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09/05/2007

Les bizarreries des équipements municipaux (encore le champ de course d'Auteuil).

Beaucoup connaissent sans doute le champ de courses d'Auteuil à Paris, dont j'ai parlé voici quelques jours. Les images de cette pelouse où se ruent une quinzaine où une vingtaine de chevaux frénétiques montés par de petits hommes multicolores sont parmi les plus familières qui soient avec le sigle PMU.
 
On se souvient avec une nostalgie encore amusée de l'époque où Léon Zitrone racontait avec fougue comment Une de Mai (était-ce bien à Auteuil ?) était revenue "du diable vauvert" pour arracher une victoire sur le fil.
 
On s'amuse des sketchs des Guignols, sur Canal +, montrant Denisot et son émission de "choual", qui, comme lors des beaux temps de Canal, se terminent par un piteux "Désolé".
 
Parfois, quand on est fauché (c'est mon cas en ce moment) on se demande si on ne devrait pas s'y précipiter pour jouer les derniers Euros qu'on a en poche en attendant de vendre enfin des satanés livres.
 
Et puis, la politique revient. Je me suis longtemps intéressé au devenir des circonscriptions législatives de mon XVIe arrondissement. C'est fini. Elles auront le candidat démocrate que Bayrou leur choisira.
 
Puis ce soir, il était question de la 10e circonscription, celle qui couvre partie du 13e et partie du 14e arrondissements, l'ancienne de Jacques Toubon. Et je me demandais si j'avais vraiment envie que Quitterie Delmas s'y présente. J'avoue que je ne sais plus quoi penser. Mais je garde le sujet sous le coude, sans intention bien sûr d'y aller moi-même.
 
Pour en revenir à mon champ de courses, il y a une piscine municipale qui permet aux gens de ce quartier de venir l'été se rafraîchir et prendre le soleil au solarium.
 
La curiosité que j'ai découverte lorsque j'étais élu en charge de cet équipement dans ma délégation de la Jeunesse et des Sports du 16e, c'est que cette piscine, ça ne s'invente pas, a été creusée ... dans une nappe phréatique.
 
On met de l'eau dans de l'eau. Vraiment, c'est surréaliste.
 
Autant dire que le béton qu'on a intercalé entre l'eau du sol et celle de la baignade a vite souffert, d'autant plus qu'un ingénieur distrait a eu l'idée baroque, à une certaine époque, de boucher les aérations de la piscine pour recycler indéfiniment le même air en circuit fermé, sans imaginer qu'à la longue l'air serait de plus en plus chargé de chlore et que ce chlore attaquerait tout.
 
Bref, ce sont les découvertes amusantes (mais coûteuses pour le contribuable) qu'on fait lorsqu'on est élu.
 
J'ai trouvé qu'un déficit de démocratie était en partie à l'origine de cette accumulation d'erreurs. Et c'est une raison forte pour moi d'espérer que le Mouvement Démocrate obtiendra suffisamment de députés pour bloquer les décisions trop unilatérales et capricieuses de la majorité gouvernementale : en politique, je crois dans la vertu de la parole, du débat, de l'expression libre.

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Crétinisation aliénante.

Le peuple grondait. Le peuple se rebellait. Le système craquait.
 
Que demandait le peuple ? de la réalité ?
 
Non, répond le système : de l'aliénation. 
 
On lui en a donné.
 
Contre la colère, on a trouvé le remède : l'opium.
 
Contre la douleur, on a trouvé le remède : l'opium.
 
Contre la réalité, on a trouvé le remède : l'opium.
 
Voici donc toute la philosophie démasquée : comme à la fin d'un jeu télévisé, comme à la fin d'une StarAc, le vainqueur dîne au Fouquet's avec des stars et se retrouve en vacances au soleil sur un yacht immense. La belle vie.
 
Le rideau s'est levé sur les arrière-pensées, il est tombé sur la pensée.
 
Il est tombé avec la violence de la lame d'une guillotine.
 
La campagne a débuté dans Voici/Gala et se termine comme elle a commencé : on donne aux gens ce qu'ils croient vouloir, on leur fournit toute la quantité de mensonge nécessaire pour qu'ils se taisent ou qu'ils parlent des sujets sur lesquels on les autorise à s'exprimer, ce qui est la même chose que se taire.
 
Et dans ce projet tout a un sens : l'obsession de l'apparence, la nullité des candidats. Oui, qu'on lise bien : la nullité des candidats fait partie intégrante du projet d'aliénation.
 
Les chiffres tous plus faux les uns que les autres jetés par des candidats aussi gribouilles l'un que l'autre dans leur débat télévisé ? C'est dans le script.
 
Un zeste de StarAc, un zeste de Qui veut gagner des millions.
 
Et les récriminations de François Bayrou entre les deux tours ne ressemblent à rien d'autre qu'à ces courtes confidences amères que livrent les concurrents en quittant le plateau de Qui veut gagner des millions : la rage des mauvais perdants. Hou, le vilain.
 
Voilà donc pourquoi Bigard lançait à Bercy que Bayrou était comme un joueur qui a perdu la demi-finale et qui squatte la finale. C'est dans le script. Hou le vilain.
 
Consolons-nous, cette phase crétinisante qui triomphe aujourd'hui n'aura qu'un temps.
 
Pourvu qu'il soit le plus bref possible.
 
À nous de réagir. 
 

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Un blog entier contre Quitterie Delmas ?

Un blog (lesvieuxcons.hautetfort.com) vient d'être créé ... en réaction à celui de Quitterie Delmas (lesjeuneslibres.hautetfort.com). C'est du moins le projet affiché de son auteur qui, c'est bien le moins qu'on puisse attendre, demeure anonyme.
 
En vérité, ce blog, ça va de soi, est une offensive contre François Bayrou. Tout le montre par ailleurs. Toutes les notes transpirent la haine du leader centriste et de sa démarche rénovatrice.
 
Et comme les vieux cons sont de grands démocrates, il va également de soi que les commentaires sont impossibles sur ce blog.
 
Somme toute, la démocratie et l'intelligence progressent tous les jours.

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08/05/2007

Le candidat du peuple et son yacht.

On avait dit, on avait susurré, on avait laissé entendre que Saint Nicolas Sarkozy se recueillerait, après son élection, dans un monastère durant quelques jours.
 
Drôle de monastère.
 
Le voici dans un yacht long de soixante mètres. Aucun président de la république française n'a jamais osé s'afficher dans un tel luxe jusqu'ici. C'est une insulte aux 48 % d'ouvriers qui ont voté pour lui, le candidat auto-proclamé du peuple.
 
Est-il en train de débriefer avec ses amis de la scientologie ou de faire ses comptes avec ses commettants du Cac 40 ?
 
Voici en tout cas toute honte bue, toute vergogne jetée à la baille, toute limite franchie.
 
Qu'on le sache désormais, le modèle de la politique française, c'est Dallas, le dénouement d'une crise, c'est le milliardaire, le yacht tout blanc, le champagne, la Rollex, le Fouquet's.
 
Quant aux millions de morts de la seconde guerre mondiale ? Houla, mais c'est un sujet bien trop barbant pour la télé, mon vieux, biiip ! qu'on amène Santini, lui au moins il sait rigoler.
 
Et l'Europe ?
 
Vous ennuyez le sultan.
 
Et la vie des gens ?
 
Regardez la télé. 

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07/05/2007

Pendant toute la campagne, je pensais à Pagnol.

Bien entendu, c'est "Topaze" qui m'y faisait songer, l'histoire de ce modeste professeur plongé dans le monde demi-sel des politicards véreux vendus aux marchands de balayeuses mécaniques. Une histoire si inusable que Pagnol en a tourné deux versions, l'une entre-deux-guerres, l'autre après-guerre.
 
Le premier livre de Pagnol que j'ai lu était "La gloire de mon père", offert par une prof de math, en classe de quatrième. Cette femme d'une qualité humaine exceptionnelle avait passé une partie de la guerre dans un camp de concentration. Elle en était revenue et n'en montrait aucune trace, rien qu'une sérénité et une imperturbable gentillesse.
 
Pour annoncer son approche et nous inciter à rejoindre nos places du côté de la salle (n° 68 je crois) du lycée Janson, elle agitait devant elle un énorme trousseau de clefs, un vrai attirail de cambrioleur ou de serrurier. Puis d'une petite voix pointue, cette demoiselle, déjà âgée, nous invitait poliment à l'écouter.
 
Dans sa courtoisie, dans son immense gentillesse, elle ne manquait jamais de glisser un encouragement.
 
Et comme j'ai toujours été sensible à la flatterie, ce fut l'une de mes meilleures années dans sa matière : je la terminai persuadé de finir polytechnicien.
 
Et c'est donc au cours de l'un des trois trimestres que, en récompense de son propre travail (car finalement comme élève je n'avais qu'à m'imprégner des raisonnements très imagés qu'avec une pédagogie lumineuse elle nous martelait), elle m'offrit (premier prix du trimestre) "La gloire de mon père".
 
Pagnol, c'est charmant. Ca ne casse pas des pattes aux escargots, comme aurait dit mon grand-père, mais c'est une jolie promenade dans une époque, un monde, des lieux.
 
On oublie que les films de Pagnol doivent beaucoup à Giono, c'est ce qui les rend plus forts que ses livres. Et pourtant, les livres conservent l'intérêt et l'émotion du témoignage sur une France pour qui la République était l'ambition suprême, une France qui s'éloigne.

"Et le peuple sévère, avec sa grande voix..."

On attendait, lors de cette élection, le score de Jospin en 2002 et ce fut celui de Jospin en 1995.
 
Quarante-sept pour cent est un score ni bon ni mauvais, ça matérialise une défaite, pas une déroute. Le couple Royal-Hollande semble devoir sauver sa tête pour poursuivre la mutation du Parti Socialiste, avec sans doute Dominique Strauss-Kahn, bien fatigué hier soir m'a-t-on dit.
 
François Bayrou, lui, hier soir aussi, de plus près, m'a paru avoir pris dix ans d'un coup, les traits lourds, le regard triste, la voix certes ferme et bien posée, le geste vif, mais une épaisseur inhabituelle dans le visage et nous avons tous failli pleurer quand il a parlé de l'amertume des soirs de défaite. L'émotion nous a tous tenus un moment. Ces choses-là ne se mesurent pas sur le coup. Il y faut un délai. Puis on rebondit.
 
Bien entendu, la censure médiatique a repris sans tarder : alors que les trois grandes chaînes hertziennes avaient donné officiellement leur accord pour diffuser son intervention en direct, elles n'en ont finalement rien fait, se contentant d'extraits tronqués, en différé.
 
On dit que le partage des récompenses a commencé : Bouygues (dont l'action s'envole à la bourse) céderait TF1 à Lagardère, mais récupérerait Areva, plus proche de ses métiers initiaux.
 
Bref, ces messieurs de l'argent s'ébattent dans leur oligarchie triomphante.
 
Pour l'avenir, le combat reste celui d'une Assemblée nationale où Sarkozy ne soit pas majoritaire seul. On ne peut guère espérer mieux, ce serait déjà beaucoup, mais il y faudra beaucoup d'efforts des socialistes et une pédagogie renforcée vers les centristes.
 
Enfin, il faut bien répéter les vers de Victor Hugo, puisque le peuple a parlé : 
 
"Et le peuple sévère, avec sa grande voix,
Souffle qui courbe un homme et qui brise une femme..."
 
J'ai bien trouvé Bayrou courbé, je n'ai pas remarqué Ségolène Royal brisée.
 

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Cette présidentielle se termine par la victoire du favori.

Cette après-midi, on m'avait dit, de source journalistique, 55/45 comme sondage "sortie des urnes". Le résultat est plus proche de 53/47.
 
Pour parler du résultat des reports centristes, que j'évoquais hier, on trouve une répartition géographique qui traduit la nature de l'UDF-Mouvement Démocrate : du centre droit et du centre gauche.
 
En Bretagne, et dans le sud-ouest, centre gauche, le report est à gauche ; en Alsace, centre droit, le report est à droite.
 
Le fait que l'on trouve environ 40% de bayrouistes reportés sur Sarko et autant sur Ségo ne signifie pas pour autant qu'il n'y ait que 60% de bayrouistes (en comptant les 20% de blancs, nuls et abstention) dans son électorat, car il y a une conviction profonde dans toute une partie des bayrouistes sincères que je connais qu'il valait mieux, pour d'obscures raisons tactiques, que Sarko gagnât, car ainsi le MD démarrerait dans de meilleures conditions.
 
Bref, une fois de plus, les centristes sont centristes et dédaignent la simplicité des votes formatés.
 
Quant à la France, elle a choisi. Elle aura ce qu'elle mérite. 

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06/05/2007

Quand les défaites sont lourdes.

Oh, qu'on ne compte pas sur moi pour commenter d'éventuelles info dont je serais détenteur, puisque je n'en ai pas le droit.
 
Si le dernier sondage publié, 55/45, se confirme, cela signifiera une défaite d'une ampleur qu'on n'a vu que trois fois dans la V' république : en 1965, en 1969 et en 1988, en laissant de côté  le cas particulier de 2002.
 
La victoire de 1965 fut le chant du cygne du général de Gaulle. Celle de 1969 ne put empêcher la famille gaulliste de perdre la tête de l'État en 1974. Celle de 1988 fut suivie par la défaite législative de 1993 et la longue dégringolade dont l'éviction de Lionel Jospin du second tour en 2002 fut l'aboutissement.
 
Le relatif succès de Mme Royal au premier tour sera-t-il finalement le signe d'un réveil de cette gauche-là ou au contraire le dernier feu d'une étoile qui s'éteint ?
 
Si les derniers sondages publiés sont confirmés, 55/45, il faudra conclure à l'extinction des feux.
 
Pour François Bayrou, la défaite de Ségolène Royal sera une autre confirmation : il disait vrai quand il affirmait que, par raison mécanique, il était mieux placé qu'elle pour battre Nicolas Sarkozy. Les électeurs seront donc appelés à se remémorer cette vérité.
 
La naissance du Mouvement Démocrate interviendra alors sur fond de séisme politique, au fond dans l'esprit de l'onde de choc qu'avait annoncée le relatif succès de sa candidature du premier tour.
 
Mais bien entendu, cette analyse ne sera pertinente que si le résultat (je rappelle que je ne cherche pas à faire état ici d'info dont je disposerais) confirme la tendance de vendredi : 55/45. 

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05/05/2007

L'enjeu du second tour pour Bayrou.

Qu'on ne compte pas sur moi pour donner des incitations au vote pour l'un des deux candidats. Je l'ai déjà fait. Aujourd'hui, je vais parler du troisième, le mien, François Bayrou.

La carte du vote François Bayrou, en 2007, ressemble un peu à la carte du vote Barre il y a vingt ans : l'ouest, Rhône-Alpes, l'Alsace. On y ajoute le soud-ouest, apport personnel de Bayrou pour une part, et Paris.

La première composante de ce vote, c'est le centrisme d'origine chrétienne. Dans l'ouest, l'Europe, une forme de modération, la référence à Jacques Delors, le côté terrien, tout cela a dû compter, comme d'ailleurs l'opposition à la droite dont l'autorité est devenue rebutante pour les terroirs occidentaux.

En Alsace, l'Europe, la tradition centriste là aussi chrétienne pour une grande part.

Dans le sud-ouest, le centrisme laïc en majorité.

En Rhône-Alpes, le mélange très lyonnais de tous les centrismes, augmenté sans aucun doute des populations "issues de la diversité" (vilaine expression pour une réalité forte).

À Paris, un peu plus de centre gauche, moins de référence chrétienne, et sûrement des orphelins du gaullisme, clairsemés aussi dans le reste de l'électorat.

Pour les législatives, ce score devrait se traduire par plusieurs dizaines de députés. Comment ? Par la capacité des candidats de Bayrou à se maintenir et à y faire perdre l'un ou l'autre camp. L'examen de la carte des résultats du premier tour permet de conclure rapidement sur le côté où le pouvoir de nuisance et donc d'influence est le plus grand.

Il est dès lors passionnant d'examiner le report des voix centristes dans ses trois composantes : centre droit, centre, centre gauche, pour déterminer la réelle force de frappe de Bayrou pour les législatives.

Voilà, comme prévu, je n'ai donné aucune indication supplémentaire sur le vote de demain dimanche. 

 

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04/05/2007

Le camp de la liberté.

1943. La France est occupée. L'Europe est couverte de croix gammées. De la mer Noire à l'Atlantique Nord, de la Norvège à l'Adriatique.
 
Alors, l'Occident se divise en deux camps et nous sommes, je suis, vingt ans avant ma naissance, dans le camp de la liberté.
 
Mon grand-père paternel a refusé de se saborder dans la rade de Toulon en novembre 1942. Il a été radié des cadres de la Marine nationale le 1er janvier 1943. Expédiant sa famille dans le Tarn, il a aussitôt été embauché comme ingénieur chez Citroën à Paris. Là, le jour, il travaille au projet de la future 2 cv ; la nuit, il sabote. Il sabote tout ce qu'on lui dit de saboter, des trains en particulier. Son pistolet de service dans la poche, un pain de plastic dans l'autre poche, une pilule de cyanure, sans doute, dans la bouche.
 
Mon grand-père maternel, ancien combattant de la guerre de 14-18, a été le plus haut fonctionnaire des Affaires étrangères à démissionner de Vichy en novembre 1942. Condamné à mort par contumace par les nazis quelques semaines plus tard, il se cache à Paris où il tente de reconstituer les archives de son ministère détruites dans la panique du printemps 1940. Au bout de quelques mois, il expédie sa famille dans le Tarn et Garonne puis rejoint début 1944 le gouvernement provisoire à Alger.
 
Le camp de la liberté.
 
Après la Libération, on s'aperçoit que, dans le camp de la liberté, il y avait Staline. "Pour dîner avec le diable, il faut une très longue cuiller", disait Churchill à son propos. Au camp de la liberté succède alors le Monde libre. Quarante ans.
 
Et maintenant ? qui est le diable ? où est la liberté ? Pourquoi les choses ne sont-elles plus aussi simples ? Ce serait tellement commode.
 
Victor Hugo a plusieurs fois nommé le diable : "la misère, démon...", "l'envie, alors, ce démon vigilant..." (Les Contemplations).
 
Il a souvent nommé la liberté. Il lui a parfois donné le synonyme de civilisation.
 
Quand j'étais lycéen, puis étudiant, on discutait des "libertés formelles" et des "libertés réelles", concept d'une certaine gauche. Au cours de mes études de droit, j'ai entendu parler des "libertés publiques".
 
Dans les années 1980, on a brandi un étendard de libéralisme, tout empreint d'une liberté dont les contours paraissaient sauvages. On réfléchissait sur les libertés économiques. 
 
Et maintenant ? Qu'est-ce que la liberté ? Quel est le diable ? 
 
On nous dit que le libéralisme est dans le camp de Sarko.
 
Oh, je sais, mon sujet rétrécit rien qu'en évoquant cette fin d'élection présidentielle. Tant pis.
 
Or Sarko n'a rien d'un libéral : son programme se résume en trois locutions : cruauté sociale, concentration des pouvoirs, réaction morale. Dans ces trois domaines, par ces trois idées, il se trouve aux antipodes du libéralisme et de la liberté.
 
La cruauté sociale, ce sont les inconvénients d'un libéralisme mal maîtrisé, sans les avantages.
 
La concentration des pouvoirs, c'est le bâillon sur les lèvres de la liberté.
 
La réaction morale, c'est une conception normative de la vie en société, où les comportements sont imposés à l'individu. Aux antipodes de la liberté.
 
En face, désormais, se situe le camp de la liberté. Il a beaucoup de défenseurs chez François Bayrou ; il en a aussi au Parti Socialiste, il faut le dire, même si les vieilles lunes dirigistes y contrôlent encore l'appareil. Il y en a encore, dissimulés, à l'UMP.
 
Pour ces raisons et pour ce que j'ai entendu du discours personnel de Ségolène Royal, et malgré ses défauts patents, (et aussi en hommage à Quitterie Delmas) je voterai pour cette femme, Mme Royal, dimanche.

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03/05/2007

Hippodrome d'Auteuil : les paradoxes du Bois de Boulogne.

À l'ouest de Paris se situe le Bois de Boulogne, longtemps proverbial pour certaines activités nocturnes et spécialisées, d'un type artisanal, autrefois féminin, aujourd'hui plus indéterminé. Bref, sans m'étendre sur l'activité de ces dames, un mot du bois.
 
Il a une valeur symbolique : le nom gallo-romain de la paroisse locale, qui englobait Boulogne, Auteuil et Passy, était "Nemetum", où il faut reconnaître le gaulois "nemeton", le bois sacré. Le Bois de Boulogne est le vestige du bois sacré gaulois qui occupait là une boucle de la Seine.
 
Ce bois fut rattaché à Paris par un acte juridique sui generis de l'empereur Napoléon III au XIXe siècle. Je crois en 1857. On en retrancha une portion qui devint le quartier dit des Princes ou du fond des Princes, à Boulogne, un quartier strictement résidentiel où tout commerce était interdit par le texte fondateur. Ce quartier est aujourd'hui dominé comme un donjon par la silhouette imposante du Parc des Princes. Il borde aussi le mythique stade de tennis de Roland Garros.
 
Plus au nord, donc, ce qui reste de l'ancien bois de Boulogne, qui relève du territoire de Paris. Là sont deux hippodromes, celui de Longchamp et celui d'Auteuil. On dit que c'est un peu trop pour le nombre de courses qui se déroulent à Paris (sans compter le troisième hippodrome, celui de Vincennes), mais, il y a dix ans, quand la question fut posée, les deux hippodromes parvinrent à sauver leur existence par ce qui est au moins un artifice ; bref, je ne m'étends pas sur ce sujet un peu délicat où l'on pourrait avoir beaucoup à dire.
 
Voici le paradoxe : le rattachement du bois au territoire parisien n'eut pas pour entière conséquence une attribution des compétences sur le bois à la Ville de Paris, même du temps où celle-ci était gérée comme une préfecture. Les hippodromes qui furent créés ensuite le furent sur décision de l'État, sous la tutelle (rien n'est jamais simple) de trois ministères : celui de l'agriculture (au nom de l'autrefois célèbre "amélioration de la race chevaline") et celui des finances (en raison de la forte redevance perçue par l'État à la fois sur l'hippodrome et sur les paris), auquel s'est joint le ministère des sports.
 
Voici plusieurs décennies, la préfecture de Paris, alors très puissante dans l'État, obtint la dévolution de la tutelle de l'équipement, avec certaines réserves.
 
Aujourd'hui, après la décentralisation, la Ville de Paris est une collectivité comme les autres et la tutelle des hippodromes a retrouvé son régime antérieur, parfaitement absurde, reconcentré, ou plutôt, repartagé entre les trois ministères et la Ville (affaires de gros sous).
 
Je me demande pourquoi la décentralisation a été si absente de la campagne électorale. Mme Royal en a un peu parlé hier soir. Il reste beaucoup de ces situations absurdes à clarifier. Il en résultera des économies substantielles pour le contribuable.
 
Merci d'avoir lu ce message destiné à rappeler qu'une campagne présidentielle est destinée à parler des réalités.

À chaud : Bayrou ne votera pas Sarko.

On le lit ici :
 

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02/05/2007

Plus de constitution européenne ?

Sarko, s'il est élu, enterre définitivement toute idée de constitution européenne. "Les Français ont voté. Pourquoi y revenir ?"
 
Alors, Messieurs Méhaignerie, Barrot, de Robien, Santini, et quelques autres centristes ralliés au Sarkoland, voici où finissent vos engagements européens ? Désormais, l'Europe, c'est du passé, pour votre champion.
 
Vos électeurs apprécieront. 

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On rêve d'un débat entre Victor Hugo et Napoléon III.

On imagine Victor Hugo interpellant Napoléon III : "Monsieur le petit".

Au moment où se prépare le débat entre les deux derniers candidats à l'élection présidentielle, on se prend à rêver que nous pourrions avoir de meilleurs hommes et femmes politiques, un peu plus cultivés, connaissant mieux leur matière, un peu plus sincères.

Le jeu politique est une joute. L'enjeu n'y est pas l'exercice d'une responsabilité mais la conquête d'un champ clos qui se nomme le pouvoir. Les règles de conquête du pouvoir sont les mêmes partout, quel que soit la forme politique du régime, quelle que soit la nationalité et la culture des assujettis, le pouvoir se conquiert et s'exerce selon les mêmes règles.

Et partout, quoiqu'il arrive, il faut éliminer l'autre.

Tout pouvoir consiste à supprimer l'autre. Physiquement ou moralement. Dans une société policée, il s'agit de prendre l'ascendant sur lui. Dans un état plus sauvage, de le supprimer ou de le réduire à l'état d'objet.

Ce soir, si l'un des impétrants est susceptible de l'emporter sur l'autre, si le débat peut faire pencher la balance, c'est que l'un des deux aura pris l'ascendant sur l'autre. Il l'aura éliminé. Au mieux provisoirement. Au pire, définitivement.

Ouvrez l'arène, lâchez les lions. 

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01/05/2007

Faut-il empailler Jean-Pierre Pernaut ?

Le grand gagnant du premier tour de l'élection présidentielle est ... Jean-Pierre Pernaut.
 
Lui, l'homme du journal télévisé de treize heures, le Picard goguenard qui passe souvent pour la "voix de son maître", l'homme pour qui la météo est toujours une info plus urgente que mille morts au Bangladesh, l'homme que les Guignols ont caricaturé en éternel et sempiternel chantre du "dernier fabricant traditionnel de...".
 
Car son public n'a qu'un âge : la vieillesse.
 
Déjà, il y a vingt ans, je voyais ma grand'mère regarder Mourousy. Au moins, c'était drôle.
 
Et voilà, ils ont voté, nos vieux qu'on aime tant. Ils ont voté.
 
Ils ont voté, nous dit l'Ifop... pour Sarko. 
 
Et, selon l'Ifop toujours, ils s'apprêtent à récidiver massivement : 75% ! oui, tu ne rêves pas, lecteur, 75/25, c'est le rapport de forces chez les vieux, au profit de Sarko, pour le deuxième tour, d'après l'Ifop.
 
On les aime bien, pourtant, nos vieux, on ne leur a rien fait de mal. Pourquoi nous en veulent-ils tant ?
 
Car dans toutes les autres catégories d'âges ou presque, Ségolène Royal est majoritaire dans les intentions de vote pour le deuxième tour.
 
Il n'y a que chez les vieux. Et c'est ce vote massif des retraités qui, à lui seul, fait gagner Sarko.
 
Alors, lecteur, si tu souhaites la victoire de Ségo, fixe-toi un objectif simple : fais la liste de tous les vieux que tu connais et convaincs-les. Un par un.

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30/04/2007

Que va faire Le Pen ?

Le Pen est le grand perdant du premier tour de l'élection présidentielle. Il y a perdu environ un million de voix sur son score de 2002 et, en termes de pourcentages, six points, soit presque quarante pour cent de son capital initial.
 
Je me souviens de Farid Smahi qui, une semaine avant le vote, me trouvant sur le marché de la Porte de Saint-Cloud, à l'ouest de Paris, se moquait de Bayrou et clamait : "Il va faire douze pour cent comme d'habitude". Il ne croyait pas si bien dire, mais c'est de son propre candidat qu'il parlait, sauf qu'il n'a pas atteint douze pour cent, à peine dix et demi.
 
La question qui se pose maintenant est celle de sa stratégie la plus efficace : va-t-il tenter de déstabiliser Sarko en donnant des signes forts d'abstention à son propre électorat ? Ira-t-il plus loin en se joignant au TSS avec l'idée que l'instauration de la proportionnelle, consécutive à la victoire de Ségo, permettrait de pérenniser son mouvement ?
 
Choisira-t-il au contraire de prendre la main que Sarko lui a tendue au milieu des récupérations diverses de son programme ?
 
On a en effet noté le retour de la proportionnelle dans l'escarcelle programmatique du candidat scientologue. Mais la proportionnelle où ? Au Sénat ? Il y en a déjà une forte dose depuis plusieurs années. À l'Assemblée ? Mais quel chiffre ? Bayrou voulait 50%, Ségo propose encore officiellement 20% (elle devra sûrement faire un effort). Alors, et Sarko ? Où et combien ?
 
Il sait que ce qu'il gagne là à court terme, il le reperd à moyen terme. Mais peut-il faire autrement ?
 
Il est allé au bout de ses options récupératrices en proposant de réhabiliter l'OAS, ce qui sans doute lui a encore acquis quelques voix chez les lepénistes (dans le sud-est en tout cas), mais doit avoir suscité quelque trouble chez les gaullistes. 
 
Sans doute Le Pen va-t-il tracer une ligne et définir des critères demain après-midi. Chacun les interprétera à sa façon. Ségolène Royal, mercredi soir, lors de son débat frontal (!) avec Nicolas Sarkozy, aurait grand tort de ne pas s'en servir. Les réponses qu'il donnera alors seront un couperet aiguisé qui tranchera sa tête ou celle de son adversaire.
 
Car s'il se rapproche trop de Le Pen, Bayrou n'aura aucun état d'âme à se placer dans le camp de Ségolène Royal. Et s'il s'en éloigne trop, les lepénistes iront à la pêche.
 
L'écart que l'on annonce entre les deux candidats est pour le moment voisin de quatre pour cent, soit environ un million et demi de voix, c'est-à-dire plus d'un tiers des électeurs de Le Pen du premier tour et moins d'un quart de ceux de Bayrou.
 
C'est une avance difficile à rattraper, mais il suffit qu'un demi-million bouge dans un sens pour que tout redevienne incertain.
 
Un demi-million ? 
 
Les trois jours qui viennent s'annoncent passionnants. 

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29/04/2007

Brassens, une semaine avant le second tour.

"Parmi les noms d'élus, on verra pas le mien".
 
La proclamation de Brassens, gouailleuse comme toujours, nous rappelle aux réalités de notre propre vie. Foin des élections, foin des grandes masses humaines agglomérées pour les meetings électoraux, foin de tout ça, "le pluriel ne vaut rien à l'homme ; sitôt qu'on est plus de quatre, on est une bande de cons".
 
Alors il faut le dire. Brassens est un maître à en sourire, un maître à prendre de la distance, un maître ès détachement goguenard. Agitations, fièvres, tout ça demeure dérisoire.
 
Tandis que
 
"cette plage où le sable est si fin
Auprès de mes amis d'enfance, les dauphins",
 
là où
 
"tantôt venant d'Espagne et tantôt d'Italie
tout chargés de parfums, de musiques jolies
le mistral et la tramontane
sur mon dernier sommeil verseront les échos
de vilanelle, un jour, un jour de fandango,
de tarentelle, de sardane"
 
Il reste de la vie le spectacle de la mort et la vertu du sage est de tenir la vie tant qu'elle tient debout.

Le plaisir de la promenade, chacun son coin de forêt ou de rivière, chacun son sentier secret, sa rue écartée, son toit qui penche.

Le plaisir d'un livre.

Le plaisir d'une camaraderie, d'un amour. D'un simple joli regard de jolie môme.

Voilà ce qui fait que l'effroi qui s'empare de nous de temps à autre en examinant les sondages peut encore être conjuré. 

 

28/04/2007

Mon 10 mai 1981.

Il faut parler de mon père.

Il admirait Mendès depuis sa jeunesse au début des années 1950. Il adressait à PMF chacune des tribunes qu'il faisait paraître d'abord dans "Combat" puis dans "Le Monde". Mendès accusait toujours réception de ces envois et les commentait quelquefois.

Logiquement, mon père, membre du Parti Socialiste depuis le congrès d'Épinay en 1971, se retrouvait dans le courant rocardien, qui se rapprochait de son mendésisme.

Le 10 mai 1981, j'avais seize ans depuis quelques mois. Mes parents étant divorcés, j'avais gardé l'habitude de voir mon père le dimanche, quoique ce ne fût plus une obligation légale depuis justement mes seize ans.

Ce jour-là, il était aux anges. Il exultait. Il m'emmena dès mon arrivée et, courant presque, bondit dans sa R20 gris métallisé où je le suivis.

Il votait dans le quatorzième arrondissement de Paris, dont il venait de déménager. À tombeau ouvert, il y courut. Il se gara comme toujours mal, à moitié sur le trottoir, et se rua sur son bureau de vote.

Il était midi, l'endroit était vide ou presque. Mon père salua son président de bureau de vote, qu'il connaissait, et s'engagea dans l'isoloir, toujours aussi joyeux. Il en ressortit aussitôt et se présenta devant l'urne. On le fit voter.

- A voté !

Et c'est alors que sa joie redoubla.

- Viens, me dit-il.

Il me conduisit vers un autre bureau de vote, toujours dans le quatorzième. Là, il sortit d'autres papiers de sa poche : ceux de son frère, Jean Torchet, mort en 1956. Ce Jean Torchet était sorti en petit rang de l'ÉNA, dans la même promotion qu'Édouard Balladur, Jacques Calvet (longtemps président de Peugeot), Jérôme Monod (le dernier homme de réseau du chiraquisme) et quelques autres. Bref, depuis 1956 et la mort (à vingt-six ans) de ce frère fauché par un cancer du fumeur (tabagie passive), mon père n'avait jamais manqué une occasion de voter à sa place.

Au fond, c'était très malsain.

Mais là, je le vis présenter, pouffant et jubilant comme un gosse, la carte d'élève de Sciences-Po de son frère, à qui il ressemblait suffisamment pour la vraisemblance. Le président le connaissait pour l'un de ses électeurs habituels. Il ne fit aucune difficulté.

Et je vis mon père entrer pour la seconde fois dans l'isoloir.

Et pour la seconde fois, il vota Mitterrand.

Je ne l'ai jamais vu plus heureux que ce jour-là.

Mais bien entendu, dès l'élection acquise, comme tant de rocardiens, il passa à la trappe.

Cette phase-là, je l'ai sue mais il ne me l'a jamais racontée : je ne l'ai revu que deux fois après le 10 mai 1981.

Les voici.

Au début de l'automne de cette même année, toujours âgé de seize ans, élève du lycée Janson, une boîte prestigieuse d'un quartier bourgeois de l'ouest parisien, j'avais décidé qu'il devenait impossible de rester neutre. Je m'étais engagé.

Intéressé par la modération et par le talent verbal de Lecanuet, j'avais adhéré au centre, une étiquette que jamais aucun membre de ma famille n'avait portée avant moi (j'avais pourtant le choix, car du radicalisme au nationalisme en passant par le socialisme, l'éclectisme régnait dans mon entourage familial). J'ai donc complété le panel en entrant en centrisme, secte bizarre et peu nombreuse dont il faudra bien que je dise quelques souvenirs cocasses à un moment ou un autre.

Quoiqu'il en soit, j'adhérai début octobre 1981 et à la fin de ce même mois, mon grand-père paternel mourut, certain d'avoir été assassiné par les sbires de Jacques Médecin : officier de marine retraité, grand résistant, il s'était présenté sous une étiquette "poujadiste" aux législatives de 1981 dans les Alpes Maritimes et y avait obtenu un peu plus de cinq pour cent. Un cyclomotoriste l'avait ensuite renversé, lui causant des blessures mortelles et mon grand-père, il est vrai parano de nature, avait conclu à l'assassinat dans une lettre qu'il m'avait adressée. Il mourut donc fin octobre.

Ce fut alors l'avant-dernière fois que je vis mon père, aux obsèques de son propre père.

Moins de deux mois plus tard, entre Noël et le Nouvel An de cette année 1981, il m'appela et me proposa de passer la soirée avec lui, ce que je n'avais jamais fait.

J'acceptai.

Il me donna le choix de son cadeau de Noël : m'offrir "une pute" ou une place au spectacle de Montand à l'Olympia.

Je choisis Montand à son grand désarroi : sûr de ma réponse, il n'avait pas acheté un billet pour le concert.

Nous nous rendîmes donc au plus célèbre music-hall de Paris. La salle était archi-comble. Il fallut parlementer un long moment avec la guichetière pour obtenir de pénétrer dans cet endroit devenu déjà mythique.

Montand était étonnant. Je ne connaissais de la chanson sur scène qu'Anne Sylvestre, amie de ma mère, dont je fréquentais ponctuellement les concerts, et le music-hall, le spectacle insensé fourni par Montand, tout cela fut pour moi un très grand choc artistique. Nous étions assis sur les marches : les sièges regorgeaient de gens assis les uns sur les autres, les strapontins fléchissaient sous la masse, il ne restait que les gradins, au mépris de toutes les lois de sécurité.

Nous n'avions pas peur. J'étais subjugué.

À l'entr'acte, une banderole fut déroulée sur tout le long de la scène. Elle portait un seul mot, inscrit en rouge sang sur fond blanc : Solidarnosc (avec des accents sur le s et le c), le nom du syndicat Solidarité en polonais. On était quinze jours après le 13 décembre 1981.

Voilà ce qu'était la gauche à cette époque-là.

Puis mon père, en sortant de l'Olympia, comme on était dans le bon quartier, réitéra sa proposition de m'offrir "une pute". J'avais dix-sept ans.

Je refusai de nouveau, un peu déstabilisé.

Il haussa les épaules et me sourit, puis il poursuivit sa route.

Je ne l'ai jamais revu : il est mort deux mois plus tard, âgé de quarante-huit ans. 

Le débat : vive la démocratie.

Ouf, on a tellement voulu étouffer le débat pendant cette campagne, on a tellement voulu faire taire Bayrou en particulier, on l'a tellement couvert de tous les noms d'oiseaux, que le retrouver, même à la sauvette et sur une chaîne encore minoritaire, que vraiment, on a respiré.
 
On a d'autant plus respiré que le dialogue s'est développé sans concession ni agressivité, comme un bon échange de vue sur le contenu des programmes.
 
Pour ceux qui en doutaient, il vaut mieux avoir voté Bayrou que Royal au premier tour. Ses idées sont plus précises et plus modernes.
 
Pour ceux qui le redoutaient, le programme de Ségolène Royal reste hélas celui de la gauche de grand-papa : "je fais confiance aux partenaires sociaux..." de qui se moque-t-on avec ce refrain seriné depuis 25 ans et qui ne trompe plus personne ? Le tout-État ? Elle dit "je le nie" mais son programme le fait. Comme l'a dit Bayrou, il y a deux Ségolène Royal et l'une est rarement en accord avec l'autre.
 
Pour ceux qui l'espéraient, il y a tout de même des raisons solides de rejeter plus Sarko que Ségo : les changements institutionnels nécessaires, la laïcité (et d'une manière générale la neutralité de l'État), l'humanisme en général (certains propos de Sarko méconnaissent l'art 1 de la déclaration des droits de l'homme de 1789 : "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit"), la menace de noyautage de l'État par certaines sectes, etc.
 
Bref, je n'ai pas changé d'avis même si je dois avouer que Ségolène Royal ne m'a donné aucune envie de voter pour elle.
 
J'ai lu pendant le débat qu'Emmanuelli appelait à la création d'un grand parti anti-libéral. Pourvu que ce soit le signe avant-coureur de la recomposition que nous attendons tous avec impatience. Pour moi, évidemment, dans le sens de la démocratie et de la liberté. 

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27/04/2007

Albert Camus, la patrie du verbe.

"Ma patrie, c'est la langue française", écrivait Camus. On devrait le relire ces jours-ci, ce serait un repos. Il faisait dire aussi à Napoléon dans "Les amandiers" : "Il n'y a que deux forces au monde, le sabre et l'esprit . À la longue, l'esprit l'emportera toujours sur le sabre". Que certains en prennent donc de la graine.
 
Camus, le pessimiste, le pacifiste, le résistant, le directeur de "Combat" clandestin sous l'occupation, l'enfant français de l'Algérie opposé à la guerre, ennemi de ses amis, toujours tourné vers l'exigeance de l'intelligence, est l'un des hommes indomptables qui manquent à notre époque.
 
Jamais dupe, jamais emporté par une autre idée que la sienne, repoussant également toutes les opinions faciles, montrant son long visage et son regard incisif, il ne se laissait pas dominer. Pas assez pour la tranquillité de ses contemporains.
 
Ami des Gallimard, il a représenté pour une génération l'aune de toutes les indépendances d'esprit.
 
Tout le monde a lu "L'étranger" ou "La peste" au lycée. Je préfère "L'étranger", bien qu'il faille le lire un jour où le soleil brille fort et où on vient de gagner un milliard au Loto pour éviter de sombrer aussitôt dans la plus affreuse déprime. Son théâtre ne vaut pas celui de Sartre mais le relatif oubli ou, pour mieux dire, la trop grande négligence dans laquelle il est tenu relève de l'injustice.
 
Huster a repris son "Caligula" voici quelques années, à peu près avec la même idée étrange que Lawrence Olivier interprétant Hamlet à l'âge de cinquante ans. Ce Caligula nous rappelle de quoi est faite l'âme des dictateurs.
 
À méditer donc ces jours-ci. Libre.