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30/07/2007

Présomption d’innocence : une régression de plus.


Le « Télégramme » est un journal parmi d’autres, une écharde de l’arbre des quotidiens du groupe Dassault après en avoir été une du groupe Hersant. La direction opérationnelle de cette publication ordinaire est assumée par les héritiers de ses fondateurs, les frères Coudurier.

Sur place, en Bretagne, Ouest-France a la réputation d’être lu par la gauche et cette forme de la gauche que constitue pour la vraie droite le centre droit et le centre. Les réac raffolent du « Télégramme » qui n’est pourtant qu’une publication un peu plus laïque qu’Ouest-France, avec une ligne éditoriale ondoyante, orientée vers Sarkozy comme presque toute la presse écrite depuis deux ans.

Ce journal ne mériterait aucun commentaire s’il ne venait de consacrer toute sa une, d’un coup, à la photo d’un tyran déchu, surchargé d’une formule sans appel : « La chute de “Néron“ ». Néron est, une phrase le signale un peu plus bas, le surnom donné, paraît-il, par Mme Chirac à Dominique de Villepin.

Voici donc Villepin tombé.

Quand ?

Jamais.

Eh non : il vient d’être mis en examen et, pour autant que l’on ait compris les événements récents, c’est en résultat de ses propres manœuvres qu’il l’a été : il avait refusé de s’exprimer avant d’avoir pris connaissance de son dossier ; or pour avoir cette connaissance, il fallait qu’il fût en examen. C’est une règle de procédure qui a conduit d’autres personnalités à la même solution dans le passé ; donc rien d’extrême.

D’ailleurs, même s’il avait subi cette inculpation, Villepin n’aurait pas été coupable pour autant ; voilà le principe de la présomption d’innocence : tant qu’un juge ne l’a pas déclaré coupable, cet homme est innocent.

Où donc est sa chute ?

À la une du « Télégramme ».

C’est un pur scandale. Une honte. Notre presse n’en finit pas de se vautrer dans sa propre boue.

Quant au fond de l’affaire, on doit remarquer que la petite affaire, celle de la dénonciation calomnieuse (une scène de mauvaise opérette, une guignolade pathétique), a complètement obéré la vraie, celle du rôle que pourrait effectivement jouer l’organisme Clearstream dans le blanchiment d’argent mafieux.

Reparlons de Denis Robert, n’oublions pas de nous étonner pour la millième fois de l’étrange acharnement qu’il subit de la part d’institutions de notre État français et interrogeons-nous sur la définition même d’une mafia : une collusion d’intérêts qui englobe des brigands « officiels » et toutes sortes d’infiltrés et de corrompus dans tous les rouages de l’État. Les acharnés contre Denis Robert seraient-ils aussi les infiltrés de la mafia dans l’État ?
Mais alors, se pourrait-il que fût vraie la rumeur qui court et qui affirme que, parmi les vrais mis en cause de la première affaire Clearstream (celle dont un jour Villepin ministre a été informé par un esprit attentif), il y ait eu de ces fameux hauts fonctionnaires qui entrent dans la définition même de l’organisation mafieuse ?

Et dès lors, la défense de Villepin, qui a indiscutablement mis en branle une mécanique d’enquête parallèle aux institutions normales de l’État, cette défense ne serait-elle pas justifiée et pertinente ?

Et si c’était vrai ?

Et s’il avait vraiment contourné les voies ordinaires pour éviter que son enquête ne passât par les mains de ceux qui avaient pour but évident de la combattre ?

Pourquoi cet aspect de l’affaire n’est-il jamais évoqué ?

Je n’ai pas d’actions chez Villepin, je n’aurais certainement pas voté pour lui s’il avait été candidat à la présidence, mais je trouve indigne de notre république, et tout à fait suspect, que l’on ne s’exprime qu’à charge contre lui.

La dénonciation calomnieuse de Sarkozy est l’une des anecdotes politiques les plus pitoyables que j’aie lues et entendues. La manie du « général » Rondot de garder des traces (authentiques ? - pourquoi pose-t-on si rarement cette question ?) de ses conversations officieuses, l’effervescence primesautière de M. Gergorin qui se proclame corbeau, puis accuse (sa parole…) Villepin d’avoir nourri sa correspondance, après avoir été l’un des rouages d’un prétendu complot aberrant et puéril, invraisemblable à ce point de ridicule, mais prétendument monté par le même Villepin, tout cela est digne d’un roman pour tout petits enfants tordus.

Et peut-on croire que Sarkozy n’ait rien su ? Bien sûr que si, il savait, dit-on par ailleurs. Alors, et si c’était lui qui avait tendu un piège à Villepin en lui soufflant (faisant souffler) l’idée de cette machination grotesque ? Et si c’était lui qui avait poussé la roue vers le précipice ?

Après tout, tout est possible.

C’est pourquoi, dans cette nébulosité persistante, la prudence devrait inspirer nos journalistes et si leurs employeurs n’étaient pas mus par la plus manifeste servilité et ne les incitaient à trahir leur mission de militants de l’info, ce serait un grand repos.

Je voudrais qu’ils s’intéressent un peu plus à la vraie affaire Clerstream et un peu moins à la pantalonnade qui déshonore notre classe politique depuis des mois.

28/07/2007

MoDem : quelle géométrie ?

Droite, gauche, centre, la géométrie a envahi la politique depuis longtemps. La part de l’électorat qui n’aime  pas réfléchir par elle-même se trouve confortable dans cette partition de l’espace idéologique où la localisation est simple, voire évidente.

«Je suis de droite», «Je suis de gauche», «Je  suis centriste»...

On ne sait pas toujours ce que recouvre cettte opposition. On dit que le peuple est de gauche et la nation de droite (d’où la savante expression de la constitution  de 1958 : «la souveraineté nationale appartient au peuple français», censée garantir la synthèse des sensibilités populaire et nationale) ; on dit que le social est de gauche et la sécurité de droite ; on dit aussi que l’écologie est de gauche et l’agriculture de droite ; que le conservatisme est de droite et le progressisme de gauche...

Bref, on énumère.

Et depuis quelques années, l’électorat, tout en continuant à se définir parfois selon la logique géométrique, sent bien que celle-ci devient une limite de l’efficacité de l’action publique, cependant qu’elle rend mal compte de la réalité de ceue font les politiques des deux bords, qui se ressemble de plus en plus.

De là le succès de l’idée  d’union nationale défendue par Bayrou lors de la récente campagne présidentielle et incarnée à sa façon par Sarkozy.

Seulement, pour Bayrou, l’union de tous est une coooonviction viscérale alors que pour Sarkozy, elle représente une tactiqqqqque mmmmmmomentanée, lénifiante, abussive, illusoire.

Et s’il faut faire de la pulsion de l’homme Bayrou un principe fédérateur d’une formation politique, il reste à savoir comment celle-ci pourra s’engager dans la constitution de majorités   locales puis nationales. Il est vrai que la vie du MoDem ne peut pas se résumer à la préparation de l’élection présidentielle de 2012.

Et on voit bien à quel point il est diffcile à ceux qui se perçoivent de gauche et bayrouistes de tolérer des bayrouistes de droite et l’inverse aussi, tant la composition d’équipes avec des sectaires de droite et e gauche (non bayrouistes, eux) pèse sur les choix personnels de nos amis. Heureusement, beaucoup de MoDem ne se reconnaissent pas dans la répartition géométrique, ou bien se pensent centristes.

Mais tout de même, la question principale est sur la table : ni droite, ni gauche, c’est l’évidence et la façon la plus juste de raisonner en politique ; seulement, en termes concrets et opérationnels, on fait comment ?

Plus que l’organisation, c’est cette réflexion stratégique qui m’intéresse, bien que je croie les choses déjà jouées en fait dans l’esprit de Bayrou et de ses proches.

Le MoDem doit rester libre.

Personnellement, je n’ai pas plus d’estime pour la gauche que pour la droite.

27/07/2007

Union méditerranéenne : oui, mais.

Pendant que le chat n’est pas là, les souris dansent : Fillon a profité de l’absence de Sarkozy pour donner une conférence de presse...

Le voyage de Sarkozy en Afrique, lui, a commencé par la Libye, on devrait dire par l’alibi. Et tout de suite, on s’est aperçu que la rupture sarkozyenne, là comme ailleurs, se définissait par une paire de pantoufles, celles de la vieille droite post-gaullienne : défendre les intérêts de notre compagnie pétrolière et vendre une centrale nucléaire ; on pourrait croire revenu le temps où, dans les années 1970, nous avons vendu du nucléaire civil à l’Irak et à l’Iran, avec les conséquences que l’on sait.

Quoiqu’il en soit, le projet d’union méditerranéenne voulu par le président doit se trouver conforté par cette initiative. Le Maroc et la Tunisie n’y feront pas de difficulté, l’Algérie a paru y venir, l’Égypte négociera une position forte (si elle ne prend pas ombrage du nucléaire libyen, auquel cas elle sera cassante), le Liban n’a guère le choix, Israël en sera forcément, mais voudra aussi un rang, comme la Turquie et l’Algérie. Bref, il va falloir payer pour beaucoup d’États, un peu comme dans le cadre de la Francophonie. Qui le fera ? La France ? Avec quel argent ? Mystère.

Au-delà de cet aspect, une double question se pose : comment s’articulera la nouvelle union avec l’Union européenne d’un côté et avec son homologue africaine ? Là encore, mystère.

Certains de nos politiciens (comme Strauss-Kahn) pensent que la véritable Europe couvre tout le pourtour méditerranéen. L’union méditerranéenne serait-elle alors une spécialité géographique de l’Union européenne ? Ou seulement une façon d’éteindre les appétits de la Turquie ? Un moyen de se rapprocher d’Israël ? Ou du Monde arabe ? Mystère.

Une autre interrogation, pratique, vient à l’esprit : comment combiner une union douanière européenne sans y impliquer les institutions européennes ? L’union méditerranéenne est-elle voulue comme un instrument pour la construction européenne ou contre elle ? Est-elle destinée à noyer le poisson de l’Europe dans l’eau tiède de la Méditerranée ou, au contraire, à tisser de nouveaux liens pour étendre l’influence de l’Europe ? Mystère et boule de gomme.

Il est évident qu’elle ne sera viable que si elle se combine harmonieusement avec la dynamique européenne.

24/07/2007

Liberté ?

Quel est le point commun entre Sarkozy et Zola ? Le déterminisme. Tous deux croient que l’être humain est prévisible, son destin écrit d’avance et dicté par l’hérédité.

Y a-t-il un paradoxe dans ce rapprochement de l’écrivain de la gauche ouvriériste et du politicien de la droite bonapartiste ? Sans doute. Mais leur idée commune est connue : le productivisme. Leur vision du monde est quantitative.

Et si l’un veut inciter les animaux humains à s’agglomérer dans des émanations de l’Internationale, l’autre use de tous ses charmes pour les manipuler car il les aime comme public à assujettir par la manoeuvre. Dans les deux cas, l’être n’est qu’une variante de la masse.

C’est pourquoi, si l’on peut s’étonner de me voir relire Zola ces jours-ci, on doit bien penser que c’est pour ce rapprochement bizarre.

Je viens de rouvrir «La curée», le roman de la spéculation foncière et de la métamorphose de Paris commencée sous la monarchie de Juillet et amplifiée à un train d’enfer sous le Second Empire. Victor Hugo conie ainsi dans ses carnets s’être plusieurs fois égaré dans Paris en y revenant en 1870 après près de vingt ans d’exil : il n’y reconnaissait plus rien.

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19/07/2007

À quoi sert le premier ministre ?

Selon la constitution, le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation, le premier ministre est le chef du gouvernement. Autrement dit, c’est lui qui dirige l’action de l’État.

Cette fonction a vite rencontré, dès les débuts de l’application de la constitution de la Ve république, la difficulté que le vrai chef de l’action de l’État est devenu le président, le premier ministre se chargeant avant tout de l’« intendance », soit l’action économique et sociale, l’organisation de l’État, la police, l’éducation, bref, la vie, cependant que le président fixait les objectifs, ce qui revenait en pratique à empiéter sur les prérogatives de « détermination » de la politique de la nation telles que les entendait la constitution.

De fait, cet article de la constitution n’a été appliqué qu’en période de cohabitation, ce qui peut paraître un paradoxe. Dès lors que l’on cherche à éliminer toute hypothèse de cohabitation (logique du quinquennat et du jumelage des élections présidentielle et législatives), il est plus honnête de supprimer le poste de chef du gouvernement, d’en transférer les fonctions au président et ainsi de faire de ce dernier le vrai chef de l’exécutif.

Seulement, il y perd à la fois sa mission de rassemblement et son fusible.

La logique d’un président secondé par un premier ministre pouvait ressembler à celle d’une organisation militaire, le capitaine soutenu d’un lieutenant, mais en supprimant le lieutenant, on laisse le capitaine seul face à la troupe alors que la fonction de commandement est bien double.

Supprimer le poste de premier ministre est donc sans doute une erreur. Cela pose surtout de redoutables questions sur l’expression de la démocratie et la séparation des pouvoirs, le parlement semblant plus abaissé que jamais.

18/07/2007

Faut-il supprimer le poste de premier ministre ?

Depuis la création de la Ve république, les constitutionnalistes sont hantés par la dyarchie du pouvoir exécutif, dont les responsabilités sont réparties sur deux têtes, celle du président de la république et celle du premier ministre.

Michel Debré, signataire de la constitution et inaugurateur du poste, lui donna pourtant un profil modeste et effacé devant le soleil présidentiel. Georges Pompidou, lui, sut si bien incarner la fonction de premier ministre qu’il songea immédiatement à la supprimer dès son avènement à l’Élysée : il savait le poids qu’elle donne à son titulaire. Le renvoi de Jacques Chaban-Delmas, en 1972, donna l’occasion d’un cas d’école institutionnel de réflexion sur la légitimité du locataire de l’hôtel Matignon.

La cohabitation fut le pinacle de la démonstration des inconvénients de l’organisation institutionnelle prévue par la constitution de 1958, comme elle porta le premier ministre au sommet du pouvoir réel. Les sommets européens où, durant cinq ans, parurent à la fois le président Chirac et son premier ministre Jospin furent à juste raison jugés porteurs d’affaiblissement pour notre pays.

On imagina alors de jumeler

L’inflation et la politique du gouvernement.

En 1975, en pleine poussée inflationniste, le tandem Giscard-Chirac fit une active relance keynésienne, c’est-à-dire par la dépense publique. Le résultat de cette initiative à contretemps fut une inflation galopante et une crise industrielle et commerciale profonde qui n’était pas entièrement purgée après presque cinq ans de rigueur lorsque Raymond Barre quitta l’hôtel Matignon et le président Giscard d’Estaing l’Élysée.

Or l’inflation est à nos portes, la Banque centrale européenne (BCE) l’a bien compris puisqu’elle a augmenté ses taux directeurs.

Pourquoi ce retour du spectre de l’inflation ? La surchauffe de l’économie mondiale.

Déjà, la croissance galopante de la production et de la consommation chinoise et dans une moindre mesure encore indienne ont provoqué de très vives tensions sur le marché des matières premières énergétiques. Voici qu’elle pèse sur les autres denrées primaires, notamment celles de l’alimentation.

L’annonce d’une hausse vertigineuse du prix des blés et du lait, avant inflation, devrait être une bonne nouvelle pour les agriculteurs et même pour les organismes de subvention, notamment européens.

L’affaire n’est pas si simple : la politique bruxelloise a plus ou moins bien anticipé l’évolution du marché et continue à subventionner des réductions de production sur des marchés marqués au contraire par la rareté. Paradoxalement, la politique européenne contribue à la pénurie, ce qui est l’inverse de sa fonction vitale. La réactivité de ces institutions est désormais en cause.

En revanche, la hausse des cours mondiaux, qui semble structurelle, devrait permettre à terme plutôt court de réduire les subventions à l’agriculture.

Seul le consommateur y perd si l’on n’intervient pas et, de ce côté-là, rien ne paraît pouvoir empêcher la hausse des prix à la consommation ; le déraisonnable déficit budgétaire prévu par M. Sarkozy aura donc d’autant moins d’effet sur la croissance du PIB français qu’il risque bien d’être immédiatement absorbé par l’inflation.

La spirale d’une réédition de la crise connue à la fin des années 1970 est donc bien en place. Dommage.

16/07/2007

La patrie européenne.

Belle promesse, le passage des oldats des 27 sur les Champs-Élysées.

Double promesse d'ailleurs : la France ne boude plus et, désormais, l'armée se pense à 27, y compris pour les projets de développement militaro-industriel.

Cette promesse sera-t-elle tenue ? L'avenir le dira. 

13/07/2007

Le mécano constitutionnel et la Vie république.



Sarkozy l’ubique s’est déplacé sur les terres du président du Sénat pour lancer sa réforme de la constitution.

La pantomime ridicule à laquelle s’est livré le Parti Socialiste en préambule de cette initiative en a renforcé l’impact et lui a conféré une dimension très solennelle et transpartisane : en critiquant le débauchage d’un constitutionnaliste de gauche par la droite, les éléphantômes en ont fait une tentative réelle de transcendance des courants. Leurs cris d’orfraie auraient mieux fait de s’adresser à la politique économique du gouvernement, qui est un événement bien plus redoutable et important pour les Français que l’éventuelle participation d’un vieil éléphant à un aréopage destiné à amuser la galerie.

Car comme d’habitude, les jeux sont faits d’avance pour le futur comité constitutionnel : Sarkozy lui a rédigé une feuille de route sans grand espace de négociation, d’autant moins que c’est Édouard Balladur qui est supposé en prendre la présidence. On peut d’ailleurs s’étonner au passage qu’il faille toujours trouver des comités constitutionnels pour caser les gloires déchues ; c’était la logique du siège automatique et perpétuel des anciens présidents de la république au Conseil constitutionnel (Vincent Auriol et René Coty en 1958), c’était encore le pupitre de Valéry Giscard d’Estaing pour la rédaction du traité constitutionnel européen, c’est enfin le sépulcre de l’homme qui a augmenté l’endettement extérieur de la France de vingt-cinq pour cent en deux ans entre 1993 et 1995 : Balladur.

Sarkozy a prôné la rupture durant sa campagne ; rupture, on ne savait pas bien avec quoi. Avec Chirac en tout cas. Avec de nombreuses habitudes peut-être. Avec la Ve république ? Cet aspect de son programme m’avait échappé, même si j’avais du mal à y trouver des traces de gaullisme.

En vérité, si l’accentuation de la présidentialisation du régime est l’une des deux possibilités qui se présentaient. Elle n’était pas étrangère à la façon dont Bayrou lui-même envisageait le rééquilibrage des institutions pouvant conduire à une Vie république.

Mais dans le projet Bayrou, il n’existait plus d’article 49-3.

Commençons donc par le commencement : faut-il supprimer le premier ministre ? Si l’on n’évacue pas la responsabilité de l’exécutif, il faut conserver le premier ministre : difficile d’imaginer que le président, élu par le peuple, puisse être renvoyé par le parlement. Donc le premier ministre reste. Mais, le président ayant vocation à s’exprimer une fois par an (comme la reine d’Angleterre et, à l’imitation de celle-ci, le président des Etats-Unis) devant le parlement pour un discours programme, l’aura du premier ministre devrait s’estomper.

Signalons au passage le retour du chef de l’État devant le parlement : ce serait la fin d’un tabou qui date de la IIIe république. Après l’utilisation du référendum pour un plébiscite, pratiquée depuis 1958, ce serait le dernier des piliers de la république militante qui tomberait : depuis 1875, le président n’a pas le droit d’entrer au parlement, bannissement supposé protéger l’indépendance de celui-ci.

Le mythe de l’indépendance du parlement ayant disparu depuis longtemps, il n’y a rien là que de tristement logique et significatif de la réalité des institutions ; sous couvert de réhabilitation du parlement, c’est encore une preuve écrasante de son abaissement.

Une dose de proportionnelle dans chacune des chambres du parlement sera utile surtout à la justice et à la diversité de la représentation nationale, pourvu qu’il s’agisse de proportionnelle dans un cadre régional, interrégional ou national et non dans le cadre départemental qui maintiendrait la prédominance de la bipolarisation.

En revanche, l’implication plus directe du président dans le fait majoritaire et parlementaire est la fin pure et simple de la conception gaullienne de la fonction présidentielle. De surcroît, elle risque d’aboutir à la pérennisation de la bipolarisation encore, en renforçant l’argument utilisé contre Bayrou lors de la récente campagne présidentielle : avec qui gouvernerait-il ?

Eh oui, s’il doit traiter avec le parlement, qui acceptera de travailler avec lui ? C’est en fait modifier la nature de l’élection présidentielle, cette rencontre d’un homme et d’un peuple comme aime à le dire Bayrou, et remettre définitivement le président entre les mains des appareils politiques, qui est à proprement parler ce que de Gaulle lui-même appelait la « république des partis ».

Pour le reste, on avait déjà les apparences du despotisme le plus explicite avec la façon dont Sarkozy affirmait son pouvoir gouverné par l’opportunité, la subjectivité et, disons-le, le caprice, voici que l’on commence à constater ce que l’on nomme des effets de cours dans sa gestion (par ailleurs le seul défaut de la structure centrale du MoDem aussi) : il est plus important et légitime d’être secrétaire général de l’Élysée ou épouse du président de la république que d’être ministre, investi par le parlement, pour négocier publiquement avec les chefs d’États étrangers. Bravo…

Bientôt, le chauffeur du président de la république aura plus de pouvoir que le premier ministre, il n’y aura plus qu’à réinstaller Sarkozy à Versailles (sa femme est déjà à la Lanterne, sur le chemin) et le tour sera joué.

Décidément non, tout ça ne ressemble pas à la Vie république, mais plutôt à une seconde restauration ou à un troisième empire… un empire – en pire !

Si au moins tout cela portait une vertu comptable et financière, on pardonnerait tout ; mais étant donné ce qu’on voit, on ne pardonne rien.

Alors, traçons notre sillon MoDem, il en sortira une bonne récolte un jour ou l’autre. Vive la liberté.

11/07/2007

L’Euro a besoin du MoDem.

Placer un fabiusien (Didier Migaud) à la tête de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, on s’en aperçoit, n’avait rien d’anodin pour Sarkozy : c’est une syllabe supplémentaire de son double langage européen.

En effet, Sarkozy l’Européen, qui invite les troupes des vingt-sept États membres de l’Union européenne à défiler le 14 juillet sur les Champs-Élysées, est aussi celui qui, par sa folle politique budgétaire, met l’Euro en péril à la plus grande satisfaction de Migaud et des amis de Fabius.

Or s’il est vrai que le cours stratosphérique de l’Euro pénalise à court terme les exportations l’Union européenne, il est vrai aussi que la ligne de conduite de la Banque centrale européenne (BCE) est conforme au traité de Maestricht ; en fait, l’Euro fort, progressivement, prend sa place comme monnaie de référence et tel était le but de sa création : inventer une monnaie capable de rivaliser avec le dollar comme unité de réserve.

Les échos que j’ai de voyageurs de l’Orient extrême attestent que la grande régularité de la monnaie européenne, sa solidité et sa prévisibilité, qui font d’elle un véritable Franc Suisse ou, disons-le, un véritable Deutschemark, poussent d’année en année les banques lointaines et les entreprises tournées vers la thésaurisation à accumuler de l’Euro, de préférence sous forme de gros billets.

C’est ainsi que, peu à peu, l’économie mondiale des devises s’organise conformément à l’adage des historiens de la monnaie qui veut que « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». La mauvaise monnaie, celle qui circule, pleine de fausses coupures, grevée d’une politique publique opportuniste, c’est le dollar ; la bonne monnaie, celle que l’on aime voir dormir dans les coffres-forts, c’est l’Euro.

Bien sûr, je force le trait : on adore partout entasser des dollars. Mais, jour après jour, le respect de l’Euro augmente et rogne l’image que l’on a du dollar.

Par conséquent, il ne fait aucun doute qu’à terme, la ligne de l’Euro fort sera féconde.

En attendant, elle ne pénalise que les économies qui manquent de rigueur. La vertueuse économie allemande n’est pas handicapée par l’Euro fort ; et pourtant, elle vit au moins autant que la nôtre de ses exportations hors d’Europe.

Est-il vrai qu’Airbus soit grevé par la force de l’Euro ? Moins que Sarkozy ne le prétend. Et on voit bien que ses amitiés sont là plus atlantistes qu’européennes. Le fait que Dassault soit partie prenante dans le nouveau Boeing pèse sans doute plus que la part de Lagardère dans Airbus. Sarkozy hiérarchise ses sympathies.

Du reste, l’Euro, Airbus, il commence à accumuler les points de contentieux avec l’Allemagne.

Ne soyons donc pas dupes de ses mielleuses rodomontades européennes : il ne vit que par l’esbroufe. Le jour où la réalité le rattrapera, l’Euro aura deux fois plus besoin encore de nous, le MoDem.

07/07/2007

L’inépuisable affaire “Clearstream“.

Il faut ici rappeler la scandaleuse persécution que subit le journaliste Denis Robert, initiateur de l’appel de Genève qui a lancé une campagne solennelle de juges européens contre les systèmes mafieux et contre la corruption.

L’incroyable acharnement qu’il subit de la part de certaines administrations laisse profondément perplexe sur les liens que l’on accuse parfois une partie de nos dirigeants politiques et administratifs d’entretenir avec des réseaux criminels.

Quoiqu’il en soit, c’est bien Denis Robert qui a le premier formulé l’hypothèse que Clearstream, un organisme luxembourgeois de compensation entre établissements bancaires, pourrait couvrir sciemment le blanchiment d’argent frauduleux auquel ses mécanismes financiers seraient employés.

Passons sur l’éventualité que cette même méthode puisse servir aussi aux services secrets de tous bords, ce qui expliquerait une partie de l’animosité de nos hautes sphères, et concentrons-nous sur l’invraisemblable feuilleton politique qu’évoque le nom de Clearstream.

La première période est un Feydeau : accusations mensongères, cris d’orfraie de l’accusé qui a préparé sa contre-attaque à une machination puérile qu’il a éventée dès son origine, portes qui claquent, beaucoup de vent dans les médias, coups de théâtre minuscules indéfiniment montés en épingle, le tout sur fond d’un document qui, dès le premier regard, s’avère un faux grossier.

Le comble du ridicule et de la honte pour notre pays est le moment où les deux principaux membres du gouvernement sont sur le point de se traîner mutuellement en justice et où personne, jamais, ne démissionne, où le parlement, inutile comme d’habitude, se contente de rester spectateur d’une bataille de chiffonniers dégradante.

Puis l’accusation tombant d’elle-même, ne reste que le processus de l’arroseur arrosé : dans la course à l’élection présidentielle de 2007, Dominique de Villepin est accusé d’avoir fomenté de toutes pièces la calomnie contre l’actuel président Sarkozy, alors son compétiteur.

Alors commence une phase plus souterraine, non moins redoutable, où la justice s’acharne contre l’équipe de Villepin, espions distraits, faussaires maladroits, entrepreneurs mythomanes, bref, une sorte de parodie burlesque et grinçante, quelque chose entre Arsène Lupin et Fantômas, jouée par les Branquignols.

Puis, dans la période récente, d’autres perquisitions spectaculaires, au “Canard enchaîné“ notamment (où l’on ne peut s’empêcher de trouver étrange l’obstination de la justice à mettre la main sur les fichiers incriminés de Clearstream), et enfin chez Villepin encore, contraint d’interrompre ses vacances pour venir assister aux investigations des enquêteurs parce qu’on a trouvé chez l’invraisemblable général Rondot de nouvelles preuves mystérieusement gravées dans le disque dur de son ordinateur.

C’est ainsi que l’on voit un Chirac très tendu se présenter à l’église non loin de Nicolas Sarkozy pour s’incliner sur la dépouille mortelle de Claude Pompidou.

06/07/2007

Bretagne : le centre à reconstruire.


Longtemps, le centre fut incarné en Bretagne par Pierre Méhaignerie, le maire de Vitré.

C’était alors, pour le centre, le temps des héritiers : Méhaignerie fils et successeur de son père, Barrot fils et successeur de son père, Bosson fils et successeur de son père, Baudis fils et successeur de son père, et combien d’autres.

Tous ces héritiers sont depuis lors passés à l’UMP.

Méhaignerie, lorsqu’il dirigeait la formation centriste (CDS) dans l’UDF, s’employait à noyauter la Bretagne. Le résultat de ses efforts fut … la disparition progressive du centre de la carte électorale bretonne, sauf dans son propre département, l’Ille-et-Vilaine où, au contraire, ce furent les gaullistes qui perdirent sans cesse du terrain.

Au moment où Méhaignerie quitta le centre pour passer à droite, le centre était majoritaire à lui seul en Ille-et-Vilaine.

Mais l’addition de ce centre et de la droite dans l’UMP fait qu’aujourd’hui, le département est … à gauche.

Il y a donc beaucoup à reconstruire et une vraie place pour le MoDem.

En vérité, ce qui a perdu Méhaignerie, c’est probablement l’argent, l’affaire de la construction du pont de l’île de Ré quand il était ministre de l’Équipement, et plus encore les curieux flux financiers qu’il a organisés avec l’argent de son parti, qui lui ont valu condamnation par la justice, une condamnation amnistiée avant même son prononcé.

Le côté sympathique du personnage résidait dans son rêve d’inventer une formation politique rien que pour la Bretagne. Il voulait en effet un parti régional, dans la logique agro-catho des héritiers du MRP, sans affiliation à une formation parisienne.

Il n’est pas parvenu à ce résultat, mais a désormais la haute main sur l’UMP bretonne.

Aujourd’hui, il ne reste plus qu’une poignée de députés de cette formation. Deux en Ille-et-Vilaine sont d’anciens centristes : lui-même et le maire de Saint-Malo, René Couanau. Un aussi dans le Morbihan est le vétéran de l’Assemblée Nationale, non le plus ancien mais le plus vieux : Loïc Bouvard, un ancien d’Air France père de six enfants (on dit qu’il ne s’est fait réélire que pour transmettre sa circonscription à un plus jeune UMP plus à droite). Dans le Finistère, les deux députés UMP restants sont plus à droite aussi, comme les autres du Morbihan. Il n’y en a aucun dans les Côtes d’Armor.

En Loire-Atlantique, département de la Bretagne historique, on se rappelle que Michel Hunault vient de passer au Nouveau Centre.

Les résultats électoraux du MoDem ont déçu en général après le beau score réalisé par François Bayrou dans la région. Douze ou treize pour cent ont été ici des scores courants pour des candidats du MoDem. Quelques-uns ont fait moins, comme Isabelle Le Bal à Quimper, d’autres ont brillé plus, comme Michel Canévet, maire et conseiller général, qui atteignait déjà dix-huit et demi lorsque Bayrou culminait à six virgule huit, et qui s’est haussé jusqu’à dix-neuf et demi. Bien entendu, mention spéciale pour Thierry Benoît, l’unique député métropolitain du MoDem hors des Pyérénées-Atlantiques.

Pour les municipales, il faudra trouver de bons candidats mais le terrain est prometteur : nombreuses sont les petites communes où Bayrou est arrivé en tête au premier tour de la présidentielle.

Dans les principales villes, l’électorat du MoDem sera décisif et tout le jeu pour les candidats consistera à coller au plus près de ces électeurs. L’effort ne sera pas toujours faible, en particulier pour une partie des anciens cadres de l’UDF habitués à vivoter comme force d’appoint de l’UMP : ils devront jouer leur carte jusqu’au bout sans tabou et ce sera pour eux une révolution culturelle qu’on leur souhaite de pouvoir assumer.

Il faudra donc leur fournir un outil programmatique simple et puissant, des valeurs fortes à défendre et à incarner.

Nantis de ces calculs et de leur score, ils devraient faire monter une génération nouvelle dans les conseils municipaux et produire un ou deux sénateurs en complément de Philippe Nogrix, à moins que Sarkozy ne réforme l’élection du Sénat d’ici là, mais comme on dit, ceci est une autre histoire.

05/07/2007

Vu de Bretagne.

Vue de Bretagne, l’actualité parisienne est lointaine.

Ici, l’offensive du pouvoir contre les gendarmes prend un tour très local : on ferme deux gendarmeries au motif de leur vétusté.

Bien entendu, le tissu social en souffre : encore des services publics qui désertent la campagne, ces deux postes de gendarmes se trouvaient dans les dernières parties vraiment rurales du Finistère.

On commente aussi le choix du rectorat pour l’implantation de l’IUFM : ce sera Brest et non Quimper. Le grand port militaire n’en finit plus de profiter de la présidence du département pour déshabiller le chef-lieu rival.

Le grand sujet qui a fait la une est surtout la création du parc régional maritime au large des côtes, autour des îles d’Ouessant et de Sein. Repoussée jusqu’après les élections pour ne pas effaroucher une population que l’on croit hostile au projet, cette initiative satisfait les amis de la nature maritime et inquiète tous les autres en menaçant le prix des terrains, une réalité à laquelle on est très sensible sur les côtes où les tarifs commencent à devenir intéressants.

Voilà donc quelques nouvelles d’ici.
 
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04/07/2007

Lefebvre Utile (LU) et parlement inutile (PI).

L’annonce de la vente des biscuiteries LU à un géant américain le jour même du discours d’investiture de François Fillon rappelle que Nicolas Sarkozy a de nombreux cadeaux à faire à ses commanditaires américains.

Il arrive que certains hommes de pouvoir vendent leur âme au diable pour leur carrière mais l’âme que Sarkozy a vendue, c’est la nôtre, celle de la France.

Quoiqu’il en soit, on est forcé de reconnaître que Fillon ne déçoit pas : il est aussi ennuyeux que prévu.

Sa phrase sur le couple présidentiel doit pratiquement être prise au premier degré. D’une part, parce que Fillon a été introduit en politique par Joël Le Theulle, homosexuel très explicite, mais aussi parce que c’est à une véritable démonstration par l’exemple de toutes les théories psychologiques que les deux hommes (Sarkozy et lui) se livrent depuis le 6 mai : tout masochiste cherche son sadique, tout sadique cherche son masochiste et les deux se sont incontestablement trouvés, Fillon le masochiste et Sarkozy le sadique.

En témoigne d’ailleurs la facétie qui a consisté à envoyer Fillon faire sa première visite officielle en compagnie du député Christian Vanneste qui a été condamné pour propos homophobes.

Après Sarkozy et Cécilia, Royal et Hollande, voici donc le troisième couple diabolique de l’année : Sarkozy et Fillon. Astiquez vos cuirs et vos latex.

Au milieu de cette danse des sept voiles, François Bayrou, le pouce gauche toujours dans le plâtre, a paru s’ennuyer ferme lors de la séance du vote d’investiture. La couverture de sa présence par la télévision a été sans surprise non plus : nulle.

Qu’a-t-il fait ? Qu’a-t-il voté ? Pas un mot. Ses sept millions d’électeurs jugeront.

On a en revanche revu l’inénarrable Maurice Leroy, toujours aussi inspiré, expliquer avec son aplomb habituel que le premier ministre a été désigné pour appliquer la politique pour laquelle sa majorité a été élue.

Il ne cherche pas à être bien noté par le petit président de la république inspirateur universel de toutes les politiques, celui-là. Sans doute pour tenter de garder notre sympathie mais c’est curieux, quand il parle, je n’ai plus envie de rire, c’est comme pour Santini, quelque chose ne passe pas.

Hollande, lui, m’a piqué mon mot : omniprésident. J’aurais dû le déposer à l’INPI.

Oh, je les plains, les députés. Ils n’ont jamais été aussi factices, jamais aussi réduits à leur fonction de super-élu local. Le parlement est élu pour obéir, ils le savent. Peut-on monter au calvaire sans pleurer ?

Les grands groupes financiers, eux, se frottent les mains : ils s’apprêtent à traire le PI. La France est bien leur vache à lait.

La préparation de la naissance du MoDem devrait nous consoler. Espérons.

01/07/2007

Jean-Luc Moudenc : comment ne pas perdre la mairie de Toulouse.

Jean-Luc Moudenc est issu d’un milieu modeste. Lorsque j’ai fait sa connaissance, en 1986, il résidait à Toulouse, chemin de Ramelet-Moundi, Les Toulousains jugeront.

Il a adhéré au Centre des Démocrates Sociaux en 1977. Il était alors âgé de seize ou dix-sept ans.

Ce parti avait été créé l’année précédente par la réunion du Centre Démocrate de Jean Lecanuet et du Centre Démocratie et Progrès (CDP) de Jacques Duhamel. Le CDP était issu d’une fraction du Centre Démocrate (essentiellement des parlementaires) qui, entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1969, avait rejoint le camp de Georges Pompidou contre le propre candidat du Centre Démocrate, Alain Poher.

Lecanuet, qui avait entre-temps tenté l’aventure du Mouvement Réformateur avec les Radicaux de Jean-Jacques Servan Schreiber, avait pris en 1976 la présidence du nouveau parti et prendrait celle du nouveau conglomérat englobant aussi les Radicaux, les Sociaux-Démocrates et les Républicains Indépendants, l’année suivante : ce serait l’Union pour la Démocratie Française (UDF).

Lorsque j’ai fait sa connaissance, dans l’été 1986 donc, en Ardèche lors d’une Université d’Été, Jean-Luc Moudenc était déjà silencieux et compassé comme un cardinal. Il adoptait le ton qui fait qu’on le croit toujours à mi-voix. Ce qui frappait en lui était son nez.

On pouvait croire que Rostand avait écrit sa pièce Cyrano pour lui. Son appendice nasal le précédait partout de très loin.

Nanti de cette excroissance, Moudenc promenait son sourire sénatorial et sa silhouette calme au milieu d’une escouade de ses jeunes, dans une atmosphère très gaie et plutôt folle.

Doué pour les conquêtes de structure, il s’était constitué un réseau d’amis et d’affidés en prenant le contrôle de la mutuelle toulousaine des étudiants de droite et du centre. Il s’agissait du système SME-, concurrent minoritaire de la puissante MNEF.

Les SME, contrairement à la MNEF, formaient un réseau d’entités indépendantes regroupées selon un principe confédéral : le vrai pouvoir y était local. Je me souviens de la SMEREP, la mienne, celle des étudiants parisiens, mais on connaissait aussi la SMEBA, la SMESO etc.

À travers sa SME, il bénéficiait donc d’une logistique et d’une hiérarchie capable de détecter et de fidéliser des militants.

En 1984, Moudenc avait rencontré un jeune chirurgien, Philippe Douste-Blazy, qui faisait partie des talents prometteurs du jeune centre toulousain.

La ville était tenue par le vieux Pierre Baudis. Lorsque je notais que c’était un centriste presque historique, puisqu’il gouvernait sous cette étiquette dans les années 1960, Jean-Luc me corrigeait : Baudis roulait pour le centre républicain, et non pour le centre démocrate, et cette nuance changeait tout, car sous-entendu dans démocrate, il fallait lire démocrate-chrétien. Jean-Luc Moudenc s’épanouissait dans un milieu démocrate-chrétien, forcément minoritaire dans une ville longtemps marquée par le radicalisme.

En 1986, au congrès de Metz, nous élûmes notre bureau national des jeunes centristes (JDS). Deux listes se confrontaient : l’une, conduite par Éric Azière qui aujourd’hui gère les investitures pour Bayrou, l’autre menée par un autre Toulousain, Jean-Luc Forget, celui-là même qui vient de se présenter  sous l’étiquette MoDem contre Moudenc aux législatives toulousaines.

Sans figurer sur la liste d’Azière, j’y étais affilié, car il avait été prévu que je prendrais les fonctions du permanent de la structure sous la casquette de Délégué général national.

Il devint assez vite évident que nous allions gagner. Que non seulement nous allions gagner, mais que notre victoire serait écrasante (elle l’a été : 83%).

C’est alors que l’unique député jeune du parti, un certain François Bayrou, est intervenu auprès de nous : il ne supportait pas que, alors que nous militions tous dans le même mouvement, défendant les mêmes idées, nous puissions en venir à l’affrontement du suffrage. Il voulait DÉJÀ faire travailler ensemble des gens qui s’opposaient les uns aux autres.

Il demandait donc que nous fusionnassions les deux listes en une seule.

Le nombre de candidats était fixe et le scrutin prévoyait la victoire entière d’une liste bloquée. Autrement dit, Bayrou voyait juste : si nous voulions intégrer les autres à nos travaux, il fallait le faire avant le vote car après, ce serait trop tard.

Seulement le nombre de candidats sur chaque liste était limité et pour faire entrer l’un d’eux, il fallait aussi que l’un des nôtres s’effaçât. Et logiquement, puisque la tête de l’autre liste était toulousaine, il fallait que ce fût notre Toulousain qui lui cédât la place.

Jean-Luc Moudenc se retrouvait donc sur la sellette.

Les amis d’Azière se réunirent, votèrent, et décidèrent de maintenir leur liste telle quelle, de rester solidaire et d’aller au vote. C’était un signe d’amitié pour Moudenc.

Et c’est ainsi que j’ai fait partie de la même équipe de jeunes que lui pendant plusieurs années.

Lorsqu’Éric Azière, atteint par la limite d’âge, dut se retirer en 1991, je participai à diverses réunions qui précédèrent la candidature de Jean-Luc à la présidence des jeunes centristes, sans d’ailleurs m’y impliquer trop ouvertement en raison de la situation interne de la fédération de Paris : le candidat adverse de Moudenc n’était autre que Jean-Manuel Hue, aujourd’hui adjoint au maire du XVe arrondissement de Paris et alors président des jeunes centristes parisiens (j’étais son vice-président).

Jean-Luc Moudenc fut élu et cette position lui permit d’affermir ses bases toulousaines : il devint conseiller général, l’un des adjoints en vue de Baudis.

Il se présentait comme un conseiller très proche de celui-ci. Lors de la campagne européenne de 1994, Baudis codirigeait la liste d’union UDF-RPR avec Hélène Carrère d’Encausse.

Un hasard m’a amené à postuler pour rendre service à l’équipe de campagne et Jean-Luc, qui était le collaborateur politique attitré de Baudis, ne manqua pas l’occasion de me renvoyer l’ascenseur du soutien que je lui avais exprimé trois ans plus tôt.

Je devins ainsi le chef ( !) de l’équipe qui répondait au courrier reçu par les candidats.

C’était un poste politique, assez en vue, un geste élégant de sa part.

J’avais d’ailleurs une bonne image de Baudis, dont la belle-sœur et assistante parlementaire avait été une de mes chaleureuses relations à l’époque où j’avais moi-même été assistant.

Je m’engageai donc à fond dans cette campagne en oubliant qu’elle souffrait de la proximité avec la prochaine présidentielle. Et je fus reconnaissant envers Jean-Luc, dont je n’oublie pas la fidélité.

Quoiqu’il en fût, je mesurais tout ce qu’il faisait pour Baudis.

Il avait aussi contribué à l’élection de son ami Douste-Blazy à la mairie de Lourdes. L’un des jeunes toulousains, Thierry Dupuis, s’était même retrouvé chef de cabinet de Douste. Au moment d’une sombre affaire de parking et de pots de vin, Thierry Dupuis, que je connaissais bien et qui, c’est vrai, avait toujours été sujet à des états d’âme, fut retrouvé mort, et l’enquête conclut qu’il s’était suicidé d’un coup de fusil de chasse.

On sait quelles ont été les autres raisons qui ont poussé Douste à quitter Lourdes pour revenir à Toulouse ; la première de celles-ci était le départ de Baudis, empêtré dans une sombre histoire par des accusations lancées par une prostituée, histoire à laquelle j’avoue n’avoir pas cru un instant étant donné d’autres échos que j’avais sur Baudis.

Bref, Baudis partant, il lui fallait un remplaçant, Douste ne se sentait plus bien à Lourdes, ville d’ailleurs petite pour ses vastes appétits, et hantée par un personnage dérangé dont l’obsession consistait à lui planter un poignard entre les omoplates pour une raison qu’on a toujours ignorée.

Douste se voyait bien à Toulouse et Moudenc fut l’artisan de l’opération.

Il y gagna encore en influence locale.

Et quand Douste-Blazy, ministre, dut démissionner, Moudenc devint maire.

Je l’ai croisé pendant la récente campagne présidentielle, sur le point de rencontrer Bayrou. Il m’a paru figé, imprégné par la solennité, le copain s’effaçait derrière le magistrat municipal. Il est devenu une personnalité et se conduit comme tel. La fonction fait l’homme.

Il me confia alors le bonheur que représentait pour lui l’exercice de ce mandat de maire, pour lui, l’enfant d’une famille modeste.

Il ajouta que, désormais, son plus grand rêve, c’était de “continuer“.

Mais sur son blog, durant la campagne législative, j’ai lu que lorsqu’un de ses administrés l’interrogeait pour savoir si “en se rasant le matin“ il songeait à devenir ministre, Jean-Luc laissait clairement paraître son désir d’escalader cette marche-là.

Encore aurait-il fallu qu’il devînt député.

Or dans cette ville, Toulouse, Toulouse qui a longtemps voté à gauche aux présidentielles et qui tolérait que Baudis se fût rapproché de la droite parce que c’était Baudis, dans cette ville, donc, la gauche est redevenue majoritaire.

Jean-Luc Moudenc semble ne l’avoir pas compris.

Sa fidélité à l’UMP qu’il a rejointe en abandonnant ses amis centristes est devenue contreproductive.

Il aurait sans doute dû le comprendre avant l’élection. Mais il était si absorbé par l’idée d’empêcher Douste de revenir, qu’il ne l’a pas vu.

Il en sort évidemment affaibli.

On dit même que Baudis voudrait reprendre sa mairie.

Alors ? Quelle autre solution avait-il, Jean-Luc ?

Sans doute se rapprocher de Bayrou. Jouer l’option centriste pour endiguer les deux tentations. Or il n’est pas allé aussi loin.

Résultat : il risque perdre sa ville. Mauvaise pioche. Ce serait dommage pour lui.

29/06/2007

Devedjian traite Comparini de "salope".

Pris par le temps, je glisse seulement le lien avec le blog de Guy Birenbaum qui évoque cette affaire images à l'appui :

http://birenbaum.blog.20minutes.fr/

28/06/2007

Faut-il partir en vacances ?

Le calendrier est parfois un ennemi intraitable.
 
Pour le parlement, l'automne est essentiellement consacré à la discussion budgétaire. La mise en application de la LOLF ne change rien sur ce point. Et après les vacances de Noël éclatera le tonnerre de la campagne municipale qui, comme une pluie drue, s'abattra sur toutes les parties du territoire avec au moins autant d'intensité que l'élection présidentielle ; il n'y a que deux personnes importantes en France : le maire et le président de la république.
 
Donc pour enclencher des réformes, étant donné que la fin du printemps a été mangée par les inutiles élections législatives, il ne reste que l'été.
 
Là comme ailleurs, on peut écrire "Bayrou l'a rêvé, Sarkozy l'a fait" : Bayrou avait annoncé qu'il infligerait un été laborieux aux parlementaires pour lancer les nouveautés. Sarkozy a suivi ce conseil.
 
Pourtant, l'été est la plus mauvaise période pour adopter des réformes importantes : le parlement légifère dans l'indifférence, voire l'ignorance, au lieu de s'appuyer sur l'opinion publique pour réléchir et consulter. Et quand les réformes douloureuses réveillent les rhumatismes du peuple, à l'automne, la grogne est terrible contre ceux qui sont aussitôt accusés d'avoir statué en catimini et à la dérobée.
 
Oui, on ne fait pas de bonnes réformes impopulaires l'été.
 
Et il peut paraître léger que ceux qui font profession de vigilance contre ces décisions désertent leur poste pour s'éloigner qui vers le soleil, qui vers la campagne, qui vers l'horizon : en l'absence des citoyens ordinaires, les veilleurs de la société civile et des partis politiques deviennent de véritables surveillants, des matons ou des officiers de quart, astreints à tour de garde. L'abandon de poste est puni du peloton d'exécution en temps de guerre.
 
Mais voilà : l'année a été longue et rude et la saison prochaine sera chargée. On n'est pas d'acier. Il faut savoir se reposer.
 
C'est donc dans l'indifférence et la solitude que les réformes les plus cruciales seront votées.
 
Pour ma part, je quitte Paris pour la Bretagne et pour un temps indéterminé : je vais y développer le quatrième tome de la Réformation des Fouages de 1426, publication fleuve que j'ai entreprise en 2001 ; ce nouveau volume concernera l'ancien diocèse de Léon qui, de la mer à Morlaix à l'est et Landerneau au sud, englobait la place forte de Brest.
 
Je prends le train demain sans avoir l'idée d'une date de retour : le travail commande.
 
Je m'efforcerai durant l'été d'alimenter mon blog en textes politiques et littéraires (et historiques).
 
Bonnes vacances à ceux qui partent en juillet ou août.

27/06/2007

L'omniprésident fomente la révolution.

Du temps où Édouard Balladur était premier-ministre de cohabitation et Nicolas Sarkozy ministre du budget, il suffisait qu'un intérêt catégoriel se manifestât pour qu'aussitôt, les lacets de la bourse de l'État se déliassent et que la manne se déversât sur l'intérêt offusqué.
 
Au début, il s'agit d'intérêts notoires, de grandes catégories professionnelles, de métiers nombreux : marins-pêcheurs, vignerons et autres ; avec les mois, on vit montrer les dents des catégories de plus en plus anecdotiques, de plus en plus confidentielles, mais qui, à elles toutes, représentèrent une population de plus en plus nombreuse. C'est ainsi qu'en deux ans de ce gouvernement, l'endettement extérieur de l'État augmenta de vingt-cinq pour cent.
 
Voici que le même Sarkozy, devenu président de la république, rechausse ses souliers catégoriels.
 
Il a décidé de transformer ses ministres en porte-serviettes, en ornement théâtral : c'est lui, et lui seul, qui mène la négociation avec les partenaires sociaux. On l'a bien vu avec la loi sur les universités, on le reverra bientôt à tout propos et hors de propos : le style ne trompe pas, l'homme se répète.
 
Or les catégories ne s'y trompent pas : voici qu'une intersyndicale ultra-représentative des journalistes vient de demander à rencontrer le président de la république pour évoquer avec lui les atteintes croissantes à la liberté de la presse.
 
C'est en vérité inouï.
 
On comprend bien que les journalistes, dont l'info est le métier, aient très vite compris la réalité de l'organisation du pouvoir. Mais qu'ils n'aient même pas imaginé ni feint de s'adresser d'abord à un ministre ou au premier ministre, qu'ils n'aient même pas esquissé le geste d'expédier d'abord une lettre ouverte au président de la république, tout cela est le signe d'un déplacement sismique des frontières intérieures de l'État.
 
Il n'y a pas si longtemps qu'on voyait des jeunes en grève dans un collège ordinaire d'une ville comme les autres demander à rencontrer leur ministre comme s'il avait été le commissaire du coin ou le vendeur de pizzas.
 
On verra bientôt les mêmes jeunes exiger, au milieu de n'importe quel mouvement social, de rencontrer le président de la république. Forcément, puisque le président va recevoir à l'Élysée de plus en plus de représentants de catégories de plus en plus réduites.
 
Cette élévation du niveau des revendications est de nature prérévolutionnaire. Elle est l'un des mécanismes qui ont conduit des États-Généraux à la Révolution française.
 
Alors posons la question : Sarkozy est-il révolutionnaire ?
 
Si c'est le cas, ce sera comme Pétain : dans le sens d'une révolution nationale.

26/06/2007

MoDem : l'horizon municipal.

Le MoDem se cristallise peu à peu, département par département, ville par ville. Parti des intello oblige, l'effervescence programmatique est à son comble autour des fameuses "valeurs" du nouveau mouvement.
 
Plutôt des anti-valeurs, d'ailleurs, puisqu'elles ont pour point commun de situer l'être humain au-dessus de toute valeur et la vénalité comme moyen au mieux du progrès matériel qui n'est pas une fin (ni une faim) en soi.
 
Pourtant, l'horizon qui attend la nouvelle armée des démocrates n'a rien de si élevé : la bataille municipale compte plus de débats de carrefours que de métaphyisque, c'est son destin.
 
Or il ne fait aucun doute que ces élections municipales seront un rendez-vous essentiel pour les militants nouveaux : tous les chiffres, même les plus pessimistes, montrent que le MoDem pèsera sur le premier tour, qu'il aura donc la possibilité de maintenir ses listes au second, soit pour une altière solitude, soit en vue d'une fusion avec un camp ou l'autre.
 
Le signal envoyé par Françoise de Panafieu à Marielle de Sarnez aujourd'hui en marge du Conseil de Paris indique avec clarté que les deux camps sont motivés.
 
Même entre 5 et 10%, les listes MoDem auront encore la faculté de fusionner ainsi pour le second tour.
 
Il y aura donc énormément d'élus MoDem après les prochaines élections municipales.
 
À coup sûr.
 
Quoique.
 
Les électeurs du MoDem, on l'a compris, ne seront guère enthousiastes devant la tambouille politique s'ils n'y trouvent pas leur pitance de propos nobles et de renouvellement.
 
Eh oui, le renouvellement des acteurs et des pratiques, thème central de la ligne éditoriale de Quitterie Delmas. On le taxe parfois de naïf ou de puéril ; et pourtant, les dernières élections l'ont démontré : ces souhaits de renouvellement sont ceux de toute la nouvelle génération d'électeurs, ceux parmi lesquels Bayrou a recueilli 26% des suffrages.
 
Il faut donc leur donner ce qu'ils attendent à juste titre : de vraies raisons de voter. Intégrité, environnement, renouvellement, pluralisme, justice... Et bien d'autres.
 
Quitterie Delmas se prépare à partir pour ses quartiers d'été avec une malle entière de livres, tous plus savants les uns que les autres. Objectif : sa ligne éditoriale de la saison prochaine.
 
Attendons-nous à y trouver les thèmes qui permettront aux MoDem de mettre le feu aux poudres de nos villes et de nos campagnes. 

25/06/2007

Pour comprendre le pouvoir : "Les grandes familles" de Maurice Druon.

Maurice Druon n'est pas un dangereux anarchiste, c'est le moins que l'on puisse dire. Homme de droite, conservateur, cultivant l'autorité, il a régné durant de longues années sur l'Académie française qui, comme chacun sait, n'est pas le royaume des progressistes. Comme l'écrivait Victor Hugo : "Les quarante fauteuils et le trône au milieu" (c'est un alexandrin).
 
Druon a une chance paradoxale dans la vie : être le neveu de l'immense journaliste et écrivain de talent qu'a été Joseph Kessel, dont j'ai parlé ici même. C'est avec Kessel que, dans l'exil londonien de la France Libre, il rédige l'inoubliable "Chant des partisans" sur lequel Anna Marly colle une musique rythmée et martiale. "Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines, ami entends-tu le cri sourd du pays qu'on enchaîne..." sont des paroles pour tous les temps.
 
Plus tard, Druon publie quelques romans, dont "Les Rois maudits" qui ont enchanté mon adolescence après que leur adaptation télévisée eut émerveillé mon enfance.
 
On a dit qu'il ne les avait pas rédigés seul ; il a rétorqué que le travail de ses nègres était si mauvais qu'il avait dû tout récrire. Peu importe.
 
Il sort aussi un étrange et charmant livre écolo pour enfant, "Tistou les Pouces verts" dont j'ai un exemplaire qu'il m'a dédicacé lors d'une vente de charité du PEN club en 1973.
 
Outre la saga des "Rois maudits" (avec son arrière-plan symbolique lié aux Templiers), son roman le plus important est "Les grandes familles".
 
Quand on lit le titre, on entend Herriot parler des "Deux cents familles". Il s'agit par exemple des Wendel, les fonderies, liés à l'ancien patron du Medef, le baron Sellières, mais aussi à l'épouse de l'ancien président Giscard d'Estaing née Anne-Aymone de Brantes, et encore aux Missoffe, dont la trace la plus visible pour un Parisien attentif à la politique est Françoise de Panafieu, née Missoffe.
 
On est ici dans ce qu'Arletty, dans un film dialogué par Jeanson, aurait appelé "la haute". Haute finance, haute administration, grande presse instrumentalisée, manoeuvres boursières brutales, rapacités de toute nature, exploitation de tous les rouages du pouvoir à fin personnelle, culture de la manipulation, mise en coupe réglée de la société par les sociétés, usage altier de la particule.
 
La sphère du pouvoir. Le vrai pouvoir. Celui de l'argent.
 
"Les forces de l'argent"... Quand Mitterrand prononçait ces mots dans un discours, on savait qu'il avait atteint le sommet de son éloquence. Il détestait l'argent ... des autres.
 
L'argent, la vraie puissance. L'argent qui achète, corrompt, asservit, avilit tout. Je revoyais hier soir la pièce "Volpone" adaptée par Jules Romain de Ben Johnson, auteur classique anglais. La hideur de l'argent s'y étale, sa puissance sur les âmes, surtout quand elles sont faibles.
 
En ce temps où l'argent redevient légitime, où s'enrichir est de nouveau le but de l'existence humaine, en ce temps où la Sarkozye se définit comme le royaume dont le prince est l'argent, il est urgent de relire "Les grandes familles".
 
Elles sont aux commandes.