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30/09/2009

De toutes façons, Polanski doit être condamné.

J'avais eu d'abord l'intention de produire un deuxième article sur l'affaire Polanski, qui aurait été intitulé "On a retrouvé Javert, il est procureur en Californie". On se souvient que Javert, dans Les Misérables, est cet ancien maton de bagne, devenu policier, qui, règlement, règlement, continue à vouloir emprisonner Valjean pour le vol d'une pièce de 5 Francs, des années après, alors qu'entre-temps, Valjean est devenu Madeleine et a créé des quantités d'emplois et d'institutions philanthropiques. Javert incarne la Justice aveugle et rigide, à laquelle s'oppose l'effort de la conscience.

Seulement, à force de demander la clémence, on finit imperceptiblement par oublier le centre du sujet. Et le centre du sujet, c'est que Polanski reconnaît avoir eu une relation ignoble avec une jeune fille, et qu'il s'est dérobé au moment du prononcé de la sentence. Je vais ici expliquer en quoi la condamnation est nécessaire, en quoi l'enjeu dépasse de très loin la simple affaire de mœurs, et en quoi finalement, la clémence doit s'imposer à travers même la condamnation, car tout un chacun a droit au rachat et au pardon. Ce sera aussi l'occasion de réfléchir sur la Justice, au moment où le président de la république est sorti de sa fonction en exerçant une pression directe et publique sur le tribunal, un tribunal d'ailleurs tenu en suspicion par l'opinion publique dans l'affaire Clearstream.

Enjeu politique

Il faut le dire, les arguments qui ont volé de toutes parts dans les milieux cinématographiques mondiaux sont indécents pour des gens qui, par ailleurs, réclament la plus grande sévérité contre les internautes qui téléchargent des œuvres sur Internet. On croit parfois rêver en lisant que les grands artistes seraient au-dessus des lois. Ce serait vrai, à la rigueur, s'il s'était agi d'une affaire de fraude fiscale ou d'insulte à agent, mais on en est loin, très loin. Au fond, le plus ironique aurait été que Polanski fût recherché trente ans plus tard pour une affaire de téléchargement illégal... Qu'auraient-ils dit, tous ces beaux esprits ? Bon, Internet n'existait pas vraiment en 1977, mais quand même.

Or si je trouve parfaitement justifié que les internautes et blogueurs s'en soient pris, en termes parfois très vifs, aux soutiens de Polanski, je trouve que leur propre attitude est incohérente : si les internautes réclament l'indulgence pour le téléchargement, il faut qu'ils l'accordent à d'autres qu'eux-mêmes, non pas en donnant l'absolution à Polanski, mais en acceptant simplement de considérer les différents arguments que je présenterai un peu plus loin, qui justifient à la fois la condamnation et le pardon.

La position de Daniel Cohn-Bendit, par exemple, m'a paru profondément incohérente : s'il invoque la clémence pour ses écrits (répugnants) de jeunesse, il faut qu'il l'accorde aussi à Polanski, sinon on va penser qu'il éprouve le besoin de se dédouaner au détriment d'autrui. En revanche, à contre-emploi, Luc Besson est très cohérent en réclamant la sévérité à la fois contre les internautes et contre Polanski, et de ce fait, se trouve sur le même front que ceux qu'il combat, ce qui prouve que le manichéisme n'est pas de rigueur.

Hélas, la colère est si vive contre un pouvoir politique dont le plan de mise au pas d'Internet est si évident, qu'on ne retiendra pas Internet de s'en venger contre les suppôts artistes liés à ce pouvoir.

L'histoire de Polanski

Il faut rappeler que Polanski est un survivant du ghetto de Cracovie, ce que je ne souhaite à personne (même à mon pire ennemi). Il faut rappeler ensuite qu'il a perdu sa première femme et leur enfant dans des conditions effroyables, un assassinat fou, et qu'à l'époque des faits, il était considéré comme le diable par beaucoup d'Américains, à cause de son film Rosemary's Baby. D'après ce que j'ai entendu hier soir dans la bouche de Gisèle Halimi (qui, en dehors du fait qu'elle a été l'avocate du divorce de mes parents, est réputée pour défendre la cause des femmes), il a été désespéré par le double assassinat de ses proches, au bord du suicide, et c'est donc un homme qui a plongé depuis longtemps dans toutes formes, notamment psychotropes, d'autodestruction qui s'est retrouvé dans la situation du crime odieux qu'il semble avoir commis. Je n'ai pas lu ses Mémoires, mais il y relate à l'envi l'atmosphère très malsaine de Hollywood en ce temps, et ses propres frasques.

Il faut aussi ajouter que, déjà en odeur de soufre, Polanski a lourdement aggravé son cas dans l'opinion locale quand il a sorti l'un de ses chefs-d'oeuvres, Chinatown, en 1974. Ce film insiste sur les tares humaines à travers l'inceste entre autres, et dévoile (en l'extrayant d'un livre) un scandale politico-financier, certes présenté comme vieux alors de quarante ans, mais qui a bien dû éclabousser les institutions californiennes, qui ont certainement cherché ensuite à s'en venger.

D'ailleurs, c'est l'année suivante que Polanski a obtenu la nationalité française, tournant à Paris un film, Le Locataire, sorti en 1976. Et tout montre l'acharnement des juges contre lui au cours de l'affaire, très largement au-delà des souhaits de la victime, qui s'est toujours déclarée suffisamment lavée de l'horreur qu'elle avait subie (et dont par ailleurs on devrait examiner des impérities autour d'elle).

Ensuite, dans cette affaire, Polanski a suivi la procédure américaine : il a accepté de plaider coupable de relation avec une mineure, mais refusé la qualification de viol, indemnisant sa victime et recevant la promesse de cette qualification de détournement de mineure au lieu de celle de viol. Seulement, au moment d'aller à l'audience, son avocat lui a indiqué que le juge n'avait pas l'intention de suivre le procureur. Menacé de perpète, Polanski a préféré prendre la tangente. On se demande s'il ne s'attendait pas à ce genre d'événements et si son obtention de la nationalité française n'était pas pour lui une précaution, mais évidemment, cette réflexion ne le blanchit pas en elle-même, car ce pourrait aussi bien être contre les conséquences du dérèglement de sa vie que contre celles des pressions des pouvoirs californiens (n'oublions pas que l'Amérique est le pays de toutes les mafias) qu'il aurait pris cette précaution.

Et depuis trente ans, après avoir continué à aimer les femmes jeunes mais majeures, puis en avoir épousé une qui, à force, est moins jeune, et après en avoir eu deux enfants, changé sa vie (selon Danièle Thompson qui le connaît bien), s"être amendé autant que possible, avoir fait un certain nombre de films, parfois très bons, Polanski a fait un film bouleversant, un réel chef-d'œuvre, Le Pianiste, qui a obtenu l'Oscar à Hollywwod, un Oscar qu'il n'a pas pu aller chercher...

La corporation cinématographique contre l'institution judiciaire

L'idée s'est alors fait jour dans le cinéma qu'il fallait permettre à Polanski de revenir en Californie. On enregistra un témoignage vidéo de sa victime qui, âgée de 45 ans, a fait sa vie et n'a pas l'intention de rouvrir ce dossier qui n'est pas drôle pour elle, sans doute, et qui de toutes façons, est liée à Polanski par le pacte fait à l'époque et qui lui a certainement procuré une indemnisation substantielle (ce qui, vu de l'extérieur, n'efface rien, mais on ne peut pas se mettre à la place des gens, d'autant moins qu'on ignore le détail des circonstances qui ont conduit au drame).

On peut par conséquent trouver significatif que ce soit justement en se rendant à un festival de cinéma que Polanski ait été interpellé : c'est en quelque sorte la réponse rigoureuse de la justice aux aspirations du cinéma. La loi est la loi, elle doit même être "la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse", dit la Déclaration de 1789. Et c'est vrai.

Mais tout de même, il y a des années que le mandat d'amener contre Polanski traîne sur les bureaux de toutes les polices du monde, y compris la police suisse, et que Polanki se promène tranquillement partout, même et surtout en Suisse, et qu'il y a donc une forme d'injustice à ce que ce pays change subitement, sans le prévenir, la doctrine qu'il avait adoptée à son endroit.

Il faut dire qu'entre-temps, la Suisse a été placée sur la liste noire des États-Unis et que, de ce fait, les pouvoirs suisses pouvaient éprouver le besoin de se refaire une virginité aux yeux des autorités américaines, ce qu'ils ont pu faire au détriment de Polanski, sacrifié, comme je l'ai écrit lundi, sur l'autel du sacro-saint paradis fiscal suisse.

Tout être humain a droit au rachat

Parmi les condamnations véhémentes que j'ai lues sur la Toile, il y avait qu'on ne devait pas accorder de prescription aux violeurs, et aux violeurs pédophiles en particulier. C'est, je crois, ce que décide le droit helvétique. Il se trouve que personne n'invoque la prescription. Il n'y a pas de prescription, comme l'a justement noté Éolas. La question, de mon point de vue, est différente : est-il impossible de se racheter d'un crime dont la victime s'estime réparée ?

Quelle est la fonction de la punition et de la prison ? S'agit-il d'éliminer, de punir, de faire un exemple, ou de corriger ? S'il s'agit de corriger, ne doit-on pas examiner ce qu'a été la vie de Polanski depuis cette époque ? A-t-il récidivé ? Non. La punition et sa menace n'ont-elles pas, au contraire, agi en profondeur sur lui pour le conduire à s'amender ? C'est ce qu'on peut penser. La prison pourrait-elle aujourd'hui le corriger plus ?

Qui peut sérieusement le prétendre ?

Alors on a, d'un côté, le fait que la peine serait inefficace, et de l'autre côté celui que l'on a envie de lutter contre la maltraitance féminine (mais Nadine Trintignant a signé la pétition) et de ne pas lénifier le viol, qui est un crime abominable, ni la pédophilie, qui est un délit odieux, c'est hélas vrai.

Que faire ?

Se souvenir que toute peine est individuelle, que le juge ne considère que les faits et l'effet de sa décision sur la victime et sur le coupable. C'est pourquoi Polanski doit être condamné, il doit l'être, parce qu'il a commis un acte odieux. Mais on doit tenir compte des efforts qu'il a faits pour se racheter, vis à vis de sa victime bien sûr, mais aussi vis à vis de la Société. Et à ceux qui prétendent qu'il faut l'envoyer en taule pour l'exemple, je ne peux que répondre : si vous ne donnez pas aux criminels l'espoir de se racheter, autant les condamner directement à mort. Comme ça, imprescriptibilité générale, peine de mort automatique, on aura vite supprimé l'espèce humaine, qui n'est qu'un ramassis de délinquants, il faut quand même le rappeler. Comme dit l'autre, "que celui qui n'a jamais fauté lui jette la première pierre".

Donc une condamnation, pour que chacun sache effectivement que ses forfaits peuvent le poursuivre longtemps, et qu'il lui faudra œuvrer beaucoup et longuement s'il veut s'en racheter. Mais soit la dispense de peine, soit des activités d'intérêt général en substitution, soit le sursis, sachant qu'à 76 ans, il a peu de risque de récidive, et une amende pour s'être dérobé à la justice en 1977, me paraîtraient un châtiment à la fois efficace et équitable.

La Justice est-elle aveugle ?

Enfin, le côté irréel de cette arrestation au bout de trente ans doit nous secouer. Quand même, quand le procureur Javert de Californie nous explique sans sourciller que cela a été long d'avoir Polanski parce que Polanski était en fuite, on a envie de lui rétorquer "C'est vrai qu'il se cachait dans des grottes et qu'il diffusait ses films sous le nom de Polanski, Roman, au lieu de Roman Polanski". Allons, c'est ridicule. On n'a pas affaire à un criminel nazi réfugié aux États-Unis en Argentine sous un faux nom. Véritablement, les tartuffes sont de sortie. La justice n'en sort pas grandie.

Et c'est donc étonnant de s'apercevoir que cette mascarade pathétique se joue au moment où le président français vient de se rendre coupable de forfaiture en exerçant une pression directe et publique sur un tribunal pénal dans une instance à laquelle il est partie à titre personnel, ce qui redouble la forfaiture.

Et c'est étonnant aussi que tous ces événements soient concomitants avec un sondage (hum) qui souligne les doutes que l'opinion aurait sur l'impartialité des juges du procès Clearstream (cependant que Chirac obtient un non-lieu du Parquet qui, contrairement aux juges de Clearstream, dépend organiquement du pouvoir).

Vraiment, on est presque étonné qu'il ne se soit pas encore trouvé de mauvaise langue sur Internet pour crier au complot contre la crédibilité de l'institution judiciaire...

Alors, avant que cette vague de suspicion-là se soit levée, disons vite qu'il doit être vrai que la Justice est aveugle, car si elle ne l'était pas, elle irait au cinéma, et elle y aurait vu Le Pianiste, et elle aurait accordé, enfin, le pardon.

Mais j'aime trop les femmes, et une jeune femme en particulier, dont je sais que les jolis yeux verts vont lire cette page, pour ne pas conclure autrement. Sachons accorder le pardon, et permettons que l'on puisse se racheter. Et ne laissons pas banaliser le viol, ni maltraiter les femmes.

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29/09/2009

Ce que l'affaire Polanski enseigne sur Hadopi.

Bien entendu, le texte qui va suivre ne vise aucunement à légitimer l'acte commis par Roman Polanski voici plus de trente ans, mais à comprendre le piège dans lequel certains dispositifs judiciaires peuvent placer les éventuels justiciables. L'acte délictueux en lui-même (l'acte sexuel avec une mineure âgée de 13 ans) est inexcusable sauf circonstances vraiment exceptionnelles, mais les faits ne sont pas ceux que l'on nous a servis d'abord.

Le piège du plaider coupable

Selon la version qui traîne beaucoup, notamment sur Internet, Polanski aurait drogué et violé une toute jeune fille. Dit comme cela, c'est ignoble, on clame "Renvoyez-le à ses juges ! qu'il aille croupir !" Mais selon une autre version que l'on commence à entendre, la mère de la jeune fille aurait poussé Polanski à faire des photos de sa fille dans une situation que l'on imagine, à peu près comme cela a été le cas pour Brooke Shields à la même époque, sauf que... une fois l'acte commis, voici Polanski dans un piège : il ne peut nier, il a commmis l'irréparable. Pour sortir d'une situation dans laquelle il se sent piégé, ce qu'il est en effet, Polanski peut aller au procès, dont le résultat est aléatoire, ou transiger avec sa victime et avec la justice, ce qui l'oblige à plaider coupable. La gravité de la peine est l'un des éléments substantiels de la transaction avec la justice. Pour obtenir une peine relativement légère, Polanski accepte de plaider coupable et d'indemniser sa victime dont la mère semble pourtant aussi coupable que lui.

Désormais, quoiqu'il arrive, le voici dans la nasse de la culpabilité. Et lorsqu'il sent que la peine va dépasser la durée pour laquelle il a transigé, il préfère s'enfuir. Le piège s'est refermé sur lui. Trente ans plus tard, un procureur, sans doute en mal de notoriété, va agiter la nasse. Polanski est arrêté par les autorités d'une Suisse qui cherche désespérément à se refaire une virginité aux yeux des États-Unis. On va sacrifier Polanski sur l'autel du sacro-saint paradis fiscal helvétique.

J'avoue que cette seconde version me paraît plus vraisemblable que la première, et finalement, cette affaire de piège s'est répétée plus tard contre Michael Jackson, sans succès automatique, puisqu'il a payé une fois et gagné l'autre. Dans la dernière, le gamin qui avait accusé Jackson a reconnu après sa mort que ses accusations étaient fausses.

Ainsi, dans le dispositif Hadopi, y a-t-il de petits ruisseaux qui peuvent composer de grandes rivières judiciaires. On dit "mais l'Hadopi qui constate n'incrimine pas", sauf que ses constatations créent une présomption de culpabilité. On dit ensuite "Mais la procédure d'ordonnance judiciaire est légère et n'aboutit pas à une condamnation pénale" sauf qu'elle est optionnelle dans le dispositif, entre les seules mains de la partie civile, d'une part, et du procureur qui agit sur instruction politique d'autre part. La procédure enclenchée par la constatation de la prétendue infraction peut, sans aucune preuve autre, mener le justiciable en correctionnelle, avec très lourde amende et surtout prison à la clef. Et la constatation faite par la commission de l'Hadopi fait foi jusqu'à preuve du contraire, il y a bien toujours une présomption de culpabilité, dont le justiciable peut n'avoir aucun moyen de se libérer.

Ainsi, le raisonnement que l'on nous sert à propos d'Hadopi est-il celui qui a piégé Polanski : "Vous pouvez accepter le dispositif judiciaire, car, c'est promis, la peine sera légère". Or en justice comme ailleurs, et l'affaire Polanski le démontre, les promesses n'engagent que ceux qui les entendent. Et le législateur, lui, ne peut valablement se contenter d'une promesse de l'autorité politique devenue maîtresse des poursuites judiciaires : il est là, au contraire, pour fixer les règles qui offrent au justiciable des garanties de défense équitable et la clarté métronomique de la loi pénale, non pas l'aléatoire de la bonne volonté du pouvoir politique. En matière pénale, s'il y a pouvoir discrétionnaire valide, c'est toujours dans le sens de l'allégement de la pénalité, jamais dans celui de son alourdissement. C'est en quoi le texte Hadopi 2 est aussi liberticide que l'était Hadopi 1 avant censure par le conseil constitutionnel.

Voilà ce qu'enseigne l'affaire Polanski, le piège du plaider coupable, sur le texte Hadopi 2, le piège de la présomption de culpabilité.

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28/09/2009

La mort hier de Pierre-Christian Taittinger.

Il y a des gens qui vivent la retraite comme une déchéance. En politique, pour les professionnels de la chose, la perte du dernier mandat est parfois suivie de près par la mort, comme si les obligations protocolaires leur servaient de colonne vertébrale, un squelette externe, ce qu'est la carapace pour les crustacés, et en particulier les crabes.

Pierre-Christian Taittinger était-il un vieux crabe ? Non, je ne crois pas que ce soit la bonne définition. J'ai été son adjoint pendant six ans, et si je devais faire son portrait au bord de la fosse, je ne le qualifierais pas de vieux crabe. Je crois que le titre que je n'ai pas cessé de lui donner de son vivant, "M. le maire", était celui qui lui convenait le mieux. Taittinger était né pour être maire, et peu importe, ici, le point de vue de ceux desquels il a usurpé la fonction de maire, car il faut voir le sujet en soi : Taittinger était un maire-né.

Devenir maire du XVIe

Maire du XVIe : il y était né à la maison (ça se faisait encore à cette époque-là), rue Chardon-Lagache, dans le sud de l'arrondissement, non loin de l'Institution Sainte-Perrine.

Fils de maire, frère de maire : son père, Pierre Taittinger, fut plusieurs fois président du conseil municipal de Paris lorsqu'il n'y avait pas encore de maire ; son frère, Jean Taittinger, fut député-maire de Reims.

Né à une mauvaise époque : en février 1926. Son père fut président du conseil de Paris pendant l'Occupation, et il me semble que c'est lui qui, en 1943, accueillit Hitler à Paris. On disait d'ailleurs que, dans cette jeunesse, Pierre-Christian Taittinger, obéissant sans doute à son père, avait signé des papiers dans des publications dont il aurait mieux fait de s'abstenir. Mais ensuite, il avait toujours cultivé publiquement les liens avec des organismes identitaires juifs, et avec des juifs personnellement.

Fils de son père, d'une intelligence précoce et d'une grande éloquence, il avait créé son premier club politique au début des années 1950 et s'était fait élire pour la première fois au conseil de Paris en 1953. Il n'avait plus cessé d'y siéger, sauf de 1971 à 1977, j'y reviendrai.

Je crois qu'en ce temps-là, il était inscrit au CNI, le parti de Pinay (et celui des collabo, Pinay ayant voté la confiance à Pétain en 1940), le parti de la vraie droite, le parti dans lequel furent élus pour la première fois députés, en 1956, Le Pen et Giscard. Le CNI, comme le MRP, éclata sous la pression du début de la Ve république : Le Pen s'en éloigna, Giscard fit scission (les Républicains indépendants), et Taittinger ... s'encarta au parti présidentiel, l'UDR. Pour ne pas perdre la main, il resta dans le parti du président lorsqu'on changea de président et de parti présidentiel, il devint alors UDF.

Il faut dire qu'en 1971, il figurait dans la liste municipale UDR du XVIe arrondissement qui fut battue par celle des Réformateurs (radicaux et démocrates), et qu'il subit sa première petite traversée du désert. Il se racheta ensuite en rejoignant les Républicains Indépendants de Giscard (qui est son exact contemporain), puis le Parti Républicain.

Lorsqu'il fallut un candidat giscardien pour tenter de prendre la mairie de Paris au RPR, le parti alors tout neuf de Chirac, en 1977, deux candidats étaient sur les rangs : Michel d'Ornano (l'homme des réseaux pour Giscard) et Pierre-Christian Taittinger, qui avait déjà été en quelque sorte maire de Paris, car président du conseil municipal au milieu des années 1960. Paris votait majoritairement gaulliste, les centristes de Lecanuet tenaient  le XVIe arrondissement, la bataille s'annonçait difficile, Giscard fit probablement le mauvais choix en préférant la fidélité à la spécialité : il opta pour d'Ornano, qui s'étala. La coalition giscardienne n'emporta, si ma mémoire est bonne, que trois arrondissements : le XIIe, le XVIe et le XXe, deux centristes et un radical à la manoeuvre dans l'élan du scrutin précédent.

Pour Taittinger, ce fut quand même le retour au conseil de Paris, c'était déjà ça. C'est l'époque aussi où il fut secrétaire d'État du gouvernement Barre, avant de retourner au Sénat où il avait commencé à siéger dès les années 1960. Au Sénat, il honorait Monnerville. C'est assez curieux, celui-ci n'ayant a priori aucun lien idéologique avec lui, mais c'est un fait, Taittinger révérait la mémoire de Gaston Monnerville, qui avait présidé le Sénat juste avant Alain Poher.

Pendant toute cette époque, Pierre-Christian Taittinger menait aussi ses affaires dans une branche du groupe Taittinger. Il me semble qu'ils étaient cinq frères, chacun ayant sa branche. Pour lui, c'était l'hôtellerie en particulier. Il fut l'un des artisans de la construction de la douteuse tour de la porte Maillot avec la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris (CCIP) dont il était alors l'un des poids-lourds. L'hôtel Concorde-Lafayette, dans cette tour, faisait partie de son groupe hôtelier, comme d'ailleurs le Lutétia (de mémoire à vrai dire ambiguë concernant l'Occupation) et quelques autres fleurons parisiens.

Il se maria tard et n'eut qu'une fille, Anne-Claire, qui reprit progressivement ses affaires après avoir fait ses classes à divers étages du groupe familial.

Un orateur brillant

La première fois que j'ai rencontré Pierre-Christian Taittinger, c'était en 1987, lors de la campagne présidentielle de Raymond Barre. Dès potron-minet (vers sept heures du matin), nous étions avec d'autres jeunes militants (parmi lesquels Pierre Gaboriau, élu depuis du XVIe et suppléant du député Bernard Debré) à la gare Saint-Lazare, et vîmes venir le sénateur Taittinger, guilleret comme toujours, plein d'humour et de délicatesse, qui se mit à distribuer des tracts avec nous.

Moins de deux ans plus tard, il prenait la mairie du XVIe au sortant, le démocrate Georges Mesmin. Je crois avoir déjà raconté l'affaire, disons simplement que Chirac avait devancé Barre lors de la présidentielle de 1988 dans le XVIe arrondisement et que, l'année suivante, il avait jugé utile que ce fait se traduisît dans la coloration politique de la municipalité d'arrondissement. Dans le même temps, le député UDF (PR) du XVIe nord, Gilbert Gantier, exprimait publiquement son agacement d'être tenu à l'écart de la mairie où régnait l'autre député UDF (CDS) qui était maire, et finalement, le coup fut bien monté, avec la complicité de certains adjoints de la municipalité sortante, que Mesmin n'avait pas jugés utiles pour la nouvelle : durant la campagne, Mesmin conduisait la liste et tout était fait pour accréditer l'idée qu'il serait reconduit comme maire. Mais lorsque le conseil d'arrondissement se réunit, ce ne fut pas lui qui sortit du chapeau...

Taittinger était enfin devenu maire, à l'âge de 63 ans, il était enfin devenu ce pour quoi il était né.

Un travailleur acharné

Il resta à ce poste durant dix-neuf ans, trois mandats (dont un allongé d'un an), et y déploya ses talents. Il avait conservé la précieuse collaboratrice de son prédécesseur, Évelyne Montastier, qui gérait son cabinet avec beaucoup de méthode et d'efficacité, malgré une rivalité qui ne cessa jamais de croître avec Danièle Giazzi, âme féminine du RPR puis de l'UMP locale sous la férule feutrée de Gérard Leban, puis de Claude Goasguen.

J'ai été son adjoint durant la deuxième de ces trois mandatures. J'en garde un souvenir contrasté. Taittinger était un interlocuteur charmant, joyeux, léger, le verbe brillant, mais ce n'était pas tout. Comme maire, il était parfait, arpentant son territoire à longueur de journée, rentrant à la mairie les poches pleines de petits bouts de papier où étaient notées les innombrables remarques et sollicitations qu'il avait reçues, il se défaussait de tout ça sur Montastier et sur Pierre Bolotte (du moins jusqu'à la retraite de celui-ci en 2001), qui lui servait de bras droit technique pendant que Montastier gérait les interventions et le protocole. Les dossiers mitoyens avec le RPR étaient toujours tranchés en faveur de celui-ci et sortaient du réseau personnel de Taittinger pour celui du premier adjoint.

Du temps où j'étais son adjoint, Taittinger avait une autre vraie adjointe, Anne Béranger, rescapée de l'équipe de Mesmin, qui gérait les animations culturelles qui pullulaient dans les murs de la mairie. Enfin, Pierre Gaboriau veillait à ses relations avec le monde sprotif. J'étais un étranger toléré dans ce petit monde.

Les goûts architecturaux de PCT étaient extrêmement conventionnels et bourgeois, il écartait tout projet d'art trop contemporain qu'on voulait imposer aux rues du XVIe et (c'était son bon côté) veillait à l'aspect extérieur des immeubles dont il signait le permis de construire, de façon à éviter les hideurs des années 1960-70. Le point faible de cette stratégie plutôt bonne était qu'il se contentait de projets médiocres pourvu qu'ils fussent conservateurs, au lieu de laisser un peu de place à la créativité. On ne peut pas toujours avoir toutes les qualités à la fois.

En plus des nombreux mariages qu'il célébrait, il prononçait au moins un vrai et long discours par jour, toujours de mémoire, sans notes, avec cette éloquence réellement prodigieuse qui était son meilleur atout. Il donnait des conférences un peu sur tous les sujets, jamais à court, jamais à plat, cherchant l'idée d'un portrait ou le fin mot d'un parcours. Il conférait pour les associations de ceci ou de cela, devant des vieux ou devant des enfants, toujours debout, les mains en mouvement et l'ironie légère au coin des lèvres.

C'était enfin un sportif, je crois qu'il a joué au tennis jusqu'à la fin. Mais il ne détestait pas le vin produit par sa famille, et il pouvait arriver qu'on lui trouvât l'œil un peu vague après le déjeuner.

J'ai dit comme nous avions eu une seule querelle, à propos du mariage d'Emmanuel Petit, en juillet 2000.

Comme je l'ai déjà raconté, il ne m'annonça jamais explicitement que je ne serais pas reconduit sur sa liste municipale en 2001 : il se contenta d'inviter les sortants sortis (mais qui ne le savaient pas encore) à un déjeuner dans la salle paroissiale de l'église Sainte-Jeanne de Chantal, à la porte de Saint-Cloud, et leur offrit une ciguë soigneusement masquée par du château Cheval Blanc 1955.

Il avait cette fausseté-là, qu'il rachetait à ses propres yeux par ce surcroît de délicatesse.

J'ignore comment il a tiré son épingle (et celle de sa fille) du jeu de la vente du groupe Taittinger, il y a quelques années, mais sa position personnelle en fut certainement affaiblie à la CCIP. De même, il vit avec impuissance Lagardère s'emparer du Racing Club de France contre son allié Xavier de La Courtie et on sentit que ses réseaux commençaient à flancher, cependant que la situation devenait franchement délétère dans les couloirs de la mairie du XVIe. Il conservait cependant la présidence du prestigieux cercle Interallié, qu'il avait prise après celle du Polo en 1999 (ce sont des cercles parisiens très huppés). Comme président du Polo, il avait d'ailleurs rencontré les intérêts équestres de Bayrou.

Il se battit activement contre les projets de bétonnage des stades Georges Hébert et Jean Bouin, dont j'ai déjà parlé.

Le rideau final

Enfin, en mars 2008, il connut un certain verset fameux de la bible : "celui qui a vécu par le glaive périra par le glaive" : on lui fit le même coup que celui qu'il avait fait, dix-neuf ans plus tôt, à Georges Mesmin. C'est la dernière fois que je l'ai vu vivant.

Pierre Auriacombe, un proche de Goasguen, m'accosta comme j'arrivais à la salle des fêtes de la mairie où allait se dérouler la séance solennelle de l'élection du bureau municipal. Auriacombe m'expliqua que la réunion du groupe UMP venait de se terminer, et que Taittinger, fin malgré son âge, avait très vite compris ce qui lui arrivait. Le prétexte de sa mise à l'écart avait été la participation extrêment faible aux élections municipales (40 %).

Comme maire sortant ou comme doyen d'âge, il présida cette dernière séance solennelle un court moment, le temps d'exprimer sa contrariété qui était très vive. Puis il ressembla à Giscard en se levant et en s'éloignant en silence.

Il était resté conseiller de Paris jusqu'au bout.

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27/09/2009

Génération Y en colère.

Merci à Benjamin Chaminade et à son site Génération Y 2.0 d'avoir relayé (EDIT comme Anthony Poncier, et Jérémy Dumont pour le Vide-Poches) mon compte-rendu (très orienté vers Quitterie, je le reconnais, mais je ne m'en défends pas) de la conférence à laquelle il a participé avec elle vendredi matin.

Il se trouve que le thème de la conférence et ce que Quitterie a dit ("Nous sommes une génération en colère", à quoi d'ailleurs Marc de Fouchécour, un baby-boomer grisonnant de Nextmodernity, a répondu "Nous aussi, nous étions une génération en colère, on a vu ce que ça a donné, on compte plutôt sur vous" en désignant Quitterie) renvoie à une vidéo que Quitterie a enregistrée l'an dernier à peu près à cette époque. Je juge donc utile de redonner cette vidéo qui n'a pas été la plus vue de la série à l'époque. La voici :

 

25/09/2009

Baby-boomers, génération X, génération Y.

Qu'on se rassure : je ne suis pas en train de découvrir un tout nouveau concept que je présenterais au monde ébahi, ni même en train de croire avoir inventé la poudre et le fil à couper le beurre réunis.

C'est que je suis allé entendre Quitterie, ce matin, au cours d'une table ronde dans le cadre de l'opération Paris 2.0, et que le thème de la table ronde était

COMMENT L'ENTREPRISE INTEGRE LA NOUVELLE GENERATION 2.0, ET EVOLUE AVEC ELLE.

Les différents orateurs ont fait le portrait des trois générations qui se côtoient dans le monde du travail : les baby-boomers (1946-1964), la génération X (1965-1977), la génération Y (les jeunes adultes nés à partir de 1978). Les démographes, eux, évaluent les générations moyennes à 28 ans environ. On voit qu'ici, une génération sociologique dure la moitié d'une génération démographique, mais peu importe, l'idée n'est pas de développer ce sujet sur lequel ma compétence ne dépasse pas ce que j'ai retenu de ce qui en a été dit ce matin.

J'ai toujours su que j'étais un baby-boomer : le prof d'Histoire-Géo l'avait dit à ma classe de 5e d'un air fort satisfait (en 1976) : nous, nés en 1964, étions la dernière tranche de la masse des baby-boomers, la natalité avait fortement baissé l'année suivante, les classes nombreuses de l'après-guerre ne duraient que jusqu'à nous.

Notez bien que je suis un baby-boomer d'extrême justesse : je suis né en novembre 1964. À moins de deux mois près, paf ! je passais dans la catégorie honnie, celle de la génération X.

Notez aussi que nous, tardillons du baby-boom, avons l'inconvénient de notre catégorie sans en avoir l'avantage : pas de Mai '68 pour le petit baby-boomer que j'étais : j'avais trois ans et demi, c'est un peu jeune pour grimper sur les barricades et lancer des pavés. D'ailleurs, si l'on considère que le mot d'ordre des soixante-huitards était "jouir sans entrave", ma génération est celle qui, à l'âge de dix-huit ans, a été confrontée à l'apparition du sida, et même si je ne faisais pas partie de ce qu'on nommait alors les "populations à risque", le fantôme sombre de la maladie planait sur les fantasmes de notre jeunesse. En revanche, nous avons grandi dans les années 1970 avec la vraie idée qu'il était sot de "perdre sa vie à la gagner", chose que je pense toujours. De même, nous n'avons pas eu, nous, à mener le combat de la mixité scolaire, mais dans ma classe de 11e (qu'on commençait à nommer CP), nous n'étions que des garçons, et c'est seulement l'année suivante qu'il y a eu deux filles, dont l'une était d'ailleurs très mignonne, j'étais très amoureux d'elle, nous avons été inséparables jusqu'à la fin du primaire, bref, ce n'est pas le sujet, mais j'étais de la première année qui, en montant, répandait la mixité dans les classes d'âges. Ce n'était pas notre combat, mais notre événement quand même. Nous, les cadets du baby-boom, avons été assez justement nommés "post-soixante-huitards", ceux qui avons grandi dans les effets du choc culturel qu'a été mai 1968.

Mais si j'ai eu envie de faire cette note, c'est à cause de la catégorisation psychologique qui a été faite ce matin des trois tranches d'âge : le baby-boomer d'aujourd'hui croit dans la hiérarchie, dans le texte, dans la rigueur, dans l'effort, dans les responsabilités, et dans tout ce que les baby-boomers de Mai '68 considéraient comme des stigmates de vieux cons. La génération X est moins formelle, mais... Et la génération Y est celle que Quitterie nous a longuement et merveilleusement décrite et illustrée pendant des mois, rejetant les hiérarchies, aimant la circulation de l'info, d'une info d'ailleurs éclatée, morcelée, et l'entr'aide, la communauté, le présent.

Et si j'ai eu envie de faire cette note, c'est parce que je trouve que si j'ai été longtemps centriste, ce n'est au fond pas un hasard : je me retrouve dans plusieurs aspects cruciaux de chacune des trois catégories, je me retrouve un peu dans toutes les trois à la fois. J'admire l'effort, mais j'ai toujours trouvé que l'idéal n'était pas de travailler plus pour gagner plus, mais de faire donner les meilleurs résultats au minimum de travail. Hélas, mon travail consiste surtout à travailler plus pour gagner moins, mais ceci est une autre histoire, comme on dit. J'aime l'immédiateté de l'info, l'informalisme. Si bien que je me demande si ces catégories sont vraiment pertinentes.

Oui.

C'est l'outil qui les forge : un vrai baby-boomer n'a commencé à être confronté à l'informatique au travail que vers la quarantaine en général, il a même souvent subi la concurrence de l'informatique qui a supprimé ou restreint bien des métiers (comptables par exemple). Cadet du baby-boom, j'ai su pour ma part en m'inscrivant en première année de gestion à l'université de Paris IX Dauphine, fin 1982, qu'il était crucial pour moi de prendre une spécialité informatique. La génération X, juste après moi, a eu conscience de l'informatique comme d'un outil majeur (mais un outil seulement) lorsqu'elle se formait. La génération Y a traversé l'adolescence alors que se développait la réflexion sur ce que le vice-président américain Al Gore avait nommé les "autoroutes de l'information", c'est-à-dire Internet. Quand Quitterie avait vingt ans, et étudiait dans une école de commerce, en 1998, on était en plein dans la bulle Internet : au plus fort du vertigineux rêve qui s'est alors emparé de tous les esprits, et dont l'histoire de Jean-Marie Messier (véritable Madoff de l'Internet) a été l'une des illustrations les plus bruyantes.

De ce fait, la génération Y est incontestablement celle dont la caractérisation est la plus juste, la plus solide. Ce qui se passe aujourd'hui, l'explosion d'Internet, sa prise de possession des relations sociales, économiques et humaines, c'est ce que les jeunes trentenaires attendent depuis les bancs du supérieur, c'est la terre qu'on leur a promise.

Mais je suis frappé que le pouvoir y est souvent détenu par la génération X.

Et finalement, je me raccroche à ce qui a été dit ce matin : nous, baby-boomers, comme la force des choses nous pousse vers la sortie, comme nous avons terminé notre traversée sans plus avoir rien à prouver à personne (hum), nous sommes prêts à passer le témoin, non pas à la génération X, mais à cette génération Y qui espère justement être prise en compte et guidée.

En politique, si l'on en croit Quitterie, ce passage de témoin n'est pas gagné comme il l'est apparemment dans l'entreprise, et j'ai une certaine joie, moi qui suis un cadet du baby-boom, à aider à l'émergence de la génération Y, parce que je l'aime, moi, cette génération Y, Quitterie.

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23/09/2009

Internet est-il la couveuse de la presse nouvelle ? (Bakchich).

La presse se meurt, la presse est morte. Car toute presse est comme l'herbe, comme la fleur des champs... dirait Bossuet.

Or voici que toute la presse ne meurt pas : le Canard Enchaîné prospère, lui qui n'a jamais eu la moindre pub et n'a jamais vécu que sur son contenu. Et d'Internet naissent, un par un, des titres débarrassés des logiques publicitaires et destinés à ne vivre que par leur contenu. "Vendredi" est né sur l'idée d'un effet miroir de la Toile (il paraît qu'ils préparent une nouvelle formule), "Siné Hebdo" est né sur un coup de sang et devient un vrai hebdo satirique après plus d'un an d'existence, et puisque c'est ainsi que la presse peut vivre, les journalistes du site Bakchich.info ont décidé de lancer un "Bakchich Hebdo qui, matériellement, ressemble beaucoup à Siné Hebdo. Longue vie à lui.

Et puisque c'est le journaliste Daniel Carton qui occupe la première colonne de la deuxième de couverture, c'est l'occasion de revoir l'excellent entretien de l'été 2007, Daniel Carton et Quitterie :

 

18/09/2009

Paris - Jean Bouin : le béton et les sempiternelles magouilles parisiennes.

Depuis quinze jours, j'ai donné quatre notes sur le projet de démolition du stade Jean Bouin. Pour mémoire, on peut les lire ici, ici, ici et . Voici je pense la dernière, en tout cas mes conclusions complètes et définitives.

Pour mémoire également, je rappelle qu'il s'agit officiellement de démolir les installations existant sur le stade Jean Bouin, tout contre le Parc des Princes, à Paris, le long de la frontière du 16e arrondissement de Paris et de la ville de Boulogne-Billancourt. À la place, le projet aboutit à la construction d'un nouveau stade entièrement dédié au rugby, pouvant accueillir 20000 spectateurs, ainsi qu'un nouveau gymnase, 1000 m2 de bureaux et 7400 m2 de commerces. Quelques courts de tennis en plus de la vingtaine existante achèvent le tableau.

Le bonneteau financier et l'appropriation privée du domaine public

En fait, il est impossible de détacher le projet de Jean Bouin du reste des équipements sportifs voisins : il se trouve que le propriétaire du concessionnaire du Parc des Princes (le fonds spéculatif Colony Capital, propriétaire du Paris-Saint-Germain) est devenu concessionnaire de la piscine Molitor, ce qui est logique pour lui, parce qu'il a des intérêts substantiels dans le groupe hôtelier Accor et que la piscine Molitor doit devenir l'accessoire d'un hôtel **** consacré à la remise en forme, une thalasso de luxe en quelque sorte. Depuis que l'État, sous l'impulsion du ministre de la Culture Jack Lang, a décidé en 1990 d'inscrire une partie de la piscine Molitor à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques, la Ville de Paris a pris la piscine en grippe, s'en sentant dépossédée, et a toujours juré que si l'on voulait que la piscine soit restaurée et rouverte, il fallait que cela ne coûtât pas un centime au contribuable parisien.

Or la rénovation de la piscine, sans ses accessoires hôteliers, coûterait sans doute 50 millions d'Euros.

Depuis 1990, plusieurs projets ont couru, dont certains utilisaient l'ancien bassin couvert à fin hôtelière, d'autres utilisaient la partie nord, tout près de Roland Garros, pour une résidence pour les jeunes tennismen qui, tout au long de l'année, viennent s'entraîner à Roland Garros. Le musée du Tennis aurait été installé dans les sous-sols de la piscine. Bref, des projets plus ou moins sportifs avaient couru.

L'arrivée de Colony Capital dans le paysage, au Parc des Princes, a tout changé. Colony Capital est un fonds spéculatif de droit américain, spécialisé dans l'immobilier. Et Colony Capital, tout en pleurnichant qu'il lui faudrait cinquante ans pour rentabiliser la piscine Molitor nouvelle, a présenté un projet qui, en apparence, est un énorme cadeau pour la Ville : investissement de 68 millions d'Euros pour restaurer les deux bassins de la piscine et le bâtiment, transformation d'une partie du bâtiment en hôtel quatre étoiles et accessoires de remise en forme, création de quelques dizaines de places de parking et de quelques commerces.

Or Colony Capital est un vrai fonds d'investissement, à l'américaine. Il sait que, pour vendre, pour vendre cher, pour soutirer beaucoup d'argent au client, il faut d'abord, non pas indiquer le prix qu'on demande (fi !), ni même les qualités du produit (bof...), ni même encore flatter le client (quoique...) mais surtout, surtout, lui faire un cadeau de bienvenue (ah !...).

Bienvenue au casino Colony Capital, asseyez-vous, vous prendrez bien une piscine Molitor ? C'est gratuit... (prononcer cette phrase avec la bouche en coeur, et un air de philanthrope, sans laisser transparaître une grosse arrière-pensée : "on va vous soutirer des millions").

Car dans le même temps où, pour l'intérêt public et dans un élan de sacrifice et de risque financier considérable, Colony Capital s'apprête à débourser 68 millions d'Euros pour que les habitants du 16e arrondissement de Paris (et les scolaires en particulier) puissent retrouver leur chère piscine, le même fonds Colony Capital cherche paraît-il... 75 millions d'Euros pour retaper et moderniser le Parc des Princes. Qui, croyez-vous, va se dévouer pour financer ces travaux au Parc des Princes ? Le contribuable parisien. Autrement dit, Colony Capital débourse 68 millions pour créer une affaire rentable, qui lui permet d'économiser une dépense de 75 millions dans son stade... Un jeu de bonneteau, pas vu pas pris. Bénéfice net immédiat de l'opération : 7 millions d'Euros, plus un hôtel **** de 98 chambres avec thalasso, piscine attenante, parkings, et boutiques.

Plus encore : la rénovation du stade Jean Bouin, en principe, est destinée à créer un stade de rugby pour l'équipe phare du rugby parisien, celle qui a révolutionné l'économie du rugby français en quinze ans : le Stade Français. Or en fait, les autorités de la Ville ne cachent pas qu'un nouveau club de rugby va être créé dans le 16e, à l'image de ce qui a été fait avec le PSG lorsqu'il a fallu doter le tout nouveau Parc des Princes d'un club résident voici quarante ans. Et comme la concession accordée (puis brusquement retirée) à Paris Jean Bouin et au Stade Français s'avère illégale (selon le Tribunal Administratif de Paris, qui sera certainement confirmé en appel par le Conseil d'État), le nouveau stade Jean Bouin se retrouve sans destinataire. Et qui, croyez-vous, va se dévouer ? Colony Capital, comme le président de cette structure ne le cachait pas fin août dans un entretien accordé au site Challenges.fr.

Et là, on passe aux vrais gros sous. 7 millions et un hôtel, c'était un hors d'oeuvre.

200 millions d'Euros d'investissement, 1000 m2 de bureaux, 7400 m2 de commerces, 500 places de parking, dans le 16e arrondissement, ça vaut des fortunes. Et pour acquérir tout cela, pas un centime : le contribuable parisien va tout payer. On va transformer un espace vert du domaine public en galerie marchande de gros rapport. Miam, on va se goinfrer. Et Colony Capital va prendre l'ensemble en concession contre une redevance modique, qu'il ne versera d'ailleurs à la Ville de Paris qu'en échange d'autres coûteux et encombrants travaux, le tout baignant sans aucun doute dans la plus parfaite honnêteté.

Et avec un stade de footbal de haut niveau, un stade de rugby de haut niveau également, et Roland Garros à deux pas, la thalasso sera ce que sont beaucoup de ces thalasso : une mine d'or. On va se goinfrer, je vous dis.

En somme, en apparence, Colony Capital fait le beau geste de rénover une piscine à fonds quasi-perdus. En réalité, il se prépare des bénéfices  rapides de plusieurs dizaines de millions d'Euros.

Le tout, grâce à une municipalité de gauche. Qu'est-ce que ce serait avec une municipalité de droite !

Victimes : le domaine public, l'espace vert, les sportifs amateurs du cadre associatif, et plusieurs milliers d'élèves des lycées voisins, qui vont devoir faire la noria en autocar (170 rotations par semaine) pour galoper dans un stade du 15e arrondissement, de l'autre côté de la Seine. Une paille.

Le départ de Guazzini est-il inéluctable ?

L'arrivée de Guazzini dans le rugby et au stade Jean Bouin, au début des années 1990, a été une grande surprise. Une image de grande fraîcheur s'en dégageait, ainsi que l'image d'un homme d'affaires mécène, à qui tout réussit. Or il y avait un fort risque de dérapage politico-financier dès cette époque, et si Internet avait été développé alors comme ça l'est aujourd'hui, il est évident que nous aurions tous considéré l'affaire d'un autre oeil.

Il s'agit évidemment des liens personnels, politiques et financiers qui unissent Delanoë à Guazzini : on apprend ici que Guazzini a tenu la permanence juridique du jeune député Delanoë voici une trentaine d'années, et on apprend que c'est Delanoë qui a présenté Jean-Paul Baudecroux, fondateur de la radio et du groupe NRJ, à Guazzini en 1981. Le site Bakchich a d'ailleurs souligné à l'occasion de cette interview les liens qui unissent NRJ au Parti Socialiste, Delanoë ayant été en quelque sorte "commissaire politique" auprès de la radio.

Or NRJ va mollement, comme beaucoup de médias anciens, le PS ne va pas follement non plus, et Delanoë a annoncé qu'il ne se représenterait pas à la mairie de Paris en 2014 (peut-être pour se ménager une carrière nationale qui va cependant devenir délicate...). Tout semble donc converger pour que Guazzini, qui a passé la soixantaine, songe à se retirer. C'est l'une des hypothèses les plus vraisemblables qui circulent : Guazzini revendrait ses droits locaux, et toucherait ainsi en quelque sorte son dividende de quinze ans d'investissement personnel et politique.

En tout état de cause, Anne Hidalgo, venant présenter le projet de stade Jean Bouin à la mairie du 16e, n'a pas caché, comme je l'ai dit, qu'une nouvelle équipe de rugby serait créée dans le 16e, ce qui semble accréditer l'hypothèse de la retraite de Guazzini, fortune faite.

Comment Delanoë a "plumé la volaille centriste" et verte.

Il faut aller encore un peu plus loin : jusqu'ici, nous n'avons évoqué que le stade Jean Bouin, la piscine Molitor, le Parc des Princes, il y a à une distance de quelques centaines de mètres à peine un autre équipement historique du Bois de Boulogne : l'hippodrome d'Auteuil.

Cet hippodrome est censé accueillir les scolaires délogés de Jean Bouin. Pour cela, la Ville de Paris a prévu des travaux (encore un montant faramineux) à hauteur de 25 millions d'Euros, pour créer une piste d'athlétisme, trois terrains de sport sur gazon, et une promenade paysagée, le tout sur 14 hectares. Apparemment, il ne s'agirait que d'un premier pas dans le dépeçage de l'hippodrome d'Auteuil.

Et tout soudain, on se dit que ce qu'on a aimé dans Delanoë 1 manque cruellement à Delanoë 2, et que si ça manque, il faut voir pourquoi ça manque.

La Ville de Paris a connu, depuis Haussmann, de nombreuses périodes de fièvre bâtisseuse. Celle d'Haussmann, bien entendu, celle des fortifications entre les deux guerres mondiales, celle de Pompidou, prolongée jusqu'au début des années 1990 par Chirac. Trop nombreux sont les exemples pour qu'on ait besoin de les citer.

Cette fièvre a baissé brusquement avec l'arrivée de Jean Tibéri à la mairie de Paris en 1995 : il a renoncé à toute nouvelle ZAC (Zone d'Aménagement Concerté) alors que plusieurs projets frétillaient encore dans les cartons. Après lui, Delanoë a rejeté aussi toute idée de bétonnage. Pourquoi ? Apparemment, pas par conviction personnelle. Mais parce qu'il ne disposait d'aucune majorité au Conseil de Paris sans les voix des élus Verts.

Il faut se remettre dans le contexte : en 2001, la campagne municipale se fait sur fond de "majorité plurielle" et le PS de Jospin et Delanoë entend se montrer comme un leader de la Gauche, certes, mais un leader magnanime, qui laisse beaucoup de place à ses partenaires. L'élection parisienne est une vitrine de la stratégie de communication de Jospin pour la présidentielle de l'année suivante. On sait ce qu'il en a été, et comme le PS a attribué à sa trop grande générosité son échec du 21 avril 2002.

Et Delanoë restait avec ses encombrants alliés sur les bras. Les Verts, en particulier, très exigeants dans le domaine des transports (ce qui les rend impopulaires), mais aussi contre le bétonnage, et, cerise sur le gâteau, en matière financière. De véritables empêcheurs de fricoter en rond.

Et puis les Verts avaient un défaut, cardinal aux yeux d'une grande partie du PS parisien : ils étaient très ouvertement pro-Palestiniens, et critiquaient abondamment les subventions communautaristes qu'ils trouvaient dans le budget de la Ville. On trouvera facilement, par exemple, le rapport fait alors par une adjointe verte au maire du 14e arrondissement, qui refusait une subvention à une école juive loubavitch, au nom de la laïcité. Certains des réseaux qui soutiennent le plus Delanoë ne supportaient plus les contraintes de cette alliance verte. Il fallait faire quelque chose.

Or il s'est trouvé qu'à partir de 2002, les centristes de l'UDF de François Bayrou et Marielle de Sarnez cherchaient à se libérer du joug UMP. C'est à partir de 2004, je crois, que certains votes de l'UDF permirent à Delanoë de s'émanciper de sa "majorité purielle" municipale. En filigrane se dessinait peu à peu l'hypothèse d'un retournement d'alliance de l'UDF parisienne, qui entrerait dans la "majorité plurielle" de Delanoë à l'occasion des municipales suivantes.

Est-ce à cause de la présidentielle, ou parce que son but (l'affaiblissement des Verts) était atteint ? Delanoë, seul en piste, choisit de gouverner désormais seul, entouré d'alliés croupions et séparé des ex-UDF devenus à la fois MoDem, ratatinés et cocus.

La conséquence en est la réapparition du projet (qui traîne depuis trente ans dans les cartons) de tours géantes enceignant Paris, et un déferlement de béton et de fric sur le Bois de Boulogne.

Étant donné le tour pénal pris par les événements à Jean Bouin, il ne fait aucun doute que son chemin ne sera désormais plus tapissé de pétales de roses.

Le départ de Roland Garros est inéluctable

Si l'on met même de côté l'éventualité du bétonnage de l'hippodrome et de toute cette partie du Bois, il y a encore un dossier de nature à exciter les hormones des promoteurs immobiliers : c'est celui de Roland Garros, autre équipement sportif dans le voisinage immédiat de tous ceux dont il a été question jusqu'ici.

Roland Garros est un mythe. Ce stade de tennis a vu ses premiers "internationaux" en 1928, plusieurs victoires des Mousquetaires de la coupe Davis y ont été remportées, mais le tennis mondial, sport spectacle par excellence, torrent de pognon à échelle planétaire, a du mal à se satisfaire désormais des installations de la porte d'Auteuil. Tôt ou tard, elles ne lui suffiront plus, le tournoi de Roland Garros devra déménager ou mourir.

Il y a trois aspects dans l'affaire : la compétition sportive, la kermesse, le programme de télévision.

La compétition n'a pas besoin d'un espace plus grand que le Roland Garros actuel, elle y est à son aise. La kermesse n'est pas aussi étendue, loin s'en faut, que dans d'autres tournois majeurs : celui des États-Unis, à Flushing Meadow, s'étale sur une surface deux fois plus grande que Roland Garros. Or qui dit kermesse dit boutiques, et argent, profit, donc moins de kermesse égale moins de sourires des marchands du sport. Le programme de télévision a aussi un problème à Roland Garros : la pluie. Quand il pleut, il n'y a pas de matchs, donc pas d'antenne, donc il faut rembourser la pub, bref c'est plus que contrariant pour la World Company.

Or au lieu de réserver le palais Omnisport de Bercy pour certaines retransmissions du tournoi (ce qui coûterait peu), voilà que Roland Garros a inventé de vouloir s'adjuger un stade municipal. Même pas comme Jean Bouin qui, depuis sa création, est concédé à un club de sports. Non, un vrai stade municipal, géré en régie, et qui sert lui aussi pour les scolaires et les associatifs : le stade Georges Hébert, juste en face du lycée La Fontaine.

On croit rêver.

Il s'agit d'y édifier un stade de 15000 places, couvert, devant servir ... quinze jours par an. Le comble du scandale.

Il est évident que ce projet trop absurde ne verra pas le jour, et que Roland Garros se contentera d'implanter une installation provisoire, démontable, à l'entrée du Bois de Boulogne, et une forme de toiture sur le court central.

Mais ces investissements ne feront que reculer l'échéance : au nom de la kermesse, au nom des programmes télévisés, il faudra, tôt ou tard, que Roland Garros se trouve une autre implantation, plus au large.

Hélas, ce n'est pas ce qu'a sérieusement voulu dire Jean Gachassain, président de la Fédération Française de Tennis, lorsqu'il a lancé que Roland Garros allait s'installer près d'Eurodisney ou près d'un hypothétique nouveau circuit de Formule 1 (grrr) à Sarcelles.

Il y a une part de sens dans la première idée : le Roland Garros nouveau doit disposer d'une importante infrastructure de transport et d'hébergement hôtelier, deux atouts que présente en effet Eurodisney. Mais on peut être sceptique pour l'aspect hôtelier : durant la quinzaine de Roland Garros, les principaux joueurs du circuit ATP résident dans les palaces parisiens. On les voit mal s'exiler à Eurodisney...

Et de toutes façons, il est évident que Gachassain a joué la provocation, peut-être pour faire pression pour son court de 15000 places, en tous cas pour éviter une hausse de la redevance que la FFT verse à la Ville de Paris pour l'utilisation de Roland Garros, qui paraît en effet modeste, puisqu'elle ne s'élève qu'à 1,5 million d'Euros par an, alors que le tournoi rapporte des dizaines de millions d'Euros à la FFT chaque année.

Le départ inéluctable de Roland Garros sera l'occasion de la véritable redistribution des cartes dans le quartier. Que fera-t-on des hectares de terre battue et des immenses courts en béton ? Voilà la grande question.

D'ici là, la Ville de Paris tente de promouvoir une candidature pour l'Euro de football 2016. Elle aurait tort de ne miser que sur ses propres forces, et il est évident que cette candidature doit être portée à l'échelle de l'agglomération parisienne tout entière, ce qui évitera de nouvelles emprises foncières sur des espaces verts.

Quant à notre quartier, entre la porte d'Auteuil et la porte de Saint-Cloud, il doit retrouver sa vocation d'espace vert et sportif. Je pense que le projet de Jean Bouin va devenir vite un "bâton merdeux" pour la municipalité, qui ne pourra le mener à bien. Le seul inconvénient de la disparition de ce projet est que, probablement, elle entraînera celle de la rénovation de la piscine Molitor qui en est en fait l'accessoire. Et on sera reparti pour un tour de fermeture, des années d'enfants sans piscine.

Il reste qu'on peut (et doit) se demander pourquoi Delanoë met un tel acharnement à s'aliéner la sympathie des écologistes.

J'ajoute qu'on m'a demandé sur place une prise de position formelle du MoDem parisien, moi qui n'y suis plus guère.

Décidément, ils sont incorrigibles, ces politiques de l'ancienne manière. Vivement qu'ils prennent leur retraite, comme dit Quitterie.

17/09/2009

Paris - Jean Bouin : la vérité apparaît.

La découverte de la vérité m'a amené à faire cette vidéo où je l'explique.

Je donnerai mes conclusions définitives et complètes sur l'affaire Jean Bouin demain.

 

13/09/2009

Quitterie s'en prend aux "fraudeurs", aux "bonimenteurs" et aux "racistes".

Sur son profil Facebook, Quitterie a inscrit ce texte court, que j'approuve entièrement et qui, je crois, parle de lui-même :

"Entre les fraudeurs, bonimenteurs et les racistes, l'image de la politique nationale très classe. Pour rappel : l'abstention aux européennes chez les jeunes : 85%. Politiques de 1er plan : vs êtes responsables. La fracture sociale et générationelle est consommée. De la star academy au mauvais goût, vous sombrez. Epargnez-nous vos lois et leçons de morale, prenez votre retraite, vous polluez notre présent. Et notre avenir".

Comme l'un de ses commentateurs invitait les abstentionnistes à aller aux urnes la prochaine fois pour corriger la politique, Quitterie a rétorqué :

"Trop facile de renvoyer la balle aux abstentionnistes. Pour une fois, mettons en exergue le problème de l'offre, de sa non vision, incapacité à se projeter à plus de 3 jours, non exemplarité, non respect de la parole donnée, archaïsme des partis, des institutions, irrespect total des citoyens et des adhérents."

Comme Michel Hinard critiquait la notion "générationnelle" invoquée par Quitterie, celle-ci a dit :

"Cher Michel, "sociale et générationelle", ce n'est pas une question d'âge pour les responsabilités politiques mais la longévité donc les conflits d'intêret... forte amitié, ravie de te lire."

Puis :

"Merci pour vos commentaires.

"Il convient aussi de dénoncer la solidarité de la majorité silencieuse des collègues des uns et des autres....

"Où sont les membres du gouvernements qui ne cautionnent pas les propos d'Hortefeux ???? Où ? ...

"Donc complices.

"Où sont les membres du PS qui brisent l'omerta des pratiques, idem dans les autres partis. Silence = complicité. Nous demander nos bulletins de vote pour nous cracher (et je suis polie) dessus après.

"Allons-nous aussi cautionner ce naufrage ?"

Enfin, à un autre commentateur, cette réponse en forme de conclusion :

"1. on arrête de cautionner.
2. On bosse : on créée des emplois, on monte des médias, on change les règles de commerce, on change surtout soi même : on innove pour changer de système. Le modèle adéquat politique viendra après.
3. On les laisse dans leur comédie pathétique, ils ont voulu s'accrocher à leur pouvoir, qu'ils le gardent.

"Un autre monde est possible. Il n'y a pas de temps à perdre, surtout pas pour jouer les figurants de la fin de leur pièce de théâtre de mauvais goût."

10/09/2009

Paris Jean Bouin : les soupçons de fraude et le piège.

Il y a une ou deux chose(s) que je ne vous ai pas dite(s) et qu'il faut savoir pour comprendre une partie des événements qui dramatisent l'affaire du stade Jean Bouin.

Les rivaux de Painful Gulch

Tout d'abord, il y a la rivalité profonde, traditionnelle, entre le Stade Français et le Racing Club de France (RCF). C'est un peu ce que sont Oxford et Cambridge à l'aviron britannique ou le PSG et l'OM au football français. On pourrait aussi parler des rivaux de Painful Gulch d'un certain album de Lucky Luke par Morris et Goscinny. C'est pire que des haines de clans corses.

La situation, telle que je l'ai laissée en quittant la mairie du XVIe en 2001, était que Jean Bouin était le lieu d'une véritable guerre de tranchées entre le Stade Français (qui occupait le terrain de rugby) et le RCF qui dominait plusieurs sections du CASG (alors concessionnaire de Jean Bouin), club devenu petit et balkanisé par la lutte des plus grands. Or depuis longtemps, Lagardère est proche du RCF. Et comme Arnaud Lagardère s'est beaucoup investi dans le sport de compétition professionnelle, il louchait sur Jean Bouin. On avait donc deux milliardaires face à face : d'un côté Max Guazzini et ses maillots roses, de l'autre Arnaud Lagardère et ses tennismen plaqués or.

En 2004, la concession du stade Jean Bouin vint à échéance (les concessions sont renouvelées tous les quinze ou vingt ans). Le CASG, se sentant menacé par les appétits de Guazzini et du Stade Français, avait accepté d'ajouter Paris à son nom historique, mais ce n'était pas suffisant. Il lui fallait un protecteur, ce fut Lagardère, renouvelant le système d'alliance et de bascule traditionnel du CASG entre le Stade Français et le RCF. À cette occasion, la concession du stade Jean Bouin, attribuée depuis des lustres au CASG, fut donc donnée à une nouvelle entité, Paris - Jean Bouin - Lagardère.

Tout ça dans un petit stade de quartier dont la vocation éducative est évidente. Bref...

Les avatars successifs du projet

Depuis longtemps, comme je l'ai écrit, Guazzini avait envie de développer son emprise sur le site. Nous avions toujours résisté à cet appétit dont les inconvénients étaient aussi manifestes qu'aujourd'hui. Cependant, nous n'étions pas hostiles à une rénovation du stade. C'est celle qui, je crois, a été votée notamment par l'UDF de l'époque, et avec mon approbation, en février 2007. Elle coûtait déjà officiellement 69 millions, au moins deux fois moins qu'aujourd'hui.

En décembre 2007, le projet avait changé du tout au tout (Laporte, proche de Guazzini, était alors au gouvernement et, il est vrai, la coupe du Monde venait de mettre le rugby en valeur). Il coûtait subitement 86 millions d'Euros, et aboutissait purement et simplement au projet actuellement discuté : destruction, reconstruction, disparition des scolaires et du club omnisport. On apprend par le blog que Lagardère, lui, visait à une occupation encore plus privative du stade, dédié à l'entraînement de ses chers (et coûteux) tennismen...

L'étape suivante, nécessaire aux travaux puisque Paris - Jean Bouin refusait la démolition du stade, fut la résiliation unilatérale de la concession de Jean Bouin par la Ville de Paris, au cours d'un vote où, en novembre 2008, la séance du Conseil de Paris fut particulièrement houleuse : seuls les partis de gauche votèrent pour, ce qui est tout de même assez fort s'agissant d'une mise à l'écart des scolaires : PS, PRG, PCF, MRC, ont voté pour. La plupart des Verts, et tous les autres (dont, je suppose, l'élue MoDem) votèrent contre la résiliation. Le coût du projet avait encore enflé, ayant presque doublé en vingt mois : on en était à 120 millions d'Euros.

Soupçon de fraude

Il y eut un coup de théâtre au printemps suivant : en avril 2009, le Tribunal Administratif (TA) jugea la convention de Paris - Jean Bouin illégale, observant que des conditions de publicité pourtant élémentaires n'avaient pas été respectées, comme le relate le blog d'un élu UMP dissident. Cette décision juridictionnelle mit la justice pénale en mouvement, et Max Guazzini et Bertrand Delanoë furent entendus comme témoins, en juillet, par la Brigade de Répression de la Délinquance Économique et Financière (BRDE).

Bien que fragilisés par la décision du TA, l'équipe de Paris - Jean Bouin et le collectif Jean Bouin se manifestèrent bruyamment, pétitions, dépêches de presse notamment. D'autres voix jugeaient le destin du stade scellé.

Il y eut le 3 septembre dernier la présentation houleuse à la mairie du 16e, où le maire du 16e, Claude Goasguen, se montra incisif, et j'ai croisé ce soir-là un personnage d'aspect sympathique, dont je viens d'apprendre qu'il est Sylvain Garel, un adjoint au maire de Paris, chargé d'exprimer le refus catégorique par les Verts du projet du nouveau Jean Bouin.

Un projet faramineux, des comptes douteux

Mme Hidalgo a une curieuse arithmétique. Elle a expliqué que, si le coût du projet frisait désormais 150 millions d'Euros (selon elle, d'autres disent 200 millions en incluant notamment 25 millions pour créer ... trois terrains de gazon au milieu du champ de courses d'Auteuil, ce qui met tout de même le terrain à 8 millions pièce, alors que les miens coûtaient trente fois moins...), si donc on atteignait ce chiffre, c'est qu'il fallait appliquer l'indice du coût de la construction au chiffre précédent. Cet indice, selon elle, étant à 4,5 %, l'appliquer à 120 millions donnerait une majoration de ... (120Mx0,045=) 5,4 millions. Le montant, avec ce simple indice, aurait dû être 125,4 millions. À l'inverse, le coût de 150 millions représenterait une hausse de 25 % (et non 5,4 %). Or les travaux sont appelés à commencer dans six mois (donc + 12,5 %) et à durer trois ans (donc + (3x25 %=) 75 %). Le tout fait + 87,5 % d'augmentation de l'indice de la construction selon Mme Hidalgo. Son projet digne de l'empereur Bokassa ou du Roumain Ceaucescu s'élèverait en définitive à (150M + (150M x 0,875 = 131,25) =) 281,25 millions d'Euros. Allez, avec les faux-frais, disons 300 millions d'Euros. Une paille.

Je relève dans l'un des articles du Parisien que j'ai mis en lien le descriptif de ce que devrait être, dans l'esprit de la municipalité, le nouveau Jean Bouin (précisions tirées des explications données par Mme Hidalgo) :

"1000 m2 de bureaux, 7400 m2 de commerces et un parking de 500 places (dont 100 à un tarif résidentiel) sont prévues."

1000 m2 de bureaux, et ... 7400 m2 de commerces !!!

Franchement, ça vaut le coup que la municipalité dépense 200 ou 300 millions d'Euros pour construire une brasserie de luxe et plus de 7000 m2 de commerces de luxe dans le 16e, on ne sait tellement plus où fourrer le pognon, tellement qu'on en a, alors bien sûr, les investissements de tramway, de santé, d'éducation, peuvent attendre : l'urgence, c'est de construire des commerces de luxe dans le 16e. Et toute la gauche a voté pour, communistes y compris. Lénine, relève-toi, etc.

Si les socialistes continuent, ils finiront par s'aliéner définitivement les électorats de bonne volonté, centristes et écologistes. Un instinct suicidaire ? L'envie de tomber dans un piège ?

En terminant cette seconde note de synthèse, j'avoue que j'ai honte de notre personnel politique, et je remercie ceux des élus qui ont le courage de ne pas capituler devant ce que François Mitterrand nommait les "forces de l'argent". Je regrette véritablement le temps où la gauche savait se battre contre l'appétit des promoteurs, merci encore à Jack Lang d'avoir classé la piscine Molitor.

Résister, c'est créer, créer c'est résister.