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28/01/2008

L'argent.

Pouvoir d'achat, subprimes, ruines boursières, plus que jamais l'argent étale sa toute-puissance sur nos écrans d'ordinateurs. Miroir aux alouettes, nerf de toutes les guerres, arme de tous les pouvoirs, but et instrument, l'argent cristallise nos rêves les plus désespérés comme les plus fanatiques. Il est tout, il peut tout. Comme le dit si bien Victor Hugo, il "produit la richesse en créant la misère".
 
Il n'a pas d'odeur, mais il a une logique et plus que toute autre, cette logique est implacable, incontournable, inexorable. Pour y satisfaire, on jette chaque jour des milliers de gens à la rue, on démantèle des entreprises sidérurgiques rentables, on pollue, on dévaste, on déforeste, on meurtrit, on contamine. On écrase. On pille.
 
Dans la profondeur de l'Afrique, des enfants sont payés quelques centimes pour extraire des cailloux qui, dès leur première vente, prendront le nom de "pierres précieuses", fileront à travers la jungle ou la forêt, le désert puis l'océan, qui jusqu'à Bangkok, qui jusqu'à Amsterdam, pour finir taillées et montées au cou d'une grosse dame ou, pire encore, au collier du chien acariâtre de la grosse dame aigre, en ayant volé sur un tapis de billets de banque.
 
Pour de l'uranium et du pétrole, des milliers d'enfants meurent au Darfour. Pour des diamants, des milliers d'enfants meurent au Congo. Pour des lignes comptables de multinationales, des milliers d'arbres tombent chaque jour au Brésil. Pour du pétrole, on fait fondre la glace du pôle et on prend le risque de tuer des centaines de milliers de pauvres gens, partout dans le monde, noyés par la montée des eaux, privés de leur terre cultivable. Pour je ne sais quelle folie, on a desséché une mer intérieure entière en Sibérie, creusant un immense désert dans une région fertile. Folie des hommes. Folie de l'argent.
 
Pour le confort de quelques-uns, on spolie, on bafoue, on humilie, on dépouille. On tue. On ne fait pas d'omelettes sans casser des oeufs.
 
Et les pauvres, sans cesse appauvris, pleurent et meurent. Et quand dans cette boue sanglante, dans cette misère lépreuse, dans ce monde brutal, une voix s'élève pour dire "l'argent pour tous", alors toutes les mains se tendent, tout le monde vient, accourt, rampe s'il le faut, écrase son voisin encore plus pauvre que soi, bouscule, se précipite et tend les mains pour la manne.
 
Lorsque je me trouvais en Haïti pour la dernière fois, l'été 2002, l'ex-père Aristide, un prêtre salésien défroqué et marié depuis qu'il était président du pays, avait lancé un vibrant appel à son peuple pour que les gens placent leur argent dans une chaîne de mini-banques pour très pauvres.
 
Il faut imaginer ce qu'est Haïti, depuis des décennies l'un des cinq pays les plus pauvres du monde. Il faut y être allé pour comprendre ce que signifiaient les mots du président qui devait tout aux pauvres : dans ces banques de quartier, nées de nulle part, on promettait des intérêts des comptes courants tout à fait mirobolants : 10% par mois, 15%, 50%, n'importe quoi. Et les pauvres, ces gens qui vivent dans la rue, qui vendent sur les trottoirs, qui n'ont rien, ne valent rien, ne peuvent rien, on tiré de leur absence de poches chacun quelques misérables billets de banque, souvent reçus d'un parent expatrié. En quelques mois, le système collecta l'équivalent de 80 millions de dollars américains, soit nettement plus de 10% du PIB annuel du pays.
 
Et bien entendu, ce n'était qu'une escroquerie, d'un type bien connu : on rémunère les premiers placements avec l'argent de la seconde vague et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on ait asséché les liquidités potentielles. Alors, on met la clef sous la porte et personne ne retrouve plus sa mise de fond initiale, tout le monde est grugé, ruiné.
 
Et c'est le président des pauvres lui-même qui les avait lancés dans cette ténébreuse et monstrueuse affaire.
 
Quelques mois plus tard, il était renversé.
 
Aux États-Unis, dans un but peut-être louable, quelqu'un a eu l'idée de proposer à des quasi-SDF d'avoir enfin, et pour toujours, un toit, des murs à eux, une demeure, un pignon sur la rue, une vie, une vraie, à crédit.
 
Quel crédit !
 
Puis on a fait des paniers de créances de ces pauvres gens, de ces misérables à qui on a vendu un rêve qui devient cauchemar, ces créances, qui ne sont que du vent, sont devenues du rêve puis du cauchemar pour des gens plus riches, des morceaux de titres cotés en bourse, une goutte d'eau dans l'océan des placements financiers du monde, tout en réseau. Puis crac, la vérité est apparue : les pauvres sont pauvres, ils ne peuvent faire face ni à la hausse des taux ni même aux remboursements. Patatras. On ne sait pas bien combien va coûter ce cauchemar aux établissements financiers américains : selon les sources sérieuses, la fourchette évolue entre 400 milliards de dollars et des milliers de milliards (on croit rêver : des milliers de milliards !) de dollars.
 
Mais ceux qui ont créé le système ne s'en vont pas, ne perdent rien, tout juste un accroc de quelques semaines dans leur carrière. Ils balaient le revers de leur veston de tweed et, un peu contrariés, vont passer l'après-midi à jouer au golf, pour tenter d'oublier... ces petits tracas.
 
Quand Nicolas Sarkozy a dit "je serai le président du pouvoir d'achat", il n'a rien fait d'autre qu'Aristide, rien d'autre que les marchands de subprimes. Les électeurs du peuple, qui ont voté pour lui, s'apprêtent à le lui signifier avec colère. Il a menti. Et son mensonge ne profite qu'à des Lagardère, des Bouygues, des Dassault, des Bolloré, qui roulent carrosse en Ferrari et dînent à la table du roi président à Versailles l'Élysée, avant de passer leurs nuits dans la soie avec des top-modèles. On a pris l'argent des pauvres pour le donner à des milliardaires qui en ont déjà trop.
 
Sarkozy avait oublié de terminer sa phrase, son slogan de campagne, je la complète : "travailler plus pour gagner plus", certes, mais pour gagner plus "de misère".
 
"...qui produit la richesse en créant la misère".
 
Et vient l'affaire de la Société Générale.
 
Là, on atteint des sommets : 5 milliards d'Euros de pertes pour un seul établissement financier, dix fois le PIB d'Haïti, cinq millions de mois de SMIC, quatre cent mille ans de SMIC, la carrière entière de dix mille smicards, en une seule journée.
 
Pourquoi ? Parce qu'on a grugé, au fin fond de l'Arkansas, une famille de pauvres gens, en leur faisant miroiter une maison, un foyer, une vie meilleure. Les pauvres deux fois victimes, deux fois volés. Car qu'on le veuille ou non, le Bigouden Jérôme Kerviel n'est pas le vrai coupable de l'affaire : le vrai coupable, c'est la logique spéculative. Miser de l'argent comme aux courses, il faut bien que parfois, ça se termine mal.
 
Il jouait à la hausse. Sans l'aval de ses supérieurs ? Peut-être. L'enquête le dira. Peut-être.
 
Le scénario d'un trader qui végète dans l'ombre et qui, tel un savant fou, croit qu'il peut devenir l'inventeur génial d'une stratégie spéculative impériale, ce n'est pas totalement impossible, après tout. Pas totalement.
 
Vous me direz : après tout, dans l'affaire, c'est une banque et ses actionnaires, qui perdent. Tant pis pour eux, ils se referont une prochaine fois, ou bien ils échangeront leur Ferrari contre une Porsche.
 
Peut-être.
 
Mais ... comment dire ? Je n'y crois pas : pour récupérer leur mise de fond, les puissances financières vont trouver d'autres pigeons, c'est tout. 
 
Et si par hasard c'est la Société Générale elle-même qui a conduit de folles spéculations qu'elle fait endosser à un trader compréhensif, bientôt dédommagé en Suisse ou à Nassau, on s'en doute, eh bien, la vérité ne se fera jamais jour, le drame creusé dans la chair des pauvres restera impuni et la danse des milliards au rythme des misères reprendra. Deux fois plus fort, deux fois plus désespérée.
 
Et nous, qu'est-ce qu'on fait ? 

21/01/2008

Bourses : la fièvre monte à El Mago.

L'occident plonge. La forte poussée des économies d'Extrême Orient, conjuguée à de graves erreurs de gestion et de politique internationale, ont fragilisé tout l'édifice euro-américain. Il faut donc remonter dans le temps pour voir quand, comment et pourquoi les économies occidentales ont pris de mauvais chemins aux embranchements et ainsi décider ce qu'il faut  faire pour aller mieux.
 
Les années 1990 ont été une grande époque d'expansion économique pour l'occident. L'effondrement du bloc d'Europe orientale fut le premier ingrédient de ce succès. Il y eut aussi l'éclatante santé de l'économie américaine. Celle-ci eut trois facteurs.
 
Le premier tint à la première guerre punitive contre l'Irak en 1991 : à l'époque, l'emploi des armes américaines fut très largement financé par les États du Golfe, sorte de retour sur investissement pétrolier. Pour plusieurs années, la renouvellement des équipements de l'armée américaine était financé par l'argent du pétrole. Une véritable aubaine pour l'économie US qui ne s'est pas reproduite en 2003 ni depuis, puisque les Américains financent presque seuls leur présence en Irak.
 
Le deuxième fut suscité par le grand effort de paix fourni par l'administration Clinton. Retrait de Somalie (certes peu glorieux) et choix pacifique en toute occasion, l'économie bénéficia pleinement de la bonne image d'un président qui, agissant notamment pour une paix équilibrée au Proche Orient, se donnait la carrure d'un grand patron pour le monde, capable de prendre en compte les points de vue de parties invariablement opposées l'une à l'autre. La mort d'Itzhak Rabin, assassiné par un petit connard de facho israélien fit échouer ce qui reste et restera sans doute la tentative de règlement la plus juste du conflit israélo-palestinien. On est au passage navré que la ligne d'Hillary Clinton soit moins équilibrée que celle de son époux (dont les conseillers sont plutôt chez Obama).
 
Le troisième fut la naissance de l'OMC. Oh je sais que parmi nos amis considèrent l'OMC comme l'ennemi absolu, mais il faut considérer ce qu'il y a de progrès dans cette institution, notamment dans une gestion multilatérale des conflits commerciaux qui prend peu à peu la place d'une gestion bilatérale sans cesse dominée par la loi du plus fort. Libérée, désentravée, l'économie occidentale (et avec elle l'économie mondiale) connut un essor régulier et exceptionnel.
 
Puis arriva Bush, l'ennemi personnel des belliqueux arabes, le 11 septembre, l'inévitable campagne d'Afghanistan (un fiasco de long terme dit-on en fin de compte), et surtout l'inutile guerre d'Irak qui a mis l'économie américaine sur le flanc pour un certain temps.
 
Il faut lire l'excellente analyse publiée dans le dernier numéro de la revue "France Forum" (proche du MoDem, elle pourrait l'être encore plus) par Jean-Marie Daillet, qui ne peut être soupçonné d'américanophobie primaire, pour comprendre où en est le premier pays de la planète, un État ruiné, des pauvres appauvris, un système bancaire implosif, bref, tout à refaire, et 1% du PIB de déficit budgétaire supplémentaire selon la décision suicidaire récemment annoncée par Bush aux abois. En vérité, on sait bien comment cela risque de finir : démantèlement de programmes sociaux, c'est le credo des néoconservateurs, alors même qu'Obama, lui, propose la seule mesure immédiatement nécessaire pour éviter un drame humain d'ampleur inégalée depuis 1929 : la création d'un système public de retraites.
 
Quoiqu'il en soit, la chute des bourses mondiales est le test ultime de la solidité des réseaux financiers. Lors de l'une de ces purges, la bulle financière japonaise est apparue crument et il a fallu des années à l'économie du Japon pour s'en remettre, non sans dégâts importants.
 
Aujourd'hui, c'est la Chine qui se trouve en ligne de mire, avec sans doute une bulle pire encore.
 
Mais c'est surtout le moment de songer aux pauvres gens qui, aux États-Unis, sont menacés de la plus affreuse ruine à cause de l'affaire scandaleuse des subprimes. Des petites gens, des ménages presque sans rien, qui risquent bien plus qu'ils n'ont en vérité.
 
Et c'est avec un peu d'angoisse que je vois arriver sur le marché les "maisons Borloo" à 15 Euros par mois, car elles me font furieusement penser à ce système qui a fait croire à des millions d'impécunieux américains qu'ils pouvaient devenir ... propriétaires.
 
Au-delà encore, la crise mondiale qui s'annonce doit nous rappeler que le krach de 1987 fut le prélude de la Chute du Mur et que d'un mal sort parfois un bien, et enfin que c'est de toutes façons l'occasion de réévaluer nos critères de croissance économique car l'élan des années 1990 en occident a produit celui des années 2000 en orient et ce dernier a révélé de graves pénuries de produits du secteur primaire (minier, pétrolier, agricole) qui ne sont pas réversibles et qui imposent un effort massif dans le sens du développement durable et, pour l'avenir, de la Haute Qualité.

22/11/2007

"le goût et le pouvoir" : un livre à consommer sans modération.

Jonathan Nossiter est l'auteur du très atypique documentaire "Mondovino" qui a fait sensation au festival de Cannes voici plus de trois ans. Il y révélait beaucoup de secrets petits ou moins petits sur les réalités du vin autour de l'an 2000. Trois ans de tournage, deux je crois de montage, avaient été nécessaires à l'élaboration de cette cuvée militante.
 
Militante ?
 
Oui, Nossiter défend le travail du viticulteur, sa liberté, sa subjectivité. Il aime les vins de terroir, qui ne cèdent pas à la facilité du goût stéréotypé. Il estime d'ailleurs que la phase où le vin perd sa personnalité relève d'une entrée dans les rouages du pouvoir, du calcul économique ou politique. Pour lui-même, il revendique le caprice du goût, de son propre goût, qui lui ferme les logiques du pouvoir (ou qui finit, ce qu'il ne dit pas, par lui ouvrir le pouvoir par d'autres portes).
 
Ce goût intraitable lui fait tourner le dos au célèbre guide Parker qui exerce un magistère très fort sur l'élaboration des vins et qu'il juge porté à la facilité.
 
Ce goût obstiné lui fait refuser de présenter la carte des vins d'un restaurant new-yorkais pour lequel il travaille comme on le fait aux États-Unis : par cépage. Il le fait par terroir et ne présente que des vins français, alors que partout ailleurs, les vins californiens et italiens sont imposés par la mafia italienne qui contrôle (selon lui) 90 % du routage des vins aux États-Unis.
 
Ce goût capricieux le lance en quête de petits producteurs inventifs, agrippés à un carré de terre et à quelques pieds de vigne.
 
Il défend contre toute la logique actuelle l'autonomie des petits producteurs, la saveur de la diversité appuyée sur la richesse du terroir. Il faut dire que, s'il aime le jurançon cher à François Bayrou (mais en y incluant un rare sec plutôt que les courants moëlleux), il se méfie un peu des bordeaux. Il est en revanche émerveillé par la Bourgogne et les bourgognes, un terroir exceptionnel qui, à partir d'un seul cépage rouge (le pinot noir) est capable de produire la plus grande diversité de palais, des sophistiqués vosne-romanées jusqu'aux charpentés nuits-saint-georges (perso, j'adore le nuits-saint-georges).
 
Bien entendu, il n'est pas dupe, il sait que les trois quarts de la production de bourgogne sont dénaturés par les négociants et la tyrannie du marché, mais il en reste tout de même un quart, ce qui suffit à emplir une vie entière.
 
Il cite ses noms, ses favoris. On le sent tenté par l'idée de lancer un "contre-parker", un guide où l'indépendance du vigneron et la qualité de son travail seraient mis en avant, où l'identité du vin prévaudrait sur sa séduction. 
 
On peut donc lire son livre comme le témoignage d'un honnête homme qui se bat pour des principes que je trouve justes.
 
On y lira aussi la chronique d'une époque, car sa vie professionnelle, oenologique et cinématographique s'enracine dans les décennies 1970 à 2000 et lui permet de critiquer la gestion de New-York par Giuliani, de vanter le souvenir d'une photographe épouse d'une personnalité française à laquelle il a loué un loft, de parler d'une foule de gens qu'il a croisées ou connues, d'exprimer ses choix esthétiques.
 
Il y a dans son livre une esthétique éthique. Et c'est cette éthique qui l'irrigue et qui le rend nécessaire.
 
Il met enfin en garde contre la récupération dont sont victimes les meilleurs travaux, comme celui du vigneron de vins de Loire Joguet qui, face à de graves difficultés financières, avait dû vendre sa terre et dont les successeurs, purs financiers, se bornent à exploiter la "marque" éthique qu'il a créée, en la dilatant sur une surface triple de celle qu'il cultivait, dont l'effet de terroir n'a plus rien de commun avec celui qu'il obtenait.
 
L'ennemi ultime est donc, ici, comme ailleurs, la financiarisation de l'économie.
 
Pour soutenir l'entrepreneur contre le financier, le cultivateur contre le marchand, la PME contre le géant, le réalisateur de cinéma contre le producteur, l'être humain contre la machine, on peut lire ce livre, qui donne envie de boire une bouteille, une vraie.
 
Jonathan Nossiter, "Le goût et le pouvoir", aux éditons Grasset. 
 
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Article publié sur le site La librairie.org .

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12/10/2007

Honte à vous, Monsieur Attali.

Jacques Attali a été chargé par Nicolas Sarkozy d’une Commission pour Libérer la Croissance Française (CLCF). Et voici qu’en plein grenelle de l’Environnement, cette commission jette un vaste pavé dans la mare. Elle vient de découvrir, ô surprise, que le principe de précaution est un frein à la croissance et que seuls les hypermarchés et la grande distribution peuvent incarner l’efficacité économique et la croissance dynamique.

Sur le deuxième point, les patrons de PME et les agriculteurs, qui ont massivement voté Sarkozy, apprécieront : fin de toutes les lois qui protègent le petit commerce, même la loi Royer de 1973 ! Vive les ventes à perte qui permettent aux acteurs économiques les plus forts de casser les reins des plus faibles ! Voici les masques tombés. Fin de la reprise des arguments bayrouistes sur le « Small Business Act » à la française. Qu’on se le dise, la société vue par Sarkozy, c’est la loi du plus fort.

Honte à vous, Monsieur Attali.

Eh bien, non. Non.

Sur ce point plus que sur tout autre, le pouvoir actuel insulte l’âme française. L’opinion ne se laissera pas faire, l’indignation hurlera.

Quant à l’élimination du principe de précaution, qui suppose de revenir sur des récentes modifications de la constitution (charte de l’Environnement), c’est une clameur productiviste, l’aveu que pour le pouvoir, grenelle n’est qu’une poudre d’OGM aux yeux des gogos. Les vrais projets sarkozystes sont là, à peine voilés, dans les poches sales d’Attali.

Honte à vous, Monsieur Attali.


05/08/2007

Diplomatie des ornières

On a désormais compris que l’urgence de la libération des infirmières bulgares touchait moins le cœur des Français que le portefeuille des entreprises commanditaires de la campagne de Sarkozy et que leur libération effective, verrou de la reprise des relations commerciales sensibles avec la Libye, avait été la priorité ultime du nouveau président pour des raisons entièrement différentes (et beaucoup moins nobles) que celles qu’il affichait.

Si l’on imaginait que ces contrats, tels ceux des frégates de Taiwan, donnassent lieu à de juteuses rétrocommissions, l’on trouverait la boucle bouclée et la réelle philosophie du personnage devenue explicite. Mais de toute évidence, il n’y a eu aucune rétrocommission et seul le très mauvais esprit peut en faire supposer.

La ferveur avec laquelle Kouchner a défendu le président à cette occasion donne à supposer que, si le ministre des Affaires étrangères n’a pas été à la peine, il a du moins été à l’honneur. Quant à la référence qu’il a faite aux missions discrètes qu’il a effectuées en son temps avec Mme Mitterrand, il a oublié de préciser que celles-ci étaient restées, justement, discrètes et n’avaient donné lieu à aucune mise en scène théâtrale. La diplomatie peut avoir besoin de bas-côtés, mais elle daigne rarement mélanger la route et le fossé.

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31/07/2007

Spirale de la dette : l’abîme ?

La spirale de la dette a été dénoncée plusieurs fois par Bayrou lors de la récente campagne présidentielle ; son argument frappa si bien les imaginations que ses deux principaux concurrents, Sarkozy et Royal, se crurent obligés d’inscrire la lutte contre la dette dans leur programme présidentiel. Chacun savait pourtant que celui-ci était incompatible avec elle, car il reposait sur un catalogue de promesses dépensières et sur une liste plus implicite de renvois d’ascenseurs à une cohorte de commanditaires généreux donateurs de leur campagne.

Ce qui devait donc arriver est arrivé et on a vu le gouvernement renvoyer le désendettement aux calendes d’une improbable croissance, cependant que les mesures coûteuses s’ajoutaient les unes aux autres.

Pourtant, l’argument n’est pas en lui-même absurde : en vérité, la dette publique est supportable tant que son service croît moins vite que le Produit intérieur brut (PIB) du pays. On peut vivre bien avec une dette forte pourvu que l’économie soit dynamique.

À long terme, la dette peut finir par s’amortir et, par des jeux financiers habiles, être transformée d’une masse très onéreuse en une masse moins lourde pourvu que l’on arrive à échanger des crédits à fort taux contractés pendant les périodes de taux d’intérêt élevés contre des effets à moindre taux lorsque les taux de base sont moins haut. Cette tactique a permis aux Etats-Unis de faire un habile et juteux yoyo avec des capitaux japonais voici quelques années.

Donc la dette en soi n’est pas un mal ou du moins peut n’en être pas un.

Mais la dette extérieure publique de la France est devenue intolérable. La croissance de l’économie ne parvient pas à y faire face depuis bien des années maintenant et il faut désormais parler d’une spirale : la hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) engendre une hausse du service de la dette (en termes de milliards) ; elle grève nos exportations et par là même réduit les rentrées de liquidités de l’État ; elle encourage la faiblesse du dollar et si, demain, ce dernier remontait, nos exportations seraient certes plus concurrentielles mais notre dette extérieure augmenterait d’autant et, par ailleurs, il faudrait relever encore les taux d’intérêt, ce qui contribuerait à faire s’envoler purement et simplement notre dette.

Bref de tous côtés, la dette augmente.

Ah, si seulement, les sages mesures d’économie et d’amélioration du pouvoir d’achat préconisées par Bayrou avaient été acceptées par les Français…

16:29 | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : politique, économie, sarkozy, bayroou | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

18/07/2007

Faut-il supprimer le poste de premier ministre ?

Depuis la création de la Ve république, les constitutionnalistes sont hantés par la dyarchie du pouvoir exécutif, dont les responsabilités sont réparties sur deux têtes, celle du président de la république et celle du premier ministre.

Michel Debré, signataire de la constitution et inaugurateur du poste, lui donna pourtant un profil modeste et effacé devant le soleil présidentiel. Georges Pompidou, lui, sut si bien incarner la fonction de premier ministre qu’il songea immédiatement à la supprimer dès son avènement à l’Élysée : il savait le poids qu’elle donne à son titulaire. Le renvoi de Jacques Chaban-Delmas, en 1972, donna l’occasion d’un cas d’école institutionnel de réflexion sur la légitimité du locataire de l’hôtel Matignon.

La cohabitation fut le pinacle de la démonstration des inconvénients de l’organisation institutionnelle prévue par la constitution de 1958, comme elle porta le premier ministre au sommet du pouvoir réel. Les sommets européens où, durant cinq ans, parurent à la fois le président Chirac et son premier ministre Jospin furent à juste raison jugés porteurs d’affaiblissement pour notre pays.

On imagina alors de jumeler

L’inflation et la politique du gouvernement.

En 1975, en pleine poussée inflationniste, le tandem Giscard-Chirac fit une active relance keynésienne, c’est-à-dire par la dépense publique. Le résultat de cette initiative à contretemps fut une inflation galopante et une crise industrielle et commerciale profonde qui n’était pas entièrement purgée après presque cinq ans de rigueur lorsque Raymond Barre quitta l’hôtel Matignon et le président Giscard d’Estaing l’Élysée.

Or l’inflation est à nos portes, la Banque centrale européenne (BCE) l’a bien compris puisqu’elle a augmenté ses taux directeurs.

Pourquoi ce retour du spectre de l’inflation ? La surchauffe de l’économie mondiale.

Déjà, la croissance galopante de la production et de la consommation chinoise et dans une moindre mesure encore indienne ont provoqué de très vives tensions sur le marché des matières premières énergétiques. Voici qu’elle pèse sur les autres denrées primaires, notamment celles de l’alimentation.

L’annonce d’une hausse vertigineuse du prix des blés et du lait, avant inflation, devrait être une bonne nouvelle pour les agriculteurs et même pour les organismes de subvention, notamment européens.

L’affaire n’est pas si simple : la politique bruxelloise a plus ou moins bien anticipé l’évolution du marché et continue à subventionner des réductions de production sur des marchés marqués au contraire par la rareté. Paradoxalement, la politique européenne contribue à la pénurie, ce qui est l’inverse de sa fonction vitale. La réactivité de ces institutions est désormais en cause.

En revanche, la hausse des cours mondiaux, qui semble structurelle, devrait permettre à terme plutôt court de réduire les subventions à l’agriculture.

Seul le consommateur y perd si l’on n’intervient pas et, de ce côté-là, rien ne paraît pouvoir empêcher la hausse des prix à la consommation ; le déraisonnable déficit budgétaire prévu par M. Sarkozy aura donc d’autant moins d’effet sur la croissance du PIB français qu’il risque bien d’être immédiatement absorbé par l’inflation.

La spirale d’une réédition de la crise connue à la fin des années 1970 est donc bien en place. Dommage.

10/07/2007

En relisant « L’argent » de Zola.

En relisant « l’argent », l’un des épisodes de la saga des « Rougon-Macquart », deux ou trois idées me frappent.

Tout d’abord, ce roman de la vie financière et de ses implications politiques de toutes natures est celui de l’illusion que la financiarisation de l’économie puisse faire émerger la rémunération au mérite, soit travailler plus (ou mieux) pour gagner plus.

L’idée est simple : la création des consortiums, des grands groupes qui euthanasient peu à peu les petits, aboutit à une logique de « syndicats » d’intérêts. Coalitions égalitaires d’entreprises moyennes, ces syndicats reposent sur une logique de répartition des gains. On pense évidemment aux coopératives ou aux Groupements d’Intérêt économique (GIE), mais il faut aussi songer aux oligopoles, qui en forment la face sombre éludée par Zola. Car il oublie que l’hyperconcentration de l’économie peut aboutir à de nouvelles formes de verticalité absolument identiques aux anciennes, comme le montre notre époque.

Zola énonce en fait le rêve d’une mutualisation de l’économie et, selon son idée, la dépersonnalisation de l’autorité de production à laquelle aboutit la financiarisation est un chemin efficace vers un monde où la totalité du revenu de l’entreprise est affecté soit à l’investissement productif, soit à la rémunération du travail « en proportion des efforts de chacun », soit une salarisation en fonction de la quantité de travail fournie (avec évidemment l’éternelle question de la prise en compte de la qualité autant que de la quantité).

Ensuite, seconde idée, le lien que Zola établit avec la création, alors récente, de « l’association internationale des travailleurs », mieux connue sous le raccourci d’« Internationale », conduit nécessairement à un transfert de pouvoirs des rentiers (les adversaires qu’il combat) vers les associations de travailleurs, qu’on a dénommées en d’autres époques les corporations.

Et c’est bien là, dès ce XIXe siècle sans doute, qu’il faut rechercher la tendance corporatiste de la gauche travailliste française, dans l’énoncé même de ses principes fondateurs tels que Zola les retranscrit.

En fait, il mélange le principe syndical de représentation des travailleurs dans les négociations sociales et le principe politique d’organisation de la production. Encore une fois, il y a là un trait caractéristique central de la gauche historique française.

Seulement, on voit bien que le concept d’associations de travailleurs pour la production et la commercialisation, s’il contient l’idée des mutuelles, plutôt efficaces en matière d’assurances, porte aussi l’inconvénient de toutes les formes de corporations : le conservatisme et l’oppression de l’individu par le groupe.

Le conservatisme est le défaut patent du syndicalisme à la Française. Et on voit bien pourquoi : il ne fait que reproduire le mécanisme des corporations d’Ancien Régime contre lesquelles entre autres s’est faite la Révolution française : toute innovation remet en cause un  équilibre et donc un pouvoir.

L’oppression de l’individu par le groupe est si évidente parfois que je ne m’étends pas sur ce sujet. N’oublions pas que le vrai ennemi, en matière économique comme en matière politique, est le réflexe léonin.

Quoiqu’il en soit, au milieu d’une époque charnière pour la société économique mondiale, à un moment où il apparaît que la financiarisation gagne toutes les structures de production avec de lourds inconvénients pour le tissu humain, il faut relire d’urgence « L’argent » pour comprendre d’où les erreurs sont parties, quels étaient les objectifs généreux poursuivis, pour comparer ces idées avec celles de Victor Hugo et se rappeler qu’un mot manque absolument au vocabulaire de Zola alors qu’il irrigue toute l’œuvre d’Hugo : le mot « liberté ».


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22/06/2007

Solidarité avec "Les Échos".

Nicolas Sarkozy a déjà exercé une emprise quasi-dictatoriale sur la presse et les médias pendant la récente élection présidentielle. Il manquait cependant un quotidien à son parterre : "Les Échos". Voici donc le groupe britannique propriétaire de ce journal qui le vend et, pour l'acheter, on retrouve Bernard Arnault. Sans commentaire.

J'exprime donc mon entière solidarité avec les journalistes des "Échos".

Il est urgent que soient restaurés les principes définis en 1944 par le Conseil national de la Résistance (CNR) pour garantir la liberté et l'indépendance de la presse.

Au passage, j'ai signé la pétition contre la suppression de l'émission Arrêt sur Image, une vraie émission de service public, sur France 5. 

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