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18/02/2007

Françoise Verny, éditrice oubliée ?

On m'a dit un jour que c'est Françoise Verny qui avait aiguillé François Bayrou vers l'écriture de son Henri IV qui connut en son temps le triomphe. Cette info me fit plaisir, à la fois parce que j'approuve la démarche générale de Bayrou, comme je l'ai dit, et parce que j'étais enthousiaste de voir se rencontrer leurs deux talents.

Françoise Verny a été l'une des éditrices les plus créatives de sa génération ; j'ai toujours entendu vanter son intérêt pour ses auteurs, un engagement authentique que l'on croit retrouver dans ses mémoires, que j'ai cités dans une note sur J-É Hallier : "Le plus beau métier du monde".

Je ne l'ai rencontrée que dans les dernières années de sa vie, elle n'était plus regardable, il faut l'avouer, et on souffrait pour elle à l'entendre respirer. On la disait embouteillée et cette affirmation paraissait vraisemblable. Et cependant, il se dégageait d'elle beaucoup de bienveillance et de délicatesse.

Son métier change, les financiers en tiennent de plus en plus les rênes, le rendement est sollicité avec sécheresse dans un secteur où la marge est pourtant faible et où les carrières se construisent à long terme et avec patience. Là encore, on ne sait pas l'impact qu'aura Internet pour contourner les institutions et nourrir des pépinières.

En tout cas, si l'on essaie d'accroître encore la pression de la crétinisation, il n'y a que nous, ici, dans nos blogs, qui puissions incarner une vraie résistance à ce fiévreux effort. C'est notre pouvoir à nous, le "cinquième". Libre.

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17/02/2007

Le bonheur total.

J'ai dit il y a peu à quel point mes études alors dites primaires (élémentaires, si l'on veut) avaient été facilitées par l'adéquation de ma forme d'intelligence à la façon dont on m'instruisait. Cet avantage me dispensait des inconvénients de l'autorité, que je n'aurais sans doute pas plus supporté que Quitterie Delmas, dont le blog est signalé dans ma colonne de droite et qui, au milieu de ses développements politiques, vient de faire la promotion des écoles Montessori.

À la maison, l'autorité n'existait pas ou, du moins, ne parvenait pas jusqu'à moi : tout était négociable. Si je désirais ou ne désirais pas quelque chose, on en parlait jusqu'à savoir pourquoi et, arrivé à ce stade, il devenait évident pour moi-même si j'étais dans le caprice, donc dans un déséquilibre qui ne me plaisait pas. Au bout du compte, je faisais ce qui me paraissait juste, ou adéquat, ou simplement supersympa, bref, rien ne m'était imposé manu militari.

J'ai toujours trouvé qu'il y avait là un secret d'harmonie et je ne crois pas que ça ait gâché ma vie.

Dans les couples littéraires ou artistiques (pour rester dans le cadre de ce blog-notes), cette même recherche de respect et de négociation avec la liberté de l'autre est évidente. Oh, bien sûr, tout n'est pas toujours rose, les crises existent, mais en fin de compte, elles prennent leur sens lorsqu'elles aboutissent à des solutions. Les grands écrivains ne savent pas toujours s'exprimer mieux que d'autres dans l'intimité, et leur vie affective et sensuelle traverse des périodes forcément troublées, voire débridées, où cette difficulté de dire produit les mêmes quiproquos et les mêmes refoulements que chez n'importe qui.

On pense aux couples étranges ou volcaniques, Aragon et Triolet, Sartre et Beauvoir, Dali et Gala, mais on pourrait invoquer Anatole France et sa compagne qui corrigeait ses manuscrits, ou tant d'autres.

La question la plus mystérieuse est toujours : comment ça a commencé. Y a-t-il une solidité ou une faille de départ ?

Pour Malraux et Clara, par exemple, tout débute par une extravagance d'André : il soudoie deux malfrats qui feignent de s'en prendre à Clara, il surgit alors avec un pistolet et les met en fuite. Clara tombe dans ses bras. Du roman de quai de gare. Mais c'est grâce à Clara que Malraux est sauvé des prisons coloniales au Cambodge et grâce à elle aussi qu'il est lancé dans le Paris littéraire.

De la part de Malraux, la ruse est une infraction au principe contractuel. C'est peut-être la vraie raison de l'échec final de leur couple. Peut-être une forme de bonne foi, très secrète, est-elle nécessaire à la réussite des unions.

Les écrivains sont-ils volontiers de bonne foi ? Certains, sûrement. Voilà en tout cas un sujet d'étude. Et de commentaire. Libre.

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Les écrivains et l'irrationnel.

Chacun à ses lubies. Victor Hugo faisait tourner les tables.

On apprend d'ailleurs à cette occasion avec intérêt que la langue de l'au-delà est ... le français, et que le moindre personnage illustre y est miraculeusement doué du génie de ... Victor Hugo lui-même. Car tous se mettent à proférer des vérités sépulcrales en chapelets d'alexandrins sonores et hugoliens !

Alors, ça y est, la solution est toute trouvée : Hugo est un fantôme ! Voilà la clef de l'énigme... Un fantôme... Il fallait y penser.

Voilà pourquoi, à Guernesey, on le croyait doté d'ubiquité, parce que des gens pouvaient jurer l'avoir vu en des lieux et à des heures dont la compatibilité ne s'expliquait que par l'ubiquité. Normal, pour un fantôme...

Plus sérieusement, le même travers de donner ses mots aux grandes figures mortes et vivantes se retrouve chez Malraux, dont les "Antimémoires" sont bien plus "Anti" que "mémoires" et où il ment autant que Châteaubriand dans ses "Mémoires d'Outre-tombe", qui sont bien plus des antimémoires que d'outre-tombe, puisque, après avoir fait lanterner ses créanciers pendant vingt ans en leur faisant miroiter les bénéfices faramineux prévisibles lors de la parution de cette oeuvre supposée posthume, il a dû se résoudre à la publier de son vivant, de justesse d'ailleurs. Bref...

Malraux empoigne Mao et je ne sais qui, puis il leur prête ses vues, ses idées sur le vertige du monde. C'est un texte d'ailleurs magnifique, le plus beau d'André Malraux, peut-être le seul, outre ses écrits sur l'art, qui ait "résisté au temps" (j'emploie cette expression à dessein, puisque Malraux lui-même définissait l'art comme "ce qui résiste au temps"). Mao, subitement, fait du bon Malraux et on ne s'en plaint pas. Mais, au fond, ce procédé n'a rien d'irrationnel, au contraire, et ce n'est que littérature.

Hugo, lui, agrippé à sa table tournante, fait poétiser les grands esprits. Il y croit. Chacun ses lubies.

Théodore de Banville, poète désormais mineur voire oublié, c'est tout autre chose : il a peur du vendredi 13. Quelqu'un lui a dit qu'il mourrait un vendredi 13. Alors, tous les vendredis 13, il se calfeutre, se barricade, n'ouvre à personne et ne sort surtout pas de chez lui où il se sent admirablement à l'abri.

C'est donc chez lui qu'il est mort ... un vendredi 13.

Finalement, Hugo avait peut-être raison de faire tourner les tables. Croire que tout est possible, même le plus absurde, n'est-ce pas en tout cas un signe de liberté ?

19:20 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : écriture, littérature | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Pluralisme : les 500 signatures ?

J'ai placé hier dans la colonne de droite l'affiche et le lien de l'Appel démocratique. Il s'agit d'encourager les élus (maires et autres) à donner leur signature à l'un des candidats qui n'en ont pas encore assez.
medium_appel.jpg

On comprend bien qu'il ne s'agit pour moi d'appeler ni à voter pour José Bové, ni pour Corinne Lepage, mais simplement de déverrouiller le scrutin. Question de démocratie.

Le seuil des 500 signatures, instauré par Giscard, coïncide curieusement avec la charnière de la Ve république : 1981. Or il représente en fait un retour à l'esprit de 1958, celui de la constitution avant de Gaulle : alors, le président de la république était élu par un collège composé des assemblées parlementaires et d'un très grand nombre d'élus locaux, soit le même esprit que les 500 signatures. De Gaulle, en infraction d'ailleurs avec la constitution, a considéré que le président devait être responsable directement devant le peuple : d'où le référendum instaurant l'élection du président au suffrage universel direct. C'était démocratique, au fond, ça retrempait sa légitimité, mais ça rappelait de mauvais souvenirs (Napoléon III) : le régime dit "plébiscitaire". Car le plébiscite est toujours un signe de dictature : il autorise le chef de l'état à interpréter comme il veut le mandat en blanc que lui donne le peuple. Donc les 500 signatures sont un signe pour tempérer la nature plébiscitaire du régime, déjà amoindrie depuis que Giscard avait annoncé que s'il perdait les législatives de 1978, il ne démissionnerait pas.

C'est à mon avis en raison de ce malentendu désormais persistant, de ce quiproquo qui sape le contrat passé entre les élites politiques et le peuple, que la Ve république périclite et qu'il faut remettre les choses à plat en passant à la 6e pour clarifier tout ça et établir un nouveau contrat.

Sur la question même des signatures, la synthèse réside peut-être dans une combinaison de deux critères : 500 signatures d'élus "ou" 50000 ou 100000 de citoyens. À 100000, le seuil est à mon avis dissuasif pour les farfelus.

Le pluralisme est en tout cas l'un des signes de la vitalité de la liberté.

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16/02/2007

Libres, les intellos ?

On voit à la une du Nouvel-Obs une question existentielle qui ressemble à "Les intellos sont-ils passés à droite ?"

Eh bien, voilà une question fort pertinente de la part d'une publication qui, il n'y a pas si longtemps, incarnait l'intelligence de gauche.

Les intellos sont passés à droite ? On le dirait bien. Par bataillons entiers.

Pourquoi ? La faute à qui ?

Comment ça, la faute à qui ?

Comme disait Steinbeck, "ne demande pas pour qui sonne le glas : il sonne toujours pour toi". Plus prosaïquement, la réponse ressemble à celle que l'on entend quand on joue aux cartes, après la question "à qui est-ce de jouer ?" : c'est toujours "à l'imbécile qui le demande".

Et voilà. Voilà donc le temple qui se demande si ses fidèles l'ont fui. Voilà le Nouvel-Obs qui s'interroge gravement : "Les intellos sont-ils passés à droite ?" C'est toujours l'imbécile qui le demande.

Se poser la question est déjà un comble. Ne pas y évaluer sa part de responsabilité en est un plus grand.

Comment le Nouvel-Obs peut-il oser se poser cette question alors que lui-même, en soutenant la crétinisation orchestrée autour de la campagne de Ségo a prouvé l'abdication des institutions autrefois les plus exigeantes devant les oukazes de la crétinitude ?

Ils ont voulu enfermer le débat, participer au verrouillage de l'intelligence, leurs troupes les ont fuis, qu'ils s'en prennent à eux-mêmes.

En revanche, j'ai déjà dit ce que je pensais de l'agenouillement scandaleux des intellectuels, notamment devant les logiques de guerre. Qu'ils aient déposé leurs plumes au pied du trône des puissants est un scandale innommable.

C'est ce qui rend l'ingénuité du Nouvel-Obs plus que honteuse : criminelle. L'histoire jugera.

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L'école de mon enfance.

Lorsque j'étais élu, j'ai eu l'occasion de retourner visiter l'école où j'ai passé quatre ans, toute l'école primaire, sauf la 7e-CM2 où on nous transférait dans une annexe.

C'est un grand bâtiment de brique fauve à liseré bleu canard.

On y entrait par quelques marches, ils ont dû ajouter une rampe pour les handicapés.

On passait au pied d'un escalier où, en haut des premières marches, mon nom a souvent été affiché au tableau d'honneur. Puis on traversait le préau, décoré d'une fresque représentant Perrette et le pot au lait. De ce côté-là, rien n'a changé.

Dans la cour, une grille nous séparait de l'école des filles. Enfin, de l'ancienne école des filles : j'ai accompagné l'arrivée de la mixité dans les classes au début des années 1970. Et c'était bien agréable. La première fois, en 10e, il n'y avait qu'une fille, très mignonne. On est tout de suite devenu copains et on l'est resté jusqu'au passage en 6e : nous n'allions pas dans le même lycée (on ne disait guère collège et, de toutes façons, il s'agissait là de lycées parisiens regroupant toutes les classes, du collège jusqu'aux prépas).

Cette grille devenue inutile a été ôtée depuis.

Juste après, les latrines. C'est là que, tout gamins, nous comparions nos nombrils et que les circoncis se comptaient. Il faut dire que le samedi matin, pendant Yom Kippour, la classe était à moitié vide.

Les quatre marronniers où nous jouions aux quatre coins n'ont pas bougé, centenaires protecteurs.

Au fond de la cour, au troisième, l'ancienne salle d'étude a été transformée en réfectoire. À mon époque, la cantine se tenait dans le préau. Les instituteurs nous surveillaient en déjeunant sans grand bruit. Nous étions plus remuants. La nourriture était distribuée par la concierge de l'école, une femme sans âge, hirsute, édentée et émaciée, qui traînait un récipient de fer blanc : un chaudron pour le potage, une vaste gamelle pour la viande. Elle déambulait en disant de sa voix usée : "Qui qu'en veut ? Qui qu'en veut ?" et j'étais très choqué que dans une école on écorchât ainsi la langue. Parfois, dans le poulet, on mâchait des plombs et je me demandais pourquoi ils avaient besoin de tuer leurs volatiles à coups de fusils de chasse.

Sur le plus long mur du préau trônait Marianne et, juste au-dessous, Georges Pompidou. J'avoue que, quand il est mort, j'ai été content d'avoir un jour de congé. Il ne faut pas m'en vouloir : j'avais neuf ans et demi. Je ne me souviens pas d'avoir vu la photo de Giscard remplacer celle de Pompon, mais cela a bien dû arriver.

De mes quatre instituteurs, je garde un souvenir précis. Celui de la classe de 8e-CM1 est le plus fort.

Dans les deux premières années de la "grande école", 11e et 10e, ce fut une femme, une grande et longiligne femme très calme, d'allure quelque peu janséniste, une face longue et sèche, pas de joues, le nez impérieux, l'oeil attentif, le sourire discret. Elle portait une blouse bleu pâle. Je lui dois mes efforts d'orthographe.

En 9e, plus de blouse : l'institutrice passait son temps à repoudrer son nez qui, quoi qu'elle fît, luisait comme un pot de beurre. Elle avait le teint cireux sur lequel elle se peignait des ronds rouges un peu clownesques. Ses cheveux trop noirs complétaient un tableau ridicule.

Mais avec elle, j'ai été premier toute l'année et, comme je m'ennuyais, je m'amusais à varier les couleurs d'encre de mes deux stylos. Ou alors, je laissais tous les cancres copier. C'était d'ailleurs le jeu le plus drôle : faire passer mon cahier pour que chacun y picorât. J'avoue que ce n'était pas modeste, mais ça a permis de sauver quelques moyennes.

Bien entendu, et comme d'habitude, il suffisait que l'on indiquât un film à voir à la télévision pour en discuter en cours, pour qu'aussitôt mes oreilles se fermassent. C'est ainsi que, le soir où l'on voulait que je regardasse "Si Versailles m'était conté" de Guitry, on a eu chez moi l'heureuse idée de voir autre chose, une bêtise, ce qui me convint parfaitement : je n'avais rien entendu de l'instruction de l'institutrice. Malgré cette attention en dents de scie, j'étais premier et je m'ennuyais ferme.

En 8e-CM1, il y eut M. Ledoyen. Ca, c'était quelqu'un. Il portait une blouse grise comme nous avions à l'école maternelle. Il adoptait toujours un ton bougon et sévère. Il possédait une règle de section carrée qu'il surnommait Artémise. Quand un élève disait une bêtise, ce qui arrivait souvent, la règle venait lui cingler le bout des doigts qu'il devait tendre joints. Heureusement, j'étais encore une fois premier, mais à éclipses : une fois sur deux.

Il lui arrivait de nous projeter des films. Je me souviens de "Crin blanc" et du "Ballon rouge", des classiques de l'époque.

J'ai revu M. Ledoyen bien plus tard : comme élu, j'ai eu l'occasion de traiter quelques dossiers avec le cabinet de l'adjoint au maire de Paris chargé des affaires scolaires et, je ne sais comment, le nom de mon instituteur est venu dans la conversation. On me dit qu'il était directeur d'école, ailleurs dans le même quartier. Il approchait de la retraite. J'hésitai à le déranger : que lui dire d'autre que les souvenirs de ses leçons dures et de son ambition pour nos réussites respectives ?

Finalement, c'est comme président de bureau de vote que je le vis un jour. Il n'avait pas changé, ses cheveux blanchissaient. Sachant parfaitement qui j'étais, il me tendit, avec un sourire complice, une vieille carte d'identité, datant de l'autre époque, celle où j'avais été son élève. Nous ne nous sommes rien dit, mais je crois qu'il était content que ses leçons aient servi à quelque chose.

Le dernier de mes instituteurs ne portait pas de blouse et a eu pour seul talent de m'en trouver assez pour me désigner premier de la classe - j'étais blasé - ce qui suffisait pour entrer au lycée Janson.

Et voilà, l'école est toujours là, j'habite à moins de cinq cents mètres de ses murs qui ont été ravalés. Tout le monde y allait, on y trouvait les gamins des concierges et ceux des PDG, le mélange était parfait et nous avons tous cherché à rester fidèles à son esprit, celui de l'épanouissement personnel et du progrès commun. Libre.

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Journalistes en péril ?

La profession de journaliste est sur la corde raide. Le développement d'Internet, la multiplication des sources gratuites et collaboratives d'information font planer un malaise sur ce métier déjà très concurrentiel.

Et la campagne présidentielle actuelle a ajouté un degré à ce malaise, car elle a montré et montre à quel point leur fragilité les rendait friables aux pressions politiques et économiques. On a rarement vu autant de médias assujettis à l'expression d'une ligne politique qui prend des allures staliniennes.

Voici le dernier avatar du lot : Alain Duhamel, visage bien connu dans la catégorie haribo du journalisme télé, d'ailleurs plutôt sympathique, mais qui a le fâcheux travers d'être une boussole qui indique le sud (en 1988, il soutenait Barre, en 1995 Balladur, en 2002 Jospin), a été privé d'antenne, pan ! juste le soir où il devait recevoir François Bayrou sur le plateau d'Arlette Chabot sur France 2. Motif ? Il soutient Bayrou.

En vérité, en novembre, Alain Duhamel, dans une conférence devant des étudiants bayrouistes à Sciences-Po, avait laissé entendre qu'il voterait sans doute Bayrou. Les amis de ce dernier s'en étaient alarmés, étant donné la réputation de scoumouniste inlassable dudit Duhamel, puis celui-ci avait eu la bonne idée de pondre des éditos de plus en plus favorables à ... Sarko.

Voici donc un haribo hésitant, écartelé entre Sarko et Bayrou, congédié de la télé de Sarko par Sarko parce qu'il soutient fort et ferme Bayrou.

Ce pourrait être le comble de l'incroyable de la pression politique si, en fait, l'opération n'avait été une diversion pour masquer les critiques adressées par Bayrou à TF1 au sujet de l'organisation d'une émission de télé autour de Sarko. Bref, Sarko cède un pion qui ne lui coûte rien pour éviter de perdre une tour.

Très engagée sans doute dans la démocratie, RTL a emboîté le pas à TF1.

Et pendant ce temps-là, les deux quotidiens dits nationaux jusqu'ici réputés les plus honorables sont aux mains de marchands de canons et ils font campagne pour la bipolarisation, prélude sans doute de guerres juteuses.

Et on continue à tenter de nous crétiniser à grands coups d'états d'âmes de filles de magazines érigées en stars interplanétaires et de politicards ravalés au rang de staracadémiciens.

On veut nous vendre, en somme, un monde peoplaire et bipolaire et on nous prend pour des oies qu'il suffit de gaver.

J'avoue être las d'être pris pour un imbécile.

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15/02/2007

Musset sur la génération de 1830.

Musset est le benjamin des "grands" de la génération de 1830. Né fin 1810, il n'a que dix-neuf ans au moment de la bataille d'Hernani. Mais il fait partie de la pépinière de Charles Nodier qui se retrouve chez lui, à l'Arsenal, à Paris, autour des deux filles, Marie (Nodier) et Louise Bertin. On se souvient peu des noms d'Émile et Antony Deschamps. Celui du critique Sainte-Beuve, l'homme qui a cocufié Hugo, reste un peu plus. Jugnot en a donné une incarnation infidèle mais prodigieuse au théâtre.

Au moment où pâlit l'étoile romantique, en 1843, après l'échec des "Burgraves" d'Hugo, Musset, qui est en perte de vitesse lui aussi (il ne rebondira que par une histoire tout à fait cocasse que je rappellerai un de ces jours), écrit en forme de poème à Nodier la nostalgie qu'il a à la fois de sa jeunesse et des beaux jours qui ont précédé le succès :

"...
Ta muse, ami, toute française,
Tout à l'aise,
Me rend la soeur de la santé,
La gaîté.

Elle rappelle à ma pensée
Délaissée
Les beaux jours et les courts instants
Du bon temps,

Lorsque, rassemblés sous ton aile,
Paternelle,
Échappés de nos pensions,
Nous dansions.

Gais comme l'oiseau sur la branche,
Le dimanche,
Nous rendions parfois matinal
L'Arsenal.

La tête coquette et fleurie
De Marie
Brillait comme un bluet mêlé
Dans le blé.

Tachés déjà par l'écritoire,
Sur l'ivoire
Ses doigts allègres allaient sautant
Et chantant.

Quelqu'un récitait quelque chose,
Vers ou prose,
Puis nous courions recommencer
À danser.

Chacun de nous, futur grand homme,
Ou tout comme,
Apprenait plus vite à t'aimer
Qu'à rimer.

Alors, dans la grande boutique
Romantique,
Chacun avait, fille ou garçon,
Sa chanson :

Nous allions, brisant les pupitres
Et les vitres,
Et nous avions plume et grattoir
Au comptoir.

Hugo portait déjà dans l'âme
Notre-Dame,
Et commençait à s'occuper
D'y grimper.

De Vigny chantait sur sa lyre
Ce beau sire
Qui mourut sans mettre à l'envers
Ses bas verts.

Antony battait avec Dante
Un andante ;
Émile ébauchait vite et tôt
Un presto.

Sainte-Beuve faisait dans l'ombre,
Douce et sombre,
Pour un oeil noir, un blanc bonnet,
Un sonnet.

Et moi, de cet honneur insigne
Trop indigne,
Enfant par hasard adopté
Et gâté,

Je brochais des ballades, l'une
À la lune,
L'autre à deux yeux noirs et jaloux,
Andaloux.

Cher temps de mélancolie,
De folie,
Dont il faut rendre à l'amitié
La moitié !

Pourquoi sur ces flots où s'élance
L'espérance,
Ne voit-on que le souvenir
Revenir ?
..."

La qualité des vers est certes moindre que l'émotion qui s'en dégage. J'en frissonne à chaque relecture. Pas vous ? Alors, libérez vos émotions.

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Blogosphère : traduisible ?

On m'a vu défendre la langue française. J'espère qu'on a compris que c'est par amour de ce langage et non par rejet des autres.

Il m'arrive, comme tout le monde, de lire, traduit ou dans le texte, Shakespeare, Shelley, Zweig (j'aime beaucoup Zweig), Hoffmann, Primo Levi, Calvino, Tolstoï et quelques autres.

Or moi qui suis blogueur d'encore fraîche date, je m'interroge sur l'interconnexion des blogosphères vernaculaires. Existe-t-il des logiciels libres de traduction instantanée, des moteurs de recherche capables de prendre en compte le saut des langues ?

Voilà qui serait l'outil d'une mondialisation plus équitable et plus libre, non ? Je crois que si.

Il faudrait peut-être en parler aux politiques. N'est-ce pas, Quitterie Delmas (dont le blog est signalé en lien avec sa photo) ?

Oh, je sais ce qu'elle me répondra : ce sera encore mieux si on le fait nous-mêmes. Librement.

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Mozillas : ça ne s'améliore pas !

Au contraire : hier, c'était 49% de Mozillas contre 47% de MSIE (MicroSoft Internet Explorer), soit malgré mon appel une stagnation des Mozillas et un progrès des MSIE.

Quel est le mot-clef qui pourrait drainer plus de Mozillas vers mon blog ?

09:00 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : internet | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

14/02/2007

Mozillas, mobilisez-vous !

Je signalais dans une précédente note que les Mozillas, les navigateurs libres, étaient très majoritaires parmi mes visiteurs (59% alors). Hier, ce chiffre est tombé à 49%, désormais talonné par Microsoft (46%). Alors, à vos navigateurs, que diable ! Vive la liberté !

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Blogosphère : comme Fantômas ?

On connaît Fantômas par les films d'André Hunebelle qui ont contribué à populariser Louis de Funès mais n'ont qu'un rapport lointain avec les livres dont ils sont très librement inspirés.

Fantômas est un feuilleton. Un vrai. Un mélange de grand-guignol et d'Arsène Lupin, une pincée des "Mystères de Paris" d'Eugène Sue, bref, un roman trépidant et fantastique.

Sa particularité : bien qu'étalée sur un nombre consistant de volumes, l'intrigue est une. La phrase commence au haut de la première page et se termine au bas de la dernière, plusieurs milliers de feuillets plus loin. Ou plutôt non, elle ne se termine pas : c'est une histoire sans fin, un temps aussi infini que le vrai. Il n'y a jamais de point final, toujours on abandonne un personnage ficelé sur la cheminée d'une locomotive folle lancée à cent à l'heure au moment où il faut fermer le livre. Et alors, évidemment, on ne peut pas s'empêcher d'ouvrir le tome suivant, et l'aventure continue.

Il existe un autre roman fleuve, plus que fleuve même, un autre roman océan, c'est l'"Astrée" d'Honoré d'Urfé, une narration entre bergerade et conte mythologique, emplie de personnages sautillants ou gracieux. Là encore, la structure temporelle échappe aux règles les plus élémentairement raisonnables et on se laisse noyer dans une mer de péripéties et de développements fleuris, d'ailleurs beaucoup moins passionnants que ceux de Fantômas.

La blogosphère ressemble à une fille qu'auraient eue Fantômas et Celtine, l'un des personnages féminins de l'"Astrée" : toujours en mouvement, toujours renouvelée, sans grande structure intellectuelle ni morale.

Elle palpite d'une énergie toute organique.

Et, toute mouvement comme Fantômas, on ne peut l'attraper : quand on la croit ici, elle est déjà là. Quand on la croit telle, elle est déjà autre.

Elle n'a pas de logique, pas de sens, pas de destin. Elle va. Comme disait Victor Hugo de lui-même, elle est "une force qui va".

Cette force se nomme liberté.

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13/02/2007

Google suite : la Belgique !

La Belgique, pays qui m'est cher et où j'ai fait de nombreux séjours, est décidément pleine de ressources. On l'avait déjà vue tenir tête aux États-Unis dans l'OTAN, courageusement si l'on songe que cette organisation est installée chez elle, et voilà que c'est la justice belge (ça m'avait échappé, je l'avoue) qui arbitre l'un des principaux volets du débat entre Google et les droits d'auteur. On a appris que Google venait de faire appel d'une décision juridictionnelle qui lui était défavorable. À suivre donc.

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Au sénat, là où s'asseyait Victor Hugo.

Victor Hugo fut créé pair de France sous la monarchie de Juillet. C'est l'époque où "ver de terre amoureux d'une étoile", il se laissait tenter par les beautés blondes du régime.

C'est aussi à peu près l'époque où l'échec sonore de ses "Burgraves" (les "barbus graves" selon les critiques railleuses du temps) annonçait la fin de la période flamboyante du théâtre romantique.

C'est enfin le moment où, comble d'embourgeoisement, il fut reçu à l'Académie française (et pourtant, il écrivait enragé, mais en privé, "Les quarante fauteuils et le trône au milieu").

À cette même période se place l'une des anecdotes à la fois les plus drôles et les moins glorieuses de sa vie : il eut l'idée gourmande d'une jolie femme mariée à un autre. Il invita donc la dame en question à une conversation très privée dans un boudoir, sur un divan.

Or voici que le cocu s'offusqua de ses cornes. L'adultère, en ce temps-là, était un délit civil, certes, mais surtout un délit pénal. Le commissaire de police requis se déplaça ainsi que les témoins utiles, et voici tout ce beau monde qui fait irruption dans le boudoir.

Aussitôt, Hugo bondit comme un diable, tout échevelé et effaré, il se drappe dans son immunité parlementaire et glapit :

- Je suis le pair de France ! Je suis le pair de France !

Et, se rhabillant, il s'enfuit en criant encore :

- Je suis le pair de France !

Le lendemain, son ami Lamartine se gausse de lui à la une du "Bien public" :

- La France est élastique, on s'y relève de tout, même d'un canapé.

Hélas, l'infortunée adultère, elle, ne put échapper aux foudres de la justice. Farouche inégalité qu'Hugo ne chercha pas un instant à réparer et qui reste l'un de ses rares déshonneurs.

Heureusement, il s'est racheté depuis, ô combien.

La chambre des pairs de la monarchie de Juillet est l'actuel sénat. La place de Victor Hugo y est signalée par une plaque.

Comme la France est le pays qui compte autant de musées que de fromages (ce qui n'est pas peu dire) et autant de commémorations que de saints du calendrier, on aurait pu en faire autant pour celle de Lamartine à l'Assemblée, ou pour celle de quelques autres plumes un jour ceintes d'écharpes tricolores.

Mais Hugo reste le père de la république, à jamais pair de France et à jamais père de la république.

Et si l'on aimerait bien parfois (ne fût-ce que pour la qualité des débats qui souvent écorchent nos oreilles) voir plus de bon(ne)s écrivain(e)s hanter les bancs parlementaires, si l'on aimerait bien retrouver la diversité des esprits de la France dans un milieu devenu très uniforme, aucun, c'est sûr, ne pourra jamais dévisser la petite plaque de laiton, témoin de l'ère de Victor Hugo, que l'on trouve en examinant son pupitre dans le velours du palais du Luxembourg, à l'ombre de Marie de Médicis, quand on a la fantaisie de s'y promener.

Et en ressortant, on se rappellera que la dorure et l'embourgeoisement n'ont pas réussi à empêcher le génie d'écrire plus tard "Les Misérables". Libre.

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12/02/2007

Kessel : le temps des journalistes.

On dit que Kessel aimait à écrire en rentrant de ses nuits agitées et arrosées dans les cabarets russes. Après avoir croqué du verre et fait danser les violons tziganes, il revenait, libéré peut-être de lui-même, s'asseoir à sa table.

Là, de ses puissantes mains, il empoignait ses sujets sans ménagement et les troussait comme des filles de cabaret.

J'ai lu "Le Lion" à l'âge de dix ans, c'est le bon moment. J'ai palpité avec le jeune guerrier en cours d'initiation, j'ai tremblé devant le regard énigmatique de l'animal roi qui sait qu'il va mourir.

Plus tard, j'ai lu "Belle de Jour", une autre affaire évidemment, peut-être son sujet le plus intéressant.

Il faut le dire, Joseph Kessel est d'abord un écrivain de l'aventure, d'une génération de "trotteurs de globe" (au fond, l'expression est plus jolie traduite en français) qui a découvert toutes les parties du monde alors ouvertes à l'Européen tout-puissant et qui a trouvé une oreille passionnée à ses révélations exotiques.

Des montagnes de l'Afghanistan au soleil de la Mer Rouge, des "Cavaliers" à "Fortune Carrée", Kessel a tout exploré. Ses documents journalistiques lui ont aussi inspiré des recueils en plusieurs volumes et, enfin, la Russie, fausse patrie de ses pères juifs exilés (en fait de Lithuanie), l'a fait écrire sur Raspoutine et sur l'entourage du dernier tsar.

Il a publié parfois trois ou quatre romans dans la même année, comme Simenon, tous écrits trop vite, mais parfois grisants.

Son premier succès fut "L'équipage" par lequel il relatait ses années de pilote durant la première guerre mondiale.

Car il ne s'est jamais contenté du témoignage du journaliste : toujours il fut un homme d'action. Installé à Londres, il participa à l'aventure d'exil du général de Gaulle et fut l'auteur avec son neveu Maurice Druon des paroles de l'inoubliable "Chant des partisans" que j'aime bien fredonner dans mon bain, les jours où je sens notre pays s'enfoncer dans le marasme et le doute.

Hélas, c'est la prise de pouvoir des gaullistes à la fin des années 1950 qui nuit aujourd'hui au souvenir de Kessel : il n'a pas éloigné ses pas de ceux du pouvoir et, au contraire, a incarné ses amitiés politiques dans un clan.

Oh, bien sûr, je connais des gens très bien qui en ont fait partie, mais la trace du clan n'est pas ensoleillée.

Bien sûr aussi, je ne suis pas hostile à l'idée d'une génération qui pousse pour faire sa place et imposer ses nouveautés parmi les vestiges du passé, mais encore faut-il qu'elle ait une rêverie plus grande qu'elle à exprimer.

Or de tous les écrivains chéris du gaullisme, outre Kessel, il ne restera que Romain Gary (d'ailleurs d'un autre clan). C'est peu pour justifier une domination si intense sur une période artistique.

Heureusement, Kessel a écrit la plupart de ses meilleures oeuvres bien avant les années 1960.

Alors vraiment, il m'arrive de relire Kessel avec plaisir car c'est un écrivain de la vie, mais je l'aurais préféré encore plus libre.

21:15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, auteurs | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Jeudi, l'histoire de la semaine...

Jeudi, l'histoire de la semaine sera : le jour où j'ai célébré le mariage d'Emmanuel Petit et d'Agathe de La Fontaine.

19:00 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : gens | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Bientôt le salon du livre de Paris.

Les organisateurs du salon viennent de m'indiquer par mail que je pouvais dès à présent demander mon accréditation pour le salon du livre. J'irai et j'en ferai un compte-rendu aussi précis que possible sur ce blog, avec des photos !

18:35 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livres | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Politique du matin, chagrin.

Le passage de Santini chez Sarko donne au département des Hauts-de-Seine une singulière allure "bleu horizon". Il prouve l'intention totalitaire de Sarko, qui ne peut pas laisser d'existence à l'autre. Il ne sait que l'étouffer.

Sarko, les puissants ; Ségo, l'impuissance. Décidément, la France a besoin d'autre chose pour sortir du marasme.

11:40 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : humeur, liberté | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

L'union sacrée.

En 1914, à l'orée de la guerre, les partis de toutes les tendances se regroupèrent pour faire l'union sacrée dans le combat.

Les plus à gauche, socialistes, et les plus à droite, chrétiens, furent les derniers à monter à bord de la coalition d'union nationale. Il fallut hélas la mort de l'hyperpacifiste Jaurès pour convaincre la gauche.

Du reste, en Allemagne même, la gauche renonçait à ses propres projets de "crosse-en-l'air". La guerre emportait tout.

L'union sacrée se poursuivit durant tout le conflit, souvent mise à l'épreuve. On se souvient du fameux discours de Clémenceau après la défection de la Russie renversée par la révolution : "Je fais la guerre..." Il y énumérait les raisons d'abattement et de désespérance et ponctuait chacune d'elle d'un entraînant "Je fais la guerre". La Russie nous lâche ? "Je fais la guerre". Les canons manquent ? "Je fais la guerre". Le moral baisse ? "Je fais la guerre".

Le péril avait justifié l'effacement des affrontements idéologiques et personnels : la patrie transcendait les intérêts.

Oh, on ne rêve plus de guerres, heureusement, mais parfois, on se dit que, si on entendait "Je fais la guerre à la pauvreté, je fais la guerre à la dette de l'État, je fais la guerre à l'impuissance publique, je fais la guerre à la corruption des élites, je fais la guerre à la loi de la force, je fais la guerre à l'injustice", eh bien, ce serait reposant, on aurait peut-être retrouvé une patrie, quelque chose d'harmonieux dans la nouvelle Europe et de digne dans le monde qui s'invente.

Utopie ? Peut-être. Les rêveries sont libres.

00:40 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

11/02/2007

Libre, le français ?

Il n'y a pas si longtemps qu'un ministre de notre chancelante république choisissait de soulever des montagnes de poussière en proclamant que désormais l'anglais n'est plus une langue étrangère.

On est loin de la Défense et illustration de la langue française chère à la Pléiade.

Il est vrai que la roue du pouvoir a tourné et que la main qui tient le gouvernail n'est plus à Paris, ni même en Europe. Le langage a toujours été un attribut du pouvoir.

Du reste, chez les scientifiques, il y a déjà longtemps que l'habitude a été prise de rédiger ses articles directement en anglais. Dominique Wolton l'a signalé pour s'en indigner voici un ou deux ans et on se souvient du scandale remué par certains colloques du CNRS où tout, du carton d'invitation jusqu'aux travaux, était libellé en anglais. Pourtant, dans le sigle CNRS, la lettre N désigne le mot "national" et il est écrit dans la constitution que la langue de la France est le français.

À l'heure où les pouvoirs publics tourmentent encore les bretonnants (entre autres), certaines indulgences peuvent paraître disproportionnées et il serait utile de clarifier la situation en donnant plus de souplesse d'un côté et plus de rigueur de l'autre.

Cela étant, le français n'est plus la langue de la France.

J'entends par là que les francophones sont beaucoup plus nombreux hors de France qu'en France. nous n'en sommes pas encore au stade du Portugal que toise son opulent fils brésilien, mais nous portons notre regard en Europe, au Québec, un peu encore en Haïti, dans le Pacifique et dans des poussières d'Océan Indien, et surtout en Afrique. La "langue de chez nous" chantée par Yves Duteil est devenue surtout la langue de chez eux.

Ne devrions-nous pas inventer, en plus de l'académie française une académie francophone ?

En tout cas, si notre langue a de l'avenir, c'est là-bas, sous les tropiques, dans les déserts, les djébels et les douars, au rythme d'un continent bicolore qui souffre.

C'est pourquoi on se demande comment les relations franco-africaines vont évoluer. Allons-nous abandonner l'Afrique aux appétits des groupes industriels ? Pourra-t-elle se prendre mieux en main grâce aux deux géants de l'Afrique subsaharienne : l'Afrique du Sud et le Nigeria ?

Mais alors, que restera-t-il de l'espoir du monde francophone ? Déjà, nous ne savons pas protéger les anciennes langues vernaculaires locales contre la montée du français, comment saurions-nous le faire pour le français contre l'anglais ?

Une Afrique bousculée par son évolution démographique et par le progrès, déracinée deux fois en peu de décennies, ce serait déjà un drame.

La disparition du français en serait un autre.

Car seuls, nous ne le sauverons pas.

Et un monde où l'on ne parlerait plus le français ne vaudrait plus qu'on y vive.

19:25 | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook