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28/11/2009

L'arnaque des ONG et la tartufferie climatique.

Il n'y a rien que je déteste plus que de recevoir des leçons de la part de gens qui ne sont pas exemplaires, pas plus que moi en tout cas.

L'objet de la présente note n'est en rien de remettre en cause les constatations du GIEC ni de contester l'hypothèse d'une cause principalement humaine du réchauffement climatique de la planète terre. Ce sont choses bien trop compliquées pour mon niveau, je ne peux que déplorer que, depuis vingt ans que le GIEC existe, ses conclusions aient surtout servi à brider la croissance des pays autres que les États-Unis, alors même que les États-Unis sont le premier pollueur mondial, notamment en gaz à effet de serre. De toutes façons, limiter la production de CO2 est une bonne idée, il faut désormais que ce soit fait de façon équitable.

Non, l'objet de la présente note est de dénoncer, non plus le greenwashing, mais le green business pseudo-associatif et le climate business actuel, qui masque mal la vérité des intérêts qui s'y expriment : les organisations non gouvernementales (ONG) sont de véritables PME, parfois même des multinationales (pour les plus grandes comme MSF et Médecins du Monde), et très souvent, leur but est surtout financier. La liste des rédacteurs de l'Ultimatum climatique est, de ce point de vue, exemplaire, je devrais dire contre-exemplaire.

Les signataires de l'Ultimatum climatique

Entre écoblanchiment et collecte de fonds à la limite de l'escroquerie, les signataires de l'Ultimatum climatique sont une belle brochette de grigous. Passons-les en revue.

Greenpeace. L'organisation est née aux États-Unis mais, alors que les États-Unis sont de très loin le premier pollueur mondial, aucune activité marquante de Greenpeace depuis plus de trente ans n'a concerné les États-Unis. Quant à Greenpeace France, cette organisation a pour activité principale la collecte de fonds. On peut lui donner acte de la transparence avec laquelle elle explique tout benoîtement que seuls 56 % des dons collectés sont utilisés poiur ses activités de terrain. Encore faudrait-il creuser un peu ce chiffre, qui intègre probablement des dépenses de fonctionnement ordinaires. Les 44 % autres sont répartis en deux enveloppes : 33 % pour la collecte de dons, 11 % pour le fonctionnement proprement dit. C'est donc si dur de récolter des dons ? Soulignons au passage que ce ne sont pas de petites sommes, puisque le budget de Greenpeace France s'élève à 9 millions d'Euros, dont 3 millions consacrés à la collecte de dons, sans compter qu'en vérité toute campagne d'opinion montée par Greenpeace n'est finalement qu'une opération de collecte de fonds. On se demande si cet argent ne serait pas mieux utilisé à éradiquer le paludisme dans le Tiers-Monde. Bref, si la Sécurité Sociale avait des frais de fonctionnement de 44 %, tout le monde hurlerait au scandale. mais du moment que ce sont des gens qui se dévouent à sauver le climat, tout va bien. Hum.

Le WWF France. J'avoue que je suis très peiné d'écrire ce paragraphe, car j'ai beaucoup de sympathie a priori pour le WWF. Mais quand je regarde sa page de partenaires, j'ai envie de pleurer : Carrefour, Castorama, Center Parcs. Si cela n'est pas de l'écoblanchiment, qu'est-ce qui le sera ? Carrefour est quand même une usine de malbouffe et de surconsommation. Mais pas de problème pour le WWF, l'argent n'a pas d'odeur. Vraiment ?

Action contre la faim. À peu près la même remarque que pour le WWF en consultant sa page de partenariats. Chacun sait qu'Air France est une grande entreprise écologique, et que la BNP, si chère au président Sarkozy, n'a aucune filiale dans un paradis fiscal, qu'elle pratique des taux d'intérêt tout à fait convenables et que tout va très bien, Mme la marquise. Du reste, comme le rappelle cette très intéressante étude, Action contre la faim a eu de véritables problèmes et un gros scandale voici peu d'années et le moins que l'on puisse dire, c'est que le doute subsiste. La signature de l'Ultimatum climatique lui accorde-t-elle une nouvelle virginité ?

Care France. Cette branche française d'une multinationale humanitaire fait du partenariat avec les régions un véritable fonds de commerce. Pour elle, se manifester dans le jeu politique à quelques mois des régionales est évidemment une façon d'intervenir sur ses futurs donateurs institutionnels... Si l'on lit la liste de ses partenariats régionaux, qui sont ciblés par action, on verra d'ailleurs que ces partenariats sont politiquement connotés : la municipalité communiste de Saint-Denis près de Paris intervient pour aider Cuba, le département des Hauts-de-Seine est tout réjoui de glisser un œil dans la très secrète Birmanie communiste à l'occasion d'un accident climatique. Mais tout cela n'est que pure coïncidence. Quant aux régions concernées, ce sont déjà cinq régions. Un hors d'œuvre ?

La FIDH (Fédération Internationale des Droits de l'Homme). Cette organisation déjà ancienne publie ses comptes, mais dans une assez profonde opacité. On y trouve, comme ressources, cinq lignes comptables dont le sens est parfois ésotérique : cotisations (jusqu'ici tout va bien), subventions et dons reçus (le gros de la troupe : environ 75 % du total des ressources), dons et manifestations, Liberté et solidarité, les Amis de la FIDH. Le mot dons apparaît deux fois, on suppose qu'il y a d'un côté les dons spontanés, de l'autre les dons reçus à l'occasion de manifestations. Seulement voilà : dans ce total, on ne voit pas le montant des subventions publiques, et c'est très mal, car tout le monde sait que la FIDH est fortement subventionnée par l'État pour certaines de ses actions de terrain. Donc opacité, opacité suspecte.

La Fondation Nicolas Hulot est un véritable cas d'école de l'écoblanchiment. La page des quatre partenaires fondateurs ressemble au portrait de groupe des Dalton : Averell Dalton, c'est l'EDF, dont chacun sait que les centrales nucléaires sont un modèle environnemental universellement claironné, William Dalton, ce sont les hôtels Ibis, qui paraît-il tâchent d'écoblanchir leur béton et leur malbouffe, Jack Dalton c'est L"Oréal, dont l'activité chimique n'a évidemment aucun rapport avec la pollution, ni avec les shampoings Ushuaïa. Joe Dalton, enfin, c'est évidemment TF1, la plus grande usine de crétinisation d'Europe. Un véritable modèle, ou contre-modèle, à enseigner dans les écoles tant qu'il en restera. Écœurant.

Les Amis de la Terre. On se demande ce qu'ils foutent là-dedans, sinon offrir une légitimité aux autres. Par ailleurs, ils ne publient pas leurs comptes, ou du moins pas sur leur site, et c'est dommage, car on est forcé de les taxer d'opacité.

Médecins du Monde (MDM). Là, on est dans le charity business à très grande échelle, où s'entremêlent barbouzages, subventions publiques et écoblanchiment, avec tout de même, heureusement, de vraies actions de terrain, dont on voudrait qu'elles soient plutôt prises en charge par de vraies institutions désintéressées. Parmi les fondations partenaires de MDM, on retrouve Air France et L'Oréal (tiens, tiens). Parmi les entreprises, le meilleur et le pire (le meilleur le crédit coopératif, le pire la Société Générale) et l'inévitable Air France, au milieu desquels se glisse le site Soliland, dont il a été remarqué lors d'une récente table ronde animée par Quitterie Delmas pour Babyloan que sa raison sociale elle-même était l'écoblanchiment, ce qu'on retrouve dans un autre partenaire, Solidaripresse. Enfin, parmi les institutions, on trouve évidemment le gouvernement français, son homologue néerlandais et la Commission Européenne, de quoi afficher respectabilité et crédibilité. On peut savoir gré à MDM de jouer la transparence, qui est un gage de sincérité, mais on a le droit de redouter que cette transparence ne dissimule un surcroît de duplicité. Le procès du charity business n'est plus à faire.

Oxfam France. Cette branche française d'une organisation née il n'y a pas si longtemps au Royaume-Uni pratique une forme d'insincérité comptable absolument révoltante. En vérité, on est ici à la limite de l'escroquerie. En effet, si l'on lit les comptes qu'elle a publiés d'un œil distrait, tout va bien, mais si l'on y regarde d'un peu plus près, aïe. Lisons les chiffres. Le total des ressources d'Oxfam France se monte à environ un million deux cent mille Euros. Un tiers de ce budget provient d'une dotation de la maison-mère, Oxfam international. Le budget réel d'Oxfam France se monte donc à environ 800 000 Euros. Sur ces 800 000 Euros, 377 000 sont affectés à la collecte de dons, soit environ 47 % ! Près de la moitié de ce que les gens en France donnent à Oxfam est utilisé pour la recherche de nouveaux donateurs. On peut réellement dire que l'activité principale d'Oxfam France est la collecte de fonds. En fait, les dons accordés à Oxfam France ne servent qu'à permettre à Oxfam international de s'implanter en France et d'y conquérir une part de marché, une part du marché des dons... Et sl'on ajoute les frais de fonctionnement, le total des frais de structure dépasse les 500 000 Euros, soit plus de 60 % du total. Oui, vous avez bien lu : les donateurs d'Oxfam voient leurs dons utilisés à moins de 40 % pour les buts affichés de cette organisation. Seule la dotation d'Oxfam International permet de masquer ce scandale et d'afficher un bilan largement consacré aux actions de terrain... Pas de doute, pour Oxfam, signer l'Ultimatum climatique n'est pas une façon de lutter pour l'amélioration du monde, mais une façon de travailler sa notoriété et son image en France. Le fait qu'Oxfam international soit majoritairement tributaire des suventions européennes a d'ailleurs été noté, ce qui crée le doute sur la sincérité de ses engagements.

Le Réseau Action Climat semble n'être que le réseau des réseaux déjà recensés par ailleurs, qualités et défauts inclus. Ses comptes indiquent que son petit budget provient à plus de 80 % de subventions, sans qu'on sache par qui ces subventions lui sont allouées. On est tenté de parler à la fois d'endogamie et d'opacité.

Pour le Secours Catholique, Caritas, j'ai envie de dire comme pour Les Amis de la Terre : qu'est-ce qu'ils font là ? Mais il faut tout de même noter qu'ils appartiennent à la catégorie du charity business, et qu'évidemment ils ne sont exempts d'aucun des doutes qui planent sur cette activité économique qui peut exploiter autant ses bénévoles que ses donateurs. Par ailleurs, j'ai eu beau chercher dans leur vaste site (qui a dû leur coûter cher), je n'ai pas trouvé de bilan comptable, si bien que je suis forcé de parler d'opacité. Enfin, si pour eux, la signature de l'Ultimatum climatique a pour effet indirect de signaler leur soutien aux listes écologistes pour les élections régionales, il faut tout de même remarquer qu'en contestant le leadership du Parti Socialiste en France et dans les régions les listes écolo combattent aussi le vieux frère ennemi du Secours Catholique : le Secours Populaire, dont les liens avec la gauche ancienne sont connus. Alors, si c'est pour vider une vieille querelle de rivalité, ego te absolvo. Hum.

La politique française en filigrane

Accessoirement, en signant l'Ultimatum climatique, les organisations susmentionnées paraissent donner un soutien explicite au président de la république dans une vaste opération de communication qu'il mène en vue du sommet de Copenhague.

Mais là n'est pas pour moi l'essentiel. L'essentiel est que si l'Ultimatum climatique sert de base de légitimité conceptuelle et de valeurs (sinon d'idées) aux listes écolo pour les élections de mars prochain, force est de constater que le jury d'honneur convoqué pour conforter la légitimité écolo ne semble guère en mesure de refléter autre chose que l'image d'une assemblée de mœurs économiques douteuses et de calculs vénaux prononcés.

C'est pourquoi lorsque j'entends les Verts rugir ces jours-ci contre Bayrou, j'avoue que ça me donnerait presque envie de revoter pour celui-ci : car lui, au moins, ne fait pas semblant de prêcher la vertu.

Tartuffes sont les Verts qui accusent Bayrou de leur voler... de leur voler quoi, d'ailleurs ? le pain de la bouche, leur fonds de commerce écolo, car c'est bien de quoi il s'agit : Bayrou a voulu leur dérober leur fonds de commerce. Tartuffes qui reprochaient à Bayrou de piétiner la démocratie au Mouvement Démocrate et qui ne sont pas capables de la pratiquer chez eux. Comment, voilà des gens qui, lorsqu'ils ont accueilli la candidature du "parachuté" Meirieu n'ont même pas été capables de voter à bulletin secret ? Allez, on fait ça vite fait, à mains levées... c'est tellement plus commode pour ratifier des décisions qui viennent non pas de la base, mais d'en haut, dans la plus parfaite verticalité jupitérienne. Que reprochait-on à Bayrou, déjà ? ça ? C'est vrai. Mais alors, ils ne font pas mieux que ce qu'ils lui reprochaient.

Et pas question de primaires dans ces listes écolo, non, comme chez Bayrou, les têtes de listes sont recrutées sur casting pour passer à la télé, vous imaginez bien qu'on ne va pas demander aux adhérents (pouah ! fi !) de concourir et de venir menacer le débauchage qu'on a eu tant de peine à réaliser ! Les stars, c'est tellement mieux que les gens ordinaires, que les vertueux anonymes qui devraient pourtant être la sève de la démocratie. Hum.

Et parmi ces têtes de listes, comme est transparente l'envie d'en finir avec l'encombrant MoDem : Bayrou a plein de profs ? Bon, on va lui sortir l'arme lourde. Et qu'est-ce que l'arme lourde ? Croyez-vous que ce cerait un prof de ZEP qui viendrait témoigner de sa tâche héroïque et anonyme ? Que nenni ! On va prendre une star, oui une star, quelqu'un qui depuis trente ans incarne toute la pensée pédagogique dominante. L'arme atomique. Bayrou a eu un ancien dircab de Mauroy ? Qu'à cela ne tienne, on en a aussi : après le banquier Peyrelevade, voici Robert Lion, qui a été, vous ne devinerez pas, patron de Greepeace France. Bon Dieu, mais il fallait y penser ! Au passage, avec un ancien dircab de premier ministre comme patron, on mesure la très grande indépendance des ONG françaises... Il est vrai que le président de la Croix-Rouge est un ancien ministre UMP.

Allons, tout ça n'est pas sérieux. Dans l'ensemble, je rejoins l'analyse de Bernard Stiegler dans le dernier numéro papier de Bakchich Hebdo (EDIT : on peut la retrouver ) : je suis fatigué de constater que les politiques ont renoncé à la réflexion doctrinale, au travail de fond, et qu'ils ne se concentrent plus que sur leur égo, leurs rivalités personnelles et les effets d'annonce, avec le but évident non pas de s'adresser à la conscience ni à l'intelligence des électeurs, mais de travailler leur inconscient, ou pour mieux dire, de manipuler leur inconscient.

Je ne suis pas du tout sûr de voter en mars prochain, mais il y a une chose dont je suis certain : je ne voterai pas pour ceux qui font la même chose que ceux qu'ils conspuent, tout en prétendant faire le contraire. La sincérité, l'authenticité, la cohérence, la transparence, sont toujours parmi les maîtres-mots de mes aspirations politiques, à côté du rêve un peu fou que les politiques fassent leur métier en informant les gens des enjeux réels des décisions politiques, en s'adressant à leur intelligence et à leur conscience.

26/11/2009

Dorothy de Warzée, droits d'auteur, numérisation, réédition sur papier.

Le nom de Dorothy de Warzée ne vous dit sans doute rien. Cette femme a été l'auteure d'un seul livre, "Peeps into Persia", paru en 1913 chez Hurst et Blackett, un éditeur londonien. À l'époque, ce livre est passé plutôt inaperçu, tiré à peu d'exemplaires. Depuis ce temps, et jusqu'en 2008, il n'avait jamais été réédité. Mais avec le temps, et avec l'intérêt qui a grandi sur l'Iran (enconre dénommé Perse en 1913), il est devenu un document, une sorte de classique introuvable, qui a fait qu'en 2008, Kessinger publishing en a fait ce qu'on nomme un "reprint", c'est-à-dire un fac-similé. Dans le même temps, l'université de Californie à Los Angeles, mieux connue sous le sigle UCLA, l'a mis en ligne dans le projet Archive.org (j'ouvre une fenêtre de lecture en bas de cet article), très bien numérisé (bien mieux que par Google, soit dit en passant).

Pourquoi j'en parle ? Il se trouve que Dorothy de Warzée est mon arrière-grand-mère, qu'elle est morte en 1963, et que son ouvrage n'est pas dans le domaine public, ce qui ouvre évidemment des perspectives sur le fait que les ayants-droits n'aient jamais été consultés sur les opérations de réédition, ni de numérisation...

Commençons par le commencement.

Dorothy de Warzée, née Davis

Dorothy de Warzée, qui s'intitule "baroness" (baronne) d'Hermalle, est née Dorothy Davis en janvier 1880 à Marylebone, un district de Londres, fille d'un avocat, James Davis. Celui-ci, peu d'années plus tard, fit un pari avec un journaliste et devint ainsi un librettiste d'opérette très renommé, Owen Hall, et pour ceux qui ne savent pas ce qu'est un librettiste d'opérette, je précise que c'est celui qui écrit les lvrets, les textes, des opérettes. Owen Hall était l'un des librettistes les plus en vue à Londres vers 1900, et il faut comparer ce métier avec celui des scénaristes de cinéma à succès d'aujourd'hui : c'était très rémunérateur et très glorieux. Owen Hall se ruinait de temps à autre avec son écurie de courses de chevaux, mais il se refaisait aussitôt avec une nouvelle opérette.

En 1902, la famille passe ses vacances sur la Côte d'Azur, en France. On joue au tennis. Il y a là un couple de Belges. Lui est "directeur des jeux de la reine (des Belges) à Spa", c'est-à-dire qu'il dirige le casino de Spa. La couronne belge l'a nommé à ce poste parce que ça lui interdisait de jouer au casino, et qu'il avait tendance à se ruiner au casino... La femme de ce directeur, nommé Léon le Maire, est née Noémi de Warzée d'Hermalle, fills du baron de Warzée d'Hermalle.

Sans entrer dans trop de détails, disons que la famille de Warzée remonte à Païen de Warzée qui fut compagnon de Godefroi de Bouillon lors de la première croisade, en 1096. Le château de Warzée laisse de vagues ruines quelque part dans le Brabant wallon, je crois. Une branche cadette de ces Warzée s'est installée à Liège vers la fin du XIIIe siècle sous le patronyme Payen de Warzée. À la fin du XVe, elle a abandonné Payen pour ne garder que de Warzée, s'établissant à Huy, une ville alors prospère. Au XVIIIe siècle, deux branches se sont formées. L'aîné de l'aînée était bâtonnier de l'ordre des avocats de Liège en 1789. Ses descendants ont été créés barons de Warzée d'Hermalle par le roi des Pays-Bas, titre confirmé par le roi des Belges lorsque la Belgique a fait sécession en 1831. Le père de Noémie de Warzée d'Hermalle était l'avant-dernier baron, il était un peu excentrique et dilapida sa fortune, ne laissant qu'un dernier baron et Noémi. Le dernier baron fit ce qu'on nomme une adoption simple pour transmettre son patronyme aux fils de sa sœur. Les fils en question se prénommaient Léon et Willy, Willy le Maire de Warzée d'Hermalle fut souventes fois champion de Belgique de tennis (un peu plus que selon la notice wikipedia) et même finaliste en double à Wimbledon en 1918.

Femme de diplomate

Dorothy trouva Léon le Maire de Warzée d'Hermalle séduisant, il fumait le cigare, jouait au poker et pratiquait un humour assez caustique. Elle se laissa donc enlever, on ne sait pas pourquoi les parents ne voulaient pas de cette union, sans doute pour des raisons religieuses. Bref, Dorothy et Léon se marièrent rapidement, puis Léon passa un concours de la fonction publique belge du roi Léopold II et devint consul de Belgique. Le couple alla à Lima, au Pérou, où ma grand-mère est née en 1903, puis revint en Méditerranée (je crois que c'est là qu'est né leur fils Guy, père de l'acteur Michel de Warzée), puis une première fois à Téhéran, dans le pays qu'on appelait encore la Perse, où la Belgique avait obtenu de nombreux marchés publics.

De là, ils allèrent pour quelques mois à Sofia, en Bulgarie. C'est alors qu'on apprit que Léopold II était mort. Léon, Dorothy et leurs enfants revinrent précipitamment à Bruxelles : Léopold II ne voulait pas développer le corps diplomatique de son pays, il se souciait d'économie et ne travaillait que le corps consulaire. Avec sa mort, le corps diplomatique allait pouvoir reprendre de l'étoffe, et Léon tenait à y entrer. Il consacra donc six mois à Bruxelles à préparer le concours, qu'il réussit haut la main. Il repartit aussitôt pour Téhéran dans le corps diplomatique, je pense qu'il devait être premier secrétaire de la légation, à moins qu'il n'ait été directement ministre (c'est-à-dire ambassadeur) de Belgique à Téhéran.

C'est ce second voyage surtout qui a inspiré "Peeps into Persia", le livre de Dorothy.

Le couple Warzée (par commodité et pour répondre au vœu du dernier baron de Warzée d'Hermalle, on utilisait son nom, comme aujourd'hui Galouzeau de Villepin est appelé Villepin dans la vie courante) passa trois ans supplémentaires à Téhéran, de 1910 à 1913, ce qui lui en faisait cinq en tout. Lorsque parut "Peeps into Persia", en 1913, Dorothy ne put rentrer faire la promotion du livre à Londres : son mari venait d'être nommé ministre de Belgique auprès de l'empereur du Japon. Les Warzée remontèrent jusqu'à Moscou, où ils prirent le Transsibérien qui les mena jusqu'à la côte pacifique de l'Asie, en fait jusqu'à la Mer du Japon, qu'ils traversèrent en bateau.

Ils passèrent huit ans au Japon, de 1913 à 1921, notamment toute la Première Guerre Mondiale pendant laquelle Léon ne reçut plus son traitement et vécut un peu de son poker. Contemporain de ma grand-mère, le jeune Hiro Hito, qui fit plus tard trembler l'Amérique pendant la Seconde Guerre Mondiale, fut alors son camarade de jeux...

Du Japon, les Warzée allèrent à Washington pour une conférence importante, puis à Cuba où l'activité principale était le poker, ce qui réjouit Léon. Enfin, pour la première fois depuis douze ans, ils revirent l'Europe. Léon avait été fait baron le Maire de Warzée d'Hermalle par le roi Albert Ier. Signalons au passage que lorsqu'elle s'intitule baronne, en 1913, Dorothy anticipe un peu sur les événements. Licence poétique...

Le dernier poste de Léon fut Pékin. Les Warzée y arrivèrent en 1923 et y demeurèrent jusqu'à la mort de Léon, en poste, en 1931. Dorothy mena alors une vie de veuve itinérante, courant le monde, allant chez des cousins ou chez des amis. Ayant quelque ascendance juive, elle s'éloigna d'Europe autant qu'elle le put pendant la Seconde Guerre Mondiale, qu'elle passa en Afrique du Sud. Elle est morte à Nice en septembre 1963.

Les Davis

Elle avait une nombreuse famille dans les arts au Royaume Uni : l'une des sœurs de son père, Julia, était devenue romancière sous le pseudonyme de Frank Danby, de qui sont nés Gilbert Frankau, Ronald Frankau et même Pamela Frankau (fille de Ronald).

Hyman Davis, père d'Owen Hall (et donc grand-père de Dorothy, avait été circoncis sous le nom de Haim HaLevi. Il avait débuté comme peintre puis, ayant enlevé sa femme (une tradition familiale), il avait dû se trouver une occupation plus rémunératrice, s'était d'abord installé à Dublin, puis était revenu à Londres, où il avait été l'un des tout premiers photographes. La National Portrait Gallery, de Londres, conserve des portraits photographiques réalisé par lui à cette époque, parmi lesquels on remarque des chanteurs d'opéra qui, peut-être, ont contribué à l'essor d'Owen Hall.

Curieusement, Hyman et sa femme Bella avaient confié l'éducation de leurs enfants à une nurse à domicile qui n'était autre que Mme Lafargue, la fille de ... Karl Marx.

Encore plus curieusement, cette éducation n'avait pas empêché le jeune James Davis qui n'était pas encore Owen Hall de s'enrôler dans le Parti Conservateur, et d'y être même investi pour des législatives auxquelles il renonça d'ailleurs à se présenter. Par compensation, Owen Hall était ami du paria Oscar Wilde et de quelques autres artistes moins conservateurs...

La question juridique

Une directive européenne a unifié le principe de la durée de la protection des droits patrimoniaux des ayants-droits, à 70 ans après le décès de l'auteur. Comme on le sait, des tentatives récentes ont voulu porter cette durée à 100 ans, ce qui reviendrait en pratique à cantonner le domaine public aux œuvres passées dans la postérité. Il y a par exemple moins de cent ans que Proust est mort, comme Apollinaire. Dans le domaine phonographique, 100 ans reviendrait à annihiler purement et simplement tout domaine public. Dans la peinture, Monet, mort en 1926, rentrerait dans le champ de l'exploitation patrimoniale dont il est sorti depuis longtemps, ce qui ferait sortir des œuvres des années 1860 (!) du domaine public. On croit rêver. Si un lecteur a la gentillesse de placer un lien pour préciser où en est cette question de la durée, il en sera remercié.

Selon le droit actuel, l'œuvre modeste de Dorothy de Warzée est protégée jusqu'en 2033, ce qui n'est déjà pas mal, son livre étant paru en 1913.

Les ayants-droits sont ma mère, sa sœur, quelques-uns de leurs neveux et nièces, et leurs trois cousins germains belges. C'est évidemment beaucoup de monde pour de maigres droits d'auteur.

Il n'est évidemment envisageable pour personne d'interdire ni la diffusion gratuite du livre sur Internet (c'est un document en soi, un texte un peu dispersé mais charmant, oscillant entre les considérations ethnographiques, les potins mondains, le shopping minutieux, et diverses autres perspectives), ni sa réédition, au contraire, c'est merveilleux que ce texte trouve une vie si longtemps après être paru et oublié.

Au passage, je signale le projet Archive.org, qui semble être une alternative assez efficace à la numérisation par Google, non sans défaut cependant.

Alors ? que faire ? rien ? ou devons-nous, par respect pour notre aïeule, manifester notre existence ? Je le crois.

 

22/11/2009

Paris - Jean Bouin : Delanoë récuse mal le favoritisme.

Je pensais n'avoir plus à écrire sur le stade Jean Bouin, situé à Paris XVIe, mon quartier, ce n'est pas le centre du monde, et je crois que les intéressés disposent des arguments juridiques suffisants pour faire capoter le projet grotesque soutenu par Bertrand Delanoë, maire de Paris.

Mais il se trouve que celui-ci devrait être bientôt mis en examen pour abus de biens sociaux, prise illégale d'intérêt, en somme favoritisme. C'est donc l'occasion de récapituler les différents aspects de l'affaire et de réagir aux récents propos en défense tenus par Delanoë au micro de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1.

L'historique

Le stade Jean Bouin a été construit dans la foulée des Jeux Olympiques de Paris qui avaient eu lieu en 1924 sur l'ancien glacis des fortifications de l'ouest parisien. Jean Bouin avait été  avant 1914 un athlète du CASG Paris, club qui, dès l'origine en 1925, fut concessionnaire de l'équipement qui portait le nom de son athlète. Le CASG était à l'origine une émanation de la Société Générale (Club Athlétique de la Société Générale, avant d'être rebaptisé en 1919 Club Athlétique des Sports Généraux) et la Société Générale fut le sponsor du club jusqu'au début des années 2000, soit pendant un siècle. Le groupe Lagardère remplaça alors la Société Générale "à la tête du club" comme le formule très justement la notice Wikipedia.

La tribune édifiée en 1925 le fut par un grand architecte de l'époque, Lucien Pollet, le même qui construira ensuite la piscine Molitor voisine. On y trouve avec logique les anneaux olympiques dans la structure même de l'édifice qui se place dans le projet général des utopies urbaines et qui est une œuvre rare qui mériterait d'être classée monument historique en lien avec la piscine Molitor.

Autour du stade, le quartier est homogène des années 1920-1930, comptant de nombreux logements qui appartiennent à la Ville de Paris, à vocation sociale, articulés autour de deux lycées et de deux écoles primaires, le tout formant un ensemble cohérent. Il y avait à l'origine quatre autres stades utilisables par le quartier : Roland Garros, le parc des Princes, le fond des Princes, et Géo André, site originel du Stade Français. Ce dernier a été fortement écorné par le creusement du boulevard périphérique, qui a conduit à la construction d'un vaste bâtiment où se coudoient bureaux, commerces et gymnases du Stade Français. Le Parc des Princes originel a lui aussi été démoli à la fin des années 1960 pour laisser place à la construction actuelle, une structure de béton qui n'est pas sans poser de problèmes de solidité.

Jusqu'aux années 1980 le stade Jean Bouin vit sa vie avec son club résident. Ses sections sont le hockey sur gazon, le rugby, le tennis et bien sûr l'athlétisme. Il s'agit donc de ce qu'on nomme un "club omnisport".

Mais à la suite du bétonnage de Géo André et du Parc des Princes, la pression des promoteurs commença à s'exercer dès la fin des années 1970. On vit circuler dans les années 1980 un projet qui visait à remplacer le stade Jean Bouin et la piscine Molitor par un complexe immobilier de très grande ampleur, à deux pas de Roland Garros et du champ de course d'Auteuil, donc avec beaucoup d'argent à la clef. Les élus et les habitants de cette partie de Paris résistèrent alors rudement aux appétits de la municipalité parisienne de droite, et obtinrent en 1990 l'inscription partielle de la piscine Molitor à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. De ce fait, le projet immobilier était caduc. Jean Bouin pouvait respirer. Pas pour longtemps.

Le tournant de 1992 : l'arrivée de Max Guazzini

La section rugby du CASG crut pouvoir se lancer dans le haut niveau, sous l'impulsion de son président de l'époque. Ce fut un échec terrible qui entraîna la CASG dans la déconfiture financière, au point de mettre son avenir en danger. Jean Bouin redevenait vulnérable. C'est alors qu'apparut Max Guazzini, cofondateur de la radio et du groupe NRJ. Seuls les connaisseurs savaient qu'il avait été le collaborateur de Bertrand Delanoë et que ce dernier avait ensuite été le "commissaire politique" du Parti Socialiste dans le groupe NRJ, les liens entre eux n'étaient pas seulement amicaux, mais de véritables liens d'intérêt.

Guazzini, très talentueux, expansif, avait décidé d'accélérer le passage du rugby français au professionnalisme. Il assuma cette tâche en prenant le contrôle d'une nouvelle structure commune au CASG et au Stade Français, qui jouerait au stade Jean Bouin. En apparence, Jean Bouin était sauvé, mais c'était en ayant perdu une part de son indépendance. Se sentant menacé par l'impérialisme du Stade Français, le CASG rapprocha alors ses autres sections de celles du Racing Club de France (RCF) pour faire contre-poids au Stade Français, ces deux clubs étant opposés par une rivalité quasi-ancestrale.

Dès son arrivée à Jean Bouin, Guazzini s'y sentit à l'étroit. Il demanda plusieurs fois la suppression de la piste d'athlétisme qui enserre le terrain de rugby. Lorsque j'étais adjoint au maire en charge des sports, je me suis opposé à cette annexion, la piste d'athlétisme étant indispensable aux très nombreux scolaires de l'enseignement public qui fréquentent le stade. Il obtint aussi de jouer plusieurs matchs par an au Parc des Princes tout voisin. Il fit bituminer un terrain jusque-là dévolu au volley des scolaires pour un parking, et une allée sableuse qui longe la fameuse tribune Pollet.

Les choses en étaient là lorsque j'ai quitté les fonctions d'adjoint au maire du XVIe chargé des sports en 2001.

L'arrivée de Lagardère

Il m'a été donné de rencontrer Arnaud Lagardère une fois lorsque j'étais adjoint au maire : son fils apprenait le karaté dans un club du quartier, j'avais l'habitude d'assister à la fête de fin d'année du club, au stade Pierre de Coubertin, et cette année-là, Lagardère était là avec sa femme (une jolie ex-mannequin des années 1980), voulant faire la fête pour son fils qui était heureux de la fête de son club. Jean-Luc Lagardère était encore vivant, Arnaud n'était que l'héritier. C'est moi qui ai passé la médaille du club au cou de l'enfant, Arnaud Lagardère rigolait chaleureusement et me glissa, en montrant sa caméra vidéo : "Je vous ai dans la boîte".

L'arrivée de Lagardère à Jean Bouin coïncide à peu près avec la mort de son père (victime d'une opération à la clinique du sport dont les responsables viennent d'ailleurs d'être lourdement condamnés pour leurs déficiences) et avec sa prise des rênes du groupe Lagardère, en 2003. C'était aussi le temps de la préparation de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques (JO) de 2012. Arnaud Lagardère se montrait l'un des soutiens les plus solides de cette candidature, comme il soutenait Delanoë, devenu maire de Paris en 2001. En devenant le sponsor du club, il en devenait le patron de fait. Et d'ailleurs, c'est après cette époque qu'ont été implantés les affreux Algéco qui défigurent le stade et qui portent le fanion "Team Lagardère".

La candidature pour les JO de 2012 avait rouvert la boîte de Pandore de l'avenir de Jean Bouin. On y trouvait un projet de modernisation du stade qui ouvrait des incertitudes mais qui, en aucun cas, n'aboutissait à la démolition de la tribune historique ni à l'expulsion définitive des scolaires. Le renouvellement de la concession du stade Jean Bouin s'est fait pendant la procédure de candidature, et on peut légitimement se demander si l'arrivée de Lagardère à Jean Bouin n'a pas été une forme de contrepartie que Delanoë lui aurait donnée pour le soutien de la candidature de la Ville aux JO, ce qui correspondrait en effet à une logique de favoritisme.

Après l'échec de la candidature, Lagardère entreprit de développer un projet absolument faramineux pour le stade qui lui était dévolu : il s'agissait d'une sorte de dôme géant, un POPB (Palais Omnisport de Paris-Bercy) dédié au tennis, à l'ouest de Paris, comme le POPB est à l'est. La réaction des riverains et des élus fut extrêmement virulente, le projet tomba, mais le mal était fait : désormais, l'avenir du stade Jean Bouin devenait incertain.

Le projet actuel et ses péripéties

On revint donc à l'hypothèse d'une modernisation du stade de rugby actuel, qui protégeait à la fois les éléments architecturaux et l'usage scolaire. La nomination de Bernard Laporte au gouvernement, à l'automne 2007, changea encore une fois la donne : Laporte était le patron sportif historique du Stade Français sous Guazzini, c'est lui qui avait réussi à reformer à Paris la ligne mythique du pack de Bègles qui avait propulsé le Stade dans l'élite. Proche de Guazzini qui était plus qu'un ami pour Delanoë, Laporte se retrouvait parmi les favoris de Sarkozy. Le pont entre la droite et la gauche naissait à leur profit, commun à Guazzini et à Lagardère.

C'est sans doute ainsi qu'est née l'idée de dépecer définitivement le stade Jean Bouin.

En effet, le projet actuel coupe le stade en deux moitiés : au sud, le rugby dans un stade privatif ; au nord, des courts de tennis et un gymnase, dévolus officiellement à Paris - Jean Bouin, et officieusement au Team Lagardère. Le stade Jean Bouin était victime d'un Yalta, victimes devenaient le hockey, l'athlétisme, et surtout des milliers de scolaires pour lesquels on imaginait un très vague et lointain déplacement dans des terrains qui seraient créés au milieu du champ de course d'Auteuil (à pied, c'est très loin, alors que Jean Bouin est au pied de deux des trois lycées concernés), alors même que le champ de courses n'appartient pas à la Ville, mais à l'État.

On ne sait pas bien pourquoi, à ce yalta sportif qui est une bérésina scolaire, s'ajoutent 7500 mètres carrés de commerces, qui n'ont aucun rapport avec l'ensemble.

Le tout atteint le budget minimal de 150 millions d'Euros, mais les spécialistes parlent de 200 millions, voire de 300 millions, ce qui, dans un contexte de pénurie fiscale et de suppression de la Taxe Professionnelle, semble encore plus absurde.

Fin 2008, il devint évident que la concession de Jean Bouin allait poser des problèmes juridiques, et la municipalité parisienne préféra la casser unilatéralement au cours d'un vote épique du conseil de Paris. Trop tard : le tribunal administratif de Paris l'annulait en mars suivant au motif de l'absence d'appel d'offres, et cette annulation ouvrait automatiquement la procédure pénale de favoritisme. Delanoë fut convoqué discrètement par la Brigade financière en juillet, et on apprend qu'il est de nouveau convoqué pour le 2 décembre prochain, dans la perspective d'être mis en examen.

Entre-temps, 7000 personnes ont défilé à Jean Bouin pour protester contre la démolition du stade, où l'on remarquait les représentants des municipalités du XVIe arrondissement et de Boulogne-Billancourt, des deux fédérations de parents d'élèves (PEEP et FCPE pourtant réputée proche de la gauche), des syndicats d'enseignants d'EPS, de la fédération française de hockey sur gazon, et de plusieurs partis politiques, parfois même membres de la majorité municipale : UMP, Nouveau Centre, MoDem, Verts. La section du PCF du XIVe arrondissement s'est même prononcée officiellement pour que le stade Charléty devienne le stade de référence du rugby parisien, et non Jean Bouin.

Les derniers arguments de Delanoë

Lors de l'interview d'aujourd'hui, Delanoë a développé une défense en plusieurs aspects.

- il n'y a pas eu de favoritisme.

arguments :

1) la concession du stade Jean Bouin de gré à gré a été votée à l'unanimité en 2004. Si Delanoë a su trouver les arguments pour convaincre tout le monde à l'époque, on voit mal en quoi cela l'exonérerait d'un favoritisme. Il faut se rappeler que, lorsqu'il a aidé Lagardère à prendre le contrôle du RCF à la Croix-Catelan, c'est au moyen d'un appel d'offres qu'il l'a fait. Dès lors, si l'appel d'offres a permis l'arrivée de Lagardère ici et si l'absence d'appel d'offres a permis son arrivée là, on est en droit de s'interroger sur la sincérité des procédures employées, et donc sur l'éventualité d'un favoritisme.

2) la concession a fait l'objet du contrôle de légalité par le préfet. L'inefficacité du contrôle de légalité est l'un des points faibles de la décentralisation depuis 1982, ce contrôle n'empêche pas l'annulation d'un très grand nombre d'actes publics chaque année, ni l'ouverture de procédures judiciaires annexes.

3) la chambré régionale des comptes a avalisé la concession. Est-elle chargée d'un contrôle de légalité ? Non : c'est le préfet. Il lui arrive de soulever des lièvres, mais ce n'est pas systématique. Son métier est la comptabilité publique.

- la Ville a besoin d'un stade entièrement consacré au rugby et n'a pas d'alternative

Delanoë explique au passage qu'"un de ses prédécesseurs" a construit à Charléty non pas un stade de rugby, mais un stade d'athlétisme. Le prédécesseur en question, c'est Chirac. Et non, il n'a pas construit un stade d'athlétisme : il a construit un stade pour le Paris Université Club (PUC), qui est un club omnisport comme Jean Bouin et qui, à l'époque, jouait dans l'élite du rugby...

La Ville pourrait très bien faire jouer en alternance au Parc des Princes football et rugby. On m'a parlé d'une solution technique très satisfaisante employée au stade de Cardiff au Pays de Galles, qui permet de refaire entièrement le terrain à chaque occasion, et qui n'est pas plus coûteuse que l'entretien normal.

Par ailleurs, si Delanoë acceptait de considérer que Paris, ce n'est pas seulement la ville réfugiée derrière son périph, mais bien l'agglomération parisienne, l'alternative existerait immédiatement. Il faut souligner qu'il existe déjà deux grands stades sous-utilisés en Île de France : le Stade de France, et Charléty.

- le stade Jean Bouin n'a plus de concessionnaire, il y aura appel d'offres pour sa prochaine attribution

Mais ça, c'est une forme d'aveu.

Et il faudrait le dire aux gens qui soutiennent le projet de reconstruction du stade et Guazzini : car il est évident que celui-ci n'a aucune garantie de poursuivre là ses activités...

J'irais même jusqu'à dire qu'il est évident que Guazzini ne sera pas le prochain bénéficiaire de la concession du stade Jean Bouin, non plus que Lagardère qui a pourtant dopé (si j'ose dire - c'est un mot qu'on ne prononce jamais dans les tribunes d'honneur des clubs, on se demande pourquoi...) l'équipe du RCF pour la propulser dans l'élite.

Comme je l'ai souligné dans l'une des vidéos que j'ai consacrées à ce sujet, celui qui va évidemment tirer les marrons du feu à Jean Bouin, c'est Colony Capital, concessionnaire du Parc des Princes, et dont le métier est justement l'immobilier, et en particulier l'immobilier commercial ! Voici cette vidéo et le lien avec mes précédents articles et vidéos sur ce sujet : surtout, et et .

La destruction de la tribune historique du stade Jean Bouin serait une grande perte pour nos monuments historiques, et la mise à l'écart de milliers d'élèves qu'on se propose de transbahuter en autocar dans les embouteillages parisiens pendant un nombre d'années indéterminé serait un signal extrêmement funeste donné à notre avenir : le sacrifice des scolaires au sport fric (où la triche est la règle comme Henry l'a montré) serait tout simplement un scandale.

Le Collectif Jean Bouin appelle à un nouveau rassemblement sur place le 2 décembre à 19 heures.

19/11/2009

Quitterie se confie sur Terre Tv.

Pour ceux qui ne l'auraient pas vue, voici une interview donnée tout récemment par Quitterie à la web télé Terre Tv.

 

15/11/2009

La responsabilité sociale des entreprises.

(Cet article a été repris sur AgoraVox).

Ayant quelques heures à occuper et 9,50 Euros (c'est très cher pour ce que c'est, d'autant plus qu'il y a de la pub) à dépenser, j'ai suivi l'excellent conseil de Quitterie, et j'ai acquis le numéro spécial de la revue Alternatives Économiques consacré à la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE).

Première observation avant d'en venir au fond : l'amnésie collective dans laquelle on plonge les gens est invraisemblable. À en croire la plupart des publications, même intelligentes, qu'on ouvre, rien n'a existé avant les années 1950 et les États-Unis, tout idée, concept ou réalité, est forcément né aux États-Unis dans les années 1950. Les cinq milliards d'années qui ont précédé n'existent pas, il n'y a eu ni civilisation hellénistique, ni renaissance carolingienne, ni siècle des Lumières, ni doctrine sociale du XIXe siècle, rien. C'est pourquoi, lorsque j'ai lu les premières lignes de l'intro générale de la revue, j'avoue que j'en ai été profondément agacé : la première RSE née aux États-Unis dans les années 1950 n'est rien d'autre que ce qu'on a nommé de ce côté-ci de l'Atlantique le paternalisme bien avant 1950 (on le trouve déjà décrit avec précision par Zola avant 1900) et contre quoi les politiques publiques du Conseil National de la Résistance (CNR) ont été inventées, je suppose qu'on m'accordera qu'il y a une chance que ce qui a été fait par la Résistance intérieure l'ait été avant 1950 et ailleurs qu'aux États-Unis.

En fait, dans ce genre de domaines, parce que les États-Unis découvrent peu à peu que le monde est un peu moins simple et manichéen qu'ils le croyaient, il faudrait que le reste du monde, qui sait tout cela depuis déjà bien longtemps, le découvre en même temps qu'eux. Éloge paradoxal de la sottise et de l'ignorance qui fait florès et encourage le crétinisme militant cher à nos dirigeants. Si ceux qui prônent l'inverse emploient les mêmes moyens qu'eux, ils ne pourront qu'échouer, c'est par l'info, par le savoir, donc par ce qu'on nomme avec un sot mépris la "culture générale" qu'on pourra s'armer contre les entreprises d'aliénation qui recourent à la myopie et à l'amnésie.

Bref, ce mot d'humeur mis de côté, il faut souligner l'utilité du bilan fait par le numéro spécial, qui brosse à gros traits le portrait d'une société très rudimentaire, la nôtre, où les principes du CNR sont non seulement oubliés, mais surtout piétinés.

Je vais me permettre de faire ici quelques observations en complément de ce qu'on pourra lire dans ce numéro.

La responsabilité fiscale des entreprises

Le débat sur la fiscalisation des activités économiques est forcément au centre du débat civique en ce moment, avec la double perspective de la suppression de la Taxe Professionnelle et des élections régionales, sur fond de réforme des collectivités territoriales. N'oublions pas que la vocation première des régions est l'activité économique, leur prédécesseur immédiat en droit administratif, les circonscriptions d'action régionale, était explicitement voué au développement économique, et cette vocation initiale leur perdure. Le rôle respectif des entreprises et des collectivités publiques est donc un débat particulièrement aigu et pertinent en temps de préparation des élections régionales, qui certes ne sont pas l'alpha et l'oméga de notre existence, mais dont il faut bien se préoccuper, puisque nous sommes des citoyens.

Le tableau des impôts sur les sociétés (IS) payés par les groupes du Cac 40, qui figure dans la revue, est édifiant. Sur la période 2006-2008, Peugeot est de loin le meilleur élève, avec près de 60 % d'IS payés, trois autre entreprises sont au-dessus du taux légal (33 %), toutes les autres sont en-deçà, parfois très en-deçà : Renault est à 25 %, le Crédit Agricole, entreprise pourtant très profitable sur cette période, n'est qu'à 19 %, Capgemini à 13 %, Vivendi qui a un résultat avant impôt de plus de 13 milliards d'Euros n'est taxé qu'à 9 %, et Unibail qui "gagne" 2,45 milliards d'Euros ne paie que ... 34 millions d'Euros, à peine plus de 1 % !

Or selon les chiffres que j'ai eu l'occasion de consulter et pour lesquels un lecteur aura peut-être la gentillesse de mettre une source en lien, l'État verse aux mêmes entreprises 60 milliards d'Euros par an, somme supérieure à la totalité du rapport de l'IS (50 milliards en année normale, bien moins en 2009, très mauvais exercice). On voit donc que les grandes entreprises sont dans l'ensemble de très mauvais citoyens.

À cela s'ajoute le fait que ce sont elles qui n'hésitent pas à délocaliser leurs domiciles fiscaux dans les paradis du même nom. En somme, elles prennent, elles prennent beaucoup, et ne rendent rien, elles enrichissent d'invisibles profiteurs masqués derrière des paravents qui se nomment paradisiaques et qu'on verrait plus justement sous le vocable d'infernaux.

En contrepartie, les PME sont les perdantes du système actuel : non seulement il leur est difficile d'échapper à l'IS, mais en plus, elles assument une très grande part de la Taxe Professionnelle, impôt prélevé sur les sociétés au bénéfice des collectivités locales, communes en particulier. C'est elles qui financent à la fois les subventions offertes aux sociétés du Cac 40 et le fonctionnement de nombreuses collectivités locales.

En effaçant la Taxe Professionnelle, on rétablit donc une forme d'égalité en ouvrant des exonérations à de nombreuses entreprises qui n'en avaient pas jusque-là, mais c'est en accélérant la défiscalisation globale des entreprises, qui est un des fléaux de notre temps : comme le note la revue, l'imposition des sociétés, dans la zone Euro, a diminué de plus de moitié en quinze ans, passant de 38 % à 15 %. L'argent, qui a fait tomber le Mur de Berlin, est donc bien le grand vainqueur de la période, au détriment final des citoyens.

Et rien n'est prévu pour les collectivités, qui vont donc devoir se rabattre massivement sur le contribuable : celui-ci va se retrouver à financer les entreprises, le système d'impôt étant désormais dévolu non pas à la péréquation, mais à la reconcentration : pour avoir de l'argent, il faut avoir de l'argent.

Taxer les entreprises et rétablir la sincérité de certaines filières commerciales

Bien entendu, dans ce contexte, l'idée d'une RSE, ou d'une responsabilité environnementale, ou d'une entreprise citoyenne, ou de quoi que ce soit de semblable, n'est qu'une plaisanterie. Il faudra bien trouver un système pour financer les collectivités, et les entreprises devront en prendre conscience, mais à voir l'efficacité très faible des mouvements citoyens qui ont pourtant développé des moyens considérables dans leur lutte contre les pollueurs (le monde va à Copenhague à reculon), j'avoue que je suis très sceptique sur les méthodes d'action qu'ils préfèrent, qui semblent bien moins efficaces que celles de ceux qui, dans le passé, ont permis la création de la Sécurité Sociale, de l'école publique, laïque, gratuite et obligatoire, et d'un certain nombre de services qu'on ose encore appeler publics.

Il en est là comme de ces produits bio qu'on nous vend dans nos enseignes de grande distribution et qui, venant de contrées souvent lointaines, ont un bilan carbone exécrable qui devrait les exclure de l'appellation bio. Et puisqu'un député européen d'Europe Écologie signe l'une des conclusions de la revue en question, j'avoue que je préférerais voir les gens d'Europe Écologie faire comme Quitterie, plutôt que de se présenter aux élections dont on se fout quand même un peu : qu'ils s'occupent donc de responsabilité des entreprises et de bilan carbone des produits bio, qu'ils s'occupent un peu de ça au lieu de se perdre dans les sables mouvants de la stérile politique politicienne.

10/11/2009

Pourquoi tant d'excès ?

L'aberration d'une spirale des prix à la baisse pendant qu'on est gavé, gavé et dépouillé à la fois. Drôle de monde. Pouvais-je laisser la journée se terminer sans le dire ?

23:52 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : société | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

07/11/2009

Quitterie alone in Babyloan.

Quand on a une rolls, c'est assez criminel de la laisser au garage ou de l'utiliser pour aller acheter du pain, quand on a un trimaran, c'est dommage de le faire caboter au moteur. Voilà ce que m'inspire le fait que Quitterie ait été seulement la modératrice du débat organisé par Babyloan au Jardin d'Acclimatation, à Paris XVIe, cet après-midi. Faire taire une si jolie voix est un crime affreux. Je trouve qu'elle se laisse trop bouffer par des gens qui ne la respectent pas assez.

Quoi qu'il en soit, la table ronde à laquelle j'ai assisté était d'un grand intérêt, un double intérêt : la compréhension par les créateurs de sites de l'esprit collaboratif et bijectif d'Internet, d'une part, et d'autre part, les principes qui doivent inspirer ces créateurs pour que leurs sites soient bien considérés par les internautes.

Un site institutionnel d'une puissante ONG mondiale (la Croix-Rouge) fournit le contre-exemple : on y trouve des info sur l'ONG, sur ses activités, comme dans un magazine, on y trouve aussi de quoi verser un soutien financier, mais rien, aucune fenêtre, qui permette aux internautes de s'approprier une partie du site, de se constituer eux-même en groupe capable d'assumer une partie des tâches revendiquée par l'ONG. Tout est vertical dans le sens ONG en haut - internaute en bas.

Il faut dire que la grande expertise de Quitterie dans ce domaine a permis de disséquer en quelques phrases le défaut de ce site avec ses cinq interlocuteurs.

Deuxième contre-exemple plus discuté : le site Soliland, qui vend des produits de distribution ordinaire, mais verse une partie du montant des ventes à des ONG. L'évidence du blanchiment que constitue ce processus n'empêche pas le représentant de Danone Communities de minimiser ses défauts en considérant qu'un tel site peut être une incitation pour l'économie traditionnelle à se rapprocher de la philosophie d'Internet. Mais comme le même représentant se fait sèchement rabrouer ensuite par une question de la salle qui fustige les pressions exercées par Danone sur les producteurs français de lait (pressions qui permettent par contrecoup de jeter les producteurs de lait des pays pauvres dans la misère), on voit se dessiner assez clairement la ligne de fracture entre deux conceptions du monde. D'ailleurs, le même représentant, à bout d'argument, s'en sort par une pirouette en montrant un produit créé par l'acclimateur d'Internet en France, et en affirmant qu'Internet n'est qu'un outil, alors que Quitterie a déclaré souvent qu'Internet est bien plus : un art de vivre.

Et c'est elle qui a raison.

Les autres sites présentés entrent plus dans le cadre de l'Internet solidaire : MyCoop, du Crédit Coopératif, Adie.org de l'Adie, Peuplade qui vise à remplacer le bon vieux bistrot d'en bas pour structurer les rencontres de quartier, et bien sûr Babyloan.

J'ai déjà eu l'occasion de parler du crédit coopératif, qui est désormais ma banque.

L'Adie est une association qui existe depuis vingt ans et qui vient de passer au support Internet, ce qui lui a permis de toucher une population bien plus nombreuse qu'auparavant. Son métier est le micro-crédit, en particulier pour les auto-entrepreneurs. La mise en réseau des bénéficiaires de ses prêts paraît être l'un des ses prochains horizons dominants.

Bien entendu, le site le plus directement collaboratif, parmi ceux présentés aujourd'hui, est Babyloan. Son métier est également le micro-crédit, mais avec l'originalité de permettre à des gens qui ont 30 Euros devant eux de prêter ces 30 Euros pour quelques mois à une famille d'un pays pauvre, qui s'en servira pour un investissement crucial. Belle idée, il faut le dire.

Je suis en revanche un peu plus réservé sur l'une des conséquences du salutaire principe de transparence qui anime cette structure : un prêteur, se rendant au Cambodge, a voulu avoir l'adresse de la famille à laquelle il avait prêté (on ne dit pas quelle somme, est-ce 100 Euros ?). On la lui a donnée, ce qui était normal. Il est allé voir ces gens, et il a pu envoyer un mail satisfait, puis montrer des photos.

Subitement, en imaginant les bons Français en vacances dans la ferme cambodgienne, me revenait la vision de ces bourgeoises du XIXe siècle qui prenaient un air béat en considérant "leurs" pauvres. Comme le dit le célèbre "Voyage de M. Perrichont", il n'y a rien de plus satisfaisant pour l'égo que de rendre service à autrui. Et je me rappelle que le XXe siècle est celui qui a remplacé toutes ces charités bourgeoises par des institutions sociales. Alors, quand j'entendais, à la fin de la conférence, les réflexions selon lesquelles le charity business d'Internet va se développer considérablement dans les années qui viennent, j'avoue que j'en ai eu un pincement au cœur.

Car le pays où le charity business est roi, les États-Unis, est aussi celui où l'espérance de vie baisse depuis plusieurs années, où des millions de citoyens ne disposent d'aucune couverture sociale, et où les institutions supposées caritatives sont parmi les adversaires les plus résolus du projet de sécurité sociale poussé par Barack Obama. J'avoue donc que je préférerais que ce business ne se développe pas, mais qu'au contraire, nous ayons, conservions et inventions des institutions sociales dignes de ce nom.

L'avenir d'Internet n'est pas sans risque, et nous devons garder en tête un repère essentiel : l'éthique.

Faut-il reconstruire le mur de Berlin ?

La commémoration de la chute du mur de Berlin sonne étrangement au moment même où le parti du président français (l'UMP) est jumelé avec le Parti Communiste chinois, celui-là même qui, en 1989, l'année de la chute du Mur, a réprimé durement les mouvements étudiants de la place Tian an Men à Pékin. On pourrait considérer bien sûr que, d'une part, ce choix révèle la vraie nature soixante-huitarde du président : après avoir exprimé son intention de "jouir sans entrave", le voici maoïste... mais d'autre part, on n'a pas envie de réduire la problématique de la chute du Mur à des considérations polémiques, car elle a eu un effet bien plus considérable.

1989 : l'année du bicentenaire de la Révolution française

La chute du Mur ne s'est pas faite en un jour, elle a été l'aboutissement de nombreux mois de crissements et de craquements qui, peu à peu, déchiraient et déboitaient le monde bâti par les soviétiques depuis la seconde guerre mondiale. La Pologne avait longtemps fait preuve d'insoumission, puis ce furent les Hongrois qui décidèrent d'ouvrir leur frontière avec l'Autriche. Aussitôt, des Est-Allemands, des Tchèques, des Hongrois mêmes, et d'autres, votèrent avec leurs pieds en passant à l'ouest. Il y eut des trains entiers qui, partant d'Autriche, arrivaient en Allemagne encore dite de l'Ouest (la RFA, opposée à la RDA). L'effondrement semble avoir été presque voulu par Gorbatchev, comme une purge salutaire, et on ne peut pas s'empêcher de faire un rapprochement entre celui-ci et le personnage extraordinaire interprété par Kusturica dans le passionnant film de Christian Carion "L'affaire Farewell".

Pendant que ce monde s'effritait et périssait, la France préparait les fastes du bicentenaire de la Révolution française. On enregistrait des émissions plus ou moins inspirées (je me souviens d'un procès de Louis XVI où Fouquier-Tinville était curieusement interprété par Jean-Édern Hallier, plus flamboyant que jamais), des documentaires, on se préparait à rouvrir pour la énième fois le dossier de la Terreur, pouvait-on distinguer les deux phases de la Révolution, 1789 et 1793, ou fallait-il considérer que la Révolution, dans toutes ses phases, était, selon l'expression de Clemenceau, "un bloc" ?

Le clou des festivités était évidemment prévu pour le 14 juillet 1989, commémoration de la prise de la Bastille par les Parisiens. On annonçait un défilé de haut vol créatif sur les Champs-Élysées, Jack Lang au faîte de sa gloire se trouvait aux manettes, on allait voir ce qu'on allait voir. Et j'avoue que j'ai été profondément déçu. Je ne suis pas du tout sensible à ce que fait Découflé, j'ai trouvé son défilé emphatique et ridicule, comme d'ailleurs l'ensemble des manifestations dont j'ai été le témoin. C'est que, dans toute cette affaire, un mot manquait : révolution.

La Révolution française, mère de toutes les révolutions jusqu'en 1989

Bien que la guerre d'indépendance américaine soit considérée comme une révolution selon les catégories anciennes, la vraie révolution, celle qui a fait rêver le monde, celle qui a théorisé le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple, celle qui a renversé les féodalités européennes et imposé partout l'état-civil et le droit notarial unifié, c'est la Révolution française. Celle qui a guillotiné le roi et tué définitivement le père, c'est la Révolution française. Celle qui a aboli l'esclavage, c'est la Révolution française. Celle qui a proclamé l'égalité des citoyens devant la loi, c'est la Révolution française.

Nombreux sont les révolutionnaires du XXe siècle qui sont venus recueillir les idées révolutionnaires au creuset parisien, quel que soit leur pays, en particulier russes et chinois. Et comme un écho de la Révolution française, ceux qui ne trouvaient pas leur bonheur en potassant 1789 et 1793 le dénichaient en étudiant 1871 et la Commune de Paris. L'Internationale, chant français écrit par un Français (Eugène Pottier) pour le monde entier, était certes traduite, mais apprise en français dans le monde entier, après 1917.

Le plus terrible d'ailleurs, de ce point de vue-là, a été quand, place Tian an Men, on a vu des étudiants chinois fiers de résister au pouvoir sur un chant révolutionnaire français, la Marseillaise, quand en face d'eux, le pouvoir se réclamait d'un autre chant révolutionnaire français, l'Internationale. On pouvait presque retrouver là l'écho de ce que Lamartine dit un jour à des ultras de 1848 : "Votre drapeau rouge n'a fait que le tour du Champ de Mars, quand le drapeau tricolore a fait le tour du monde", en somme la même opposition se trouvait à des milliers de kilomètres de là, dans une société qui ne savait de la France que ce que les manuels révolutionnaires en disaient. Ce fut le tragique pinacle de l'influence idéologique française dans le monde, un chant du cygne : avec la chute du Mur, l'idée révolutionnaire, Danton, Robespierre, Marat, Clément, Sorel, toute cette cohorte de saints rouges, était appelée à sombrer dans l'oubli.

Nous n'en étions pas conscients alors, mais la fin de l'Union Soviétique, qui se profilait, annonçait la fin du prestige de nos idées, la fin de leur capacité dynamique à agir sur le monde.

Qu'avons-nous à dire au monde ?

Ce qui est tragique, c'est que le bébé s'est noyé dans l'eau du bain quand on a jeté le bébé avec l'eau du bain. Car dans les idées révolutionnaires brusquement démonétisées, il y avait des principes utiles pour organiser le monde, et surtout l'idée fondamentale que le peuple peut faire pièce aux puissants, qu'il peut leur tenir la dragée haute.

Et depuis ce temps, des idées, nous n'en avons plus, l'anglais règne partout, l'éthique publique a disparu au profit de la logique mercantile, inégalitaire et communautaire, qui se pare du beau nom de modernité et qui n'est que la dilatation des habitudes anglo-saxonnes à l'échelle d'un modèle mondial qui se voudrait universel. Cette société dominée par l'argent, c'est la leur depuis des siècles. Elle véhicule son cortège de misère et de soumission.

Et nous, nous pataugeons dans un débat sur l'"identité française" qui est forcément impossible, car l'identité française, notre esprit commun, est justement de n'avoir pas d'esprit national (pas de "Volksgeist"), mais une conceptualisation du monde, la Raison, de Pierre Abailard à Voltaire en passant par Thomas d'Aquin et Descartes. La France, c'est le français, notre langue, une méthode intellectuelle, ouverte à qui veut bien s'y intéresser. Notre identité, c'est de distinguer le public du privé, le sacré du profane, le politique du commercial, l'État de la Société civile. Notre identité, ce sont trois mots : Liberté, égalité, fraternité.

06/11/2009

Mes trois premiers billets.

Éric me tague dans une chaîne sur les trois premiers billets publiés sur nos blogs, c'est une occasion de faire un historique, un de plus...

Quitterie, fin 2006 et début 2007, animait la blogosphère d'un fort militantisme pour l'esprit d'Internet. Captivé par ses lignes, et découvrant l'Internet politique dont je n'étais pas consommateur jusque-là, tout absorbé par mes publications historiques et ayant nettement décroché de l'activisme politique.

Mon premier billet, le 9 janvier 2007, porte un constat très objectif dans son titre : "c'est le début". J'y examine l'impression que fait d'avoir ouvert cette page de communication et de découvrir les joies narcissiques du bloc-notes public quotidien. C'est un billet très émerveillé et tâtonnant.

Mon deuxième billet affiche un titre programmatique qui est une citation de Victor Hugo, l'une de celles que je continue à préférer, l'une des plus vraies sur le devoir de toute personne qui détient un savoir ou un pouvoir : "Agrandir les esprits, amoindrir les misères". C'est l'occasion d'une présentation personnelle que je reconnais avoir été alors un peu trop longue, mais vraie.

Mon troisième billet, le surlendemain du premier, explique mon intention initiale de parler beaucoup de littérature sur mon blog, ce que j'ai finalement moins fait que de cinéma, et surtout de politique, la vie est mal faite, mais en vérité, j'ai depuis ouvert un autre site très intermittent où j'ai repris les articles culturels de mon blog, et où j'enfile les documents historiques bretons avec l'idée de développer un blog strictement culturel, et par ailleurs, jusqu'au funeste retrait de Quitterie, c'est elle, Quitterie, qui a été mon meilleur sujet, et je ne regrette pas ce choix.

Je tague l'ami FLN (Frédéric Lefebvre-Naré, un Démocrate Sans Frontière), parce qu'il m'a cité récemment et que j'en profite pour signaler que je lis son blog avec beaucoup de profit.

03/11/2009

23 ans.

Mirabelle me tague sur une chaîne qui, si j'ai bien compris, vient de Falconhill via Ataraxosphère et autres.

Le jour de mes 23 ans, il y a tout juste 22 ans aujourd'hui, je l'ai passé à l'hôpital militaire de Lille. J'avais en effet débuté la période des classes de mon service militaire un mois plus tôt, dans les premiers jours d'octobre, à la base aérienne 103, à Cambrai. Il faisait un soleil éclatant le jour de mon arrivée sur cette base, le sous-officier qui était venu chercher à la gare les deux ou trois troufions héberlués qui s'y trouvaient échoués (je n'étais pas arrivé à la bonne gare, ni à la bonne heure, j'ai toujours été incapable de faire tout comme tout le monde), chantonnait, en conduisant, un "tube" de l'époque : "Bienvenue à Paris, les filles sont si jolies..." ou bien, plus traditionnel et festif : "Ah, le petit vin blanc, qu'on boit sous les tonnelles, quand les filles sont belles, du côté de Nogent...".

Le premier soir, avant d'être répartis entre différentes destinations (les élèves officiers - EOR - d'un côté, les élèves sous-officiers d'un autre côté, la troupe au milieu), nous avions dormi sous la tente, un barnum collectif pour au moins une cinquantaine de bleusaille. La journée avait été belle, la nuit fut glaciale. Le lendemain, j'avais une rhinite, une trachéite, une bronchite, une... bref, je prenais 27 pilules par jour, j'avançais dans le brouillard, si bien qu'on a fini par m'envoyer à l'hôpital de Lille dont je ne suis sorti que pour la dernière semaine des classes.

De Cambrai, je suis parvenu à me faire affecter à Creil, dans l'Oise, au nord de Paris, une base désaffectée qui relevait de Cambrai, où se trouvait un détachement chargé de veiller sur la base qui servait de point d'appui en cas de déclaration de guerre. C'était calme et informel, je crois que nous étions une vingtaine d'"aviateurs" (nom donné aux soldats de l'armée de l'air), il devait y avoir deux ou trois sous-officiers, le plus haut gradé était un capitaine qui attendait la retraite en sifllotant. Je rentrais dîner chez moi à Paris, mais je me levais à cinq heures du matin pour arriver à la base à huit, c'était assez fatigant.

De Creil, j'ai donc réussi à me faire muter à la base aérienne 117, à Paris, place Balard, dans le XVe arrondissement, à une demi-heure à pied de chez moi, ce qui était beaucoup plus confortable. Là, j'ai été affecté à la bibliothèque juridique de la Direction du Personnel Militaire de l'Armée de l'Air (DPMAA), placé sous la houlette d'un personnage jeune mais étrange, le sergent-chef Jésus. Je travaillais avec les officiers de la DPMAA, et subitement, le grade le plus bas était celui de capitaine. On trouvait là beaucoup d'Officiers de Réserve en Situation d'Active (ORSA), des gens qui, ayant fait leur service militaire, avaient ensuite fait un bout de carrière dans le civil, puis été embauchés par l'Armée de l'Air dans un cadre militaire.

Les plus amusants étaient les pilotes, qui racontaient leurs nombreuses anecdotes de vol et d'atterrissage. De quoi faire frémir Dassault et tous les fabricants d'avions de guerre. Curieusement, ils ne racontaient jamais d'histoires de guerre. Durant toute la période de mon service militaire, je n'ai entendu qu'un sous-officier parler de combats de sa jeunesse. Le reste du temps, rien.

C'est pendant cette période de bibliothèque que j'ai pu rédiger mon mémoire de maîtrise de DEA en droit public interne. J'avais choisi un sujet rare, sur lequel les textes et la jurisprudence étaient des plus succincts, et j'ai rédigé en trois jours un mémoire de quinze pages, pour lequel j'ai obtenu la note convenable de 14/20. Ouf, j'avais enfin terminé ce DEA que j'avais vaguement suivi en étant délégué général national  (permanent salarié payé au black) des jeunes centristes (JDS) lors de la pré-campagne de Raymond Barre pour l'élection présidentielle qui eut lieu pendant mon service militaire.

Fin juin, il me restait trois mois à faire, mon général (un quatre étoiles typique nommé Clariond, qui commandait la DPMAA) se soucia de concours administratifs que je voulais passer à la rentrée : il m'accorda une "permission libérable", qui me permettait de n'avoir plus à revenir à la B.A. 117 que pour rendre mon paquetage, fin septembre. J'ai pris quelques vacances.

À la rentrée, après avoir vaguement concouru, je me suis intéressé à l'Assemblée Nationale : les élections législatives avaient eu lieu en juin, nous avions un certain nombre de nouveaux députés, j'avais envie de devenir assistant parlementaire. Ayant quelques copains dans la place, j'ai pu assister aux journées parlementaires qui avaient lieu à l'hôtel Lutétia à Paris, prendre des contacts, et finalement, ce fut Nathalie Boulay-Laurent (récemment première adjointe malheureuse de Dassault à Corbeil) qui me donna la piste décisive, un député du Doubs tout à fait sympathique et peu intéressé par la politique nationale nommé Michel Jacquemin. Le jour de mes 24 ans, j'avais été embauché et j'ai fêté ça au Laurent Perrier brut millésimé 1977 à la buvette de l'Assemblée, avec deux ou trois assistantes aves lesquelles j'avais commencé à tisser des liens.

Celles qui me plaisaient le plus étaient Roseline, l'assistante très droite ultra-catho du maire d'Angoulême Georges Chavanne, Christine, l'assistante non moins conservatrice de Christine Boutin, et Sylvie, la belle-sœur et assistante de Dominique Baudis. Juste en face de l'Assemblée, au bureau parisien du paerlement européen, j'avais aussi la très belle Virginie de Villepin, qui, je crois, est aujourd'hui au groupe radical au Sénat. Je précise que ce n'étaient pas des liaisons, il ne s'est rien passé. Je crois que Virginie était d'ailleurs la seule pour laquelle je craquais vraiment.

C'était contrariant de devoir supporter les harangues de l'assistante de Boutin contre l'avortement, et d'une manière générale l'atmosphère peu créative de ceux qui se disaient centristes, que je voyais autrement que lorsque j'avais été militant du mouvement de jeunes. C'est le moment où j'ai donc commencé à m'en éloigner, mais ceci est une autre histoire.