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21/12/2009

Différentiel de TVA sur le livre entre la France et la Belgique : aïe.

En France, le livre (à juste titre à mon avis) est considéré comme un bien de première nécessité, et donc taxé à 5,5 %. Entre nous soit dit, vu le rôle joué par Internet en matière éducative, le  taux réduit de TVA devrait lui être appliqué aussi. Ce n'est pas le sujet de mon article d'aujourd'hui. En France, donc, c'est l'ensemble de la filière livre qui est taxé à 5,5 % : quand je fais imprimer un livre, je paie 5,5 % de TVA. Ce taux n'est pas uniforme pour l'imprimerie, puisque si je fais imprimer un livret publicitaire, je paierai 19,6 % de TVA,la pub étant tout sauf nécessaire.

En Belgique, le taux appliqué à la fabrication et à la vente diffère : à la fabrication, il se monte à 21 % ; à la vente, à 6 %. Et ça change tout.

Ainsi, lorsque je fais imprimer 300 gros livres pour 12000 Euros, vais-je payer autour de 2400 Euros de TVA en plus en Belgique. Si je vends ces livres 250 Euros pièce sans intermédiaire, je percevrai environ 20 Euros (c'est schématique) par livre. Pour récupérer mes 2400 Euros de TVA versée, il faudra donc que je vende vite 120 exemplaires sur 300.

En France, en sus des mêmes 12000 Euros, je vais payer un peu plus de 600 Euros de TVA. Si je vends mes livres dans les mêmes conditions 250 Euros, percevant environ 20 Euros pièce, il me suffira de vendre 30 exemplaires pour couvrir la TVA versée à l'imprimeur.

On voit donc que le modèle belge de TVA sur le livre pousse l'éditeur à vendre plus et plus vite, tandis que le modèle français permet à l'éditeur de petites collections de suivre son chemin sans subir le même effet de stock. Il y a cependant d'autres règles qui peuvent entraver cet appétit pour les faibles tirages et l'écoulement lent des stocks, mais ces règles sont remédiables.

Je ne suis pas en mesure de détermner si ce dispositif belge de TVA a un effet sur les coûts de fabrication, un effet à la baisse. En revanche, on peut imaginer que son effet sur les prix hors taxe soit massif, puisque l'éditeur, pour retrouver son degré de risque malgré l'effet très pénalisant de la TVA, aura besoin de frais de fabrication hors taxe moins élevés. Je puis témoigner que le devis hors taxe de mon éditeur français (qui n'est déjà pas cher par rapport à un précédent, de l'ordre de 25 %) est encore 25 % plus élevé que celui de mon imprimeur belge. Évidemment, cette différence est en partie compensée par le surcroît de TVA en Belgique, il se trouve cependant que cette TVA, je dois en faire l'avance, mais qu'elle me sera entièrement remboursée. À l'arrivée, je vais bénéficier à la fois des prix bas suscités par l'organisation belge de la TVA et de la faible pression exercée sur mes activités par le système français de TVA. Comme entrepreneur, je ne peux que m'en réjouir, mais est-ce juste ? Sans doute pas, c'est pourquoi (je suis coincé pour cet exemplaire-ci dont l'économie est maintenant verrouillée) j'ai entrepris de modifier mon organisation de production dès mes prochaines parutions. cela ne siginifiera pas forcément que je ne recourrai pas aux travaux belges, ar cet imprimeur travaille bien, mais que je m'organiserai autrement.

Au passage, je signale que la question de l'application du taux réduit de TVA au livre numérique continue à être débattue.

Paris - Jean Bouin : le tribunal administratif a annulé la décision municipale de démolition.

Le tribunal administratif de Paris a annulé la décision par laquelle le conseil de Paris a approuvé en février 2007 le principe des travaux au stade Jean Bouin. L'article du Moniteur en dit un peu sur cette décision dont la mairie de Paris veut minimiser la portée, indiquant par ailleurs qu'un nouveau vote aurait lieu le 31 mars prochain. Le choix de cette date du 31 mars soumet le choix d'avenir de Jean Bouin au scrutin des régionales, conformément au souhait des Verts. Il serait logique, en effet, qu'une négociation de deuxième tour avec eux et/ou d'autres formations hostiles au projet, comme le MoDem, puisse aboutir à un report d'une partie importante des crédits prévus pour Jean Bouin vers le tramway.

19/12/2009

Quitterie apparaît-elle finalement sur Twitter ?

Une mystérieuse Quitt3rie a ouvert un profil sur Twitter. Parmi les publications qu'elle suit, on trouve Thierry Crouzet, Maître Eolas, Laurence Thurion, et quelques autres. La photo qui lui sert de portrait représente une jolie crique bretonne sous un soleil qui réchauffe par ce temps de neige actuel. Les paris sont désormais ouverts : s'agit-il bien de NOTRE Quitterie ?

Peut-être un joli cadeau de Noël en perspective.

Photo_533.jpg

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18/12/2009

Ne donnez plus à l'Abbé Pierre, aidez, consommez mieux, dépensez bien.

Je voulais faire un article entier pour dire de ne plus donner d'argent à la Fondation Abbé Pierre, du moins pour l'instant. Les derniers comptes qu'ls ont publiés couvrent les neuf premiers mois de l'année 2008 et sont bourrés d'insincérités. Ils ont à ce moment-là 38 millions d'Euros en banque (soit trois à quatre années d'interventions directes, ce qu'ils nomment des "subventions"), placés d'une façon douteuse (les placements, FCP et sicav, qu'ils disent "à orientation monétaire", sont spéculatifs et non solidaires), à quoi s'ajoutent 18 millions de patrimoine immobilier (évalué selon les critères fiscaux, càd probablement en deçà de leur valeur réelle).

Ce compte 2008 est en déficit par pur effet comptable, mais a permis la la fondation de faire les deux premières "nuits solidaires" (2008 et 2009) en faisant état de ce déficit, la compta de l'année 2008 semble d'ailleurs avoir vu sa chronologie modifiée par rapport aux exercices précédents (qui couraient du 1er janvier au 31 décembre). Il y des étrangetés dans ces comptes. Quant à Emmaüs, vous le payez déjà par vos impôts, vu que ses activités sont financés à 68 % par les DDASS (les prix de journée de l'hébergement des SDF). C'est d'ailleurs parce qu'Emmaüs est financé par l'impôt que l'énarque Hirsch en est devenu le patron après avoir dirigé l'AFSSA qui n'avait rien d'humanitaire.

Donc l'Abbé Pierre en a plein les poches, triche un peu sur la présentation de ses comptes pour se faire plaindre, et en plus il y a énormément d'argent liquide qui circule (les "dons manuels", des millions d'Euros) et sur lesquels le contrôle est très faible. Il y a eu plusieurs affaires de directeurs indélicats des antennes locales de l'Abbé Pierre. Bref, même quand ils sont honnêtes, les héritiers de l'Abbé, je trouve qu'en temps de crise où les gens sont fauchés, ils devraient avoir l'éthique minimale de dire "on a de l'argent, ne nous donnez que si vous en avez vraiment les moyens, on va puiser dans nos réserves, vous donnerez l'année prochaine". Ce serait mieux.

Je signale d'ailleurs qu'il existe des vidéos où Augustin Legrand, tout en s'adressant à Martin Hirsch, alors patron d'Emmaüs, recommande Borloo comme ministre des affaires sociales, on est en pleine campagne présidentielle, fin 2006, tout cela pue la magouille politicienne.

Je voulais faire une note très longue, j'ai amassé des tonnes de liens et de captures d'écran, et puis je n'en ai plus le courage. Tant pis, croyez-moi sur parole ou potassez vous-même les comptes, c'est édifiant...

Et puis, au fond, c'est Quitterie qui a raison : il vaut mieux indiquer à qui on croit utile de donner. Elle suggère l'excellent site Wikipedia. Il est rare que je ne fasse pas un lien Wikipedia dans mes articles. Leurs dépenses annuelles sont microscopiques, compte tenu de leur impact : 10 000 Euros environ. Ils lèvent de plus en plus de fonds, mais comme l'indique l'un de leurs responsables en France, c'est parce qu'ils veulent embaucher un permanent. Donc, si vous avez de l'argent à donner, Wikipedia est une bonne idée.

Vous pouvez aussi investir dans Bakchich (mais là, il faut avoir au moins 500 Euros à perdre).

Vous pouvez aussi, tout simplement, dépenser un peu mieux votre argent. Au lieu de donner à des ONG qui ne manquent pas de fonds, consacrez l'argent à acheter des produits un peu meilleurs, d'un peu meilleure qualité, tout le monde s'y retrouvera. N'achetez pas du bio en toc dans les grandes surfaces, trouvez du vrai bio de petit producteur local. N'achetez pas un pull en plastique fabriqué par des enfants en Chine, prenez-en un en laine de votre coin, de préférence fabriqué par une entreprise responsable. Bref, consommez mieux pour offrir une meilleure vie non seulement à vous-même mais aux autres.

Et comme dirait Quitterie, n'oubliez pas que les pratiques d'Internet peuvent nous permettre de changer le monde.

Bonnes vacances à celles et ceux qui en prennent.

EDIT : je signale un article édifiant intitulé "Emmaüs, le piège à pauvres", ici.

16/12/2009

Triple "Pan sur le bec" au "Canard" (UDF en plus).

Il est très rare que je dise du mal de la presse écrite, de la presse en général, et des gens en général. Pour la presse écrite, je risquerais d'empiéter sur le territoire de l'excellent Éric de Crise dans les Médias (le lien est dans la marge, colonne de droite, mais je ne le fais pas ici, car autrement Wikio et son précieux classement le pénaliseraient...).

Cependant, aujourd'hui, je dois souffler dans les bronches du volatile, du volubile canard, car trop, c'est trop.

Dès la une, "Le Canard" enchaîne : un sujet sur les impôts sur les sociétés du Cac 40, qui en paient très peu. Pas un mot de la revue Alternatives Économiques qui avait sorti ce scoop, sur lequel j'avais fait une partie de mon article (rédigé après un conseil de Quitterie sur son blog) ici même dès le ... 15 novembre, voici plus d'un mois !

Ensuite, à l'intérieur, un long article de Didier Hassoux (qu'il m'est arrivé de rencontrer au siège du "Canard") sur la réouverture du cercle de jeux Concorde. Étant donné le nombre d'articles sortis depuis des mois sur Bakchich sur ce sujet, il me semble que la moindre des choses aurait été de citer au moins ce site, voire sa version papier, Bakchich Hebdo, qui persiste dans les kiosques (aidé depuis peu par Isabelle Adjani).

Enfin, il y a l'affaire Tapie vs Club Med. On nous explique que Bernard Tapie a fait pression sur les cours de cette entreprise (née sous une forme quasi-coopérative, si ma mémoire est bonne, et devenue ordinaire) pour racheter une proportion non négligeable de son capital, et faire ainsi pression sur l'équipe dirigeante emmenée par Henri (alias Riton) Giscard d'Estaing, l'un des fils de l'ancien président VGE. Les cours du Club sont remontés, et Tapie a revendu ses parts avec moult bénéfice. Que le "Canard" trouve le moyen de donner cette info sans faire le lien avec le fait que VGE soit depuis lors descendu de son olympe et du château d'Estaing pour souffleter les actuels dirigeants d'une UDF qui n'est plus qu'un fantôme, relève d'une cécité dont le "Canard" ne se vante habituellement pas. Tapie a quand même juré la mort politique de Bayrou qui l'a abondamment dénoncé lors de son indemnisation étrange par l'État sur décision politique.

Il n'est pas question pour moi de défendre Bayrou, il est bien assez grand pour le faire tout seul et, comme je l'ai écrit, je suis perplexe sur mon éventuel vote de mars prochain, mais la double imposture de ceux qui se réclament d'une marque commerciale UDF (a-t-on vu qu'un parti politique soit une échoppe ? c'est bien une idée de maquereaux politiques faisandés) et d'une prétendue idyllique UDF nimbée des paillettes de la perfection politique et morale, cette double imposture m'agace, et, moi qui suis adhérent de l'UDF presque depuis son origine, je crois utile de dénoncer l'imposture en rétablissant certaines vérités.

L'UDF, une usurpation, déjà

Dans les années 1960, le Sénat a incarné la résistance à la mainmise du parti présidentiel sur tous les rouages de l'État, rouages politiques en particulier. Gaston Monnerville a incarné le Sénat durant la première décennie de la Ve république avec fermeté et calme. Lorsqu'il a fallu le remplacer, en 1968, il y a eu un très grand nombre de tours de scrutin, et finalement, c'est Alain Poher qui est sorti des urnes.

Alain Poher n'était déjà plus un homme jeune, il était né avant la guerre de 1914-18. On l'a traité de falot et d'un certain nombre d'autres noms d'oiseaux, mais on doit inscrire à son actif la ratification, pendant sa seconde présidence de la république par intérim, en 1974, la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH), que la France avait refusé de ratifier jusque-là (on croit rêver). Il ne put la faire ratifier complètement, et dut maintenir une réserve, la peine de mort n'était pas abolie. Après son abolition en 1981, la Convention fut enfin pleinement ratifiée.

La ligne politique qui fit élire Poher président du Sénat en 1968 était complexe. Elle préfigura en fait ce qui allait devenir l'UDF. En 1971, les démocrates de Lecanuet et les radicaux de Jean-Jacques Servan-Schreiber (JJSS), qui en étaient le pivot, se rapprochèrent dans une première confédération, le Mouvement Réformateur. D'eux se rapprochèrent quelques socialistes qui désapprouvaient l'Union de la Gauche et l'alliance du PS avec le PCF (ils finirent dans le Parti Social Démocrate, le PSD, de Max Lejeune puis d'André Santini). Lors de l'élection présidentielle de 1974, cet axe s'élargit : il y avait déjà quelques indépendants (CNI) qui s'étaient rapprochés de Lecanuet dans les années 1960, et ce furent les indépendants de l'intérieur de la majorité présidentielle sortante, les Républicains Indépendants qui, avec Giscard, rejoignirent la coalition.

Giscard faisait ainsi au centre à peu près ce que Mitterrand avait fait à la gauche au congrès d'Épinay : il arrivait avec très peu de militants, encore moins d'électeurs, mais offrait sa dynamique personnelle pour la conquête du pouvoir, et prenait, minoritaire, la tête de la troupe. Les réformateurs avaient un capital électoral supérieur à 15 % (que Bayrou n'a curieusement jamais réussi à reconstituer depuis la présidentielle de 2007), les RI représentaient peut-être 3 ou 5 %, la fronde des 44 députés autour de Chirac amenait probablement les 5 ou 6 points qui ont fait la différence contre Jacques Chaban-Delmas, rival de VGE au premier tour.

Après la victoire de Giscard, seuls les réformateurs et les RI restèrent dans le camp de Giscard, Chirac retourna à son UDR qu'il changea bientôt en RPR en 1976. Le changement de sigle choisi par Chirac et ses amis fut probablement une erreur : en créant l'UDF en 1978, Giscard et les siens parurent retrouver le fil de la légitimité présidentielle. La plupart des électeurs sont très peu attentifs à l'actualité politique et les info leur tombent très lentement dans l'oreille. C'est ainsi qu'il faut concevoir la naissance de l'UDF comme une usurpation, une habile récupération de sigle (de l'UDR à l'UDF).

Un livre sortit, officiellement signé par Giscard, et intitulé "Démocratie Française", qui permit de faire comprendre que l'Union pour la Démocratie Française (UDF) était le parti présidentiel.

L'UDF de Giscard et Lecanuet est morte en 1998, vendue au Front National

Dans un premier temps, la récupération fonctionna plutôt bien. Les élections européennes de 1979 virent la déroute du RPR chiraquien et le triomphe de l'UDF giscardienne, emmenée par Simone Veil. Ce fut pourtant son unique succès, car dans les trente ans qui ont suivi, l'UDF est allée de défaite en déroute et son territoire s'est réduit comme peau de chagrin, jusqu'au maintien sous tente à oxygène organisé par le congrès de Villepinte en décembre 2007.

Dans les années 1980, pourtant, l'UDF porte beau : elle détient une forte majorité de conseils généraux et la présidence du Sénat. Peu à peu, miette par miette, Chirac va grignoter tout cela. Vers 1985, Raymond Barre s'impose comme le candidat naturel de l'UDF. On oublie sa phrase malheureuse et suspecte sur l'attentat antisémite de la rue Copernic, en 1980, et on voit qu'il a laissé les finances de l'État redressées et l'industrie prête pour les restructurations que les nationalisations de 1981 ont permis d'accélérer.

En mars 1986, l'UDF et le RPR font chambre à part pour les législatives qui se jouent à la proportionnelle. Catastrophe : le RPR devance l'UDF et l'addition des sièges du RPR et de l'UDF n'a qu'une voix de majorité à l'Assemblée Nationale. Barre va-t-il voter la confiance à Chirac qui sera pourtant son rival à la présidentielle ? Il fait l'erreur de la voter. Je me souviens d'avoir pensé dès cette époque-là qu'il avait tort. En fait, la hiérarchie de la présidentielle se mettait en place : Barre serait devancé au premier tour par Chirac, et ce dernier le serait au second par Mitterrand, dont il acceptait de devenir le subalterne en devenant son premier ministre. Le seul que le vote arrangeait était Mitterrand, et probablement Rocard.

Toujours est-il qu'on vit à l'occasion de la présidentielle de 1988 se dessiner la vraie et laide nature de l'UDF : en début de campagne, en 1986 et 1987, tout le monde, parmi les élites de l'UDF, pouvait se croire "premier-ministrable", mais à mesure que la campagne se déroulait et que la liste des premiers-ministres potentiels de Barre se raccourcissait, les élites en question, quitte à négocier un gros ministère, trouvaient plus rentables de le négocier avec Chirac, qui avait forcément plus de raison de se décarcasser pour obtenir leurs voix.

Le PSD d'André Santini, liens corses obligent, n'eut même jamais l'idée de soutenir Barre. Les autres composantes de l'UDF se délitèrent progressivement. Il faut dire que l'UDF n'était pas un parti politique, mais une confédération de partis. On disait la "nébuleuse" centriste, tant s'y multipliaient les formations, clubs et autres réseaux. Ses dirigeants n'avaient aucun patriotisme de parti. Ils développaient un patriotisme de réseau, souvent transpartisan. La disparition du MRP, par exemple, au début de la Ve république, avait essaimé ses élus un peu partout : Maurice Schumann (à ne pas confondre avec Robert Schuman) avait fait partie des jeunes de Marc Sangnier, comme Marc Bécam qui fut ensuite maire RPR de Quimper. Robert Schwint, inamovible maire PS de Besançon durant une période très longue, venait lui aussi du MRP. Et bien entendu, ce qui restait des cadres du MRP avait servi de soubassement à la création du Centre Démocrate par Jean Lecanuet en 1963. Ces liens de réseaux étaient infiniment plus précieux aux gens de l'UDF que leur propre parti.

Chirac s'emparait aussi des collectivités locales, une par une : tel maire UDF était maintenu en poste à condition d'accepter de céder des délégations-clefs au RPR. La sanction, s'il refusait, était qu'il perdait sa ville, fût-ce au profit de la gauche : depuis 1981, on savait que Chirac pratiquait la politique du pire. De surcroît, il tenait les finances des agriculteurs et la FNSEA, ce qui lui permettait de grignoter la majorité absolue de l'intergroupe UDF au Sénat. Enfin, il avait offert des prébendes aux leaders centristes : parmi les pensionnés de la Ville de Paris, on trouvait par exemple le nom de Lecanuet.

L'élection de René Monory à la succession d'Alain Poher, devenu aveugle et quasi-grabataire, en 1992, fut le dernier feu d'une confédération dont la crise des régionales de 1998 précipita la fin.

La fin de la première UDF, le rôle de Pasqua et du Front National

Lors de l'élection présidentielle de 1995, Giscard, Barre et Monory s'étaient rassemblés pour soutenir la candidature de Chirac. Le soutien de celui-ci à l'adoption du traité de Maestricht, en 1992, avait probablement été le prix de ces ralliements, ou du moins, la preuve. En face de Chirac, le vrai adversaire n'était pas Balladur, mais Pasqua.

En effet, on disait que le fils de Pasqua était très proche des réseaux du Front National (FN), et que, si le FN avait son siège dans les Hauts-de-Seine, ce n'était pas par hasard, car, indirectement mais massivement, le FN était soutenu par le conseil général de ce département, dont le président n'était autre que Charles Pasqua. De fait, Paul Graziani (autre corse) et Pasqua dominaient le département depuis 1982, date à laquelle les lois de décentralisation lui avaient conféré l'énorme budget que chacun connaît aujourd'hui. Le FN ayant prospéré à partir de 1983, on peut imaginer le lien de cause à effet que les gens faisaient.

Pasqua avait essayé de s'emparer de la présidence du Sénat en 1992, peut-être avec l'aide de Pierre Bordry, alors directeur de cabinet du fantomatique Poher, mais Monory avait réussi à conserver le poste à l'UDF.

Le ralliement des principaux leaders historiques de l'UDF à la candidature de Chirac de 1995, pendant que la jeune génération, de Bayrou à Léotard en passant par presque tous les autres, s'enrôlait chez Balladur, scella la première fin de l'UDF, qui était désormais incapable de présenter un candidat à l'élection présidentielle.

Le divorce fut consommé en 1998 : les élections régionales, à la proportionnelle intégrale, virent des majorités relatives de la droite RPR-UDF dans trois régions, qui ne pouvaient aboutir à des présidences de régions de droite qu'avec les voix des élus du FN. C'était le cas en Picardie, en Rhône-Alpes et en Languedoc-Roussillon. La composante libérale de l'UDF accepta les voix du FN (sauf les modérés emmenés par Léotard et Robien, qui découpa sa carte de son parti en direct à la télé), cependant que la composante centriste les refusa (sauf Charles Baur en Picardie et Claude Goasguen), ainsi que les radicaux.

Dans la foulée, l'intergroupe UDF perdit la majorité absolue au Sénat, et le chiraquien (merde, je ne me rappelle plus son nom, ni même sa gueule) succéda à Monory (au grand dam de Pasqua, qui aurait bien profité de la disparition de l'UDF pour placer l'un des siens à la tête de la Haute Assemblée, vu qu'il se préparait à une candidature présidentielle en 2002, pour laquelle il avait tout fait pour rendre le FN incontournable et lui-même seul allié possible du FN, seul donc à pouvoir faire gagner ce qu'il nommait la droite au second tour en 2002...).

L'UDF, la première, la vraie, était morte. Il en restait un rogaton, encore présentable en terme d'élus, mais retrognolé, qui devint la Nouvelle UDF.

La nouvelle UDF, l'honneur retrouvé des centristes

En ayant pour fait originaire le refus d'alliance avec le FN, les centristes de la Nouvelle UDF pouvaient marcher le front haut. Mais la dynamique née en 1978 s'était entièrement brisée, et la réalité politique ne pouvait manquer de les rappeler à la modestie. En 1999, l'élection européenne présenta deux droites à égalité, et le centre doit en difficulté. On ne sait pas si Séguin a délibérément sabordé sa campagne euroipéenne pour aider son ex-allié Pasqua qui s'y présentait contre lui, ni si Sarkozy a joué entièrement le jeu, mais le résultat est que le RPR, réparti en deux listes, dépassait deux fois 10 %, proche des scores du FN et de l'UDF nouvelle emmenée par Bayrou.

J'étais alors élu du XVIe arrondissement de Paris et, bureau de vote par bureau de vote, j'avais constaté qu'une partie des électeurs de l'UDF, dès ce moment-là, s'était portée sur la liste écolo emmenée par Daniel Cohn-Bendit (DCB). La porosité des deux électorats était très nette, ce que DCB a su exploiter lors des dernières élections européennes en 2009, qu'il tente de prolonger aux régionales de 2010 (mais la situation est-elle la même ?). Ce n'était donc pas sottement que Bayrou avait tenu à doter son Force Démocrate (successeur du CDS en 1995) d'une vraie aile écologiste.

Le trop faible score de Bayrou aux Européennes passa, parce que les élus n'avaient pas de solution de repli. Mais le score de Bayrou à la présidentielle de 2002 fut encore pire, et la création de l'UMP à cette même époque offrit l'occasion à la plupart d'entre eux de quitter le navire qui faisait eau de toutes parts. Outre quelques indécrottables bayrouistes ou centristes utopiques, et quelques députés émanant de systèmes locaux très efficaces, ne restèrent là que ceux des élus qui souffraient, disons-le, d'une chiracophobie aiguë. Ces mêmes chiracophobes sont la majeure partie de ceux qui, dès avant le premier tour de l'élection de 2007, ont rejoint Sarkozy, qui avait réussi à faire la peau à Chirac.

Entre-temps, l'idée était venue à Bayrou, ou à son entourage, de tourner casaque. Je me souviens d'une conversation avec Éric Azière, qui est proche de Marielle de Sarnez, ce devait être en 2005, au stade Jean Bouin à Paris. Il traçait les perspectives d'avenir, j'en mesurais mal les conséquences à cette époque : désormais, le parti de centre droit serait l'UMP (putain, qu'est-ce que ce serait s'ils étaient l'extrême droite !), et Bayrou... eh bien, ce n'est que plus tard que j'ai entendu parler de "stratégie à l'Italienne". Il s'agissait de se calquer sur une méthode qui avait permis à Romano Prodi de prendre le pouvoir par une vaste coalition allant du centre chrétien jusqu'à une gauche très à gauche, très très à gauche. L'idée du Parti Libéral Démocrate anglais (qui, du centre, déborde la gauche par la gauche) rejoignait la même stratégie, mutatis mutandis, ou du moins offrait une variante possible du même esprit.

Le passage de Bayrou à gauche ne pouvait se faire sans étapes. La création du Mouvement Démocrate fut la première de ces étapes.

L'avant-dernier congrès de l'UDF à Villepinte et la création du Mouvement Démocrate (MoDem)

L'UMP détenant le Sénat et Chirac tenant la FNSEA, la légitimité historique héritée de la première UDF avait tout à fait disparu : Chirac avait fait gagner l'Europe (grande idée commune de la nébuleuse UDF) au référendum de 1992, la décentralisation (autre grande idée commune) avait été organisée par Mitterrand et la bipolarisation avait peu à peu gagné la vie politique jusque dans les communes de taille modeste. Les réseaux démocrates-chrétiens, radicaux-socialistes, ou autres, avaient perdu leur socle sociologique naturel. Il ne restait donc plus rien de cette première UDF.

Giscard lui-même s'était éloigné pour une raison tout à fait futile : Bayrou avait refusé de prendre une de ses maîtresses (dont on disait qu'elle avait un enfant de lui) sur sa liste des Européennes de 1999.

La présidentielle du printemps 2007 s'était faite encore sur l'étiquette UDF, mais les députés avaient quitté le navire bayrouiste entre les deux tours. Au passage, toujours à propos du "Canard" d'aujourd'hui, lorsqu'on prête à Sarkozy la phrase qu'Hervé Morin a attendu l'entre-deux-tours pour rejoindre l'escadre sarkozyste, le "Canard" ne me paraît guère critique. Soit ses info sont fausses, soit (ce qui est plus probable), il entre dans le jeu de la manœuvre tentée par Sarkozy pour récupérer des miettes de ce qu'il reste d'électorat de centre droit à Bayrou.

En effet, on sait que Morin a quitté le sillage de Bayrou pour se placer dans celui de Sarkozy dès les environs du 20 mars 2007. C'est le moment où il devait faire une conférence pour soutenir Bayrou devant les milieux d'affaires londoniens, et où il n'y est pas allé. Le 20 mars est le moment où, comme par hasard, Bayrou a commencé à stagner dans les sondages, et où l'on a su qu'il ne gagnerait pas. Très fidèle à ce qui a été la réalité de l'UDF pendant trente ans, Morin a été le premier à aller à la soupe. Il a attendu l'entre-deux-tours pour emmener avec lui le plus possible de députés.

C'est évidemment Rothschild, patron du cheval en France, qui a été le lien entre Sarkozy et Morin, puisque Morin, comme Bayrou, élève des chevaux. Et d'ailleurs, entre les deux tours, pour marquer la nouvelle situation politique, Sarkozy n'est pas allé inaugurer les chrysanthèmes à Épaignes : il s'est fait filmer à cheval à grand renfort de caméras de télévision...

Ce qui est curieux, dans cette affaire, c'est que les réseaux de Sarnez sont très liés aux intérêts équins, puisque son ex-mari est maire de Deauville après avoir dirigé la société de vente de yearlings à Deauville pendant plusieurs années, et que leur collaboration avec Bayrou a beaucoup aidé celui-ci d'abord auprès de feu Jean-Luc Lagardère (patron du cheval avant Rothschild) puis auprès de Rothschild. Il est vrai que Rothschild, lui, avait de solides raisons de soutenir Sarkozy, notamment par leur soutien commun à la cause de l'État d'Israël.

Cette fois, fin 2007, il ne restait plus qu'une poignée d'élus, quelques poignées de cadres, l'UDF était morte de sa belle mort. Mais le souhait de Michel Mercier (dont on disait déjà qu'il s'était rapproché de Sarkozy) et de Jean Arthuis aboutit à maintenir l'UDF sous tente à oxygène et sous respiration artificielle, Bayrou en étant le président avec une équipe resserrée où Arthuis gardait un pied (d'ailleurs légitime).

Lors de ce qui devait être l'avant-dernier congrès de l'UDF, nous avons décidé qu'à la fin de l'année 2010, un dernier congrès serait réuni, qui se prononcerait sur l'éventuelle absorption de l'UDF par le MoDem.

Agiter le spectre de l'UDF pour effrayer les électeurs de Bayrou

On comprend bien que la manœuvre actuelle a le double but d'une part, d'attirer à Sarkozy les électeurs de Bayrou effrayés par le glissement de leur parti du centre pur et dur vers la gauche, et d'autre part, de repousser vers la gauche (ou plutôt vers les Verts) les électeurs de Bayrou qui détestaient l'UDF et qui pensaient que le MoDem était un parti soit social-libéral, soit social-démocrate, soit social-écologiste, soit social-démocrate-écologiste.

Pour attirer le centre droit, on fait croire que le Nouveau Centre se rebelle, que c'est the return of 2006, quand Bayrou ne vota pas le budget de la droite. Seulement, dans le même temps que cette stratégie est organisée, elle est insupportable à ceux qui l'ont organisée : au NC qui l'assume mal, et à Sarkozy qui, tout en l'agitant d'une main, la retient de l'autre, de peur que l'artifice ne devienne la réalité et que quiconque ose lui faire de l'ombre.

J'ai dit pourquoi Giscard a accepté de se mêler à la mascarade. Tout ceci n'a guère de consistance et ne trompera pas grand monde, sauf quelques grand-mères un peu assoupies qui, de toutes façons, auraient voté Sarkozy au deuxième tour.

Voilà donc Bayrou avec sa doctrine flottante, son parti en pâte à modeler, sa stratégie douloureuse et l'océan qui tangue. Et moi, mine de rien, je m'aperçois que, après avoir traité des écolos, me voici ayant analysé (voire psychanalysé) les centristes. Diable, ça m'ennuierait beaucoup d'avoir à continuer à décrire le prisme électoral, d'autant plus que j'ai une intention assez faible de voter.

Quand au "Canard", je le remercie quand même d'avoir indiqué que la subvention accordée par la Ville de Paris au Stade Français, l'équipe de rugby parisienne, était en principe conditionnée par des séances éducatives dans les écoles des quartiers fauchés, ce qui s'est résumé à une séance (une seule) ... avec des écoles privées.

Mais j'aimerais bien cesser d'avoir l'impression de lire radio-Sarko en lisant les brèves de la deuxième page.

13/12/2009

Les écolos écoblanchissent-ils l'industrie nucléaire ?

Je suis allé voir hier "La Sainte-Victoire", un film assez moyen, et surtout un énième clin d'œil du sarkozysme en faveur du vote vert lors des prochaines élections régionales, la présence de Clavier, ami personnel du président, y signe l'intention élyséenne, cependant que les seuls purs du film, en contrepoint d'une gauche véreuse tenue par les intérêts économiques qui savent utiliser des moyens très en-deçà de la ceinture, sont les Verts.

Cet appui du pouvoir de l'argent à ceux qui sont supposés s'en prendre à lui est évidemment suspect. C'est donc l'occasion de réfléchir à ce que devient en ce moment l'écologie politique en France. On y trouvera, bien entendu, l'écho de l'article que j'ai écrit sur un sujet connexe.

Des liens croisés mais pas assumés avec l'industrie nucléaire

Dans les années 1970, des combats comme celui contre le projet de centrale nucléaire à Plogoff, en Bretagne, ont structuré l'engagement écologique en France. Les coups d'éclat de Greenpeace contre les déchets radioactifs, et contre le site d'essais nucléaire de Mururoa (on se rappelle l'affaire du Rainbow Warrior), les réseaux emblématiques comme Sortir du Nucléaire, ont été autant de jalons sur un chemin qui se poursuit en principe aujourd'hui encore. Les mauvaises langues grinçaient évidemment que les réseaux écolos étaient sans doute financés par l'argent du pétrole, pour s'en prendre aussi invariablement au nucléaire, et aussi rarement aux installations pétrolières, qui ne sont pourtant pas moins polluantes (on le voit bien aujourd'hui).

C'est le réchauffement climatique, on le comprend bien, qui a changé la donne : face à la menace multiple de fonte des glaciers, de montée des océans, de bouleversements des écosystèmes, l'urgence absolue s'est peu à peu imposée : il faut réduire notre consommation de pétrole, un constat qui arrange bien l'industrie nucléaire.

Le vote d'une résolution au parlement européen sur les perspectives du sommet de Copenhague a été le premier signal d'alarme remarqué sur un éventuel rapprochement des écologistes et du nucléaire. En effet, un amendement de la droite a introduit la référence à l'énergie nucléaire comme solution contre le réchauffement climatique. Les Verts français, dès que cet événement a fait du bruit, ont indiqué qu'ayant eu le choix entre laisser voter sans eux une résolution sur une question qui leur tient à cœur (la motion serait même passée sans leur suffrages...) et s'y opposer alors qu'ils avaient tout fait pour qu'elle soit adoptée, ont, en conscience, préféré voter la motion incluant la référence au nucléaire.

Pris par surprise ? Peut-être.

Mais est-on surpris de trouver parmi les signataires de l'"Ultimatum climatique", plateforme médiatique en vue de Copenhague, Nicolas Hulot, et parmi les soutiens de celui-ci, l'EDF (dont le président est d'ailleurs depuis peu un proche du président Sarkozy) ? L'EDF soutient Hulot quand celui-ci, en 2007, fait signer aux trois principaux candidats à l'élection présidentielle un texte qui prévoit la taxation de l'utilisation des ressources fossiles, le pétrole au premier chef. Mais lorsque le parlement français vote ladite taxe carbone, surprise, l'EDF n'est pas taxée... Est-ce vraiment une surprise ?

Bien entendu, on pourrait observer que le tramway, grande idée des écolos français, roule à l'électricité. Il se trouve qu'Alstom, qui produit de nombreux tramways français, est installé à Valenciennes, la ville de Jean-Louis Borloo, ministre ... de l'Environnement.

Je signale au passage une anecdote : lorsqu'en l'an 2000 nous cherchions un candidat pour incarner une liste UDF aux municipales de 2001 à Paris (contre l'avis de Marielle de Sarnez qui avait déjà traité avec l'UMP ou le RPR d'alors), Borloo s'était aimablement dévoué pour venir animer un dîner dans le XIIIe arrondissement, où nous étions un nombre assez proche des 511 élus parisiens d'alors pour pouvoir prétendre avoir la base humaines des listes en question. Borloo est venu, a parlé, nous l'avons applaudi. Et puis, surprise, il n'a plus été candidat, mais, comme par hasard, le tramway a fait son apparition dans tous les programmes électoraux des municipales suivantes, et Borloo est devenu directeur de la campagne présidentielle de Bayrou en 2002, et nous, il nous a laissés en carafe, merci l'artiste. Fermons la parenthèse, on aura noté au passage la promotion de l'économie de sa ville à travers le tramway.

Copenhague : le nucléaire contre le pétrole ?

EDF, l'électricité, le nucléaire civil, voici le nucléaire militaire : le négociateur de la France au sommet de Copenhague n'est autre qu'un personnage d'ailleurs sympathique, Brice Lalonde, un ami de Borloo et ancien ministre de l'environnement comme lui. Brice Lalonde, ministre, un jour, s'est baigné dans les eaux du lagon de Mururoa pour expliquer qu'il n'y avait aucun inconvénient environnemental à avoir fait là les essais nucléaires souterrains. Il n'y a pas de meilleure façon de soutenir un lobby. Brice Lalonde est un ami du nucléaire. Et, n'en doutons pas, il saura s'en souvenir.

Car si j'en crois l'un des textes mis en lien plus haut (celui du Grappe), le protocole de Kyoto excluait formellement l'énergie nucléaire comme solution contre le réchauffement climatique. Si la question se pose de nouveau lors du sommet de Copenhague, si une entourloupe vient contraindre la France à entériner le recours au nucléaire comme moyen de lutte contre le réchauffement climatique, croyez bien que, la larme à l'œil, la France se fera une raison en ne s'opposant pas à un texte qui, certes, contredit des engagements fondamentaux de la lutte pour l'environnement, mais qui est si important par ailleurs... Snif, on en pleure déjà.

Le camp du nucléaire est donc défini, au moins pour la France (je suppose que chaque pays a ses hommes-clefs dans ce sens). Voyons celui du pétrole.

Lorsqu'a éclaté la crise de Dubaï, plusieurs voix se sont interrogées : y avait-il une menace sous-jacente des pétroliers en vue du sommet de Copenhague ? La puissance financière des états du Golfe arabo-persique est telle que ses toussotements peuvent fragiliser l'édifice convalescent de l'argent mondial.

Et puis est venue l'affaire du "Climategate", un piratage effrayant, soit dit en passant, de paquets entiers de mails privés échangés par des scientifiques spécialistes des instances les plus représentatives de la réflexion sur l'évolution du climat (l'une des source du GIEC, l'organe de réflexion mondial sur le climat). Ces mails révélaient que certains scientifiques les plus en vue du GIEC avaient l'habitude de faire ce qu'un grand poète a nommé le "mentir vrai", c'est-à-dire corriger les données pour rendre leur résultat plus spectaculaire, voire peut-être, qu'ils étaient allés jusqu'à éliminer des données importantes qui ne correspondaient pas au schéma de la théorie de la cause principalement humaine (via l'effet de serre) du réchauffement climatique constaté au XXe siècle. Et quand on a creusé dans ce "Climategate", qu'a-t-on trouvé ? du pétrole, ou plutôt la trace des pétroliers.

Nucléaire contre pétrole, le vieux débat ressurgit donc. Or tout ceci serait sans importance s'il n'y avait pas la question criante du climat.

Y a-t-il encore un doute sur l'évolution possible du climat dans les décennies prochaines ?

J'ai lu grâce au site du Point la partie présentée comme la plus cruciale du rapport du GIEC de 2007. C'est un texte très alambiqué, à tendance jargonnante, ce qui n'est pas bon signe. Je crois avoir trouvé dans ses périphrases et ses conditionnels les éléments les plus significatifs, que j'ai indiqués dans un commentaire à mon précédent article donné plus haut en lien. Je me permets de reprendre ces conclusions de lecture telles quelles :

- il y a une coïncidence étroite entre les périodes chaudes de l'histoire de la planète terre, d'une part, et le taux de certains gaz (carbone et méthane en particulier) dans l'atmosphère, d'autre part.

- or comme l'effet de serre a été démontré par un scientifique (français) voici près de deux siècles, il est logique d'établir un lien entre le réchauffement climatique rapide observé au XXe siècle et l'augmentation de la production de ces gaz par l'activité humaine dans ce même siècle et le précédent.

C'est d'ailleurs sur cette base que j'avais trouvé le film présenté par Al Gore très convaincant lorsque je l'ai vu l'an dernier.

- les observations les plus fiables sur la composition de l'atmosphère terrestre sont liées à la calotte glaciaire et ne remontent pas au-delà de 650 000 ans.

- pour les périodes antérieures, les estimations sont faites par des moyens indirects, liées notamment aux fossiles, et à la nature des faune et flore retrouvées.

- les observations prennent en compte ce qui est connu de l'évolution géologique et du rayonnement solaire.

- il y a eu dans les derniers millénaires des périodes de réchauffement parfois très vif, comme de glaciation, mais les scientifiques, compte tenu des données qu'ils utilisent, considèrent que ces poussées dans un sens ou dans l'autre doivent n'avoir pas été homogènes. Autrement dit, la température globale à la surface de la planète n'aurait pas augmenté, tandis qu'elle aurait augmenté ici et diminué là, presque par compensation. La particularité, selon eux, du réchauffement récent est d'affecter toute la planète à la fois.

Cependant, outre les très nombreuses précautions oratoires prises par les rédacteurs qui multiplient les conditionnels, il y a des circonstances importantes qui ne trouvent pas de place dans l'explication globale du climat proposée :

- il y a déjà eu, dans l'histoire terrestre, des périodes de réchauffement global aussi rapide qu'en ce moment.

- il y a déjà eu des périodes où la surconcentration de gaz à effet de serre a suivi de loin le réchauffement et ne l'a pas précédé.

- enfin, chacun qui connaît les administrations sait que les conclusions d'un rapport sont toujours faites avant qu'il ne soit rédigé.

En fait, ce qui manque à ce rapport, c'est la simple démonstration quantitative que l'effet de serre suffit à expliquer l'intensité du réchauffement climatique. Le fait que ce réchauffement ait été prédit ne me paraît finalement pas une indication suffisante en termes scientifiques, j'ai vainement cherché les chiffres preuves, ils existent sans doute.

Il faut reconnaître que la très grande unanimité des milieux scientifiques concernés ne laisse pas beaucoup de place au doute ni à l'éventualité d'une fraude massive. Et cependant, on dit que les dernières observations connues (le dernier rapport du GIEC date de 2007 sur des données forcément antérieures) pourraient contredire la théorie du réchauffement. Il y aurait donc, chez les scientifiques, une forme de réflexe pavlovien qui les conduirait à continuer à prédire le réchauffement, alors que celui-ci est un peu moins probable qu'auparavant.

Donc il n'y a pas de doute que le réchauffement a eu lieu, il y en a un petit sur sa cause et sur l'évolution future du climat. Il n'y en a pas sur la nécessité de réduire notre consommation d'énergies fossiles, et d'économies en général. Reste à partager équitablement le fardeau des économies d'énergie.

La dimension politique planétaire

Quand on a un parc de cinquante hectares, on peut créer un dépotoir personnel à un kilomètre de la maison. Ca ne se voit pas, on n'y pense pas, et le risque que cela ait un inconvénient dans les décennies proches est faible. Quand on a un jardinet de cent mètre carrés, si on y déverse les ordures de la maison, c'est sale, malsain et dangereux, ça se voit tout de suite. La promiscuité d'une humanité de plus de sept milliards d'habitants de la planète est le simple raisonnement qui démontre la nécesité de gérer mieux nos filières de vie, de production et de consommation, de changer l'organisation de notre société. Le recours au GIEC, puis au protocole de Kyoto, a eu l'inconvénient grave de fausser le raisonnement en y incluant des données géostratégiques et politiques, qui ont fait que la lutte pour le climat, au lieu d'être un outil d'amélioration du monde, est devenu un moyen d'accroître les inégalités planétaires.

C'est contre quoi les manifestants de Copenhague sont venus s'insurger publiquement en réclamant l'égalité dans la lutte pour le climat. Il faut dire que le président Obama a fait dire qu'il ne signerait pas un texte qui ne fixe pas une obligation de limite de production de gaz à effet de serre par les pays en développement. De ce fait, Copenhague risque d'être le lieu où sera figée définitivement la répartition des richesses dans le monde. Et l'Amérique réclame la part du lion.

Le fait que la Russie soit très dépendante de ses exportations de pétrole n'a bien entendu aucun rapport avec la mobilisation des États-Unis pour le climat. Le fait que les pays émergents prennent de plus en plus de parts de marché non plus. C'est évident. Nous sommes-nous trompés sur Obama ?

De l'écologie politique aux politiciens à casaque verte

Moustaki, ces jours derniers, s'est "payé" Daniel Cohn-Bendit, qu'il accuse de carriérisme. L'impression que donne l'écologie politique, en France, ces temps derniers, est en fait de s'être piquée au jeu du pouvoir. Le pouvoir est une drogue. Tous ceux qui font ou ont fait de la politique ont, à un moment ou un autre, proclamé qu'ils le faisaient pour des motifs plus grands qu'eux, pour LA cause. Hélas, sans exception, lorsqu'ils ont cédé au compromis pour obtenir le pouvoir, ils ont ensuite oublié la Cause. Le mécanisme décrit pour la gauche dans le film "La Sainte-Victoire" mentionné au début du présent article ne connaît aucune exception.

Dès lors que les écologistes "professionnels" auront, pour accéder au pouvoir, accepté le soutien de ceux dont l'activité même contredit les principes les plus intimement liés à leurs convictions, n'ayons aucun doute que, dans l'exercice du pouvoir, en cas de conflit, l'avantage ira aux soutiens financiers et non pas aux convictions affichées. C'est la règle universelle. Les Verts-EE disent vouloir la présidence de plusieurs régions, certes, mais si c'est pour gérer celles-ci comme les autres partis politiques le font, quel est l'intérêt ? Où est l'avantage ?

Aujourd'hui, c'est de bonne guerre, l'UMP applique le vieux principe de base : si j'ai plusieurs adversaires, mon intérêt est de soutenir le plus faible d'entre eux. Au nom de cette loi de la stratégie, Claude Goasguen, lors des meetings pour sauver le stade Jean Bouin, dit "Nos amis les Verts" (lui, l'ancien d'Occident). Au nom de ce même principe, L'Oréal, EDF et TF1 financent Hulot.

Au nom de ce même principe, si un vaste camion de pompier s'immobilise sur le côté de l'Assemblée Nationale après avoir dû en longer inévitablement les murs surveillés par des policiers, si ce camion prend le temps de stabiliser son assiette (grâce sans doute à des vérins), puis de déployer sa grande échelle (oh, que ça prend du temps, même pour quelques mètres), eh bien les policiers de garde à l'Assemblée, curieusement, ne vont pas voir les militants de Greenpeace avant que ceux-ci soient sur le toit de l'Assemblée, bien en vue. Et la droite va s'emporter contre d'autres militants de Greenpeace qui ont réussi à s'infiltrer dans les tribunes et qui tentent d'envahir les travées. Les vrais opposants, ce sont les Verts-EE, et non pas la vieille gauche empêtrée dans le fric, voilà l'évidence. Au nom de ce même principe, une semaine à peine après l'invasion de l'Assemblée, les cadres de Greenpeace seront reçus personnellement (et avec photos) par le président de la république. Si cela n'est pas de la pub, qu'est-ce qui le sera ?

D'un côté le soutien politique, de l'autre l'argent des consortiums, les Verts-EE ont peut-être vendu l'âme de l'écologie politique au diable. Dommage pour les petits producteurs bio, pour les ouvriers de toujours de la cause écologique, qui pourraient bien se retrouver cocus au nom des intérêts supérieurs de la conquête du pouvoir par les huiles du mouvement écologiste.

La vraie solution contre le réchauffement

Je ne suis pas un écologiste, ce n'est pas mon chemin, j'ai longtemps été favorable au nucléaire contre le pétrole, mais il me semble que ces deux moyens sont désormais également disqualifiés : ce dont nous avons besoin, ce n'est pas de l'EDF, mais que chacun puisse produire son électricité lui-même, ce qui l'incitera évidemment à en faire usage avec plus de discernement. Que les copropriétés installent des panneaux photovoltaIques sur les immeubles, que les gens en placent sur leur maison, qu'on leur prête de quoi le faire, en se remboursant sur l'énergie produite.

Il ne s'agit pas d'augmenter la production globale, mais plutôt de favoriser le bascul vers un mode de production plus sain, à échelle humaine.

C'est cette organisation-là de notre société qu'il faut repenser et révolutionner. Et cela n'a aucun rapport avec aucun vote.

09/12/2009

L'histoire de mon père (le cas Georges Frêche).

Sur Facebook, quelqu'un m'a adressé, voici quelque temps, une invitation à soutenir Georges Frêche pour sa réélection à la présidence de la région Languedoc-Roussillon. Comme la plupart de ces invitations, j'ai laissé celle-ci dormir dans un coin de mon compte. Et puis, voici quelques jours, j'ai éprouvé le besoin de prendre position, j'ai accepté cette invitation à soutenir la réélection de Frêche. Aussitôt, un de mes amis sur Facebook, un blogueur, s'est étonné (et même inquiété) de cette prise de position : on peut difficilement faire plus sulfureux que Frêche selon les canons habituels. Or il se trouve que, parmi les raisons qui m'ont fait agir, il y a le fait que Frêche et mon père sont devenus copains autour de 1973, et que cette circonstance a fait que j'ai eu une lecture très décalée des événements qui ont agité le tocsin de l'opprobre sur Frêche parmi les bien pensants. Voici donc l'histoire de mon père, c'est celle de la France aussi.

Un bourgeois, fils d'officier de marine

Mon père, Alain Torchet, est né fin 1933 à la clinique du Belvédère, un établissement chic de Boulogne-Billancourt, tout près de Paris. Son père, officier de marine, était alors attaché à l'état-major de la marine, place de la Concorde, à Paris, et avait du reste épousé la fille d'un ancien numéro deux de la Marine nationale (on l'appelle la Royale, avec un E à la fin contrairement à Ségolène), croix de guerre 1914-18.

Une enfance bourgeoise dans un quartier parisien aisé, puis à Toulon (port d'attache). Édouard Torchet, mon grand-père, est un père comme on les fait à cette époque : ne s'occupant absolument pas des enfants. Il se singularise surtout en accumulant les titres d'ingénieurs (dix-neuf en tout) et en se consacrant à d'innombrables calculs mathématiques. Suzanne, la mère, joue au bridge. Leurs quatre enfants sont livrés à eux-mêmes et passent pour une bande de garnements particulièrement turbulents.

La guerre s'abat sur leur enfance. Ils sont à Toulon, en zone dite libre. Dès la fin de l'été 1940, Édouard Torchet choisit la Résistance. Il entre dans un réseau militaire, Ceux De La Libération (CDLL), un réseau que j'ai lu être plutôt implanté dans l'armée de l'Air que dans la Marine, mais outre que je crois que les marins ont été assez peu résistants, Édouard avait obtenu une médaille d'or à l'expo universelle de Paris en 1937, pour ses recherches sur la stratosphère où les avions sont plus nombreux que les avisos.

Jusqu'en novembre 1942, Édouard met sa famille sous pression, il lui arrive de partir en mission pour la Résistance, et l'on raconte qu'une fois, sa fille, le sentant obscurément en danger, crut bon de glisser son pistolet de service dans sa valise, ce qui aurait pu lui coûter cher s'il avait tenté de traverser la Ligne de Démarcation avec...

En novembre 1942, Édouard, devenu capitaine de corvette, commande un petit bâtiment ancré dans le port de Toulon. Il refuse de le saborder, mais ne parvient pas à le sauver. Quelques semaines plus tard, il est rayé des cadres de la Marine. Il décide alors de se rendre à Paris, où la Résistance lui a trouvé une situation aux usines Citroën. Sa famille est envoyée au vert, dans le Tarn.

Un frère énarque

Après la Libération, ce sont des établissements scolaires privés, mais variables, aussi bien en qualité qu'en localisation. Dans la Sarthe, en Normandie, à Paris. Alain Torchet a deux frères aînés. Le plus aîné prend son baluchon un jour et part à l'aventure. Le second est tout l'inverse : un bosseur. Il "fait" Sciences-Po, puis la toute jeune École Nationale d'Administration (ÉNA), dont il sort dans la même promotion qu'Édouard Balladur, futur premier ministre, et quelques autres figures (plus industrielles d'ailleurs qu'administratives) comme Jérôme Monod et Jacques Calvet. Ce frère doué pour les études aide Alain à se canaliser (il est plutôt porté sur la fête, pour dire la vérité), et à obtenir un diplôme d'HEC. C'est l'époque où les grandes écoles s'imposent comme l'élite de l'enseignement supérieur français.

À peu près au moment où mon père sort d'HEC, son frère est emporté en peu de temps par un cancer du fumeur (lui qui ne fumait pas). C'est le drame. La mort de ce frère mentor va marquer profondément Alain. Et je peux témoigner qu'encore, le 10 mai 1981, mon père a tenu à voter au nom de son défunt frère qui n'avait jamais été radié des listes électorales. Mais j'anticipe...

La guerre d'Algérie, source d'un militantisme

À l'automne 1957, mon père est appelé à faire son service militaire. Diplômé d'une grande école, il a accès à des fonctions d'officier. Il va passer vingt-sept mois en Algérie, neuf à l'état-major, neuf comme SAS dans le bled, au sud de l'Algérie, à un endroit qui, je crois, s'appelle Colon Béchard. C'est là que, à l'automne 1958, il reçoit la Croix de la Valeur Militaire, une croix de guerre qui ne dit pas son nom, puisque la guerre d'Algérie, officiellement, n'est pas une guerre. Et il rempile pour une année supplémentaire, qui va s'achever ... au bout de neuf mois : il fait la bataille d'Alger et, début 1960, il est rapatrié sanitaire, je n'ai pas pu déterminer pourquoi, mais je sais qu'il a été marqué psychologiquement, voire psychiquement, par l'Algérie.

De même qu'il ne m'a jamais dit un mot de son enfance, ni de l'Occupation, il ne m'a jamais rien dit de ce qu'il avait fait en Algérie.

En rentrant, il se réinscrit en faculté de droit pour compléter son cursus, dans l'idée de se spécialiser dans ce qui l'intéresse : ce qu'on appelle alors d'une locution assez laide, la "fonction de personnel", et qu'on nomme aujourd'hui d'une locution encore plus laide, les "ressources humaines". Une de ses copines, d'origine algéroise, lui présente alors ma mère.

Parallélement à sa reprise d'études, il signe des articles dans "Combat", un quotidien né de la Résistance, longtemps dirigé par Albert Camus, et dont le jeune Philippe Tesson prend la direction au cours de l'année 1960. Il écrira dans "Combat", sous un pseudonyme, jusqu'à la disparition de ce titre en 1974.

À partir des Accords d'Évian, il refuse de s'associer à l'Organisation Armée Secrète (OAS), à ceux qui vont prolonger leur militantisme jusque dans des attentats. Il faut dire qu'à cette époque, mon frère est né. Et puis, sans doute, quand on a fait des choses terribles pour éviter des attentats à Alger, trouve-t-on au moins absurde d'en commettre à Paris.

La création du Parti Socialiste, le congrès d'Épinay

Une jeune famille, un début de carrière, des ennuis de santé, meublent ses années 1960. Il tâtonne en politique, j'ai son calepin pour l'année 1970, on y trouve le numéro de téléphone personnel de Pierre Joxe, futur ministre socialiste, mais aussi celui de Georges Mesmin, futur député centriste du XVIe arrondissement, et ceux de quelques autres. À cette époque, mes parents ont divorcé, il est plus libre pour entreprendre des choses en politique, ce qui le tente, disons-le, vachement.

La création du Parti Socialiste, à Épinay, se fait avec lui. Il est là parce que François Mitterrand a promis d'enlever un million de voix aux communistes. Chacun ses motivations. Politiquement, son admiration personnelle, c'est paradoxal pour un décoré de l'Algérie, a toujours été pour Pierre Mendès France, qui a incarné la probité et la vérité sous la IVe république. Nos contradictions nous nourrissent. Mendès, à cette époque, se remet difficilement de son cuisant échec de 1969 (où il avait eu l'idée très baroque de faire tandem avec le sulfureux maire de Marseille, Gaston Defferre). La SFIO a été aussi ébranlée par le désastre électoral, Mitterrand, roi des manœuvres d'appareil, s'empare du nouveau Parti Socialiste.

Les articles de mon père dans "Combat", à cette époque, traitent souvent des dossiers parisiens, en particulier de l'affaire du "trou des Halles" : on a démoli sottement les halles bâties par l'architecte Baltard sous le Second Empire, et le débat fait rage pour savoir que faire du squelette de fer démonté, et quoi mettre à sa place. Parmi ses combats de l'époque figure aussi le Marché Saint-Germain, dont on dit qu'il date en partie de l'époque romaine, et que Chirac finira par grâcier, bien plus tard, en le posant cependant sur l'un de ses inévitables parkings souterrains.

Mon père va aussi dans le Midi, s'insurger contre le bétonnage qui menace la Camargue et qui sévit autour de la Grande Motte, non loin de chez Georges Frêche.

C'est l'époque d'un PS très créatif : je me souviens des grandes affiches produites par les caricaturistes du "Canard" notamment : on y voyait par exemple Giscard (alors ministre des finances) représenté en pieuvre à manchettes de lustrine, une pieuvre rond-de-cuir. Mon père participait à des soirées culturelles, j'ai des mots charmants signés de Louis Le Pensec, futur ministre de Rocard, ou de quelques autres du même tonneau, qui le traitent de "poète de nos soirées" et autres amabilités dont j'ignore tout, je dois le reconnaître, sinon que mon père, à cette époque, ne détestait pas les jolies femmes, qu'il nous emmenait à la piscine pour pouvoir y draguer les jolies filles, qu'il nous emmenait aux Puces pour pouvoir y draguer les jolies filles, et que nous préférions quand il nous emmenait à la Foire du Trône ou chez des cousins, le dimanche... J'avais six, sept ou huit ans.

Le rapprochement avec Frêche, les dernières années

Il est possible que Frêche ait connu mon père dès 1960 : tous deux étaient alors inscrits à la faculté de droit de Paris. Mon père était plus âgé, mais Frêche, grande gueule, avait de quoi se faire remarquer, lui qui, dit-on, militait alors si fort contre la guerre d'Algérie... S'il m'arrive de rencontrer Frêche, un jour, je lui poserai peut-être cette question.

Or en 1973, Frêche avait été nommé à la faculté de droit de Montpellier. Il s'y présentait aux élections législatives pour le Parti Socialiste. Son échec lui enseigna (c'est ce que dit sa fiche Wikipedia) qu'il avait besoin de se faire pardonner par les pieds-noirs. Sans doute est-ce sur cette base qu'eut lieu le rapprochement avec mon père, qui pouvait promener partout sa décoration algérienne.

C'est à la même époque que mon père a postulé au Grand Orient De France. J'ai encore sa lettre, j'ignore s'ils l'ont admis, mais je crois que ce fut pour lui un moment important que de faire cette démarche.

Après "Combat" disparu, il signait des tribunes, plutôt économiques (il travaillait avec la commission économique du PS) dans "Le Monde", sous le même pseudonyme.

C'est à peu près à l'époque où Frêche emporta la mairie de Montpellier, en 1977, qu'il put se faire élire délégué syndical cadre CFDT de la grosse boîte où il travaillait, les Produits Chimiques Ugine-Kuhlmann (PCUK), qui, je crois, étaient déjà une branche du groupe Péchiney.

Débarrassé des contraintes hiérarchiques, il put se consacrer à sa passion : l'organisation du travail des gens. Quand il est mort, les gens de PCUK ont été si gentils avec nous que je crois qu'il leur avait vraiment laissé un bon souvenir.

La fin

Il a voté (deux fois, comme je l'ai écrit plus haut) en mai 1981, mais n'a guère eu le temps de savourer la victoire de ses amis socialistes.  Son père s'était présenté sous une étiquette disons poujadiste dans la circonscription de Jacques Médecin dans les Alpes-Maritimes en juin 1981, où il avait obtenu un peu plus de 5 %, crime de lèse-majesté dans ce département. Quinze ans plus tard, la grande résistante Louise Moreau, maire de Mandelieu dans ce même département, m'a confié qu'à chaque fois qu'elle se présentait, elle devait verser 120 000 Francs de l'époque à Médecin... Bref, ma grand-mère fut renversée par un chauffard dans l'été 1981, reçut dix-huit blessures graves, dont neuf mortelles, auxquelles elle survécut, et mon grand-père fut à son tour renversé par une mobylette, et mourut quelques jours plus tard en m'ayant écrit qu'il était convaincu d'avoir été assassiné, en octobre 1981. J'avoue ne l'avoir pas cru à l'époque.

Mon père, hospitalisé dans l'hiver, est mort fin février 1982.

Que penser de Frêche ?

Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur l'œuvre municipale de Georges Frêche : je n'habite pas Montpellier, je n'y suis jamais allé. Mais longtemps, j'en ai entendu dire grand bien.

J'ai une opinion assez précise sur le faux procès qui lui a été fait à propos des harkis. Il faut savoir que le général de Gaulle, pour des raisons plus que défendables par ailleurs, a fait des Accords d'Évian, qui mettaient fin à la guerre d'Algérie, un véritable pacte d'alliance avec le FLN, parti qui accédait au pouvoir dans l'Algérie souveraine. La chose a son importance : la France aurait pu donner l'indépendance à trois états souverains : la Kabylie d'un côté, Alger de l'autre, et le désert, voire à quatre, si l'on considère l'ouest algérien. En acceptant la création d'un État unique, la France faisait un cadeau dont elle attendait des retours, qu'elle a eus en partie, notamment dans le domaine énergétique.

En contrepartie, la France n'accorda ni les honneurs, ni même une réelle protection, à ceux des fils de la terre algérienne qui s'étaient battus pour elle dans les sept années du conflit. De là est née l'injustice criante et flagrante connue sous le surnom de ces gens : les harkis, qui furent parqués dans des conditions scandaleuses et ignorés pendant un long temps par l'État français (la majorité d'entre eux est restée en Algérie où beaucoup ont été massacrés).

Pour un ancien combattant d'Algérie, comme mon père, cette injustice était insupportable. Pour un certain nombre de pieds-noirs aussi.

Georges Frêche fut l'un de ceux qui prirent le problème à bras-le-corps.

Dans la célèbre vidéo qui lui a été reprochée, on l'entend s'en prendre à un groupe de harkis. On n'en a retenu que "Vous êtes des sous-hommes !" qui, tel quel, a un sens profondément raciste. Mais en fait, Frêche est blessé : le reste de la vidéo le dit, ces harkis viennent de défiler avec l'UMP, alors que la droite n'a jamais rien fait pour eux. "J'ai donné du travail à vos fils !" clame Frêche, réllement blessé parce qu'il se sent trahi par des gens qu'il a été le seul à considérer et à aider, pour lesquels il s'est donné du mal. Il s'est senti blessé, il répond avec les mots des tripes. Il ne les traite pas de sous-hommes, il leur dit "Vous m'avez trahi !", ce n'est pas la même chose.

Sur son autre phrase concernant les noirs et l'équipe de France ("Il y a trop de noirs dans l'équipe de France"), j'avoue que, autant l'équipe black-blanc-beur de 1998 m'a bien plu, autant cette équipe postérieure où tous les joueurs, sans exception, étaient antillais ou d'origine africaine subsaharienne, m'a dérangé, parce que, d'une part, ce n'était plus un symbole de mixité, et parce que, d'autre part, on sentait une anomalie : y avait-il une pression exercée par certains joueurs sur l'entraîneur ? y avait-il un communautarisme ? Bref, c'était dérangeant, autant que si l'équipe de France avait été entièrement blanche dans un pays qui ne l'est plus depuis longtemps (l'a-t-il d'ailleurs jamais été ?). Donc, au risque de soulever des torrents d'injures me traitant d'aussi raciste que lui, je crois sincèrement qu'on a fait à Frêche un mauvais procès, assez tartuffe, qui arrangeait bien ses adversaires locaux et nationaux.

Conclusion

Pour conclure, je voudrais rappeler que la première UDF, celle créée par Giscard et Lecanuet (c'est un autre sujet à la mode en ce moment), est morte en 1998, lorsque, au moment d'élire les exécutifs régionaux, quelques candidats (je crois qu'il y en avait trois) acceptèrent d'être élus  présidents de région grâce aux voix des élus du Front National.  C'étaient des UDF. Il y avait un ancien PSD (devenu Force Démocrate) en Picardie, le PR Charles Millon en Rhône-Alpes et ... l'autre PR Jacques Blanc en Languedoc-Roussillon. L'attitude médiocre et indigne de ces élus leur fut fatale. Les trois ont disparu.

Or celui qui a enlevé Languedoc-Roussillon à Jacques Blanc, c'était Georges Frêche.

Tous comptes faits, et sans même examiner la qualité de sa gestion, sans me soucier non plus de son soutien à Ségolène Royal qui n'est pas ma préoccupation, oui, je peux le dire, je ne regrette pas d'avoir exprimé mon souhait que Georges Frêche soit réélu président de sa région, et qu'il se prépare ainsi à passer la main aux nouvelles générations.

08/12/2009

Des liens pas tartuffes.

C'est la saison des truffes en chocolat, pas des tartuffes. Voici donc quelques liens sur des articles et sur de blogs pas tartuffes, un peu éclectiques.

Sur la réforme de l'histoire-géo, le privilégié Mathieu, prof lui-même, fait une excellente synthèse.

Pour comprendre enfin comment se servir de Twitter, le blog Crise dans les Médias délaisse de plus en plus souvent sa spécialité de presse écrite.

Attentif aux expressions de Quitterie, Orange Sanguine s'interroge. (Enfin, quand je dis pas tartuffe, il a quand même un appel à signer l'Ultimatum climatique sur son blog, alors que .... ).

Comme je suis beau joueur sur la question climatique, un tour chez FLN.

Et je conclus par une excellente initiative d'un collectif citoyen sur l'élaboration de la loi, lisible chez Authueil.

 

05/12/2009

Quitterie et les nouvelles solidarités sur Internet.

Dans une précédente note, je relatais une conférence organisée par Babyloan, qui traitait des nouvelles solidarités sur Internet, et que Quitterie avait animée avec dextérité.

Les vidéos de cette conférence viennent d'être mises en ligne. Voici la vidéo de l'introduction du débat par Quitterie


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04/12/2009

Assemblée générale du collectif Jean Bouin : la vidéo.

En principe, les cossus du 16e et les prolos du 18e ont des intérêts antagonistes du point de vue des décisions politiques : les travaux qui sont faits ici ne le sont pas là, les équipements qui profitent au 16e manquent évidemment au 18e et réciproquement (euh, plus rarement). Le projet de nouveau stade Jean Bouin accomplit l'exploit rare de nuire autant aux habitants du 16e qu'à ceux du 18e.

L'argent que la Ville de Paris veut dépenser pour la démolition du stade Jean Bouin et sa reconstruction sur de nouveaux plans (ce qui révolte les habitants du 16e) est celui qui permettrait de prolonger le tramway jusqu'à la porte d'Asnières (que les habitants du 18e attendent comme le Messie). Non seulement ces travaux sont superfétatoires dans le 16e, mais ils créent un manque terrible dans le 18e.

Rarement, on aura pu dire à ce point qu'épargner un inconvénient aux beaux quartiers peut avoir un tel avantage pour les quartiers plus pauvres. Delanoë a réussi à inventer la convergence des classes.

C'est pourquoi il est juste que la mobilisation contre ce projet soit transversale, qu'elle joigne des élus verts à ceux de l'oppositon municipale. Cependant, je ne partage pas l'opinion de Sylvain Garel, élu vert qui incarne ce rapprochement, (opinion qu'il développe sur la vidéo que je joins ici) quant à l'effet du premier tour des élections régionales. Il vante sa boutique, c'est normal, l'argument est de bonne guerre, mais je crois que les choses sont plus compliquées. Mais si je ne partage pas son opinion sur le calcul politique, je souhaite vivement que l'argent prévu pour Jean Bouin soit finalement affecté au prolongement du tramway jusqu'à la porte d'Asnières.

Pour le reste de cette assemblée générale, je crois que les images parlent d'elles-mêmes.

Sport 2.0, année zéro.

Le remarquable cours magistral donné par Claude Goasguen sur le thème "le sport et l'argent" en surprendra plus d'un, notamment parmi ceux de mes lecteurs qui voient en lui surtout un ancien du réseau Occident accoutumé des positions plus "libérales" au sens droitier de ce terme. Que Goasguen prenne le temps d'expliquer que le déferlement de l'argent dans le sport pose des problèmes à "notre conception des choses" , comme il dit (c'est-à-dire à notre éthique), en surprendra plus d'un, et son exposé mérite d'être vu, car la prophétie qu'il fait est aussi redoutable que réaliste.

Le sport, en France, passe à un stade 2.0. On renonce enfin à la tartufferie du sport à la fois associatif et professionnel, pour reconnaître enfin que le sport professionnel n'est qu'une activité commerciale parmi d'autres. C'est une révolution éthique dans le statut juridique, qui rejoint une réalité déjà très consolidée.

Et bien entendu, le bail emphythéotique de 60 ans que Delanoë prépare actuellement pour Colony Capital au Parc des Princes sera impossible, grossièrement illégal. J'ai même l'impression qu'un arrêt du Conseil d'État interdit les concessions supérieures à quinze ou vingt ans. En tout cas, il faudra une procédure de mise en concurrence et un appel d'offres en bonne et due forme.

Cette victoire éthique n'est pas sans revers : quand on verra un milliardaire russe soumissionner pour la concession du Parc des Princes, on mesurera évidemment toutes les conséquences de la reconnaissance du caractère purement commercial du sport professionnel. Personnellement, je suis d'opinion que, puisque cette activité est commerciale, on ne lui concède plus le domaine public, qu'elle s'adresse à l'immobilier privé, et que le domaine public serve à l'accès public et aux structures associatives. Ce serait de meilleure méthode. Et pour un équipement comme le Parc des Princes, de façon à éviter de se retrouver envahis par la mafia russe, je crois qu'il serait sage qu'il fût désormais géré en régie et loué palier par palier en fonction des activités, ce qui permettrait d'y jouer à la fois le football et le rugby.

Parmi les deux ou trois autres réflexions qui me viennent au sujet de cette vidéo, il y a celle que la défense de Lagardère, qui s'étonne d'être appelé en responsabilité pénale par la justice, n'étant pas lui-même le concessionnaire de Jean Bouin, ressemble fort à une tartufferie, vu que le nom de Lagardère figure bien partout dans le stade dont il est le sponsor de référence, ayant succédé dans ce titre à la Société Générale dont le CASG, club père de Paris - Jean Bouin, était une pure et simple émanation initiale.

Collusion entre Laporte et Colony Capital ?

Une dernière remarque sur ce qui me semble être le scénario de gestation du projet Jean Bouin : l'homme-clef du projet, c'est Bernard Laporte. C'est lui qui, une fois ministre, a mobilisé les services de l'État sur une dilatation du projet initial. Ce parrainage de l'État n'apparaît nulle part jusqu'ici, mais on le voit bien dans ce que révèle Sylvain Garel sur cette vidéo : quand il demande le transfert des fonds de Jean Bouin vers le tramway, on lui répond à la Ville de Paris que "l'État ne va pas dépenser de l'argent pour le tramway", ce qui siginifie clairement qu'il est prévu que l'État pèse financièrement sur le projet de Jean Bouin. Cette décision a évidemment été prise quand Laporte était ministre des sports.

Le contenu du projet suggère qu'elle a été prise en concertation avec le voisin de Jean Bouin, Colony Capital. Il y a là comme une forme d'association. Et si j'étais le Stade Français (le club omnisport père de la section rugby), je me ferais des soucis, car le stade Géo André, siège du Stade, jouxte le Parc des Princes, et une collusion de Colony Capital et de Laporte devenu maître du Stade Français rugby pourrait préluder à une OPA inamicale sur Géo André, du type de celle que Lagardère a faite à la Croix-Catelan.

Enfin, si Laporte est le personnage-clef de l'affaire, sur fond de succession de Guazzini qui se met en retrait, il serait intéressant de connaître l'opinion du rival de Laporte pour la succession de Guazzini, qui n'est autre que l'ancien international Fabien Galthier.