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20/05/2007

Les failles de la façade gouvernementale.

Disons-le simplement : Sarkozy a fait une campagne efficace et le gouvernement qu'il vient de faire présenter par l'entremise de François Fillon est à l'image de sa campagne : habile.
 
Fillon lui-même a peu d'ennemis, dans l'existence, sauf Villepin et les prof. Villepin est parti et les prof se préparent à la résistance. Ses amis les plus influents sont outre-Atlantique.
 
Juppé, vieux grognard du chiraquisme, ex-hussard dégradé par la justice, condamné pour diverses affaires où il n'était qu'un subordonné, exilé, revenu, réélu par une majorité confortable d'un électorat faiblement mobilisé, bref, une personnalité désormais complexe, marquée, mais qui a tout de même, on s'en souvient, incarné la rigidité d'une politique très mal acceptée en 1995.
 
La dureté du conflit a certainement précipité l'échec de Chirac en 1997 mais elle a aussi conduit à creuser le fossé entre la gauche des corporatismes et le reste de la population. Dans une certaine mesure, elle a préparé la fuite des électeurs socialistes vers Sarkozy et vers Bayrou à laquelle on vient d'assister.
 
Pour Sarkozy, nommer Juppé numéro deux du gouvernement revêt donc un caractère programmatique : cette fois, imposer les réformes qu'il n'a pas pu mener à leur terme en 1995. La revanche.
 
Le portefeuille écolo est en apparence conforme au pacte de Nicolas Hulot. La vérité sera attendue avec prudence.
 
Borloo, aux finances, n'est qu'un leurre : il n'a pas les directions les plus importantes de Bercy qui sont confiées à un autre ministre de plein droit, moins exposé, et non à un simple ministre délégué chargé du budget comme souvent. On doit voir là plus qu'un symbole. Donc Borloo au ministère de la parole.
 
Je me suis déjà exprimé sur Kouchner, personnalité attachante et populaire, mais dont la position me paraît difficile à tenir longtemps. Je souhaite qu'il puisse mener à bien certaines tâches qui lui tiennent à coeur.
 
Rachida Dati, la femme qui voulait être "ministre de la rénovation des banlieues au kärcher", n'est pas la première garde des Sceaux (il y a déjà eu, je crois, Élisabeth Guigou), mais comme on ne connaît d'elle que l'active militante, on attend de voir ce qu'elle produira.
 
Brice Hortefeux, l'ami d'enfance de Sarko, l'homme, au ministère de l'immigration, de l'intégration et de l'identité nationale (vocable recentré), vient de présenter un visage plutôt consensuel. Il lui faudra de toutes façons composer avec sa collègue de l'Intérieur.
 
Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, est moins "prof de math" en privé qu'à la télévision. Son habitude du commandement lui permettra de s'imposer dans un milieu viril. Curieusement, elle suit le même parcours que Chevènement : l'Intérieur après la Défense. Pour en savoir plus, il faudra examiner la composition de son cabinet administratif. L'homme-clef est le directeur de cabinet ; si elle conserve le même que Sarko, on saura qu'elle a accepté de n'être qu'une potiche. Dans le cas contraire, il faudra surveiller la lecture qu'elle fera du programme de Sarko et la couleur de ses relations avec Hortefeux.
 
Bertrand n'est guère en vue. Il finira par occuper de l'espace.

Hervé Morin, à la Défense, s'octroie un gros morceau, mais un poste peu exposé en principe. Du consensuel. À moins que la France ne participe à une opération contre l'Iran (difficile en raison de la mise en cale sèche du Charles de Gaulle pour une longue période) ou ne remplace les contingents que le gouvernement britannique bientôt dirigé par M. Brown pourrait vouloir éloigner du front en Irak ou en Afghanistan.
 
En somme, tout ceci est habile mais plein de dangers qu'on pressent.
 
Seul couac : la politique économique. Fillon a déjà annoncé qu'il voulait procéder à une relance par la dépense publique.
 
Dès lors, la chronologie du quinquennat est connue : dans deux ans, après toutes les élections qui s'enchaînent, il sera remplacé par un gestionnaire bourru qui annoncera, droit dans ses bottes, que l'heure est à "la rigueur".
 
Deux ans de perdus. 

19/05/2007

Faut-il sauver Bayrou ?

La question se pose désormais : faut-il le sauver ?
 
Partout, le flou règne et les interrogations montent de la part de ceux qui l'ont accompagné durant de longs mois. A-t-il changé ? S'est-il trompé ? A-t-il abusé son monde ? Tout cela était-il sincère ?
 
Du doute qui s'est installé et dont les investitures parisiennes du Modem sont une source parmi d'autres, est venu l'affaiblissement de la position de Bayrou dans l'opinion et des sondages qui ont été plutôt calamiteux ces derniers jours.
 
Pourtant, la stratégie de Bayrou pour reconquérir l'opinion est simple : pas de stratégie.
 
Qu'il retrouve ce qui a bâti son crédit : la vérité.
 
Qu'il soit de nouveau le thermomètre du mensonge et ceux qui ont cru en lui reviendront voter pour ses candidats dans les cinq cent trente cinq circonscriptions où il en présente.
 
Il faut aussi qu'il parle à ses trois électorats avec franchise. Oui, il en a trois : un de centre droit, un de centre gauche et un ni droite ni gauche.
 
À l'électorat de centre droit, il doit expliquer pourquoi il a si intempestivement manifesté son intention de ne pas voter Sarkozy au deuxième tour de la présidentielle.
 
Oh, l'explication est toute simple : il savait, lui, à quoi conduirait l'élection de Sarko, qui est ce que chacun constate aujourd'hui, la relance budgétaire hasardeuse (qui va creuser l'endettement sans susciter de vraie et saine croissance économique) et la volonté d'écraser le centre.
 
Avec ces deux arguments, l'un de raison, l'autre de sentiment, Bayrou a tous les atouts pour supplier l'électorat centriste de droite de l'aider à sauver le centre menacé.
 
Pour les deux autres électorats, les arguments sont plus simples, puisqu'ils concernent, là encore, ce que chacun constate, la mise en place du programme de Sarko par Fillon.
 
Et encore une fois, le regain de déficit budgétaire, déjà annoncé, ne peut que produire de la misère demain. Bayrou s'est tué à le dire durant la campagne et il en avait si bien convaincu l'opinion que ses deux principaux concurrents ont été contraints de feindre la sagesse budgétaire.
 
Les masques étant désormais tombés sur ce point, Bayrou retrouve même en théorie la faculté d'augmenter son score. Il faut seulement qu'il soit solide et qu'il prouve sa sincérité, à laquelle tout sera alors pardonné.
 
Et il faut qu'il reconnaisse certains désordres dans la gestion des investitures de ses candidats, qu'il annonce que les oubliés seront honorés, bref, qu'il se rattrape un peu sur ce point.
 
J'attends personnellement qu'il nous explique la situation de Quitterie Delmas. J'avoue que j'interprète la longue mention de celle-ci dans le nouveau numéro de l'hebdomadaire "Marianne" comme un geste de bonne volonté. Il en faut de plus précis et vite.
 
Sinon, j'avoue que j'ignore si j'aurai envie de sauver François Bayrou. 

18/05/2007

Les champs de courses illégaux.

En 2002, j'ai été appelé au secours par un petit vendeur d'équipements et de sites de golf que, dans un cadre associatif, j'avais connu lors de la mandature municipale 1995-2001 (j'étais alors adjoint au maire du 16e arrt de Paris chargé des sports).
 
Il s'opposait en effet depuis des mois à la création d'un practice de golf au milieu du champ de courses d'Auteuil. Et les préposés à la gestion de ce practice l'attaquaient devant les tribunaux pour diffamation : il accusait le GIE GALOP de gérer l'hippodrome désormais sans titre, puisque la concession n'en avait pas été renouvelée.
 
Or il savait que j'étais témoin privilégié de cette absence de titre légal.
 
J'acceptai de venir dire la vérité.
 
Son avocat, que je rencontrai, et que j'avais brièvement côtoyé durant la campagne de Barre en 1988 (dont il gardait une cicatrice au nez), m'indiqua qu'il préférait de ma part un témoignage écrit, instrument d'ailleurs légal.
 
J'indiquai donc par écrit que j'avais rapporté devant le conseil d'arrondissement en 1998 la prorogation d'un an de la concession du champ de courses d'Auteuil afin de permettre la négociation du renouvellement d'un ou deux champ de courses (y compris Longchamp) l'année suivante.
 
Puis que je n'avais plus eu de nouvelles de rien officiellement, ce qui devait indiquer que rien ne s'était passé (en vertu du principe juridique de la "symétrie des procédures").
 
De fait, les champs de courses fonctionnaient sans titre : il n'existe pas, en droit public, pour ce genre de concession, de reconduction tacite.
 
Or si la gestion quotidienne était désormais dépourvue de base légale (fait extrêmement grave pour une exploitation commerciale), le cas du practice de golf était pire : il n'était même pas prévu par le texte de la concession échue.
 
On nageait donc dans la plus scandaleuse illégalité. 
 
Autant dire que, nanti de mon témoignage, mon allié fut relaxé, ses adversaires déboutés, et qu'ils ne firent pas appel. Le président de la chambre correctionnelle, très embarrasé, indiqua qu'il ne pouvait faire autrement que transmettre au Parquet.
 
C'est de cette date que les gens de l'UDF reprirent contact avec moi.
 
Il se trouve en effet que, si mes info sont justes, le parti pullule d'éleveurs de chevaux : Jean Arthuis, Jacqueline Gourault, Hervé Morin qui n'y est plus (mais dirige désormais les armées), et bien sûr l'ex-mari de Marielle de Sarnez, Philippe Augier, qui n'en élève peut-être pas, mais possède la haute main sur les ventes de yearlings à Deauville, ville dont il est maire depuis 2001. Et enfin François Bayrou, qui a, le plus honnêtement du monde et sur les conseils de Marielle de Sarnez, investi les gains de son Henri IV en poulinières.
 
Le marché du cheval est donc quadrillé. Je n'avais de toutes façons pas l'intention de jouer les chevaliers blancs, ayant fourni, à mon sens, suffisamment d'info à la justice, mais je me souviens de conversations où je sus qu'il serait dangereux pour tout ce monde-là que je m'énervasse. Je suis d'un naturel calme, ça tombait bien.
 
C'est seulement en 2006, il y a quelques mois à peine, que j'appris qu'on avait régularisé la situation des champs de courses.
 
Entre-temps, je sus que Lagardère père (président du GIE au moment des faits) avait parrainé Bayrou dans beaucoup de salons parisiens, qu'il l'avait aidé à se faire connaître.
 
J'appris aussi que dans le comité de cet établissement, désormais présidé par un fort honorable (mais peu attentif, visiblement) Rothschild, outre Bayrou, figurait aussi Lagardère fils, ce qui ne manquait pas de sel dans les événements récents.
 
Et tout ce monde-là ne se souciait guère de nager dans l'illégalité. 
 
Oh, les chevaux, ce n'est plus mon dada. 

17/05/2007

Non investiture de Quitterie Delmas : le Mouvement n'est déjà plus Démocrate.

En n'investissant pas Quitterie Delmas dans la 10e circonscription de Paris, comme c'était prévu, le Modem a choisi de se suicider en prouvant qu'il n'échappait pas aux vieilles rancoeurs d'appareil qu'il avait pourtant dénoncées pendant la campagne présidentielle.
 
Oh, l'excuse toute trouvée fut qu'il fallait céder (négociation d'appareil) un poste à la (d'ailleurs sympathique) Danièle Auffray, élue ex-verte du 14e arrondissement de Paris.
 
Mais qui s'y trompe ? Qui ne reconnaît là la patte arrogante des réglements de compte dont les paniers de crabes politiques sont si friands ?
 
Quitterie Delmas a passé plus de temps sur les plateaux de télévision en trois mois que (la d'ailleurs sympathique) Mme Auffray en vingt ans. Elle est devenue l'égérie de la puissante blogosphère bayrouiste dont tous les observateurs ont constaté les éclatants faits d'armes sur Internet, elle est devenue l'emblème du slogan "sexy centriste".
 
Elle a pourtant su conjuguer son activité nationale avec une inlassable présence sur le terrain.
 
Et pourquoi ne l'investit-on pas ? Rancoeur. Règlement de compte. C'est bien : je n'aurai pas à rendre ma carte du MoDem, je ne l'ai pas encore. Je garderai ma carte de l'UDF. La dernière.
 
Nous avons tous fait campagne sur la moralisation et la rénovation de la vie politique. Le MoDem choisit la voie inverse. Sans moi. 

Neuf ans de gestion de fait au champ de courses d'Auteuil.

Comme je l'ai évoqué voici quelques jours, la concession du champ de courses d'Auteuil (alors au GIE GALOP) arriva à échéance en 1998. Celle du champ de courses de Longchamp devait y arriver en 1999. On nous proposa alors de proroger pour un an la concession d'Auteuil, de façon à négocier en même temps les deux concessions, puisqu'il était question de ne reconduire que l'un des deux champs de courses, l'autre étant économiquement surnuméraire.
 
Autant dire que cette prorogation unilatérale, plus ou moins couronnée par les autorités étatiques compétentes, était d'une légalité douteuse. La suite le fut plus encore. 

16/05/2007

Bernard Kouchner : les paradoxes de l’humanitaire.

On annonce Bernard Kouchner comme ministre des Affaires étrangères de François Fillon dans le premier gouvernement du quinquennat Sarkozy.

Est-il possible de s’en indigner ? Faut-il s’en réjouir ? Je demeure partagé.

Pourquoi ce mélange d’impressions ?

L’aspect positif de la nomination de Kouchner au Quai d’Orsay, c’est bien entendu la vocation humaniste de la France qui trouve un avocat inlassable dont l’image, de ce point de vue, est intacte.

Le french doctor, l’homme des réseaux humanitaires mondiaux, le souvenir des boat people, de l’Afrique en guerre et en souffrance, l’expérience d’une gestion réussie au Kosovo. Tout cela.

Mais c’est aussi la victoire de la conception de l’administration Bush. Kouchner n’est pas un partisan infatigable de la paix à tout prix : la guerre en Irak, il est pour. Il est pour, sans doute, pour préserver Israël dont Saddam Hussein est le plus irréductible adversaire, mais aussi parce que la guerre en Irak lui paraît illustrer in vivo sa théorie du devoir d’intervention à fin humanitaire.

Voilà l’un des enjeux : les souverainistes défendent l’idée qu’il revient aux peuples eux-mêmes de choisir leurs chefs, quitte à être l’objet de dictatures sanguinaires. Nul n’a ni le droit ni a fortiori le devoir de s’occuper des affaires intérieures des peuples.

Kouchner, lui, défend l’idée symétrique : la communauté internationale est coresponsable des affaires intérieures des pays, elle est soumise à un devoir d’ingérence.

Or l’affaire irakienne, qui démontrait si bien le principe défendu par Kouchner, en a encore plus parfaitement prouvé les limites : combien difficile est la vie d’un gouvernement importé dans les valises d’un « libérateur » étranger.

Il y aurait donc, dans la nomination de Kouchner un double « persiste et signe » : celui de l’administration Bush récompensant un de ses fidèles et réaffirmant par là la légitimité de son intervention en Irak et, par ailleurs, celui de Kouchner disant « la stratégie a échoué en Irak mais elle est bonne et bien fondée » telle quelle et sans modification.

On voit bien entendu que, pour la France, c’est d’abord le signe d’un pays (le nôtre) qui aurait « mangé son chapeau » alors que chacun, aux États-Unis mêmes, sait désormais que nous avions raison en 2003 et qu’on a multiplié pour nous convaincre les mensonges et les intimidations les plus scandaleuses, dont la simple accumulation démontre la justesse de notre position.

Et aussitôt se profile l’inconvénient majeur de la nomination de Bernard Kouchner : en désignant un humanitaire aux Affaires étrangères, la France semble donner une deuxième fois raison à l’administration Bush : n’oublions pas que celle-ci voulait cantonner l’ONU et les organes du multilatéralisme mondial dans un rôle purement humanitaire, comme une sorte de super Croix-Rouge. Il ne reste donc plus aux gouvernements des États qu’à nommer ministres les directeurs de leurs croix-rouges pour matérialiser leur vocation, cependant que, seul, le gendarme du monde s’occupera de sécurité et de puissance.

Or cette vision n’est pas satisfaisante. Il ne peut y avoir de gouvernement mondial que multilatéral et aucun pays n’a vocation à diriger à lui seul le destin des autres.

Voilà donc pourquoi (au-delà même de la caution qu’il donnerait au programme de Sarkozy) je m’interroge sur le projet de désignation de Bernard Kouchner comme ministre des Affaires étrangères.

Bien sûr, on peut dire qu’il s’agit aussi de faire bouger les lignes. On peut voir là l’incarnation du projet que François Bayrou a incarné avec grand talent.

Et cependant, non.

On ne peut pas dire ça. Ca n’a rien à voir avec l’union nationale telle que la voulait Bayrou. Oh, je pourrais invoquer la confusion entre rassemblement et débauchage, entre décloisonnement et reniement.

Je pourrais aussi noter que l’atmosphère pétainiste qui se dégageait de la fin de la campagne de Sarkozy ne me paraît en aucune manière compatible avec la novation humaniste qui inspirait et inspire toujours le projet d’union nationale.

Il me suffit de dire que Sarkozy n’a en aucune manière désavoué ceux de ses amis qui ont sans vergogne pioché dans la caisse, pour rappeler qu’il n’y a pas de liberté sans vertu et que ceux qui rejoignent aujourd’hui le gouvernement sans avoir pris les plus élémentaires garanties de ce point de vue se font tout simplement les complices d’un système qui, bien plus que la fraude de certains pauvres, alimente le déséquilibre de nos finances publiques et la ruine de nos concitoyens les plus faibles.

Alors, au moment de répondre à la question que Sarkozy, tout miel, tout loup enfariné, va leur poser, que tous les ralliés réfléchissent donc au destin des faibles : entrer dans l’inféodation de Sarkozy c’est, pour toujours, choisir le camp des puissants contre celui des faibles.

À chacun donc selon sa conscience.

14/05/2007

Sarkozy : la tentation bonapartiste.

On avait cru lire et entendre que Nicolas Sarkozy avait l'intention d'établir en France le pouvoir d'une vraie droite à l'anglo-saxonne, une novation intégrale pour notre pays qui, en dehors de Poincaré ou de Pinay, a peu connu cette façon d'envisager la politique.

Or voici qu'on a reconnu dans les dernières déclarations et dans les derniers actes du futur président de la république une tout autre attitude, beaucoup plus française, qu'une partie de la presse étrangère avait identifiée bien avant nous : le bonapartisme.

Qu'est-ce que le bonapartisme ?

Un régime hybride où se mêlent l'autorité et (pour faire simple) l'ambition révolutionnaire ou populiste.

Napoléon Ier, avant de devenir empereur, avait été jacobin et, comme tous ceux qui se congratulaient de l'exécution du roi Louis XVI, il signait ses actes, en 1793, "Brutus Buonaparte" (où Brutus rappelle le meurtre de César).

De la même façon, Napoléon III, avant d'accéder au pouvoir, avait figuré parmi les "carbonari", ces conjurés dont le rôle fut si grand dans le mouvement révolutionnaire et unificateur italien.

Ambition et égalité pour le peuple, donc, mais autorité.

C'est d'ailleurs la philosophie intrinsèque de la Ve république depuis de Gaulle, ce mélange, malgré la parenthèse de plus de trente ans que constitue finalement la période 1974-2007.

On y trouve par exemple la nature plébiscitaire du régime, la référence au référendum pour valider l'action générale d'un chef de l'Etat. Et de fait, le référendum de 2005 visait encore plus Chirac que la constitution européenne (bien qu'il ait abouti, en Sarkozy, en un enterrement de tout projet européen).

Or la combinaison autorité/égalité est l'un des ingrédients ou l'un des ferments du despotisme et c'est seulement par la personnalité (et la vertu !) de ceux qui incarnent un tel régime que celui-ci peut se retenir de basculer du côté de la tyrannie. Rappelons que c'était le reproche adressé à la Ve république par ses premiers détracteurs. La question se pose de nouveau, intacte.

Il reste aussi à savoir comment le nouveau président pourra combiner cette approche française avec ses obédiences américaines.

On a appris que le nouveau secrétaire général de l'Elysée serait le récent ambassadeur de France à Washington et on sait que le nouveau premier ministre sera un homme qui, certes, se réclame du gaullisme social, mais, par ailleurs, a présidé durant plusieurs années une officine (le CASE) chargée de promouvoir en France l'amitié franco-américaine.

Peut-être finalement la solution de cette contradiction se trouvera-t-elle dans la poursuite du modèle berlusconien : Berlusconi avait promis moult réformes toutes plus réactionnaires les unes que les autres ; il n'en a pas fait le dixième mais tout son exercice du pouvoir a consisté à piller l'Etat.

Etant donné l'appétit des amis de Sarkozy, qu'il s'agisse de ses militants, de son entourage ou de ses commettants du Cac 40, on peut gager qu'en tout cas, de ce côté-là, on ne sera hélas pas surpris.

Et Bonaparte ?

Eh bien, le prince Napoléon, lui, se trouvait à la Mutualité pour la fondation du Mouvement Démocrate, donc dans le camp de la liberté plus que de l'autorité.

Vive le Modem !

13/05/2007

Naissance du Mouvement Démocrate jeudi 10 mai.

Tous étaient là.

Haut lieu historique de la gauche française au XXe siècle annexé depuis quelques années par l'ensemble de l'éventail politique, la salle de la Mutualité était pleine.

Au balcon, les auditeurs. A l'orchestre, les conseillers nationaux de l'UDF. Ceux de Marseille s'étaient levés avant le jour, ceux de Bretagne avaient choisi entre l'avion et le retard. Ceux de partout se retrouvaient avec une souriante certitutde : ils venaient actionner le bulldozer qui continuerait à labourer la vie politique française pour renverser les édifices lézardés de la politique de papa.

François Bayrou, très en forme, tout à fait alerte, retrouvé depuis ce soir de deuxième tour où, décomposé, il commentait la victoire de Nicolas Sarkozy, parla le premier. Beau discours, offensif, ponctué par la présentation de ses trente ou quarante parlementaires présents.

Le centre éclôt. On le dit mort ; il naît.

La France change. Les partis politiques ne lui ressemblent plus guère.

Il fustige au passage non pas les parlementaires qui ont rejoint le camp de Sarko, mais la logique politique et institutionnelle qui a contraint certains d'entre eux à le faire contre leurs propres convictions.

Aberration et scandale d'un engagement de principe auquel les "canossés" (pardon du néologisme) ont été contraints ; quatre votes auxquels ils jurent de ne se point dérober et qui font d'eux des pantins. Il s'agit de l'investiture, du budget et de la confiance en particulier.

Pourtant, la constitution stipule que "tout mandat impératif est nul".

Comme toujours, à l'UMP, tout en se drapant dans sa dignité, on s'assied gaillardement sur la constitution. Voici donc vingt-deux parlementaires transformés en marionnettes.

Ils sont comme les soldats étrangers de Napoléon, comme les ralliés de tous les régimes : tenus en suspicion, soumis aux fourches caudines, liés pieds et poings, enchaînés aux grilles de l'Assemblée nationale comme au pilori avec la pancarte "J'ai trahi".

Et dire que c'est l'UMP qui accuse Bayrou d'avoir trahi !

Pauvres parlementaires qui, pour sauver la dorure d'un titre, les émoluments d'un mandat, la fierté peut-être d'une épouse, d'une maîtresse ou d'un giton, se retrouvent à l'état d'esclaves politiques, privés de leur souveraineté la plus élémentaire.

Faut-il rappeler que la fonction primordiale, historique, onthologique, du Parlement, est le consentement à l'impôt ?

Sont-ils donc encore parlementaires, les enchaînés de l'UMP ? Eux qui s'engagent à voter l'impôt quoi qu'il arrive ?

Où sont-elles donc les belles envolées de Charles-Amédée de Courson contre la gabegie budgétaire ? Désormais, il la votera, il s'en réjouira, il la soutiendra, il y participera. Le calice se boit jusqu'à la lie.

Où le courage de ceux qui ont voté la censure ?

Il n'en reste plus rien. Ces gens ont déceint leur écharpe tricolore, ils l'ont déposée au pied du trône et ils vont désormais nus, vêtus de leurs seuls oripeaux de goudron et de plumes.

Voici en substance ce que leur a dit François Bayrou.

Pauvre Jean-Louis Bourlanges qui s'est dévoué pour venir porter leur parole à une salle qui ne l'écoutait que pour le combattre.

Vaste silence quand François Bayrou tança ses amis qui s'en prenaient à Bourlanges ; en chef sage il leur lança, contre leur tohu-bohu :

- Si vous le désapprouvez, que ce soit par le silence.

Oh, quel silence. Quel terrible et éloquent silence.

- Ecoutez, dit Talleyrand.

- Quoi ?

- Le silence.

Quel silence.

Et Bourlanges, théâtre sans doute, évoque un malaise qui le prend, tente d'attendrir sa salle, une salle pour une fois sans coeur, sans oreille pour celui dont l'intelligence a longtemps (vingt ans !) égayé tant d'oreilles centristes.

Le voici, amaigri, lent, piteux, qui descend de la tribune.

Et le combat continue.

Une députée européenne se présente dans le Tarn aux législatives. Acclamations.

Un vieux centriste vient rappeler des souvenirs de la fondation de l'UDF en 1978, en écho aux propos de Didier Bariani qu'on a trouvé brillant et ému de remuer lui aussi des souvenirs de jeunesse.

L'UDF a presque trente ans.

La voici sur le point de s'engager auprès de François Bayrou dans le Mouvement Démocrate. Bayrou soumet sa motion. Plus de mille cartons bleus se lèvent. Plus de mille. Quatre cartons blancs de l'abstention, quatre cartons jaunes du vote contraire. A la quasi-unanimité, le Mouvement Démocrate est adopté, aun plus grand contentement aussi de l'écologiste Corinne Lepage et du député ex-vert européen Bennahmias (annoncé), mais aussi d'autres formations et groupes qui vont adhérer au Mouvement Démocrate.

Voici les temps nouveaux.

En juin, les jockeys centristes courront sous la casaque orange du Mouvement Démocrate. Le tiercé dans l'ordre ?

Liberté, égalité, fraternité.

11/05/2007

Soutien au "Canard Enchaîné".

Voici que l'affaire Clearstream, qui porte décidément mal son nom (Courant clair en anglais) fait de nouveaux remous. Ce matin même, une perquisition (apparemment infructueuse) a été menée dans les locaux du journal satirique.
 
Il s'agit d'une nouvelle violation du principe de la protection de leurs sources par les journalistes. À ce titre, cette opération est contraire aux droits les plus fondamentaux de l"information et je tiens à manifester ici mon soutien aux journalistes du "Canard".
 
Bien entendu, le fait qu'une autre perquisition ait visé l'avocat de Sarko n'y change rien. Il est souhaitable que toute la lumière soit faite sur cette affaire et en particulier sur le rôle trouble de notre président élu, mais la protection des sources des journalistes et du secret professionnel des avocats sont des garanties primordiales pour les libertés publiques. Je suis navré qu'on utilise de tels moyens pour parvenir à une fin qui paraît cependant juste : la vérité. 

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10/05/2007

Quelques jours sans blog ?

À l'heure où j'écris, je suis supposé partir demain matin pour la Bretagne, la verte terre bretonne. Or là-bas, je n'ai pas encore trouvé de borne wifi gratuite. Par conséquent, suspense, j'ignore encore si je pourrai poursuivre, durant ces quelques jours, l'activité de mon blog.
 
Si quelqu'un a des lumières sur une borne wifi en libre accès à Quimper, Pont-l'Abbé, Bénodet et autour, n'hésitez pas à me le faire savoir.
 
J'ajoute que j'avais trouvé très bien, dans le programme de Bayrou, l'ouverture de bornes wifi gratuites, comme une sorte de service public, un peu partout sur le territoire.
 
Encore une occasion de regretter cette présidentielle. 

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09/05/2007

Les bizarreries des équipements municipaux (encore le champ de course d'Auteuil).

Beaucoup connaissent sans doute le champ de courses d'Auteuil à Paris, dont j'ai parlé voici quelques jours. Les images de cette pelouse où se ruent une quinzaine où une vingtaine de chevaux frénétiques montés par de petits hommes multicolores sont parmi les plus familières qui soient avec le sigle PMU.
 
On se souvient avec une nostalgie encore amusée de l'époque où Léon Zitrone racontait avec fougue comment Une de Mai (était-ce bien à Auteuil ?) était revenue "du diable vauvert" pour arracher une victoire sur le fil.
 
On s'amuse des sketchs des Guignols, sur Canal +, montrant Denisot et son émission de "choual", qui, comme lors des beaux temps de Canal, se terminent par un piteux "Désolé".
 
Parfois, quand on est fauché (c'est mon cas en ce moment) on se demande si on ne devrait pas s'y précipiter pour jouer les derniers Euros qu'on a en poche en attendant de vendre enfin des satanés livres.
 
Et puis, la politique revient. Je me suis longtemps intéressé au devenir des circonscriptions législatives de mon XVIe arrondissement. C'est fini. Elles auront le candidat démocrate que Bayrou leur choisira.
 
Puis ce soir, il était question de la 10e circonscription, celle qui couvre partie du 13e et partie du 14e arrondissements, l'ancienne de Jacques Toubon. Et je me demandais si j'avais vraiment envie que Quitterie Delmas s'y présente. J'avoue que je ne sais plus quoi penser. Mais je garde le sujet sous le coude, sans intention bien sûr d'y aller moi-même.
 
Pour en revenir à mon champ de courses, il y a une piscine municipale qui permet aux gens de ce quartier de venir l'été se rafraîchir et prendre le soleil au solarium.
 
La curiosité que j'ai découverte lorsque j'étais élu en charge de cet équipement dans ma délégation de la Jeunesse et des Sports du 16e, c'est que cette piscine, ça ne s'invente pas, a été creusée ... dans une nappe phréatique.
 
On met de l'eau dans de l'eau. Vraiment, c'est surréaliste.
 
Autant dire que le béton qu'on a intercalé entre l'eau du sol et celle de la baignade a vite souffert, d'autant plus qu'un ingénieur distrait a eu l'idée baroque, à une certaine époque, de boucher les aérations de la piscine pour recycler indéfiniment le même air en circuit fermé, sans imaginer qu'à la longue l'air serait de plus en plus chargé de chlore et que ce chlore attaquerait tout.
 
Bref, ce sont les découvertes amusantes (mais coûteuses pour le contribuable) qu'on fait lorsqu'on est élu.
 
J'ai trouvé qu'un déficit de démocratie était en partie à l'origine de cette accumulation d'erreurs. Et c'est une raison forte pour moi d'espérer que le Mouvement Démocrate obtiendra suffisamment de députés pour bloquer les décisions trop unilatérales et capricieuses de la majorité gouvernementale : en politique, je crois dans la vertu de la parole, du débat, de l'expression libre.

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Crétinisation aliénante.

Le peuple grondait. Le peuple se rebellait. Le système craquait.
 
Que demandait le peuple ? de la réalité ?
 
Non, répond le système : de l'aliénation. 
 
On lui en a donné.
 
Contre la colère, on a trouvé le remède : l'opium.
 
Contre la douleur, on a trouvé le remède : l'opium.
 
Contre la réalité, on a trouvé le remède : l'opium.
 
Voici donc toute la philosophie démasquée : comme à la fin d'un jeu télévisé, comme à la fin d'une StarAc, le vainqueur dîne au Fouquet's avec des stars et se retrouve en vacances au soleil sur un yacht immense. La belle vie.
 
Le rideau s'est levé sur les arrière-pensées, il est tombé sur la pensée.
 
Il est tombé avec la violence de la lame d'une guillotine.
 
La campagne a débuté dans Voici/Gala et se termine comme elle a commencé : on donne aux gens ce qu'ils croient vouloir, on leur fournit toute la quantité de mensonge nécessaire pour qu'ils se taisent ou qu'ils parlent des sujets sur lesquels on les autorise à s'exprimer, ce qui est la même chose que se taire.
 
Et dans ce projet tout a un sens : l'obsession de l'apparence, la nullité des candidats. Oui, qu'on lise bien : la nullité des candidats fait partie intégrante du projet d'aliénation.
 
Les chiffres tous plus faux les uns que les autres jetés par des candidats aussi gribouilles l'un que l'autre dans leur débat télévisé ? C'est dans le script.
 
Un zeste de StarAc, un zeste de Qui veut gagner des millions.
 
Et les récriminations de François Bayrou entre les deux tours ne ressemblent à rien d'autre qu'à ces courtes confidences amères que livrent les concurrents en quittant le plateau de Qui veut gagner des millions : la rage des mauvais perdants. Hou, le vilain.
 
Voilà donc pourquoi Bigard lançait à Bercy que Bayrou était comme un joueur qui a perdu la demi-finale et qui squatte la finale. C'est dans le script. Hou le vilain.
 
Consolons-nous, cette phase crétinisante qui triomphe aujourd'hui n'aura qu'un temps.
 
Pourvu qu'il soit le plus bref possible.
 
À nous de réagir. 
 

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Un blog entier contre Quitterie Delmas ?

Un blog (lesvieuxcons.hautetfort.com) vient d'être créé ... en réaction à celui de Quitterie Delmas (lesjeuneslibres.hautetfort.com). C'est du moins le projet affiché de son auteur qui, c'est bien le moins qu'on puisse attendre, demeure anonyme.
 
En vérité, ce blog, ça va de soi, est une offensive contre François Bayrou. Tout le montre par ailleurs. Toutes les notes transpirent la haine du leader centriste et de sa démarche rénovatrice.
 
Et comme les vieux cons sont de grands démocrates, il va également de soi que les commentaires sont impossibles sur ce blog.
 
Somme toute, la démocratie et l'intelligence progressent tous les jours.

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08/05/2007

Le candidat du peuple et son yacht.

On avait dit, on avait susurré, on avait laissé entendre que Saint Nicolas Sarkozy se recueillerait, après son élection, dans un monastère durant quelques jours.
 
Drôle de monastère.
 
Le voici dans un yacht long de soixante mètres. Aucun président de la république française n'a jamais osé s'afficher dans un tel luxe jusqu'ici. C'est une insulte aux 48 % d'ouvriers qui ont voté pour lui, le candidat auto-proclamé du peuple.
 
Est-il en train de débriefer avec ses amis de la scientologie ou de faire ses comptes avec ses commettants du Cac 40 ?
 
Voici en tout cas toute honte bue, toute vergogne jetée à la baille, toute limite franchie.
 
Qu'on le sache désormais, le modèle de la politique française, c'est Dallas, le dénouement d'une crise, c'est le milliardaire, le yacht tout blanc, le champagne, la Rollex, le Fouquet's.
 
Quant aux millions de morts de la seconde guerre mondiale ? Houla, mais c'est un sujet bien trop barbant pour la télé, mon vieux, biiip ! qu'on amène Santini, lui au moins il sait rigoler.
 
Et l'Europe ?
 
Vous ennuyez le sultan.
 
Et la vie des gens ?
 
Regardez la télé. 

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07/05/2007

Pendant toute la campagne, je pensais à Pagnol.

Bien entendu, c'est "Topaze" qui m'y faisait songer, l'histoire de ce modeste professeur plongé dans le monde demi-sel des politicards véreux vendus aux marchands de balayeuses mécaniques. Une histoire si inusable que Pagnol en a tourné deux versions, l'une entre-deux-guerres, l'autre après-guerre.
 
Le premier livre de Pagnol que j'ai lu était "La gloire de mon père", offert par une prof de math, en classe de quatrième. Cette femme d'une qualité humaine exceptionnelle avait passé une partie de la guerre dans un camp de concentration. Elle en était revenue et n'en montrait aucune trace, rien qu'une sérénité et une imperturbable gentillesse.
 
Pour annoncer son approche et nous inciter à rejoindre nos places du côté de la salle (n° 68 je crois) du lycée Janson, elle agitait devant elle un énorme trousseau de clefs, un vrai attirail de cambrioleur ou de serrurier. Puis d'une petite voix pointue, cette demoiselle, déjà âgée, nous invitait poliment à l'écouter.
 
Dans sa courtoisie, dans son immense gentillesse, elle ne manquait jamais de glisser un encouragement.
 
Et comme j'ai toujours été sensible à la flatterie, ce fut l'une de mes meilleures années dans sa matière : je la terminai persuadé de finir polytechnicien.
 
Et c'est donc au cours de l'un des trois trimestres que, en récompense de son propre travail (car finalement comme élève je n'avais qu'à m'imprégner des raisonnements très imagés qu'avec une pédagogie lumineuse elle nous martelait), elle m'offrit (premier prix du trimestre) "La gloire de mon père".
 
Pagnol, c'est charmant. Ca ne casse pas des pattes aux escargots, comme aurait dit mon grand-père, mais c'est une jolie promenade dans une époque, un monde, des lieux.
 
On oublie que les films de Pagnol doivent beaucoup à Giono, c'est ce qui les rend plus forts que ses livres. Et pourtant, les livres conservent l'intérêt et l'émotion du témoignage sur une France pour qui la République était l'ambition suprême, une France qui s'éloigne.

"Et le peuple sévère, avec sa grande voix..."

On attendait, lors de cette élection, le score de Jospin en 2002 et ce fut celui de Jospin en 1995.
 
Quarante-sept pour cent est un score ni bon ni mauvais, ça matérialise une défaite, pas une déroute. Le couple Royal-Hollande semble devoir sauver sa tête pour poursuivre la mutation du Parti Socialiste, avec sans doute Dominique Strauss-Kahn, bien fatigué hier soir m'a-t-on dit.
 
François Bayrou, lui, hier soir aussi, de plus près, m'a paru avoir pris dix ans d'un coup, les traits lourds, le regard triste, la voix certes ferme et bien posée, le geste vif, mais une épaisseur inhabituelle dans le visage et nous avons tous failli pleurer quand il a parlé de l'amertume des soirs de défaite. L'émotion nous a tous tenus un moment. Ces choses-là ne se mesurent pas sur le coup. Il y faut un délai. Puis on rebondit.
 
Bien entendu, la censure médiatique a repris sans tarder : alors que les trois grandes chaînes hertziennes avaient donné officiellement leur accord pour diffuser son intervention en direct, elles n'en ont finalement rien fait, se contentant d'extraits tronqués, en différé.
 
On dit que le partage des récompenses a commencé : Bouygues (dont l'action s'envole à la bourse) céderait TF1 à Lagardère, mais récupérerait Areva, plus proche de ses métiers initiaux.
 
Bref, ces messieurs de l'argent s'ébattent dans leur oligarchie triomphante.
 
Pour l'avenir, le combat reste celui d'une Assemblée nationale où Sarkozy ne soit pas majoritaire seul. On ne peut guère espérer mieux, ce serait déjà beaucoup, mais il y faudra beaucoup d'efforts des socialistes et une pédagogie renforcée vers les centristes.
 
Enfin, il faut bien répéter les vers de Victor Hugo, puisque le peuple a parlé : 
 
"Et le peuple sévère, avec sa grande voix,
Souffle qui courbe un homme et qui brise une femme..."
 
J'ai bien trouvé Bayrou courbé, je n'ai pas remarqué Ségolène Royal brisée.
 

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Cette présidentielle se termine par la victoire du favori.

Cette après-midi, on m'avait dit, de source journalistique, 55/45 comme sondage "sortie des urnes". Le résultat est plus proche de 53/47.
 
Pour parler du résultat des reports centristes, que j'évoquais hier, on trouve une répartition géographique qui traduit la nature de l'UDF-Mouvement Démocrate : du centre droit et du centre gauche.
 
En Bretagne, et dans le sud-ouest, centre gauche, le report est à gauche ; en Alsace, centre droit, le report est à droite.
 
Le fait que l'on trouve environ 40% de bayrouistes reportés sur Sarko et autant sur Ségo ne signifie pas pour autant qu'il n'y ait que 60% de bayrouistes (en comptant les 20% de blancs, nuls et abstention) dans son électorat, car il y a une conviction profonde dans toute une partie des bayrouistes sincères que je connais qu'il valait mieux, pour d'obscures raisons tactiques, que Sarko gagnât, car ainsi le MD démarrerait dans de meilleures conditions.
 
Bref, une fois de plus, les centristes sont centristes et dédaignent la simplicité des votes formatés.
 
Quant à la France, elle a choisi. Elle aura ce qu'elle mérite. 

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06/05/2007

Quand les défaites sont lourdes.

Oh, qu'on ne compte pas sur moi pour commenter d'éventuelles info dont je serais détenteur, puisque je n'en ai pas le droit.
 
Si le dernier sondage publié, 55/45, se confirme, cela signifiera une défaite d'une ampleur qu'on n'a vu que trois fois dans la V' république : en 1965, en 1969 et en 1988, en laissant de côté  le cas particulier de 2002.
 
La victoire de 1965 fut le chant du cygne du général de Gaulle. Celle de 1969 ne put empêcher la famille gaulliste de perdre la tête de l'État en 1974. Celle de 1988 fut suivie par la défaite législative de 1993 et la longue dégringolade dont l'éviction de Lionel Jospin du second tour en 2002 fut l'aboutissement.
 
Le relatif succès de Mme Royal au premier tour sera-t-il finalement le signe d'un réveil de cette gauche-là ou au contraire le dernier feu d'une étoile qui s'éteint ?
 
Si les derniers sondages publiés sont confirmés, 55/45, il faudra conclure à l'extinction des feux.
 
Pour François Bayrou, la défaite de Ségolène Royal sera une autre confirmation : il disait vrai quand il affirmait que, par raison mécanique, il était mieux placé qu'elle pour battre Nicolas Sarkozy. Les électeurs seront donc appelés à se remémorer cette vérité.
 
La naissance du Mouvement Démocrate interviendra alors sur fond de séisme politique, au fond dans l'esprit de l'onde de choc qu'avait annoncée le relatif succès de sa candidature du premier tour.
 
Mais bien entendu, cette analyse ne sera pertinente que si le résultat (je rappelle que je ne cherche pas à faire état ici d'info dont je disposerais) confirme la tendance de vendredi : 55/45. 

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05/05/2007

L'enjeu du second tour pour Bayrou.

Qu'on ne compte pas sur moi pour donner des incitations au vote pour l'un des deux candidats. Je l'ai déjà fait. Aujourd'hui, je vais parler du troisième, le mien, François Bayrou.

La carte du vote François Bayrou, en 2007, ressemble un peu à la carte du vote Barre il y a vingt ans : l'ouest, Rhône-Alpes, l'Alsace. On y ajoute le soud-ouest, apport personnel de Bayrou pour une part, et Paris.

La première composante de ce vote, c'est le centrisme d'origine chrétienne. Dans l'ouest, l'Europe, une forme de modération, la référence à Jacques Delors, le côté terrien, tout cela a dû compter, comme d'ailleurs l'opposition à la droite dont l'autorité est devenue rebutante pour les terroirs occidentaux.

En Alsace, l'Europe, la tradition centriste là aussi chrétienne pour une grande part.

Dans le sud-ouest, le centrisme laïc en majorité.

En Rhône-Alpes, le mélange très lyonnais de tous les centrismes, augmenté sans aucun doute des populations "issues de la diversité" (vilaine expression pour une réalité forte).

À Paris, un peu plus de centre gauche, moins de référence chrétienne, et sûrement des orphelins du gaullisme, clairsemés aussi dans le reste de l'électorat.

Pour les législatives, ce score devrait se traduire par plusieurs dizaines de députés. Comment ? Par la capacité des candidats de Bayrou à se maintenir et à y faire perdre l'un ou l'autre camp. L'examen de la carte des résultats du premier tour permet de conclure rapidement sur le côté où le pouvoir de nuisance et donc d'influence est le plus grand.

Il est dès lors passionnant d'examiner le report des voix centristes dans ses trois composantes : centre droit, centre, centre gauche, pour déterminer la réelle force de frappe de Bayrou pour les législatives.

Voilà, comme prévu, je n'ai donné aucune indication supplémentaire sur le vote de demain dimanche. 

 

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04/05/2007

Le camp de la liberté.

1943. La France est occupée. L'Europe est couverte de croix gammées. De la mer Noire à l'Atlantique Nord, de la Norvège à l'Adriatique.
 
Alors, l'Occident se divise en deux camps et nous sommes, je suis, vingt ans avant ma naissance, dans le camp de la liberté.
 
Mon grand-père paternel a refusé de se saborder dans la rade de Toulon en novembre 1942. Il a été radié des cadres de la Marine nationale le 1er janvier 1943. Expédiant sa famille dans le Tarn, il a aussitôt été embauché comme ingénieur chez Citroën à Paris. Là, le jour, il travaille au projet de la future 2 cv ; la nuit, il sabote. Il sabote tout ce qu'on lui dit de saboter, des trains en particulier. Son pistolet de service dans la poche, un pain de plastic dans l'autre poche, une pilule de cyanure, sans doute, dans la bouche.
 
Mon grand-père maternel, ancien combattant de la guerre de 14-18, a été le plus haut fonctionnaire des Affaires étrangères à démissionner de Vichy en novembre 1942. Condamné à mort par contumace par les nazis quelques semaines plus tard, il se cache à Paris où il tente de reconstituer les archives de son ministère détruites dans la panique du printemps 1940. Au bout de quelques mois, il expédie sa famille dans le Tarn et Garonne puis rejoint début 1944 le gouvernement provisoire à Alger.
 
Le camp de la liberté.
 
Après la Libération, on s'aperçoit que, dans le camp de la liberté, il y avait Staline. "Pour dîner avec le diable, il faut une très longue cuiller", disait Churchill à son propos. Au camp de la liberté succède alors le Monde libre. Quarante ans.
 
Et maintenant ? qui est le diable ? où est la liberté ? Pourquoi les choses ne sont-elles plus aussi simples ? Ce serait tellement commode.
 
Victor Hugo a plusieurs fois nommé le diable : "la misère, démon...", "l'envie, alors, ce démon vigilant..." (Les Contemplations).
 
Il a souvent nommé la liberté. Il lui a parfois donné le synonyme de civilisation.
 
Quand j'étais lycéen, puis étudiant, on discutait des "libertés formelles" et des "libertés réelles", concept d'une certaine gauche. Au cours de mes études de droit, j'ai entendu parler des "libertés publiques".
 
Dans les années 1980, on a brandi un étendard de libéralisme, tout empreint d'une liberté dont les contours paraissaient sauvages. On réfléchissait sur les libertés économiques. 
 
Et maintenant ? Qu'est-ce que la liberté ? Quel est le diable ? 
 
On nous dit que le libéralisme est dans le camp de Sarko.
 
Oh, je sais, mon sujet rétrécit rien qu'en évoquant cette fin d'élection présidentielle. Tant pis.
 
Or Sarko n'a rien d'un libéral : son programme se résume en trois locutions : cruauté sociale, concentration des pouvoirs, réaction morale. Dans ces trois domaines, par ces trois idées, il se trouve aux antipodes du libéralisme et de la liberté.
 
La cruauté sociale, ce sont les inconvénients d'un libéralisme mal maîtrisé, sans les avantages.
 
La concentration des pouvoirs, c'est le bâillon sur les lèvres de la liberté.
 
La réaction morale, c'est une conception normative de la vie en société, où les comportements sont imposés à l'individu. Aux antipodes de la liberté.
 
En face, désormais, se situe le camp de la liberté. Il a beaucoup de défenseurs chez François Bayrou ; il en a aussi au Parti Socialiste, il faut le dire, même si les vieilles lunes dirigistes y contrôlent encore l'appareil. Il y en a encore, dissimulés, à l'UMP.
 
Pour ces raisons et pour ce que j'ai entendu du discours personnel de Ségolène Royal, et malgré ses défauts patents, (et aussi en hommage à Quitterie Delmas) je voterai pour cette femme, Mme Royal, dimanche.

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