plus en plus décidé à voter François Bayrou.

Libre. On ne me fera pas taire.

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24/02/2007

Les murs de la Bibliothèque nationale de France.

À Paris, la BNF, je ne l'apprends à personne, n'est plus tout à fait dans ses murs : il y a plus d'une dizaine d'années qu'on l'a démultipliée et, quai François Mauriac, dans le XIIIe arrondissement, les choses sont encore plus simples : il n'y a plus de murs du tout, rien que des baies vitrées.

Le vieux bâtiment de la rue de Richelieu, de l'autre côté de la Seine, a conservé les fonds les plus savants et les plus fragiles : manuscrits occidentaux et orientaux, médailles, cartes et plans, estampes.

Aller aux cartes et plans fait faire un bond de plusieurs décennies en arrière, quand tous ces établissements n'étaient visités que par quelques visiteurs très connaisseurs chaque jour. Plusieurs tables sont environnées de rayonnages ornés de reliures prestigieuses et de traités très spécialisés. On y est plus qu'attentif au moindre chercheur égaré. On prend le temps de lui expliquer le maniement de la base numérisée. On commente avec lui les recueils bibliographiques. On se croirait chez un libraire de la rue Saint-André-des-Arts ou de la rue de Seine, rive gauche.

Aux estampes, l'atmosphère est plus studieuse, moins bibliophilique, il y a des panneaux entiers de tiroirs de fiches, des lecteurs de microfilm, la salle est éclairée de néons, on se déplace dans un labyrinthe ou plutôt un apparent désordre. Ca foisonne de meubles, de classeurs et de gens. On se croirait dans une administration. Et comme on a de la chance, les lecteurs-tireurs de microfilms marchent ! Décidément, c'est le paradis, la BNF.

Les manuscrits occidentaux sont mes préférés, mes chouchous. La salle est vaste, ordonnée, ornée de boiseries sculptées et de trésors de reliures, mêlés aux plus savants usuels qui rappellent que l'Europe pourrait être de nouveau un sanctuaire de la culture avec peu d'efforts et de moyens, rien qu'en donnant un bon miroir à son réseau de savoirs. L'Europe, patrie des humanismes.

Il faut arriver tôt : la salle de lecture dispose de moins de places que de lecteurs potentiels. À la rigueur, si on n'en trouve pas, on peut se rabattre sur quelques machines de lecture de microfilm. Ici, pas question d'imprimer soi-même : on lit seulement ; si on veut des tirages, il faut passer par le coûteux et (de moins en moins) lent service photographique.

On a toujours dû montrer patte blanche mais le système des cartes de lecteurs numériques a mis du temps à s'incarner dans des boîtiers informatiques. Longtemps, on a continué à placer les gens avec des feuilles de papier ou des cahiers.

On reçoit une plaque de plastique verte ou bleue numérotée, une clef et un bout de bristol imprimé qui sert à rentrer quand on sort un moment au milieu d'une consultation. La clef est destinée à un casier, hors de la salle, où on est prié de déposer son manteau, son sac, bref, tout ce qui n'est pas un ordinateur portable ou papier et crayons.

À l'autre extrémité de la salle de lecture, près des magasins, on échange la plaque verte ou bleue contre une orange. Ensuite, on consulte le fichier des registres numérisés pour voir si la cote avec laquelle on vient correspond à un exemplaire microfilmé ou non.

Les manuscrits microfilmés sont de plus en plus nombreux, en particulier dans les collections généalogiques où l'appétit des chercheurs de tout poil n'en est plus à fatiguer les reliures, mais à les exploser. Les registres des "Pièces originales" commencent à ne plus ressembler qu'à de vieux dossiers de notaires rapetassés avec des élastiques, presque avec du ruban adhésif. On les photographie donc avant leur ruine définitive, ainsi que les précieux papiers de Chérin et des d'Hozier.

On n'en est pas encore venu à les numériser. Dommage pour certaines pages un peu trop buvard où l'encre traverse le papier et où le microfilm en noir et blanc évoque plus une oeuvre de graphite pur qu'une page de manuscrit.

On s'assied au numéro inscrit sur la plaque orange. Les tables sont plus que centenaires, massives, de style Louis XV. Les bricoleurs astucieux de la maison ont réussi à dissimuler sous leur plateau les prises nécessaires au branchement des ordinateurs portables. On se contorsionne un peu pour trouver le sens de branchement de la prise, mais on y arrive.

Quand on a la chance de consulter l'un des dizaines (centaines) de milliers de manuscrits "in carne oribusque" si l'on peut dire, on savoure son privilège. On déchiffre. On se concentre au milieu d'un cliquetis de claviers d'ordinateurs. On se penche. Le manuscrit est posé sur un lutrin ou, au pire, sur des boudins.

L'été, il arrive que les fenêtres soient ouvertes. On tend alors l'oreille au faux silence de la cour pavée.

Si on se perd, on consulte le (la) président(e) de salle qui trône à l'ancienne au milieu des lecteurs. Il (elle) est toujours disponible et de bon conseil. On se renseigne aussi auprès des magasiniers. Il y en a que je connais depuis plus de vingt ans que je viens là. Leur style, leur "look", a évolué, le mien aussi, j'ai perdu des cheveux au sommet du crâne et, par compensation sans doute, les ai laissés pousser sur les côtés.

Quand vient la fin de la séance, la cloche sonne à un bout de la salle, il faut refermer le manuscrit, le rendre, restituer la plaque orange et recouvrer l'autre, bleue ou verte, présenter son ordinateur ouvert à la présidence de salle, recevoir un bristol blanc dûment signé, ramasser ses affaires dans son casier et enfin, récupérer sa carte de lecteur qu'on a laissée en échange de la précieuse place.

Il ne reste plus qu'à retrouver le square miteux et la pollution de la rue de Richelieu, puis se diriger vers la rue de Rivoli et, s'il fait beau, aller flâner au jardin des Tuileries au milieu des jolies touristes.

Le soir, dégrisé, on se rappellera que le pays va mal et que des gens souffrent. On aura quelques idées de remèdes. Puis on s'endormira. Libre ?

20:05 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : écriture, littérature | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

La triste mort de Balzac.

Toute sa vie, Balzac a vécu dans des rêves de fortunes faramineuses. Et toute son oeuvre est imprégnée de son obsession de l’argent et de la réussite matérielle, par où elle rejoint d’ailleurs la synthèse de son époque.

Quand, dans "La Recherche de l’Absolu", Balzac montre un personnage qui sacrifie tout à sa quête d’une sorte d’alchimie, c’est lui-même qu’il décrit. Quand dans un roman (le "Père Goriot", je crois), il explique comment on peut amasser presque vite une grosse somme d’argent en plantant des parcelles de peupliers, arbres de pousse rapide qu’on pourra couper au bout de quelques années et qui fournissent un bois de chauffe alors très recherché, c’est l’un de ses propres projets d’enrichissement fabuleux et facile, que Balzac dévoile.

Dans sa propre vie, il a tout essayé : les mines, l’imprimerie, les serres à melons sur les coteaux de la proche banlieue parisienne. Il a tout tenté et toujours il a échoué, il est resté, comme eût dit La Fontaine (autre expert en impécuniosité), "Gros-Jean comme devant".

Alors, quand la "princesse lointaine", une richissime veuve russe, a posé ses yeux sur lui, bien sûr il a été flatté de la personnalité, sans doute aussi a-t-il été ému et heureux de l’amour qu’on lui portait, mais surtout, ses yeux se sont exorbités sur les montagnes d’or que son amante pourrait déverser pour alimenter son intarissable moulin à projets industriels, tous aussi faramineux qu’onéreux.

Prudente, la veuve lui envoie des secours sages. Il veut l’épouser. D’abord, elle refuse. Puis elle finit par céder malgré les réticences de sa propre famille à laquelle elle doit concéder des garanties patrimoniales. Il va partir, la rejoindre, ils vont se marier.

En attendant, elle lui envoie une somme énorme pour acquérir et installer l’hôtel parisien où le nouveau couple résidera.

Balzac trouve un endroit incroyable : la chambre à coucher y ouvre par une simple porte sur le balcon intérieur de l’église voisine (détail d'ailleurs d'autant plus piquant que Balzac n'est guère assidu de ce genre d'établissements et que sa promise est orthodoxe). Il y entasse un décor vertigineux : des toiles de maîtres, des meubles uniques, de la dorure, de la soie de toutes les couleurs, des froufrous, des franges, du velours, du taffetas, des tapis précieux, bref, le palais de la poupée Barbie avec cent ans d’avance.

Mais, incorrigible, voulant offrir des somptuosités encore plus phénoménales à sa fiancée, il prend tout l’argent, je crois que c’est cent cinquante mille Francs (environ cinq cents ans de salaire d’un ouvrier), il le joue en bourse et, naturellement, comme d’habitude, il le perd jusqu'au dernier centime.

Oh, ce n’est pas si grave : comme l’écrit Balzac, la Société "se paie avec ce qu’elle donne : des apparences". Il a suffi qu’on le voie jouer cette somme prodigieuse pour qu’aussitôt toutes les portes du crédit lui soient ouvertes partout dans Paris, y compris chez les plus extravagants marchands d’objets exotiques.

En somme, il a meublé sa maison pour le double du montant qu’on lui avait fixé.

Il se met en chemin dès le dernier rideau pendu. C’est une longue route, jusqu’en Russie. En 1850, on voyage encore en diligence. Il faut imaginer l’effet de milliers de kilomètres de cahots sur un organisme usé par les veilles et l’abus du café. Balzac tombe malade. Il est contraint de faire étape, se requinque, puis repart : on ne lui enlèvera pas son mariage de conte de fées.

Il parvient à bon port. La cérémonie est célébrée et les nouveaux mariés prennent le même chemin en sens inverse à travers la Russie puis l'Allemagne.

Deuxième dose de trépidations, de poussière, de fatigues, Balzac rechute. Il n’en peut plus. Quand il passe l’octroi pour entrer dans Paris, il est mourant.

Pourtant, il tient à se lever pour présenter son palais des mille-et-une nuits à son épouse, il pousse la double porte et ...

Le majordome est devenu fou, il a tout saccagé et s’est suicidé au milieu du salon (ou du vestibule).

Cette fois, c’en est trop : Balzac tombe. Il ne se relèvera plus. Son ami Victor Hugo vient le voir chaque jour durant son agonie et donne une description poignante de ce lit de mort dans ses carnets.

Au milieu de l’été, Balssa dit Balzac s’éteint. il a cinquante et un ans à peine. Son oeuvre peut commencer sa propre vie. Libre.

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