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19/04/2007

Vingt mille mercis à Bercy.

La presse a annoncé dix-sept mille, mais des spécialistes m'ont dit, en comptant les gens massés sur les gradins, qu'il y en avait en fait au moins vingt mille.
 
Vingt mille personnes pour écouter François Bayrou dans le palais omnisport de Bercy.
 
J'y étais, au milieu d'une chaleur tropicale, dans une marée orange, ébahi comme tous.
 
À l'orchestre, une foule, des milliers, debout, dont une moitié n'a pu tenir jusqu'au bout, écrasée de fatigue et de chaleur. Ils sont entrés là de dix neuf heures à dix neuf heures trente, jeunes, moins jeunes, d'un peu tous les horizons. Or Bayrou a fait son entrée à vingt heures ; à vingt et une heure trente, après deux heures au moins de station debout, les moins coriaces avaient cédé le terrain.
 
Mais il en restait. Beaucoup. Enthousiastes. Et les gradins n'ont pas désempli jusqu'au dernier mot. Un moment de ferveur. 

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18/04/2007

Bercy, un coin de Seine.

Le quartier de Bercy est lié à ce qu'il y a de plus profondément ancré dans l'histoire de Paris : le commerce fluvial. C'est là, notamment, qu'était déchargé et entreposé autrefois le vin qui arrivait à Paris par tonneaux. Le quartier dit "des entrepôts de Bercy" a été conçu en conservant les rangées uniformes de ces remises où transitaient les lourdes barriques.
 
Je dis que c'est le plus ancré dans l'histoire, car la corporation des nautes, dès l'époque gallo-romaine, était la plus influente et marquait sa prééminence par diverses donations exemplaires et on a retrouvé la "pierre des nautes", sculptée, qui en était l'un des indices les plus visibles.
 
Curieusement, en remodelant cette partie de Paris en profondeur, les années 1980 y ont fait une découverte de haute symbolique liée à cette vocation historique : des barques (ou plutôt des pirogues) d'époque néolithique conservées dans la vase d'une anse marécageuse de la Seine, sous le niveau de la ville.
 
Pour ceux qui seraient tentés de rafraîchir leur mémoire dans wikipedia (ce qu'ils peuvent faire par ailleurs), je précise que le néolithique est une période de la protohistoire qui court de la fin du mésolithique (vers - 6000) jusqu'à l'âge du bronze (vers -1800) ou plutôt jusqu'à une période de transition qu'on nomme le chalcolithique. Le néolithique est le dernier âge de pierre, celui des dolmens et des menhirs.
 
On a donc trouvé une trace d'occupation du site parisien voici plus de cinq mille ans.
 
Bien entendu, il ne s'agit pas d'une occupation urbaine, encore moins citadine : les néolithiques, pour ce qu'on en sait, sont des semi-nomades. Mais tout de même, le symbole est fort. Et c'est à Bercy.
 
Là se trouve le ministère des finances depuis une vingtaine d'années.
 
J'ai été reçu avec un groupe par celui qui était alors ministre de l'économie, Jean Arthuis, dans un salon que l'on voit d'en bas, du quai, derrière une vaste verrière, il plonge le regard, à l'est comme à l'ouest, dans l'axe du fleuve et de la ville, c'est une cage luxueuse où l'on mesure la grande force de l'administration des finances.
 
Juste à côté, le palais omnisport de Bercy, sorte de monticule verdoyant, vaguement pyramidal, dont la silhouette paraît à la fois massive et légère.
 
Il me semble y être allé entendre une fois Chirac en 1995, lors de sa campagne.
 
J'avais envie d'écrire aujourd'hui une note sur le poète Catulle Mendès et sur le Parnasse, bien entendu en référence à Pierre Mendès France, qui me semble l'une des silhouettes en filigrane de la campagne actuelle, mais je n'ai pas résisté au plaisir d'évoquer la terre et la pierre de Paris, et le beau monument des plaisirs qu'est le POPB. 
 
Ce soir, je vais y écouter François Bayrou. 
 
Mais je n'oublie ni Mendès, ni ceux qui ont voulu donner à la politique l'intelligence et l'intégrité qui lui manquent trop souvent.
 
Hier, Bayrou était sur les terres du général de Gaulle, aujourd'hui le voici au coeur de l'histoire de Paris. Un moment s'ouvre. Pour la liberté. 

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17/04/2007

Sur Sarko, le texte de Kahn.

Juste l'adresse :

http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=46470 

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16/04/2007

"Je voudrais que Bayrou soit élu".

Derrière les mots, un regard ni anxieux ni rêveur, mais un peu frissonnant.
 
Un homme, ce qu'on nomme un jeune actif, vient faire sa confidence : "Je voudrais que Bayrou soit élu".
 
On devine que s'il avait mille mains, il empoignerait mille tracts et les distribuerait partout en un instant.
 
J'ai lu sur Internet une étude de marketing sur les différents candidats. Bayrou, selon cette étude, est assimilé aux marques familières, celles qui ne font pas de bruit mais qu'on utliise souvent et volontiers. Le produit de proximité par excellence. Celui auquel on est attaché.
 
Cet attachement se lit dans les sourires avec lesquels les gens le regardent sur sa photo de campagne. Des jeunes femmes, presque des jeunes filles, l'air modeste, le regardent et on croirait que c'est un chanteur pour ado. "Il n'est pas laid", avouent-elles en le pliant avec soin.
 
On nous dit, en voyant une invitation pour aller l'écouter au palais omnisport de Bercy mercredi : "je sais, j'y suis" et je lis dans les yeux la saveur intime des choix du coeur. Ils se sont approprié Bayrou, nous ne sommes plus là pour les convaincre, mais pour incarner son sourire. Il est à eux.
 
Décidément, que de beaux moments, si près du premier tour.

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Vite, le livre d'Azouz Begag.

On ne prend pas toujours facilement un écrivain au vol. Il vaut parfois mieux l'avoir suivi dès ses débuts, l'avoir accompagné, avoir pris le train dès son départ.
 
Je n'avais jamais rien lu d'Azouz Begag jusqu'ici et c'est la seule réticence (modeste, on en convient) que j'éprouve en refermant son livre. Car il parle de lui, de certains événements de son parcours et de sa vie, et on se doute qu'il ne prend pas la peine de s'y attarder parce qu'il l'a déjà fait ailleurs, alors qu'on aurait vraiment voulu les mettre en perspective de ce qu'il raconte : ils y auraient trouvé un écho, neuf pour le lecteur novice, et peut-être neuf aussi pour le lecteur chevronné, qui en aurait découvert un nouvel aspect.
 
Quoiqu'il en soit, et toujours avant de parler du livre en tant que tel, il faut tout de même noter l'extraordinaire portrait de calvaire qui sert de toile de fond à ce compte-rendu de ministère : celui de Dominique de Villepin, que l'on voit transformé peu à peu en ectoplasme douloureux, décharné, desséché, l'oeil qui se vide progressivement, à peu près tel qu'on l'a vu à la télévision, mais sous l'angle d'un proche qui, certes, ne le voit pas beaucoup, mais a sur lui un regard bienveillant, sincère et libre.
 
Il faut tout de même faire cet aparté, car Villepin a honoré la France par son courage devant l'ONU en se cabrant dans un beau texte contre l'oukaze du mensonge, ce qui lui vaut une reconnaissance éclairée.
 
Ces préliminaires achevés, venons-en au fait : Azouz Begag (c'est là qu'on aimerait en avoir lu un peu plus sur lui, j'avoue ne pas le connaître bien), au fond, fait un portrait naïf de lui-même qui peut rappeler les romans ou les films qui, il n'y a pas si longtemps, narraient la "montée à Paris" d'un petit provincial, tout ébahi, tout benêt, tout gentil, au milieu du vrombissement de la grande ville.
 
Oui, il y a quelque chose du "Fauteuil d'orchestre" de Danièle Thompson, dans le livre d'Azouz Begag, et quelque chose de Cécile de France dans le personnage qu'il met en scène sous l'identité de lui-même.
 
Mais bien sûr, la comparaison s'arrête là, car le film est un bon divertissement, alors que le livre est un puissant témoignage.
 
L'aventure débute d'une façon étrange : il rencontre Villepin à la foire du livre de Brives, Villepin n'est encore que ministre des Affaires Étrangères, et quelques mois plus tard, le même DDV (selon ses initiales) le propulse ministre. Un faux ministre, ou plutôt un vrai, mais un qu'on ne respecte pas dans le milieu politique : un ministre sans administration ni budget.
 
Or chacun sait que ce sont les deux nerfs de la bataille politique, les deux enjeux majeurs des disputes âpres que se livrent les ministres dans les coulisses.
 
J'ai personnellement le souvenir d'un sous-ministre qui, en 1995, se réjouissait d'avoir arraché deux directions d'administration centrale cruciales du ministère de l'Intérieur pour composer son sous-ministère. Résultat : il n'est pas resté six mois, la structure s'est vengée.
 
Là encore, la bonne volonté de Villepin n'est pas, à mon avis, en cause : il avait dû rêver d'une autre vie à Matignon. J'écris ces mots avec le souvenir de confidences faites par Raymond Barre au groupe de jeunes centristes dont je faisais partie, à la fin de l'été 1987 : il expliquait la vie harassante d'un premier-ministre, trois journées de travail en une, celle de l'inaugurateur de chrysanthèmes (disons la journée protocolaire), celle du chef de l'administration de l'État et celle du chef de la majorité politique. Barre avait tordu le cou au protocole pour pouvoir s'en sortir.
 
Le voici donc nanti d'un bureau, c'est un bon début. Le récit de la composition de son cabinet est un poème tragique.
 
Puis vient ce que j'évoquais hier : l'indélicatesse du milieu, un affreux panier de crabes. Donnedieu de Vabres l'invite pour une réunion et le fait poireauter pendant une demi-heure dans l'antichambre. Douste le reçoit au bout d'une heure d'attente après lui avoir bien montré qu'il recevait entre-temps un homme qui était son candidat à lui, Douste, pour le ministère ectoplasmique que lui, Begag, occupait. Et ainsi de suite.
 
Ce qu'on lui reproche ? Être un affidé de Villepin.
 
Car toute la politique en France n'est faite que de coteries, de clans, de féodalités, de bandes, de gangs, et, comme chantait Renaud autrefois, "casse-toi tu pues, t'es pas d'ma bande" dès qu'on déborde du cadre.
 
Or Azouz Begag, je ne crois vraiment pas que ce soit une posture, toujours, partout, déborde du cadre. Pas comme Tapie par sa vulgarité encombrante, mais par sa liberté modeste. Begag est quelqu'un qui se laisse longtemps marcher sur les pieds avant de se venger.
 
Seulement, le jour où il décide de se braquer, il ne change pas d'idée.
 
Le portrait qu'il brosse de Sarko est un flacon de vitriol, on l'a déjà lu dans la presse, mais dans son contexte, c'est encore plus fort.
 
Le goût et le talent de l'écrivain font le reste d'un récit, celui d'un naufrage où le surmenage finit par vaincre l'insurmontable angoisse qui l'étreint dès le début de la période. Naufrage ? Pas sûr.
 
Azouz Begag a beaucoup fait pour la République et pour ses petits frères des banlieues lyonnaises. Il a écrit et il a milité dans les milieux associatifs. Son passage parmi les requins gouvernementaux l'a mis en situation de défi : il veut relever le gant qu'on lui a jeté en l'insultant et en le méprisant. Ses deux vies vont donc coïncider dans un engagement électif, si ce que j'ai entendu est vrai.
 
On dit que l'UDF (ou le parti démocrate) pourrait l'investir pour une circonscription lyonnaise lors des prochaines élections législatives. S'il entre à l'Assemblée, il y aura de quoi se régaler du récit qu'il en tirera. Libre.
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15/04/2007

Campagne du dimanche.

J'ai entendu, ce matin, dire successivement (mais par des personnes différentes) que François Bayrou était jésuite, opus dei (difficile pourtant de concilier les deux), vendu aux francs-maçons (ça, c'était un peu "sortie de messe" perturbée par Sarko et la sciento), bref, c'est tout juste si je ne l'ai pas entendu taxer de lepéniste par... je ne sais qui, et de communiste par les sarko toujours en veine de gracieusetés.
 
J'ai vu un vieillard guilleret passer en faisant un V des doigts qu'il illustrait d'un "Vive de Gaulle".
 
La droite est nerveuse, l'alliance avec le FN, les rumeurs sur Sarko, tout cela les déstabilise malgré tout, malgré cette invraisemblable faculté qu'ont les gens de la vraie droite à se vidanger la cervelle quand ça les arrange.
 
Dans le quartier où je me trouvais, beaucoup de logements dits sociaux de la Ville de Paris ont été attribués à des militants politiques lors des mandatures précédentes. Logiquement, ceux-ci forment un semblant de société civile locale, en fait tout acquise à leur cause.
 
Le terrain est cependant toujours excellent. Les sondages le traduiront certainement ; pour le moment, on sent qu'ils effraient quand même un peu une partie de l'électorat, qu'il serait bon de conforter. Et je suis persuadé qu'on va voir de nouveaux sondages de Bayrou en hausse. Tant mieux.

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14/04/2007

Encore la campagne...

Les rumeurs continuent.
 
On dit que l'épouse d'un candidat dont j'ai parlé avant-hier serait repartie jeudi pour les États-Unis, ce qui accréditerait les précédentes rumeurs dont j'ai fait état. Quel feuilleton.
 
J'ai lu avec grand intérêt les différents et récents propos de Michel Rocard. Voilà un honnête homme. Voilà un esprit libre.
 
On a aussi lu que Bernard Kouchner l'approuvait. C'est un homme de bien.
 
Tout bouge, tout vibre.
 
Une promenade dans Paris aujourd'hui, revêtu d'un tee-shirt orange, m'a valu le plaisir des sourires de tous les horizons sur Bayrou. Étonnant comme il attire la sympathie. J'ai lu qu'il obtenait 31% d'intentions de vote chez les cadres, et j'ai constaté ce chiffre dans cette promenade sur 13km, donc sur un espace très étendu, mais j'ai vu aussi des sourires sur des visages tellement plus modestes, parfois, que je reste confondu de l'espoir qu'il soulève chez ceux qui en ont le plus besoin. Et des commerçants qui me réclamaient son programme sous l'oeil amusé de leurs clients, des passants qui s'arrêtaient pour nous parler de la campagne sur Internet comme si, bayrouistes, nous étions forcément branchés sur la Toile. Par chance (?) c'était vrai. Quel moment merveilleux.
 
C'est simple : en partant, je lisais le sondage Ipsos à 17,5 et en rentrant, celui de CSA à 21, comme si le succès de la promenade se lisait aussitôt dans les sondages. L'écart entre Bayrou et Ségo oscille entre 2 et 6,5 points. Affaire à suivre.
 
J'ai acheté le livre de Begag et ai commencé sa lecture. Il est confondant. J'ai eu la même impression que lui sur l'indélicatesse profonde du milieu politique, sur sa cruauté, lorsque j'étais élu. Je vais dévorer la suite et j'en parlerai, demain j'espère.
 
Cette semaine a été cruelle pour les gens de l'intelligence : Etchegoyen, ministrable de Bayrou.
 
Comme l'écrivait Victor Hugo, "Le destin est sévère, soyons lui indulgent : ce qui est noir n'est peut-être qu'obscur".
 
Personnellement, je verrais l'émergence d'un grand parti central, équilibré à bâbord comme à tribord, d'un oeil joyeux. 
 
Encore quelques jours avant ce satané premier tour. Il reste tant de cartes à dévoiler.
 
Vive la liberté.

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13/04/2007

Victor Hugo, la conscience et le social.

Le XIXe siècle est habité par la double réflexion sur les causes de la Révolution française et de la souffrance du peuple, les deux étant d'ailleurs finalement liées.
 
Plusieurs opinions se confrontent et donnent naissance à des courants politiques.
 
Un premier groupe de courants politiques considère, avec Rousseau, que le mal vient de l'organisation de la société. On peut parler, pour schématiser, d'une explication sociale des misères. Logiquement, ces penseurs jugent qu'il faut modifier l'organisation de la société pour remédier aux maux du peuple.
 
Disons qu'il s'agit des socialismes. Parmi eux, les courants fouriériste, saint-simonien et autres, jusqu'à l'invention marxiste qui bouleverse la donne en proposant une doctrine plus structurée, dont les effrayantes limites sont apparues à l'épreuve des faits.
 
Pour d'autres, l'organisation de la société est en cause, mais pas seulement : il faut y ajouter la dynamique particulière de l'esprit humain.
 
Dans cette seconde catégorie se rangent d'abord les sociaux-chrétiens, disons pour faire simple encore trois noms : Lamennais, Lacordaire et Ozanam.
 
Ils croient que ce sont d'abord les travers humains (voire les fautes) qui causent les maux du peuple. Il faut donc à la fois améliorer l'organisation sociale et pousser les gens à se montrer meilleurs.
 
Il y a une phrase de Lacordaire que j'aime bien :
 
"Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit". 
 
Elle dit bien le rôle de la loi, donc de l'organisation sociale.
 
Elle met aussi l'accent sur le conflit d'intérêts qui est, dans la réalité, le moteur des maux.
 
À ce moteur, Tocqueville propose un frein : la notion d'intérêt "bien entendu" ; soit ce qu'il y a de mon intérêt dans celui de mon voisin. C'est un pas considérable.
 
Lamartine, comme toujours, glisse alors son grain de sel avec son habituel rationnalisme teinté de christianisme (mais en nette délicatesse avec la hiérarchie cléricale) et c'est finalement Victor Hugo qui, comme toujours, trouve la synthèse :
 
Il s'agit de la conscience.
 
Conscience du chef de l'entreprise, conscience aussi de l'humble lorsqu'il est éclairé. Il ajoute bien entendu que seul le savoir, seule l'éducation, fournit l'éclairage nécessaire qui permet à la conscience de trancher en bonne connaissance de cause.
 
Cet effort de la conscience garantit contre les abus et les préjugés. Il replace les malfaisants (prostituées, voleurs de pain...) en victimes et établit un nouveau paysage économique et moral où l'homme s'épanouit mieux.
 
La conscience contre la misère ? Il fallait y penser. 

Pauvre de Gaulle.

Faisons une séquence historique.
 
En 1956, à la suite de la nationalisation du canal de Suez, les Français et les Anglais, dépossédés tous deux par Nasser, lancent une opération militaire en Égypte pour protéger leur canal. 
 
Aussitôt, les Soviétiques interviennent et menacent d'employer la bombe atomique contre les deux puissances si celles-ci ne se retirent pas au plus vite.
 
Les États-Unis consultés disent que les possessions des Européens hors d'Europe ne sont pas couvertes par le traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et qu'ils ne garantissent donc pas les Européens contre les menaces russes.
 
Le Royaume-Uni choisit donc de reculer et la France, qui ne possède pas la bombe, est contrainte de se retirer.
 
Accessoirement, elle vient de perdre en fait la guerre d'Algérie qui va cependant continuer plus de cinq ans.
 
Toujours est-il que, atteinte dans ses objectifs les plus stratégiques, la France vient de constater l'impuissance de ses alliances. De là l'appui des milieux de la souveraineté au coup d'État de mai 1958.
 
Car depuis les lendemains du désastre de Suez, la France construit sa propre bombe nucléaire. Et il se trouve qu'elle a besoin du Sahara algérien pour l'expérimenter. Il faut un pouvoir fort pour gérer cette nécessité. On va voir se dessiner, dans la stratégie gaullienne du conflit algérien, l'objectif particulier du Sahara.
 
Et c'est dans le désert algérien que, quelques années après l'indépendance, la France gaullienne expérimente sa première bombe atomique avec succès.
 
De Gaulle a garanti les premiers essais nucléaires à l'air libre de notre première arme atomique (vivement qu'on n'ait plus besoin de cette arme effrayante même sous forme de menace).
 
Puis, le monde sachant que la France désormais compte parmi les puissances nucléaires, de Gaulle, bien sûr animé par ses propres préventions à l'encontre des Américains, mais également sur le constat que ceux-ci nous ont fait une inélégance dans l'affaire de Suez, annonce que la France quitte le commandement militaire intégré de l'OTAN.
 
Les États-Unis ont marqué les limites de leur soutien, nous marquons les limites du nôtre.
 
Bien entendu, les Américains sont furieux et décident d'agiter tous leurs réseaux en France contre de Gaulle (à partir donc de 1966).
 
En fin de compte, celui-ci quitte le pouvoir.
 
Et c'est seulement en 1970 que la colère s'éteint, lorsque Nixon vient s'incliner sur la dépouille de de Gaulle lors de ses obsèques, Kissinger glisse à l'oreille de Pompidou : "Le président Nixon considère que la bombe nucléaire française est un fait", ce qui, en termes diplomatiques, signifie que l'incident est clos : la France est tolérée comme puissance nucléaire puisqu'elle a accepté l'entrée de l'Angleterre dans l'organisation européenne.
 
Voilà.
 
Voilà le vrai visage d'une séquence historique qui nous rappelle que, si l'Amérique est, reste et restera notre amie, notre alliée en démocratie et en République, nous ne devons en aucun cas vivre agenouillés devant elle : il n'est d'amitié qu'entre libres.
 
Et je dis ça sans défendre une vision coloniale, on s'en doute, ni faire une propagande excessive pour l'usage de l'arme atomique, bien sûr aussi. La question est seulement que tant que nous n'aurons pas un gouvernement mondial, des règles simples et universelles (et appliquées) et une protection des états faibles contre les abus léonins des états forts, nous avons le devoir de militer pour notre indépendance et celle de tous les autres peuples, en particulier des démocraties.
 
Or la roue a tourné : les héritiers du gaullisme sont atlantistes (pauvre de Gaulle !) et ceux du centrisme militent pour l'indépendance et la dignité. Toujours plus amicaux des États-Unis, mais toujours en liberté.
 
N'y a-t-il pas aujourd'hui une majorité d'Américains qui pensent que la guerre en Irak était une erreur ? Nos amis démocrates américains ne le pensent-ils pas eux-mêmes ?
 
Alors quand j'entends que Sarko envisage de nommer pour premier ministre Fillon, je crie, je me scandalise. Car ledit Fillon, dans les années 1990, a présidé un organisme de nature associative basé à Paris, le CASE. Objet de cette organisation ? Promouvoir l'amitié franco-américaine. On voit ce que cela signifie.
 
Autrement dit, Sarko, c'est un mille-feuilles où toutes les couches s'appellent ultradroite américaine : une couche de pâte-feuilletée Bush, une couche de crème pâtissière Cheney, etc.
 
Et c'est cela qu'il faudrait élire ?
 
Pas moi.
 
Et je sais que beaucoup d'autres non plus, jusque dans l'UMP, à preuve l'engagement du journaliste et blogueur Christophe Carignano pour l'union nationale voulue par Bayrou.
 
Allons, de Gaulle, tranquillise-toi : tous tes petits-fils ne t'ont pas oublié. 

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Besancenot travaille-t-il pour Sarko ?

Des sans-papiers ont envahi la modeste pelouse intérieure du siège de l'UDF cet après-midi. Parmi eux, un jeune Français qui, ne résistant pas au charme d'une délicieuse jeune UDF, a fini par avouer qu'il était du parti de Bresancenot.
 
Ils avaient une banderole condamnant (comme nous) le ministère de l'identité nationale et nous expliquaient que, sans-papiers, ils payaient leurs impôts. Interrogé par curiosité par l'irrésistible jeune femme de l'UDF en question, l'un d'eux a expliqué qu'il payait ses impôts et qu'il se sentait intégré. Hélas, il travaille surtout au noir et ne déclare que 500 à 600 euros par mois. Il a onc reconnu ne pas payer l'IRPP auquel il ne peut être assujetti, ni d'ailleurs, au fond, les autres impôts, mais seulement l'EDF, le téléphone etc.
 
Il a donc menti. Perso, je pense qu'il était sincère et tentait juste de présenter son dossier sous le meilleur jour possible. Mais ... et s'il s'agissait d'une manip le jour même où Rocard lance son appel en direction du rapprochement entre centre et PS ?
 
Et si Besancenot n'était plus qu'un instrument de Sarko pour inventer son 2e tour idéal Sarko-Le Pen ?

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12/04/2007

Fin de campagne, rumeurs, retour du social, Bayrou tient bon.

Voici qu'approche le scrutin attendu depuis des mois.
 
On a vu des rumeurs étranges circuler sur Internet, un candidat aurait dévasté son propre appartement et cassé la gueule à sa propre femme, les Renseignements généraux prédiraient un 2d tour Bayrou-Le Pen, les instituts de sondage s'époumonent autour d'une opinion publique volatile, on lit de tout, de toutes les prévisions à toutes les prédictions, les prophètes naissent à toutes les pages, bref, c'est extravagant, c'est ma quatrième campagne présidentielle active et je n'ai jamais vu ça. On dirait qu'une comète est passée au-dessus de la terre et que, comme on le croyait au Moyen Âge, elle a rendu tout le monde fou.
 
On dit que l'actuel président a conclu un accord avec son ministre de l'intérieur, mais celui-ci n'ayant aucune parole, on s'attend à ce qu'il s'en tienne à des propos généraux jusqu'à l'élection, avant de naturellement déchirer l'accord en question sans émotion.
 
On se lamente à gauche sur la montée des six (!) candidats de l'extrême gauche qui pourraient éroder le capital apparemment solide de la candidate socialiste (dont la courbe est cependant en baisse constante) jusqu'à un imprévisible abysse. On revient un peu sur le social, plutôt oublié depuis quelque temps.
 
On murmure que le sectarisme de Sarko va prendre un tour nouveau à base d'idées que la science réprouve et que les Églises condamnent autant que les observateurs avertis et laïcs.
 
On voit aussi Bayrou poursuivre ses opérations séduction tous azimuts et faire salle comble de ville en ville, au point d'exploser le budget initial de sa campagne.
 
J'ai eu l'occasion de visiter hier son QG virtuel dans un monde animé plutôt amusant nommé Second Life ou Seconde Vie (un lieu nommé Lucid Dream). On y rencontre des personnages virtuels qui sont des internautes en 3D et avec qui on peut parler en direct. Encore plus vivant et interactif qu'un blog et l'anonymat garantit de toutes les inhibitions idéologiques. Vive la liberté.
 
On me dit qu'une liste des ministrables de Bayrou circule mais je ne l'ai pas encore lue. 
 
Bref, encore des découvertes. Il fait beau, on peut s'attarder à bavarder dans la vraie vie aussi, la sympathie qu'inspire Bayrou est énorme, je n'ai pas vu autant de sourires sur les visages depuis "Mangez des pommes" en 1995.
 
Pourvu que ce soit de bon augure.

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11/04/2007

François Villon d'un galop.

Évidemment, on ne peut plus dissocier Villon de Brassens depuis la somptueuse adaptation par le second de la "Ballade des dame du temps jadis" du premier.

Il faut dire que François de Moncorbier, alias des Loges alias Villon, a de quoi réjouir le maître sétois : existence sulfureuse, goût de la luxure et de la mauvaise vie, menus larcins (voire banditisme pur et simple), tout cela égaie le palais anar de Brassens.

Le XVe siècle, époque que je connais un peu par ailleurs, est particulièrement secoué et les carrières doivent y être difficiles. Les petits clercs vivotent et souffrent. Ils se laissent gagner par les idées noires, tout cela est chez Villon.

Ce qui reste évidemment énigmatique, c'est sa double nature d'ami de quelques puissants et d'associé de personnages très obscurs, voire sombres. On croit toucher du doigt certaines vérités de toutes époques sur le goût des relations troubles, sur le rôle ambigu des intermédiaires, peut-être sur des réseaux douteux.

Et si l'on ne savait pas encore l'essentiel sur Villon ? 

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10/04/2007

Un mot de Mauriac.

Il y a des écrivains militants, un peu cerbères, j'en fais partie de temps à autre et Mauriac en son temps aussi.

Pourtant, je n'ai pas envie de parler ce soir, dans cette courte note, de cette partie de son oeuvre.

Je pense au "Noeud de vipères". C'est un pamphlet très violent contre les choses de la famille. J'ai eu l'occasion de le lire il y a déjà longtemps, sans d'ailleurs perdre mon propre goût de la famille.
 
J'ai entendu dire (et c'était mon court propos du soir) que Mauriac avait écrit ce texte après avoir pesté un certain nombre de matin d'affilée devant la porte de sa salle de bains encombrée des différents membres de sa maisonnée. Voilà, c'était ma petite réflexion sur les mécanismes de la création. Mais la famille, moi, j'aime. 

 

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À propos des sondages.

Pris sur le site Marianne2007 aujourd'hui.

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Cela étant dit, un bon sondage, ça fait toujours plaisir.

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09/04/2007

L'arrivée spectaculaire de Victor Hugo en Espagne.

Le général Hugo dirigeait une province de l'Espagne occupée. Il dirigeait moins sa femme.

Ce couple était en vérité aussi mal assorti que celui du colonel Chabert. La "mère vendéenne", le "père vieux soldat", l'une de l'ouest, l'autre de l'est, l'une attachée aux idées d'Ancien Régime et à un certain Faneau de Lahorie et l'autre à une certaine idée de la République.

De temps à autre, ce couple volcanique se rabibochait. La femme rejoignait son mari.

Ainsi en fut-il en cette année (1805 ou 1806, je ne sais plus). Une garde de plusieurs milliers d'hommes se présenta à la frontière franco-espagnole, côté espagnol, non loin du col de Roncevaux et je crois près d'un poste frontière nommé Torrequemada dont Hugo retrouva le nom pour son inquisiteur.

Les deux fils Hugo (Victor avait un frère, qui périt fou dans un asile) furent déposés dans une immense calèche tirée par huit ou dix chevaux. Puis l'attelage somptueux, digne d'un prince, se mit en branle, au milieu de son armée d'escorte. Déjà dans l'enfance, tout ce qui concernait Victor Hugo virait instantanément au gigantisme.

Évidemment, après ça, on ne peut pas s'étonner... 

20:40 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture, littérature, poésie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

08/04/2007

Pourquoi Monte-Christo est-il mon Dumas préféré ?

Il y a des livres qui traînent sur une table pendant des années. "Le comte de Monte-Christo" m'a fait ça.
 
Il ne s'éloignait jamais, ne disparaissait pas tout à fait, ne s'ouvrait cependant pas, ne me faisait pas de l'oeil, mais il se posait toujours sur une pile ou sur une table.
 
Un soir, n'ayant rien d'autre sous la main, je l'ai ouvert.
 
"Fantomas" m'a fait le même coup.
 
Et je n'ai pas pu le refermer.
 
De l'attente du "Pharaon", ce bateau perdu qui évoque "Le marchand de Venise" de Shakespeare, jusqu'au départ du ténébreux comte de Monte-Christo vers l'Orient, des années plus tard, tout m'a emporté.
 
Comment ne pas s'émouvoir pour Mercedes ? Comment ne pas se lamenter avec le négociant modeste et honnête dont les espoirs s'envolent ? Comment ne pas s'indigner des procédés du procureur Noirtier dit de Villefort ?
 
L'action est sombre et amère, les personnages profondément humains, quelle que soit leur attitude, perfide ou chevaleresque, courageuse ou couarde, cupide ou généreuse, ils vivent car n'importe qui peut comprendre leurs qualités et leurs défauts.
 
Ils n'ont pas les débats de conscience de ceux de Victor Hugo ; ils ne sont pas contrastés comme Javert ou Phébus ou même Quasimodo. Ils sont dominés par un penchant et les actes qu'ils commettent dessinent a posteriori les contours de leur personnalité. Pas de problème cornélien, si cher à Hugo, chez Dumas : rien que la loi qui veut que l'on tombe toujours du côté où l'on penche. Plus de fatalité donc que de liberté.
 
Il n'y a que trois moments où la dimension morale soit interrogée : le premier quand le procureur de Villefort pourrait libérer Dantès et ne le fait pas après un léger (très léger) temps de réflexion ; le deuxième quand l'ancien ami de Dantès devenu aubergiste (son nom m'échappe au moment où j'écris) pourrait se contenter du diamant apporté par le faux abbé de la part de Monte-Christo (récompense de gestes d'humanité autrefois accordés par l'aubergiste au père de Dantès) et où sa femme le convainc qu'il faut au contraire le détrousser pour sortir des difficultés matérielles qui s'accumulent contre eux ; le troisième quand Mercedes devenue comtesse de Mortserf vient implorer la clémence pour son fils.
 
Trois doutes en mille pages de vilenies et de vengeances, c'est peu. Et pourtant, Monte-Christo n'est pas un roman manichéen. Comme toujours, la complexité, chez Dumas, s'immisce là où on ne l'attend pas, par le simple fait que les personnages sont humains et que leur humanité les rend fragiles devant la vengeance et la punition.
 
Et finalement, Monte-Christo ne savoure pas sa revanche. Il l'accomplit dans une idée de jugement qui est la vraie problématique morale du livre : justice immanente et vengeance ? Quel mélange.
 
Puis il s'éloigne, enfin deux fois libre.
 
Libre ? vraiment ? après toute cette vie gâchée ?
 
Comme "Le Cousin Pons" est le plus noir des Balzac, "Monte-Christo" est le plus noir et le plus pessimiste des Dumas. On croit déjà y lire les phrases désabusées du capitaine Némo, personnage central de Jules Verne, disciple de Dumas.
 
C'est la force du propos du livre, qui libère certaines des tensions que nous subissons devant les duretés de la vie. Un peu comme la BD et le film "V pour Vendetta". Les salauds ne l'emporteront pas en paradis. D'autant moins qu'il n'y a pas de paradis, d'ailleurs.

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07/04/2007

Victor Hugo et les mots de la mort.

Plusieurs idées hantent Victor Hugo : la virginité, la fatalité, les puissances invisibles, la liberté, l'aliénation religieuse, d'autres, et enfin la dernière : la mort.
 
Il ne l'évoque pas toujours d'une façon frontale. On songe par exemple au squelette de Quasimodo retrouvé cramponné à celui d'Esmeralda : lorsqu'on le touche, il tombe en poussière, sorte de mort après la mort.
 
La fin tragique de sa fille lui fait écrire des poèmes déchirants, des espoirs de consolation, des rêveries désolantes.
 
On pense aussi à ses tables tournantes qui, fait curieux, font aussi parler des vivants...
 
Mais en fin de compte, c'est la mise en scène poétique du trépas qui l'habite. On en trouve des versions sublimes dans la Légende des Siècles. On est aussi ému par le quatrain qui termine en épitaphe "Les Misérables" et qui commence, je crois, par "La chose simplement arriva" et se conclut par un très bel alexandrin :
 
"Comme la nuit se fait lorsque le jour s'en va".
 
Y a-t-il trace d'une angoisse de la façon dont lui-même mourra ? Ce roman paraît alors qu'il atteint la soixantaine.
 
Qui sait ?
 
Quant à son tout dernier vers, ses douze derniers pieds de poésie, il est probable qu'il l'a composé très en amont pour qu'on le lui attribue sur son lit de mort : depuis plusieurs années, il est amoindri.
 
Et cependant, les automatismes du génie sont tels...
 
Alors, info ou intox ? Le voici, ce dernier vers somptueux, dernière étoile de la myriade :
 
"C'est ici le combat du jour et de la nuit".
 
De quoi donner presque envie de mourir, juste pour voir si c'est vrai, et qui gagne...

23:05 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : écriture, littérature, poésie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

L'épopée des Rois Maudits.

À l'âge de sept ans, j'adorais déjà l'Histoire. C'est pourquoi on m'a laissé veiller tard pour regarder "Les Rois maudits" à la télévision.

 

Je n'avouerai pas ici que j'étais déjà excité par les douceurs féminines entrevues ici ou là dans la série de téléfilms. On en voyait moins alors qu'aujourd'hui, surtout pour un petit garçon comme moi, et le parfum de l'interdit augmentait le vif plaisir que je prenais au spectacle théâtral et emphatique que nous livraient des comédiens déchaînés revêtus de couleurs presque fluo et faisant cliqueter toute la bimbeloterie de l'imagerie médiévale. 

 

On sait que le flamboyant Robert d'Artois, incarné par un Jean Piat empanaché d'écarlate, tirait toute la couverture à lui, mais on se souvient aussi du mielleux Louis Seigner, de l'âpre et altière Hélène Duc, du marmoréen Georges Marchal, bref de toute une troupe qui déambulait dans des décors à peine ébauchés, faute de moyens, dont le dépouillement aboutissait à l'épure, au rythme de la voix impérieuse d'un narrateur glacé.

 

Réussite telle que les Anglais, peu de temps plus tard, firent le pendant Plantagenêt de cette épopée, en conservant tous les codes visuels.

 

Quelques années plus tard, comme décidément j'aimais le Moyen Âge, on m'offrit les sept tomes signés (on dit qu'il ne les a pas écrits seul, info qu'il dément plus ou moins) par l'inusable Maurice Druon, neveu du grand Joseph Kessel.

 

Les livres ont une grande qualité: la clarté. Ils sont moins grandiloquents que les films (mais la grandiloquence est un des plaisirs du spectacle télévisuel) et exposent avec énergie et autorité des faits, parfois supposés, toujours impressionnants. Les personnages sont taillés dans le granit. On y croit.

 

Rappelons-nous qu'il s'agit de la confiscation des biens des Templiers par le roi de France Philippe le Bel, et de tous les événements qui s'ensuivent jusqu'un peu après le déclenchement de la guerre de Cent Ans.

 

Les rivalités politiques sont à vif, on joue avec l'idée de personnages authentiques, on savoure l'idée qu'ils pourraient avoir ressemblé à leur double de papier.

 

Et il faut reconnaître que l'intrigue est forte et les sentiments violents. On traverse un monde brutal, à vif. On s'y croit. Vraiment une bonne lecture de vacances.

 

On n'est pas sûr que ne se glisse pas dans le texte, ici ou là, des messages pour initiés, mais tant pis, on fait ce qu'on peut et on lit, au premier degré, simplement libre. 

19:55 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture, littérature, poésie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

06/04/2007

Ah, "Notre-Dame de Paris" !

J'ai lu le premier roman réussi de Victor Hugo en Allemagne. Je me trouvais en Bade-Wurtemberg, tout près de la frontière française. L'atmosphère y était curieuse : on nous y envoyait pour une immersion linguistique, mais... c'était une ville de garnison de l'occupation française et tous les commerçants, lorsque je m'adressais à eux avec mon allemand de quatorze ans, me répondaient aussitôt en français. On a vu immersion plus efficace... Cela dit, l'année suivante, on m'a envoyé en Souabe, dont le langage ressemble au bavarrois, c'est-à-dire à quelque chose d'incompréhensible. J'y étais hébergé par un vieux juge dont le nom sonnait juif, mais qui récitait le benedicite avant de passer à table ; pour pouvoir se comprendre, on se parlait en latin. Bref...

Dans cet été 1979, j'ai lu "Notre-Dame de Paris".

Rien ne peut ressembler à ce roman.

La première phrase est un coup de canon qui se termine par les mots : "la triple enceinte de la cité, de la ville et de l'université". En quelques syllabes, Hugo fait la synthèse de Paris médiéval. Trois morceaux : la Cité, qui comprend les palais royaux et l'embryon du gouvernement, la chancellerie royale, les cours de justice, superposées aux installations gallo-romaines ; la ville, rive droite, toute l'industrie, le négoce, la part laborieuse et marchande ; l'université, rive gauche, les intellectuels, ce qu'on nomme encore le Quartier latin. Tout est dit.

Puis tout le début est un mouvement vers un événement improbable, l'élection du Pape des Fous, un mélange de fêtes réellement médiévales et parisiennes, l'élection du Pape des Rois et celle du Roi des Fous.

On se promène dans une foule qui marche dans le froid vers le palais royal (la Conciergerie à Paris, dans l'île de la Cité).

On croit les voir. Comme on connaît le cinéma, on pense à un incroyable plan-séquence, digne d'Orson Welles, ou à un travelling géant.

Puis apparaît Quasimodo et on sait que le roman ira très loin. À ce propos, il faut citer une anecdote qui concerne le comédien Jean Saudray, un quatrième couteau très répandu dans le cinéma français des années 1970. Lorsqu'il était sur scène, quand on le rencontrait pour la première fois, tout le monde, d'après les témoignages, lui disait : "oh, quel formidable maquillage tu t'es fait faire" ; or ce maquillage horrible, c'était son visage.

Et semblable aventure arrive à Quasimodo : on le présente comme candidat pour l'élection du Pape des Fous. Moyen du concours : faire la plus belle grimace. D'extraordinaires compétiteurs s'y emploient, tous plus ou moins applaudis. Et voilà que soudain apparaît à travers la lucarne une grimace épouvantable, inimaginable, au point que, d'avis commun, il n'est plus besoin de poursuivre le concours : il a gagné. Or la grimace répugnante que Quasimodo présente, c'est son visage.

Là encore, tout est dit.

La scène la plus incroyable du livre est celle du jugement de Quasimodo. On dit souvent que la justice est aveugle, phrase qu'on prendra avec précaution, mais il se trouve que le juge qui préside est sourd, absolument sourd, et par une coquetterie compréhensible, qu'il cache cette infirmité.

Or Quasimodo, sonneur de cloches de la cathédrale Notre-Dame, a été rendu tout aussi sourd par l'effrayant vacarme du bourdon de bronze qu'il côtoie jour après jour.

Voici donc au sens propre un dialogue de sourds.

Le juge interroge Quasimodo. Celui-ci ne voit pas qu'on lui parle et n'entend pas, forcément. Il ne répond rien.

Mais le juge ignore qu'il n'a rien répondu. Il pose donc une deuxième question, tout aussi inefficace.

Le public commence à s'amuser de la scène et le juge finit par s'apercevoir qu'on se moque de lui. Il s'imagine que Quasimodo le raille. Il le tance.

Or Quasimodo, comprenant finalement où l'on est et ce qu'on y fait probablement, se décide à décliner son identité, réponse à la toute première question du juge, qu'on ne lui pose plus.

Redoublement d'hilarité. La scène est une délectation. Il est heureux que les juges soient meilleurs aujourd'hui qu'en ces temps.

L'autre morceau de bravoure est un tunnel d'une soixantaine de pages intitulé "Paris à vol d'oiseau au XVe siècle". C'est une vision. On se retrouve posé sur le dos de l'oiseau comme dans un dessin animé et on survole Paris, ses toits pentus, ses cheminées fumantes, ses mâchicoulis gothiques. Absolument hallucinant.

Là encore, une synthèse prodigieuse : Paris est enceint d'une chaîne de couvents et dans cette chaîne, un seul maillon sombre : la cour des miracles. Et tout à l'avenant. En lisant, on a envie de se lever pour applaudir.

Et puis, bien sûr, l'histoire est belle, Esmeralda, le tortueux archidiacre Frollo, le lâche poète Phébus, les ruelles sombres, les ponts de bois. On en aurait presque envie de vivre au Moyen Âge. Et pourtant, ça ne devait pas être bien confortable.

Allons, je vous quitte : je cours le relire.

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05/04/2007

Mlle de Scudéry déborde de sa carte du tendre.

On connaît Clélie. Enfin, on connaît parfois Clélie : la langue du Grand Siècle est devenue obscure au plus grand nombre. Ce qu'on en retient au mieux, c'est la Carte du Tendre, supposée guider le coeur épris vers les délices et lui éviter de s'enliser dans les sables mouvants de l'amitié.

Et pourtant, la Scudéry vaut mieux que cette oeuvre d'ailleurs curieuse.

Tout d'abord, parce qu'elle et ses amies ont inspiré Molière et ses "Précieuses ridicules". Mais aussi, parce que ces femmes ont incarné un véritable mouvement intellectuel, non dénué de défauts et de ... ridicules, mais capable aussi de modernité.

Le milieu du XVIIe siècle est un temps d'effervescence politique qui permet quelques libertés. Le grand roman de la Scudéry qui paraît à cette époque-là (Artamène ou le Grand Cyrus) est marqué par ce relâchement de la censure et on y découvre des allusions claires à l'actualité.

Du reste, les romans de cette auteure sont en général inspirés de personnages alors connus de tous, ce qu'on nomme des romans à clef.

Elle en produit plusieurs, tous longs, quelquefois très longs, et dont certains demeurent lisibles sans effort. Leur style est élégant et clair.

Il faut signaler que la psychologie et les émotions apparaissent avec une grande modernité dans ces textes qui forment l'un des premiers maillons de la chaîne du roman réaliste français.

Rien que pour ce fait d'armes (à quoi s'ajoute un prix d'éloquence de l'Académie française, si rare pour une femme...), il faut tirer son chapeau à Magdeleine de Scudéry. Sans oublier que sa vie interminable traverse tout le siècle : née en 1607, elle meurt en 1701. Et, septuagénaire déjà bien avancée, elle écrit encore.

Et enfin, c'est une femme de conviction : on la surnomme Sappho, elle milite contre le mariage qu'elle vilipende avec un grand engagement, et elle-même reste célibataire jusqu'au bout.

Dommage sans aucun doute pour nous, les hommes, mais chapeau bas, et il nous en reste heureusement d'autres.

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